dimanche 25 novembre 2018

L'aéro-diplomatie de ben Salman en Tunisie et Algérie

La diplomatie ne peut s'affranchir des contraintes de la géographie. L'Argentine est à 20 heures d'avion de l'Arabie. Cette distance est infranchissable sans escale. Le Prince Mohamed ben Salman (MbS) s'est donc trouvé face à un banal problème de plan de vol pour se rendre au G20 de Buenos Aires jeudi prochain.

Pas question de se poser en Europe où le protocole eut exigé une rencontre au sommet. Or, ni Macron, ni May, ni le roi d'Espagne ne montraient d'empressement pour recevoir inopinément le prince sanglant. En Afrique du Nord, si le Président algérien Bouteflika a fait un signe du doigt qui a été positivement interprété, son voisin le roi du Maroc a retenu son enthousiasme, arguant une indisposition passagère et la charge de son agenda. Seul, le Président salafiste de la Mauritanie s'est précipité pour dérouler le tapis rouge.

En Tunisie, à Carthage et à la Kasbah, on a levé les bras au ciel. Mais les caisses étant vides, il était difficile de faire la fine bouche. Pour quelques milliards de plus mais à contre cœur, l'encombrant touriste sera finalement le bienvenu. Devant l'aérogare pavoisée aux couleurs croisées du sabre et de la liberté, Président et chef de gouvernement seront sagement alignés avec les corps constitués. Les sourires seront crispés. Ce sera la première fois que MbS serrera la main d'autant de démocrates arabes. La contagion est improbable.

Au retour d'Argentine, le problème de la logistique aéro-diplomatique se posera à nouveau.
À moins que d'ici là, MbS ne soit retenu par la justice dans quelque pays vertueux ! C'est une extravagante hypothèse qui fait les délices de la presse algérienne...et la notre.


jeudi 22 novembre 2018

En attendant l'accolade entre Macron et ben Salman au G20

Le meurtre abject du consulat d'Istanbul a révélé la sinistre face d'une médaille à l'effigie du prince sanglant Mohamed ben Salman dont l'avers est la guerre du Yémen. Il est l'expression d'une politique délibérée d'un État qui gouverne par l'effroi.

Permis d'assassiner
La plupart des chefs d'États détiennent le privilège exorbitant de pouvoir décider de tuer en toute impunité au prétexte de lutte contre le terrorisme. Les Américains admettent la pratique de « meurtres ciblés », les Israéliens parlent de « prévention ciblée », les Français « d'opérations homo » (pour homicide). Hollande en aurait ordonné 40, Obama plus de 300, le record serait détenu par Netanyahou. Quel est le « score » des Russes, des Chinois, des Pakistanais et des autres ? Il n'existe aucune estimation à l'échelle mondiale. 
Ces meurtres dans l'ombre pour des mauvaises raisons d'état soulèvent des questions de droit dont les limites de tolérance par l'opinion des réseaux sociaux mondialisés ont sans doute été atteintes avec le martyr de Jamal Khashoggi.

La politique de la terreur
La longue préméditation, le lieu et le mode opératoire attestent que le crime avait pour objectif de terroriser. Le banal accident de voiture ou la rupture d'anévrisme provoqué n'ont sans doute jamais été envisagés car ce sont des procédés de « civilisés ». MBS ne recherchait pas seulement la neutralisation d'un opposant mais l'exemplarité d'un supplicié. « Rapportez moi la tête de ce chien » aurait-il ordonné. Pour que chacun comprenne que nul en aucun lieu n'est à l'abri de mes foudres a t-il peut-être ajouté. Le message a été entendu au delà de ses espérances. De ce point de vue ce meurtre est un succès qui consacre MBS comme l'homme le plus redouté, donc le plus puissant de la terre. Cette stratégie du coup de folie imprévisible est sa marque. Il l'a employé en toute impunité pour envahir le Yémen, isoler le Qatar, kidnapper le Premier ministre libanais, enfermer, fouetter, torturer, étêter ses sujets...
Il y a 600 ans, Tamerlan massacra 5% de la population mondiale. Il sabrait pour édifier des pyramides de crânes. Au Yémen, ben Salman marche sur les pas de l'illustre sanguinaire Timouride. Kamel Daoud a raison, l'Arabie Saoudite est un Daech qui a réussi.

La France vénale
Le quasi génocide du Yémen par les armes et par la faim est couvert par la lâcheté internationale qui encaisse le prix de sa complicité : 110 milliards d'armements pour les États-Unis, 5 pour la Grande Bretagne, et des grosses miettes pour Israel, l'Afrique du Sud, la Russie, l'Ukraine, l'Italie... En France, 100 000 ouvriers et techniciens bien payés travaillent pour l'industrie de guerre de l'Arabie et des Emirats Arabes Unis. Les professionnels de l'armement argumentent : si ce n'est pas nous, d'autres profiteront de ces marchés aux marges fabuleuses. Le constat est déprimant. La nation de la proclamation des principes vertueux est avant tout vénale.
Contrairement à ses partenaires européens il est vrai plus prospères - Suède, Pays Bas, Wallonie, Finlande, Autriche, Allemagne -, et même l'infortunée Grèce, qui appliquent l'esprit et la lettre des traités sur les armes qu'ils ont ratifié, la France transgresse ses engagements et cherche à profiter de l'aubaine. Avec constance, les conseillers de Matignon et de l'Élysée murmurent à l'oreille du Prince « nous on ne vous laissera pas tomber, nous, on est des vrais alliés ».

