lundi 23 mai 2011

Mohamed Bouazizi et Rosa Parks

Pour s’être porté au secours de la révolution américaine, le Général Lafayette (et tous ses descendants) fut honoré de la nationalité des Etats Unis. Ce geste unique attend toujours la réciproque.
Que Madame Naffissatou Diallo, encartée verte dans le Bronx soit par la volonté du peuple français naturalisée française avec ceux de sa lignée. Et ce sera justice.
Si de surcroît, la Fondation Jaurès lui propose un job et la mairie de Paris un appartement, le socialisme français s’en trouverait grandi.
Car il se pourrait bien qu’un tribunal américain dise bientôt que la femme de chambre a évité à la France d’être violée.


En regardant la semaine passée le Président Obama discourir sur la révolution arabe, j’ai cru qu’il parlait la langue de la France. Non pas comme un président qui fait son jogging à Manhattan affublé d’un Tshirt NYPolice et de Ray Ban, mais comme l’héritier d’une pensée, qui pendant des siècles, éclaira le monde avant de sombrer dans la décadence du fric et du mépris.
Mister President était calme, assuré, le geste rare, la voix posée, le regard balayant l’assistance au rythme de phrases courtes. Anglais compréhensible, sans accent, clair, précis. Pas de notes anti sèches, (peut-être) pas de prompteur. Un langage diplomatique direct.
Hommage aux arabes de la rue. Engagement solennel à soutenir les droits de l’homme et la société civile. Avertissement aux dictateurs. Et puis, énorme gâteau sous la cerise du soixante troisième anniversaire de la Nakba (catastrophe en arabe), l’injonction de retour aux frontières de 1967 pour permettre la création d’un Etat Palestinien souverain.

Obama n’avait pas terminé son discours que déjà les conservateurs israéliens criaient NON, les néoconservateurs américains et européens ajoutaient PAS QUESTION. Quant à leurs alliés objectifs, les pétro-monarques pétrifiés ; ils s’empressaient dans un réflexe pavlovien, de dénoncer un pénultième complot des « primates judéo sionistes » avant de donner consigne à leurs médias de parler plutôt du French FMI ou des noirs et des arabes dans le foot.
Ainsi toute la presse bienpensante s’accorda pour minimiser la déclaration d’Obama ou y dénicher des signes d’incohérences, de sans importances voire de perfidies. A Paris, le tricéphale Président provisoire du G8, du G20 et de la France, ne savait plus s’il fallait surenchérir ou réclamer de ne pas mettre tous les arabes dans le même panier de la révolution.
Finalement, il n’y a guère qu’à Tunis où l’on s’est réjoui discrètement. Au Caire pareillement, car aux deux milliards de dollars promis par Obama, les Saoudiens vexés se sont empressé d’en rajouter quatre.

L’anti-américanisme reste un sentiment profond que nul arabe ne dissimule. C’est un exutoire indispensable au même degré que l’amour du foot.
Pour ma part, je confesse le rouge au front, détester cordialement le ballon rond. Quant aux américains… Le peuple, comme tous les autres, est pluriel. Les présidents sont dissemblables. Bush n’est pas Obama, je crois.

Le discours prononcé le 19 mai était construit à partir d’un symbole fort. Le Président des Etats Unis a comparé l’immolé tunisien Mohamed Bouazizi à l’héroïne américaine Rosa Parks, une noire qui refusa un jour de décembre 1955 de quitter un siège réservé aux blancs dans un autobus. Ce geste de révolte inouï à l’époque provoqua le mouvement des droits civiques de Martin Luther King et fit basculer le pays dans une ère nouvelle.

Si Mohamed est Rosa ; si le sacrifice du marchand tunisien des quatre saisons est porteur du même souffle que le geste de la figure emblématique de la lutte contre la ségrégation raciale aux états unis, alors l’émancipation arabe est inéluctable. Tout du moins dans la perception de la Maison Blanche. Cette comparaison vaut raison d’espérer la solidarité des Américains. Dans ces moments fragiles, ce n’est pas rien ! Car sans l’appui de Washington, il est certain que le réveil arabe eut été étouffé.

Heureusement et à point nommé, la petite Tunisie, la grande Egypte et tous les révoltés des terres arabes, trouvent chez l’adversaire supposé le réconfort qu’ils attendaient de la France ; oublieuse de son Histoire, incapable d’en transposer les leçons !

Lafayette est aussi Américain.

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