jeudi 30 novembre 2023

Palestine/Israel: la dictature des mots

 Écrire sur les abominations de Gaza est un exercice soumis à la dictature des mots. Cette sourde inquisition à bas bruit interdit tout débat et partant, entrave la liberté d’expression. 


Au préalable, il faut répondre à la question : condamnez-vous-le-Hamas ? Puis choisir un identifiant : extrémiste, islamo-fasciste, terroriste, bachibouzouk… Enfin, pour preuve que la réponse n’émane pas d’un robot il faudra bientôt  joindre son profil Linkedln et scanner son QR code comme pour les JO.


Fourberies

Pour autant, cet interrogatoire n’écarte pas totalement le soupçon de « takîya », fourberie religieuse bien connue qui autorise la dissimulation de sa foi pour éviter les persécutions. Elle n’est pas exclusive à l’islam. C’est même ainsi que les judéo-chrétiens ébionites et les crypto-juifs marranes ont survécu aux persécutions.

Heureusement, les subtilités de la langue française permettent de débusquer les « takîyati » parmi les plus malins dissimulateurs ! Je veux parler des juifs ou musulmans qui détournent la loi de leur religion pour se gaver de fruits de mer et de cochonnailles au prétexte d’apaiser les soupçons des inquisiteurs de tout ce qui pénètre ou sort d’entre les lèvres. 

Car il suffit d’un mot pour dévoiler ses convictions !


Israel

Il convient de dire « Israel » et non pas « l’État hébreu » car des esprits octogénaires pourraient connoter l’État de Tel Aviv avec celui de Vichy d’autant qu’un blagueur de France Inter a traité Netanyahu de « nazi sans prépuce ». Indignation générale et publicité imméritée !

En Europe sur les étalages de fruits et légumes on affiche la provenance « Israel ». En pays arabe on mentionne les mêmes produits mais avec l’origine  « territoires occupés » et dans les discussions au café, dans les médias, dans les déclarations de chefs d’États le nom du pays honni est remplacé par « occupant sioniste ». 

En taisant les mots, on les ignore, on esquisse, on évite de les combattre. 

Tout aussi insupportables sont les formules imposées. Ainsi en France, chaque membre du gouvernement qui parle d’Israel doit obligatoirement ajouter: « qui-a-le-droit-de-se-défendre » 


Droit de se défendre

Savoir si ce droit est légitime dans sa disproportion vengeresse est une question que posent quelques laïcs dotés de discernement. Les théologiens pour leur part,  sont divisés sur l’interprétation de la formule « oeil pour oeil » issue de la nuit des temps et dont on trouve la trace dans les textes sacrés des religions juive, chrétienne et musulmane. Le « droit-de-se-défendre » sous entendu de riposter sans mesure est  le retour à l’instinct primaire des bipèdes. Le fort vit du faible. Il impose sa loi. Mais la loi du talion dans l’empire de Babylone avait justement pour fonction d’individualiser la sanction et d’empêcher la punition collective. Avec l’adoption de cette loi, la tribu d’un animal tueur n’était plus exterminée, la famille de l’assassin n’était plus exécutée. Aujourd’hui, le spectacle des massacres de civils par les commandos du Hamas et la boucherie perpétrée par Israel à Gaza est une transgression de la loi du talion, c’est une régression de l’humanité de 5 000 ans !


Tsahal, Tel Aviv et l’ONU

L’armée israélienne se désigne comme une force de défense dont l’acronyme en hébreu est « Tsahal ». Ce nom est un marqueur pour celui qui l’emploie. Il est rarement écrit dans les journaux arabes qui lui préfèrent: « armée sioniste » ou « armée des forces d’occupation »


« Tel Aviv » est certes la capitale d’Israel  reconnue par l’ONU;  mais pas pour l’Amérique de Donald Trump et quelques pays affidés qui ont approuvé la décision du gouvernement israélien de transférer la capitale  à Jerusalem dite al Qods (le Saint) en arabe. 