L'axe Paris Riyad
La ministre de la guerre Florence Parly feint d'ignorer le carnage pendant qu'au Quai d'Orsay, Jean-Yves Le Drian a oublié d'entendre ce que rapportent les services de renseignement. La ligne diplomatique du gouvernement est celle des trois singes : pas voir, pas entendre, pas parler. Et par dessus le marché, discrètement elle censure. L'axe Paris Riyad est inébranlable au point d'avoir provoqué quelques frictions avec Berlin et Washington.
À propos du Yémen, Macron a refusé de suivre l'exemple de Merkel. Pour autant, la décision allemande de stopper ses livraisons à l'Arabie impacte les exportations françaises dont la plupart des systèmes sont motorisés outre Rhin. Et pour compenser la décision des Etats-Unis de clouer au sol les avions ravitailleurs saoudiens qui permettaient à l'Arabie et aux Emirats Arabes Unis de bombarder le Yémen, Paris a aussitôt proposé de renforcer la logistique française pour augmenter la disponibilité des Airbus MRTT vendus au Royaume.
Il ne faut pas confondre Yémen et Khassoggi argumente Macron. Sur le Yémen il a le toupet d'affirmer que l'Arabie agressée est en état de légitime défense « la France a une position claire qui d’ailleurs l’a conduite dès le début du conflit à échanger des informations et se tenir aux côtés de l’Arabie saoudite pour assurer sa sécurité face aux tirs balistiques dont elle faisait l’objet » ( Élysée avril 2018). Sur le meurtre du journaliste, il n'est pas loin d'adopter la dernier version abracadabrantesque d'une « opération incontrôlées des services de renseignements » avancée par les Saoudiens pour écarter la responsabilité de l'intouchable Prince héritier.

La descente aux enfers de MBS
Selon le Washington Post, l'enquête de la CIA démontre que Mohamed ben Salman, a personnellement ordonné l'assassinat de Jamal Khashoggi. Pour Trump, ce n'est pas probant.
On pourrait chercher dans cette affaire l'illustration des dissensions internes au sein de l'administration US ; entre ceux qui soutiennent inconditionnellement l'Arabie et ceux qui trouvent que les bornes ont été dépassées ; entre les démocrates qui ont profité des largesses saoudiennes et les républicains qui en réclament... L'important est que la majorité de l'opinion a pris conscience qu'elle ne pouvait plus flirter avec le diable quelque soient ses prodigalités et que pour conjurer le risque d'un nouveau 11 septembre, il fallait pouvoir compter sur des alliés fiables. La justice y pourvoira peut-être car si la famille Kashoggi dépose plainte aux États-Unis, l'avenir des ben Salman pourrait devenir très compliqué. 

Pour l'Amérique et le reste du monde des croyants, MBS s'est comporté en mécréant. Consternés, les musulmans observent que la terre sacrée du prophète est tombée entre les mains d'une dynastie de moins que rien. Car à l'ignoble découpage à la scie prémédité s'ajoute la profanation du corps de la victime par dissolution chimique. Haram ! Enfin, le prince bourreau a eu l'aplomb de convoquer les enfants de la victime  pour feindre la compassion, avant d'ordonner (pour se racheter ?) qu'on dise à La Mecque et à Médine des prières pour l'âme du défunt dissous. Hachouma ! Cette cascade d'ignominies l'exclut définitivement du monde des croyants.

Le rabibocheur à la manœuvre !
Bien téméraire sera celui qui le premier osera donner l'accolade à ben Salman. Le Prince sanglant n'est plus fréquentable. C'est un paria, un « Bachar », un « Kim Jong » première période. Il a réduit l'influence de son pays à celui du Soudan dont le Président Omar el Béchir, condamné il y a dix ans par la CPI reste depuis, par prudence, confiné dans son pays. Mais au lieu d'aller s'isoler sur son île des Maldives le temps de laisser passer l'orage, Mohamed ben Salman, encouragé par Trump et le clan des Israéliens de la Maison Blanche a annoncé qu'il participerait en personne au prochain sommet du G20 qui aura lieu à Buenos Aires dans une semaine. Fera t-il escale à Paris ?
Branle-bas de combat à l'Élysée où tous les diplomates sont sur le pont.
On attend avec impatience l'art et la manière que déploiera Macron pour restaurer l'honorabilité de son précieux client sur la scène internationale. À la table du G20, le Président français sera placé à coté du paria.


    https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2017/01/04/francois-hollande-et-le-permis-de-tuer_5057277_1653578.html
    https://ronenbergman.com/
    https://www.geostrategia.fr/droit-de-la-guerre-ou-guerre-du-droit-reflexion-francaise-sur-le-lawfare/
    https://www.letemps.ch/opinions/larabie-saoudite-un-daech-reussi
    http://prochetmoyen-orient.ch/retour-a-la-censure-en-france-ou-letrange-monsieur-araud/

lundi 22 octobre 2018

Ben Salman, prince saignant d'Arabie


Pourquoi le meurtre du journaliste saoudien au consulat d'Istanbul a t-il pris des dimensions inédites au point de provoquer des réactions d'indignation planétaires ? Ce n'est pas la première fois qu'un tyran trucide un opposant ! Par comparaison, au moment où Jamal Khashoggi était assassiné, Kim Jong Yong le Président d'Interpol disparaissait corps et âme dans son propre pays sans pour autant émouvoir aucune chancellerie ni chef d'Etat.

