vendredi 3 août 2018

Et c'est ainsi que Benalla est grand !

De mémoire d'oreilles vivantes jamais pareille cacophonie médiatique n'avait perturbé l'été. Cette affaire est celle de l'opacité et des cachotteries. Elle pue les non dits, les contre-vérités les aveux rétractées, les mensonges et les connivences. Ce scandale au sommet aura immanquablement des rebondissements au gré des cascades de révélations qu'elle promet.

La communication présidentielle en charge d'habiller la réalité et de travestir les enjeux politiques a disjoncté, elle a de surcroit perdu l'initiative du message d'enfumage estival. On se souvient que l'an dernier Nemo le chien faisait la une des médias, aujourd'hui, c'est Alexandre le gorille dont la notoriété éclipse largement celle du discret Édouard, Premier ministre de la France. Le protégé de Macron n'a pas fini de saturer l'actualité. L'accalmie du mois d'août est trompeuse car elle prépare les scoops de la rentrée avec la publication d'une avalanche de livres promis au succès. 
Les écrivants-reporters, les plumitifs amateurs, et les nègres professionnels  flairant le bon filon sont déjà à l'ouvrage. Ils investiguent et traquent les confidences avec fébrilité. Une course de vitesse est engagée. Les premiers édités seront les mieux payés. Déjà, sans perdre de temps, le héros lamentable, assisté d'un ancien journaliste sulfureux et de sa compère conseillère en publicité du couple présidentiel, a commencé à mitonner une autobiographie à faire pleurer dans les chaumières. * Le titre du best seller n'a pas été dévoilé, mais gageons que les droits payés à son auteur compenseront généreusement la perte de son job de nervi à cocarde. Le tirage record est assuré car les français sont avides de questions-réponses sur ce baratineur qui parle à l'oreille du Président de la République.

Mais d'où vient ce Benalla-là ?
Est-ce un descendant des ben Allah « fils de Dieu » patronyme souvent attribué aux enfants trouvés ? De ben Nahla « fils de palmier » ? De Ben Hala «  fils d'état catastrophique ?...Les déclinaisons arabes sont nombreuses et riches en élucubrations. Quant au prénom du sbire de Jupiter, il porte bien l'annonce de son destin : Alexö protecteur, andros hommes. Identité prédestinée de celui qui sous un costume sur mesure et une barbe soigneusement taillé rayonne d'ambitions à la hauteur du personnage grec. Autres suppositions : Alexandre serait la latinisation turquo-arabe d'Iskander ; ou alors sa maman était une fan de Claude François, comme lui immigrée d'Alexandrie ?.. Sur ce premier chapitre, on peut broder des pages exaltantes !

Pourtant, la presse people française est restée pudiquement discrète sur cette question. Cette posture responsable et vertueuse est peut-être tout simplement la conséquence de l'émancipation provisoire de l'opinion de la nation black-blanc-beur après la récente victoire des bleus. Les mots qui fâchent sont venus de quelques médias d’extrêmes droites et d'Algérie où un journal francophone a cru déceler en Benalla un binational franco-marocain chargé d'espionner l'Élysée pour le double compte d'Israël et du Maroc. Sur cette lancée, un autre affirmait l'avoir photographié au milieu des forces de police durant de la dernière manifestation d'étudiants en médecine.... à Alger. Alexô-manu serait un transfuge au don d'ubiquité ! Cet intérêt algérien contraste avec la passivité des autres pays arabes où la presse s'est contentée de reprendre succinctement les dépêches d'agences. Il faut dire que dans les dictatures du Moyen Orient, un estafier qui tabasse un vulgaire quidam...Y'a pas de quoi fouetter un chat !

Reste que l'origine arabe de cet homme de l'ombre renforce le mystère de l'affaire. Que le sous-chef-de-cabinet-chargé-de-mission-lieutenant-colonel- avec armes et pin-pon, se fut appelé Noël Flantier, Lucien Bramare ou Hubert Bonisseur de la Bath, alors l'affaire eut été moins piquante. L'ascension fulgurante d'un beur - fut-il  assimilé et franc-maçonné - dans le milieu fermé de la haute police dérangeait probablement les convenances de l'entre soi. C'est sans doute l'une des raisons pour lesquelles le plus proche des maillons faibles du Président a été piégé. Pourtant, le fusible n'a pas immédiatement sauté car Macron-patron l'a couvert et défendu bec et ongles. Cette posture n'aura qu'un temps. Alors au lieu d'attendre « qu'on vienne le chercher » pour être lapidé, le gendarme amateur serait bien inspiré de racheter sa conduite en démissionnant de la fonction publique avant de partir exercer ses talents dans une multinationale aux antipodes. En Nouvelle Calédonie, à Tahiti, en Tasmanie par exemple, là où sous les soleils mouillés de ces ciels brouillés... tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté. Il pourra tranquillement lire les OSS 117 de Jean Bruce, le voyage de Charles Baudelaire ou les chroniques d'Alexandre Vialatte...Afin qu'enfin soulagés de sa média-présence, nous puissions d'aise soupirer :
et c'est ainsi que Benalla est grand !






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