Ne dites plus ONU, dites Doha. Lors d’une assemblée générale à New York,  le représentant d’Israel, étoile jaune au veston a réclamé la démission du secrétaire général de l’ONU qui avait osé rappeler une règle fondamentale: « aucune partie à un conflit armé n’est au-dessus du droit humanitaire international » 

Conséquence: pour négocier une trêve et l’échange de captifs, Netanyahu et Biden ont mandaté en lieu et place de l’ONU l’Émir de la monarchie gazière du Qatar. Ce choix n’est finalement pas saugrenu au constat que la guerre depuis l’Ukraine jusqu’à Gaza, en passant par le Yémen, le Soudan, le Liban, l’Afghanistan… est affaire de gaz dont Doha est incontestablement la capitale mondiale.


Génocide etc…

Doit-on utiliser le mot holocauste emprunté du grec plutôt que Shoah qui en hébreu veut dire la même chose mais avec une majuscule ? Shoah est exclu du dictionnaire arabe. 

Le terme génocide est tout aussi délicat à manier. Il fait référence aux exterminations de juifs par les nazis en Europe mais aussi au « pogrom » à l’envers commis par les supplétifs de l’armée israélienne à Sabra et Chatila au Liban en 1982. 

Faut-il parler de crimes de guerre plutôt que de crimes contre l’humanité ? Ces notions juridiques sur l’injustice humaine nourrissent les commentaires de la vision d’horreur des crânes fracassés et des nourrissons carbonisés diffusée sur les médias arabes et occidentaux. 

Faut-il écrire Palestinien au singulier avec majuscule ce qui sous entend « la cause »,  plutôt qu’au pluriel avec minuscule ? Peut-on occulter les exécutions sommaires quotidiennes de jeunes palestiniens en Cisjordanie par les colons bénéficiant d’une totale impunité en écrivant qu’Israel est en guerre avec le seul Hamas ?


Hamas

Hamas: prononciation en français: Amas, prononciation en arabe : Hhamas, prononciation en hébreu: Khaamas.  Pour les pays arabes, africains, asiatiques, d’Amérique latine, la Suisse… c’est un mouvement de libération nationaliste islamiste. Pour les autres: USA, Canada, Europe, Japon, Australie…  c’est une organisation terroriste dont la fréquentation est toxique. Pourtant, la  branche « politique » du Hamas tient pignon sur rue à Doha au Qatar à moins de 30km de la plus grande base militaire américaine du Moyen-Orient. Pourtant, sous protection diplomatique, ses représentants font la navette avec Gaza et discutent avec tous ceux qui traitent leurs frères de terroristes. Il y aurait donc des gentils Hamas.


Sioniste et islamistes

Le sionisme est le mouvement à l’origine de la fondation d’un état juif autour de la colline de Sion près de Jérusalem. Depuis, les fondamentalistes sionistes soutenus par les évangélistes américains, ont élargi leur prétention à la souveraineté de toutes les terres comprises entre le Jourdain et la mer. Les islamistes palestiniens ont exactement la même revendication. Les uns veulent déporter les arabes, les autres bouter les juifs hors de Palestine. Chacun campe sur la divine volonté et comme le dit Pierre Conesa, « Avec Dieu, on ne discute pas » Impuissants, les modérés  prêchent - dans le désert - en faveur d'une cohabitation ou du partage en deux états qui devient de plus en plus illusoire.


Les sémites

« L’antisionisme est une des formes modernes de l’antisémitisme » a dit Emmanuel Macron . En France l’antisémitisme est un racisme passible des tribunaux.

Les sionistes, largement représentés au parlement et au gouvernement considèrent toute critique d’Israel comme antisémite. Cette paranoïa contagieuse cherche à diviser la nation à des fins électoralistes. En chaque arabe, ils soupçonnent le « terroriste ». 

En Afrique du Nord, la stigmatisation est inverse. Ainsi, la Tunisie a envisagé d’amender sa constitution pour criminaliser toute relation - même culturelle ou sportive - avec « l’entité sioniste ».


Les peuples phéniciens, arabes, hébreux… à l’origine des trois religions monothéistes étaient tous des sémites. 

Descendant d’eux, Amin Maalouf le secrétaire perpétuel de l’Académie française est libre, indépendant, immortel…il connait l’Histoire profonde, il sait peser ses mots.  Au constat que les hommes déshumanisés ne savent plus faire la paix il alerte :  « Nous marchons comme des somnambules vers un affrontement planétaire »