L'agenda mi-mandat
Khashoggi a mis le feu à la maison Blanche d'où Trump a twitté fébrilement avant de dépêcher en urgence à Riyad son secrétaire d'Etat Mike Pompeo avec mission d'intimer au Roi de (nous) sortir de ce guêpier. Il faut dire que l'Arabie est probablement le seul sujet de politique étrangère auquel s'intéresse l'opinion américaine qui n'a toujours pas digéré l'impunité saoudienne de l'après 11 septembre. La cicatrice qui vient de se rouvrir menaçait de faire des ravages aux élections de mi-mandat. Un impératif d'agenda imposait donc à Trump de se démarquer de son « ami » saoudien et de punir MBS avant le 6 novembre pour satisfaire un électorat chauffé à blanc par la turpitude criminelle de son meilleur allié arabe. Il convenait de doser la riposte de la maison Blanche au gré de l'impact de l'évènement dans les sondages.

MBS carbonisé
Aux États Unis, dans la galerie de portraits des arabes sanguinaires, MBS a rejoint Bagdadi et Binladen. Sa chute vertigineuse est à la mesure de la formidable propagande qui avait accompagné sa tournée de trois semaines au printemps dernier. Il avait alors sillonné la Californie, rencontré les tycoons de la Silicon Valley, multiplié les risettes et les promesses d'investissements. Dubitatifs, les yankee avaient finalement été séduits par ce « good guy » économe de ses mots qui semblait parler la langue du business. Patatrac ! La révoltante affaire d'Istanbul l'a fait dégringoler de son piedestal. Plus personne ne veut se faire selfier avec le Prince saignant. Les milliardaires de la nouvelle économie, les Google, Uber et autres Amazon qui cultivent des valeurs non négociables ont rapidement pris le parti unanime de leurs réseaux sociaux. Richard Branson de Virgin a été le premier à donner le signal, ses pairs l'on imité dans la foulée, renonçant à participer au gigantesque forum mondial de l'économie de Riyad du 27 octobre. L'effet domino a entrainé les banquiers et les industriels. Le secrétaire au Trésor US a annulé son voyage, avant de se raviser. L'Allemagne a gelé ses exportations d'armes. En France, le Président Macron est resté discret dans l'attente de l'inauguration cette semaine au Bourget du plus important salon mondial de la défense en mer. Euronaval  : 470 exposants 25 000 visiteurs, 90 délégations officielles dont celle très courtisée de la Marine royale saoudienne. On y parlera de ses exploits au Yémen.

L'introuvable sortie de crise
Il n'est pas certain que le remplacement programmé de MBS par son frère Khaled ambassadeur à Washington, suffise à calmer la fureur générale. Le nouveau pouvoir devra dans cette hypothèse donner des gages de tempérance en cessant le feu au Yémen, en ouvrant les cages de milliers de prisonniers politiques, en arrêtant de harceler le Qatar, en permettant aux 8 000 princes de respirer. Ceci marquerait l'abandon de la politique d'intimidation et de violence pratiquée cyniquement depuis quatre ans. Autres éventualités : le roi pourrait subitement abdiquer ou opportunément cesser de respirer. Un coup de palais pourrait le chasser...Dans l'un des pays les plus opaques du monde, il n'est pas facile de lire l'avenir. Mais de tous les scénarios, le pire serait le statu quo. Au plan diplomatique, il serait extravagant que MBS aille tranquillement siéger à la réunion du G20 le 30 novembre prochain à Buenos Aires !

Les Benala de ben Salman
Pour gagner du temps et tenter de désamorcer la campagne médiatique, des boucs émissaires ont été extirpés du chapeau. Les 18 Benala du Prince ont été arrêtés. Ils seront sabrés. En passant, cette fable de la bavure à l'insu du plein gré de MBS discrédite totalement les services secrets saoudiens qui passent pour des Pieds nickelés. À l'inverse, leurs collègues et rivaux turques font figure de champions. Pire, elle laisse imaginer que le Prince héritier en son royaume n'est pas obéi.
À l'étranger, MBS conserve le soutien inconditionnel des Émirats Arabes Uni qui au prétexte de lui prêter main forte contre les Houthis au Yémen, ont discrètement installé des bases militaires à Aden, à Socotra et sur plusieurs atolls ; l'ambition d'Abu Dhabi étant de créer en mer d'Oman et en mer Rouge un chapelet de comptoirs inféodés. Cette vision stratégique impériale régionale est partagée par Israël, l'Europe et les Etats Unis car elle permettrait de renforcer la sécurité de la route du pétrole, d'isoler d'avantage l'Iran et de contenir les ambitions chinoises.

Trump à la manoeuvre
Enfin, la menace de mise au ban de MBS inquiète aussi les dictateurs arabes qui ont tous renouvelé publiquement leur solidarité avec Riyad, se souvenant que le printemps des soulèvements en 2011 avait été provoqué par un fait divers. Entre Bouazizi à Sidi Bouzid et Khashoggi à Istanbul, l'analogie est facile. Tout comme le régime mafieux de Ben Ali en 2011, la dynastie des Salman apparait aujourd'hui proche de sa déchéance. Il y a des signes faibles qui ne trompent pas. À Riyad le secrétaire d'Etat Pompeo a protocolairement mais très furtivement rencontré (moins de 15 minutes) le Prince saignant. Dans la foulée et pour manifester sa résistance, MBS a longuement reçu l'envoyé de Poutine. Ce n'est que de l'esbroufe diplomatique car les Saoudiens savent bien qu'il n'y a aucune alternative immédiate au protectorat américain sans lequel leur pays s'effondrerait en moins de deux semaines. C'est ce qu'a très justement (pour cette fois) rappelé Donald Trump.

dimanche 14 octobre 2018

Yémen le grand massacre à huis clos


En moins de trois ans de règne par procuration, le Prince héritier Mohamed ben Salman a rejoint le cénacle des tyrans de ce monde. Au rythme de ses derniers exploits, la place qu'il laissera dans l'histoire sera celle du pire sanguinaire de son époque. Il est temps que Trump change d'ami.

L'holocauste du Yémen
Dés 1941, tous les services de renseignements alliés savaient. En 1942 le journaliste Varian Free le révélait. Pourtant, refusant de voir l'horreur, le monde s'obstinait à regarder ailleurs. Comparaison n'est pas raison. Et pourtant, l'holocauste à huis clos du Yémen est pareillement escamoté par une formidable propagande qui nie l'évidence des massacres de masse et présente les agresseurs en victimes.
Pour la grande presse largement influencée par les agences de communication d'Arabie et des Emirats Arabes Unis la guerre du Yémen est décrite comme une simple opération de maintien de l'ordre conduite par « une coalition venu prêter main forte à un gouvernement légal au prise avec des rebelles des milices houthis ». Récemment, un quotidien francophone mal informé ou très bien payé, déplorait que ce conflit fasse « des dizaines de victimes ».
Une autre presse de la même veine, citant l'ONU, persistait à dénombrer très exactement 6 752 morts ; sans toutefois préciser que ce macabre recensement des victimes avérées était assorti d'un avertissement estimant que la réalité était probablement très supérieure à ce chiffre.

16 500 raids aériens soit un toute les 90 minutes 
Depuis tois ans, jours et nuits, 400 chasseurs bombardiers des Emirats arabes Unis et d'Arabie Saoudite pilonnent le Yémen y compris Sanaa, la capitale, 2 millions d'habitants, Taez, 600 000 habitants, Hodeidah 400 000 habitants et quelques autres villes et villages innombrables. Tous les réseaux de vie et les infrastructures de transports ont été réduits en cendres. Des quartiers entiers ont été rasés ; écoles et hôpitaux ne sont pas épargnés. Les ONG médicales et même la Croix Rouge ont jeté l'éponge en raison de l'hostilité des belligérants à leurs égard. Seul le Croissant Rouge opère encore à Aden, zone occupée par les Émirats Arabes Unis. Comme la population dépend à 90% de l'aide alimentaire extérieure, le blocus de la coalition Saoudo-émirienne a provoqué famines et épidémies. Comble de la duplicité, l'Arabie Saoudite achemine quelques secours très médiatisés à des hordes d'affamés reconnaissants.

500 000 victimes
Jusqu'à une date récente, l'ampleur du massacre avait été dissimulé à l'opinion par une propagande diplomatique et médiatique insensée. Chaque défi aux droits humains élémentaires étant compensé par un achat d'armement, alors aucun chef d'État ne voulait se fâcher avec un client en or. Pire, lorsqu'un missile prétendument tiré du Yémen faisait long feu dans le désert saoudien, les gouvernements occidentaux à l'unisson du Quai d'Orsay se fendaient d'un communiqué d'indignation et de soutien aux « agressés ».
Mais depuis que le chiffre d'un demi million de victimes hante les chancelleries bien informées, les « amis » de MBS sont pris de hauts-le-cœur et de nausées. Le crime contre l'humanité est avéré. Les complices seront cités. Il suffit de lire entre les lignes le récent rapport de la mission d'enquête de l'ONU. Son courageux Président, Kamel Jendoubi, illustre juriste d'une parfaite intégrité a fait l'objet d'une ignominieuse campagne orchestrée par l'Arabie Saoudite sur les réseaux sociaux. À tel point que ses amis craignant pour sa vie ont pris l'initiative d'alerter l'opinion par voix de pétition.

Un mort de trop
L'assassinat prémédité dans d'atroces conditions du journaliste Jamal Khashoggi à Istanboul s'inscrit dans cette même politique du règne de l'intimidation par la terreur. Le bombardement délibéré de rassemblements de civils au Yémen : mariage, enterrement, bus scolaire, hôpital, école ...La séquestration contre rançon de milliardaires et de dignitaires saoudiens, le rapt du chef du gouvernement libanais, le blocus du Qatar, l'enlèvement et la disparition de milliers de citoyens mal pensants sont autant de mesures destinées à figer toute contestation. Le nouveau Tamerlan saoudien, ne supporte pas que des yeux se lèvent sur son passage. Jamal Khashoggi était du sérail, journaliste de carrière, familier des services secrets du royaume, proche des Princes en disgrâce, il s'était exilé à New York d'où il dénonçait la guerre et les persécutions. Sa liberté de ton donnait des boutons au Prince régnant qui a ordonné pour l'exemple son exécution. Las, ce qui devait servir d'avertissement aux transfuges et aux dissidents s'est retourné contre son auteur. MBS est désormais mondialement abhorré. Trump lui-même est en train de le lâcher. L'épisode de son règne funeste va t-il s'achever ? La branche des Salman sera t-elle coupée ? Il est plus probable qu'un Prince chasse l'autre et que l'actuel ambassadeur saoudien à Washington, Khaled fils du Roi Salman remplace son frère indigne comme héritier de la couronne. À condition toutefois que la commande saoudienne aux USA de 110 milliards de dollars d'armements soit confirmée. Cela va de soi.








jeudi 9 août 2018

Canada et Arabie Badawi

Hommage à Chrystia Freeland, la bien nommée native de Rivière-la-Paix. Elle est ministre des Affaires étrangère du Canada, terre d'asile de ceux qui fuient la barbarie. Son nom sera à jamais associé à celui de Badawi. Badawi, le Gandhi de l'Arabie. En langue arabe, ce patronyme se décline et se conjugue désormais à tous les temps ; c'est un mot nouveau qui exprime à la fois le courage, la justice et la liberté.
Chacun connait l'histoire de ce paisible blogger saoudien emprisonné et fouetté en place publique. Son épouse Ensaf, réfugiée avec ses trois enfants à Montréal, se bat inlassablement pour la libération de Raif et de ses proches persécutée : frères, sœurs, cousins, copains... Les pays signataires de la déclaration des droits de l'Homme sont indifférents à l'exception de la Suède, de l'Allemagne, de la Suisse et du Canada.


Indignée par les nouvelles arrestations de Badawi, l'Honorable dame Freeland a publiquement appelé le Royaume d'Arabie à libérer les emprisonnés de Riyad. Alors, répondant à l'audace de cette « intolérable ingérence », le roi et le petit prince ont donné 24 heures à l'ambassadeur du Canada pour faire ses valises. Puis, pour faire bonne mesure, ils ont gelé toutes les transactions commerciales et financières avec Ottawa, rappelé les quelques 7 000 étudiants boursiers et leurs familles, suspendu les relations aériennes, convoqué tous les pays arabes à se solidariser et déclenché un campagne médiatique en faveur ... du Quebec libre ! Et comme dame Freeland refusait d'aller baiser les babouches de l'offensé, le roi a ordonné à ses sujets malades s'aller se faire soigner hors du Canada et il a déclenché un mini crach à la bourse de Toronto en bradant massivement quelques millions de titres.


Malgré la canicule, ces gesticulations ont été accueillies avec sans-froid. Hors la réaction bien sentie de quelques chroniqueurs de la presse canadienne, la nouvelle a été reléguée en quatrième de couverture alors qu'elle faisait la une des journaux en Arabie. À Ottawa, un porte parole a sobrement réagit en quelques mots : « Canada will continue to advocate for human rights and for the brave women and men who push for these fundamental rights around the world ». Et d'entonner in petto et in french l'hymne national: ô Canada toujours guidé par sa lumière, gardera l'honneur de son drapeau !
Les échanges commerciaux entre les deux pays sont modestes, à peine quelques petits milliards. Le pays des caribous n'a pas besoin du pétrole et du gaz arabe alors que les saoudiens raffolent du sirop d'érable et fréquentent massivement les universités et les cliniques canadiennes. L'affaire est donc en apparence dérisoire d'autant que l'ire de Riyadh ne concerne pas la livraison à l'armée saoudienne de 900 blindés au prix de 14 milliards de dollars destinés à massacrer les yéménites. Le fabuleux contrat ne paraît pas menacé car les industries d'armements canadiennes sont pour la plupart des filiales de groupes US. Au pire, le marché sera repris par la maison mère et sous traité de l'autre coté de la frontière.

Fort de son expérience de fâcherie avec le Qatar qui a pourtant tourné au fiasco, Riyad a également intimé à tous ses pays vassaux d'adopter la même posture indignée. Alors, le « Parlement arabe » ; instance provisoire depuis 2001 où siègent 67 parlementaires fantômes désignés par 22 dictatures et deux démocraties en devenir, a immédiatement rugit...dans l'indifférence générale.
Le message de menace « ubi et orbi » du monarque wahhabite n'a pas d'avantage perturbé les vacances des grands qui ont repoussé à la rentrée l'examen de cette délicate guéguerre entre caribous et camélidés. Il est urgent d'attendre. À Washington on joue au golf, à Brégançon on fait la planche, à Bruxelles on s'informe, à Moscou, une porte parole a sentencieusement déclaré « l'instrumentalisation politique des droits humains est inacceptable ».

Décryptage
Au delà de ce qui pourrait apparaître comme une crise diplomatique sans conséquences provoquée par un roi sénile et son héritier juvénile, l'affaire Badawi ô Canada suscite une autre interprétation. 
En Arabie sous protectorat des États Unis, nul ne peut imaginer que les Salman père et fils (respectivement, monarque, héritier et ambassadeur à Washington), n'aient pas avisé Donald Trump ou son conseiller Jared Kushner de leur projet d'expulser l'ambassadeur du Canada. Ce feu vert extravagant de la Maison Blanche prolonge au delà du cercle restreint du G7 les conséquences du fiasco de la réunion d'Ottawa en juin dernier et fracture à un moindre coût le puzzle de la diplomatie multilatérale.

On vous achète au prix fort l'impunité de torturer nos sujets et de massacrer nos voisins, alors taisez-vous ! Quelle sera la réplique du monde des libertés à l'arrogance de Salman ? Viendra t-elle de Londres comme en quarante ? Theresa May n'est pas Churchill. Pourtant, nul doute que la Reine Elisabeth, le Prince Philip et leurs 2,3 milliards de sujets dans les 53 pays solidaires du Commonwealth sont extremely shoked par ce chantage insensé.

Badawi n'est pas seulement l'icône de la résistance à la barbarie en Arabie, il est le marqueur de la ligne de démarcation entre les états respectueux des droits humains et les voyoucraties.
Être ou ne pas être Badawi telle est la question du moment !


Bis repetita
cette affaire est le rebondissement de celle de 2015 publiée sous le titre  « L'horreur d'Arabie, l'honneur de la Suède »


Rahif Badawi 31 ans, blogueur. Pour avoir clamé la vérité a été condamné à dix ans de prison et 1000 coups de fouet. Walid Abu Al-Khair, son avocat a été condamné à quinze ans mais dispensé de flagellation.
Le 16 janvier 2015, Rahif Badawi recevait le fouet en place public. Les images faisaient le tour de la terre. Dix jours plus tard, le nouveau roi Salman était intronisé. On s'attendait à un geste de clémence, il n'en fut rien. Sourd aux appels du couple Obama, de Merkel et même du Prince Charles, Riyadh laissa entendre qu'un nouveau procès pour apostasie aurait lieu afin de décapiter proprement les deux empêcheurs de penser en rond. A Berlin, on a hoqueté. Le vice-chancellier dépêché à Riyad a signifié le gel d'un contrat d'armement.
A Stockholm, où l'un des condamnés avait été distingué en 2012 du prestigieux Prix Olof Palme, on a manifesté.  La ministre des Affaires Etrangère Madame Margot Wallström a décidé de faire part de la mauvaise humeur de son pays lors d'un sommet de la Ligue Arabe où elle était invitée. Mais au dernier moment, elle a été empêchée de prononcer son discours par les manœuvres en coulisse des Saoudiens. Alors elle s'est fâchée tout rouge : rupture de la coopération militaire avec l'Arabie ! Le geste n'est pas symbolique car la Suède, ce n'est pas seulement Nokia et Ikea, c'est aussi Ericsson, Volvo et surtout Saab, un groupe de 13 mille ouvriers qui fabrique des sous marins, de l'artillerie, des drones et des avions de chasse. La Suède c'est la 22ème puissance économique mondiale, et sa ministre des Affaires étrangères n'est pas une godiche de l'année! Agée de 60 ans, Margot Wallström a été Commissaire Européen, Vice-Présidente de la Commission Européenne, Représentante Spéciale du Secrétaire Générale de l'ONU... Sur la scène diplomatique mondiale, c'est une actrice de premier plan. Elle vient de donner une magistrale leçon de morale, inédite dans l'histoire des relations internationales.
 Mais pour les Saoud, elle n'est qu'une femelle dévoilée. L'affront était trop grand, le roi Salman et sa cour sont entrés en rage. Rappel de l'ambassadeur, injonction aux pays vassaux de faire de même. Campagne de presse, appel au boycott, suspension et annulation des visas de voyages... Parallèlement, les Saoudiens ont demandé aux pays Européens « amis » de se démarquer.
L'ambassadeur de France à Riyad a réuni le club des hommes d'affaires dont le président a fort opportunément rappelé que 80 sociétés françaises ont investi 15 milliards de dollars en Arabie où elles emploient plus de 27 000 personnes...Bref, la France jette une verre d'eau d'eau sur l'allumette suédoise. La solidarité européenne attendra.


vendredi 3 août 2018

Et c'est ainsi que Benalla est grand !

De mémoire d'oreilles vivantes jamais pareille cacophonie médiatique n'avait perturbé l'été. Cette affaire est celle de l'opacité et des cachotteries. Elle pue les non dits, les contre-vérités les aveux rétractées, les mensonges et les connivences. Ce scandale au sommet aura immanquablement des rebondissements au gré des cascades de révélations qu'elle promet.

La communication présidentielle en charge d'habiller la réalité et de travestir les enjeux politiques a disjoncté, elle a de surcroit perdu l'initiative du message d'enfumage estival. On se souvient que l'an dernier Nemo le chien faisait la une des médias, aujourd'hui, c'est Alexandre le gorille dont la notoriété éclipse largement celle du discret Édouard, Premier ministre de la France. Le protégé de Macron n'a pas fini de saturer l'actualité. L'accalmie du mois d'août est trompeuse car elle prépare les scoops de la rentrée avec la publication d'une avalanche de livres promis au succès. 
Les écrivants-reporters, les plumitifs amateurs, et les nègres professionnels  flairant le bon filon sont déjà à l'ouvrage. Ils investiguent et traquent les confidences avec fébrilité. Une course de vitesse est engagée. Les premiers édités seront les mieux payés. Déjà, sans perdre de temps, le héros lamentable, assisté d'un ancien journaliste sulfureux et de sa compère conseillère en publicité du couple présidentiel, a commencé à mitonner une autobiographie à faire pleurer dans les chaumières. * Le titre du best seller n'a pas été dévoilé, mais gageons que les droits payés à son auteur compenseront généreusement la perte de son job de nervi à cocarde. Le tirage record est assuré car les français sont avides de questions-réponses sur ce baratineur qui parle à l'oreille du Président de la République.

Mais d'où vient ce Benalla-là ?
Est-ce un descendant des ben Allah « fils de Dieu » patronyme souvent attribué aux enfants trouvés ? De ben Nahla « fils de palmier » ? De Ben Hala «  fils d'état catastrophique ?...Les déclinaisons arabes sont nombreuses et riches en élucubrations. Quant au prénom du sbire de Jupiter, il porte bien l'annonce de son destin : Alexö protecteur, andros hommes. Identité prédestinée de celui qui sous un costume sur mesure et une barbe soigneusement taillé rayonne d'ambitions à la hauteur du personnage grec. Autres suppositions : Alexandre serait la latinisation turquo-arabe d'Iskander ; ou alors sa maman était une fan de Claude François, comme lui immigrée d'Alexandrie ?.. Sur ce premier chapitre, on peut broder des pages exaltantes !

Pourtant, la presse people française est restée pudiquement discrète sur cette question. Cette posture responsable et vertueuse est peut-être tout simplement la conséquence de l'émancipation provisoire de l'opinion de la nation black-blanc-beur après la récente victoire des bleus. Les mots qui fâchent sont venus de quelques médias d’extrêmes droites et d'Algérie où un journal francophone a cru déceler en Benalla un binational franco-marocain chargé d'espionner l'Élysée pour le double compte d'Israël et du Maroc. Sur cette lancée, un autre affirmait l'avoir photographié au milieu des forces de police durant de la dernière manifestation d'étudiants en médecine.... à Alger. Alexô-manu serait un transfuge au don d'ubiquité ! Cet intérêt algérien contraste avec la passivité des autres pays arabes où la presse s'est contentée de reprendre succinctement les dépêches d'agences. Il faut dire que dans les dictatures du Moyen Orient, un estafier qui tabasse un vulgaire quidam...Y'a pas de quoi fouetter un chat !

Reste que l'origine arabe de cet homme de l'ombre renforce le mystère de l'affaire. Que le sous-chef-de-cabinet-chargé-de-mission-lieutenant-colonel- avec armes et pin-pon, se fut appelé Noël Flantier, Lucien Bramare ou Hubert Bonisseur de la Bath, alors l'affaire eut été moins piquante. L'ascension fulgurante d'un beur - fut-il  assimilé et franc-maçonné - dans le milieu fermé de la haute police dérangeait probablement les convenances de l'entre soi. C'est sans doute l'une des raisons pour lesquelles le plus proche des maillons faibles du Président a été piégé. Pourtant, le fusible n'a pas immédiatement sauté car Macron-patron l'a couvert et défendu bec et ongles. Cette posture n'aura qu'un temps. Alors au lieu d'attendre « qu'on vienne le chercher » pour être lapidé, le gendarme amateur serait bien inspiré de racheter sa conduite en démissionnant de la fonction publique avant de partir exercer ses talents dans une multinationale aux antipodes. En Nouvelle Calédonie, à Tahiti, en Tasmanie par exemple, là où sous les soleils mouillés de ces ciels brouillés... tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté. Il pourra tranquillement lire les OSS 117 de Jean Bruce, le voyage de Charles Baudelaire ou les chroniques d'Alexandre Vialatte...Afin qu'enfin soulagés de sa média-présence, nous puissions d'aise soupirer :
et c'est ainsi que Benalla est grand !






dimanche 27 mai 2018

Macron, Ben Salman et le Magic Kingdom d'Arabie Saoudite


Winou ? (où est-il ?) Au pays de l'or noir, où l'omniprésent Prince héritier Ben Salman avait disparu des écrans radar depuis un mois, ce murmure interrogatif était devenu le grondement retentissant de toute la population. La rumeur propagée par le téléphone arabe rapportait qu'il avait été blessé lors d'une fusillade au Palais en avril dernier avant d'être exfiltré vers son île privée des Maldives en attendant la purge de ses services de sécurité. Finalement après quatre semaines de coma médiatique, il est réapparu le temps d'un cliché avec le Président de la FIFA venu le complimenter d'avoir autorisé les femmes à assister aux matchs de foot en Arabie. Deux jours avant, Ben Salman avait donné des premiers signes de sa résurrection en téléphonant à Emmanuel Macron. Sans doute souhaitait-il livrer à son ami la primeur de ses analyses sur les événements internationaux du mois écoulé : le reniement de la signature des Etats Unis sur l'Iran, la provocation de Trump à Jérusalem, les crimes de l'État hébreu, l'annulation du rendez-vous de Pyongyang, la réélection de Poutine, de Maduro, les attentats en Afghanistan, Pakistan, Indonésie, des élections en Tunisie, Italie, Irak, Malaisie, Arménie, Liban, la tension en mer de Chine, la hausse du prix du baril... Las, le compte-rendu de l'entretien rendu public par un communiqué du 23 mai restera dans les annales de la salle de presse de l'Élysée comme un modèle de langue de bois destiné aux journalistes pris pour des jambons.

"Le Président de la République s’est entretenu le 22 mai avec le Prince héritier d’Arabie Saoudite, Mohamed Ben Salman.
Cet entretien a été l’occasion, quelques semaines après la visite du Prince héritier en France, de faire le point sur les dossiers bilatéraux et régionaux.
Sur les sujets régionaux, le Président de la République a réitéré les positions et les engagements de la France sur le dossier nucléaire iranien, la Syrie et le Yémen, en soulignant l’importance de trouver une issue pacifique et négociée à ces crises, déstabilisatrices pour la région. La conférence humanitaire sur le Yémen décidée lors de la visite du Prince héritier à Paris a été confirmée pour la fin du mois de juin à Paris.
Le Président de la République et le Prince héritier ont également échangé sur les réformes en cours au royaume. Dans ce cadre, la question des droits de l’Homme a été évoquée, pour faire suite notamment aux échanges entre les deux hommes à Paris en avril dernier »
Winou cheytan ? (où est le diable?
« les deux hommes » ont fait le point sur des dossiers « bilatéraux » mais nul ne saura jamais lesquels. Mystère et boules de gommes ! Ils ont été plus diserts sur les sujet « régionaux » l'Iran et la Syrie, le Yémen et même (quelle audace!), ils ont évoqué des droits de l'Homme en Arabie Saoudite... mais strictement dans le cadre des « réformes en cours au royaume ». On est rassuré.
Le diable se cache toujours derrière le non dit. Au lendemain d'un ignoble massacre, alors que l'opinion publique internationale est indignée par le pogrom ordonné par Netanyaou sur Gaza, alors que les plus modérés s'interrogent désormais sur le droit à l'existence de cet État colonialiste autrement que dans la guerre et le sang, le vice-roi d'Arabie et le président français n'ont même pas parlé d'Israël.


Les Albigeois du Royaume de Saba
Tout aussi extravagante est la complice duplicité avec laquelle « les deux hommes » ont évoqué l'hécatombe au Yémen, génocide comparable à celui des croisés contre les Albigeois cathares il y a huit cents ans. Sous les yeux des États silencieux, le Yémen meurt à petit feu. 
Le plus beau des pays arabes est depuis quarante mois défolié par des bombardement incessants. Ses rivages, ses îles, une partie de ses terres sont occupés militairement par une coalition de mercenaires emmenés par l'Arabie Saoudite. Dans l'indifférence des puissants, sur fond de guerre froide alibi de tous les abus, loin des caméras du 20 heures, des milliers d'enfants meurent d'une balle entre les yeux, d'un éclat d'obus, d'une maladie infectieuse, ou de faim. (1) Ben Salman, grand ordonnateur du carnage n'est ni un guerrier, ni un politique, c'est un communiquant cynique qui s'auto-convainc de sa propre propagande. Il se récite en boucle la fable du loup et l'agneau. Horreur dans l'horreur et comble de la duplicité : les médias du royaume et leurs relais internationaux diffusent des reportages montrant la distribution aux gamins du Yémen de colis de nourriture à l'effigie du prince qui les affament.

« La politique la plus coûteuse, c'est d'être petit » *
La France participe sans état d'âmes à ce sinistre jeux de trompe-couillons car non seulement elle fournit des armes et un soutien logistique aux forces royales saoudiennes mais elle partage la politique du double langage en acceptant de patronner avec l'Arabie « une conférence humanitaire » qui se tiendra à Paris en juin prochain. Ce sera à n'en point douter, une tribune supplémentaire de désinformation et de propagande habilement organisée par l'une des dizaines d'agences de communications internationales grassement payées par Riyad. On y verra à la tribune une palanquée de sommités internationales et quelques ONG qui diront au grand jour combien l'Arabie est humaine et généreuse avec ceux qu'elle trucide la nuit. Dans ce monde à vendre, l'argent peut tout acheter. Y compris Emmanuel Macron, Président du pays de référence des droits de l'Homme, qui donne l'impression de monnayer des « indulgences » contre des bons d'achats aux usines d'armements. Il est vrai que les Saoud achètent les yeux fermés, sans marchander, souvent au comptant ou selon un échéancier de paiements en avance des phases de fabrications. Zéro risque et gros bénéfices assurés. Dans ces conditions, difficile de refuser de vendre des jouets meurtriers au patachon de Trump même au prix d'incalculables conséquences.

Saudi Magic Kingdom
Pendant qu'il anéantit le Yemen et encage tous ceux qui osent le contester, Ben Salman rêve de transformer son pays en Amérique à lui. Tout comme son mentor de la Maison Blanche, il est manipulé par une bande de gourous évangélistes qui se remplissent les poches en vendant des gadgets et en lançant des idées loufoques à portée de compréhension de bédouin.

Au royaume des Saoud, hormis les travailleurs immigrés (10 millions), toute la population (20 millions) s'ennuie. Gavée de sucreries, de foot et autres stupéfiants, elle passe l'essentiel de son temps à prier que le ciel s'écroule sur la tête de ses oppresseurs. Dés qu'ils le peuvent les Saoudiens s'échappent en famille vers l'étranger pour aller respirer l'air de la liberté. Les plus riches partent en Europe ou en Amérique, les autres estivent en Asie et en Afrique. Les experts yankee ont chiffré le prix de cette bouffée d'oxygène à 20 milliards de dollars par an. Pourquoi ne pas les inciter à dépenser cet argent sur place ont-ils suggéré ? C'est ainsi qu'au début du printemps, toutes affaires cessantes, Ben Salman s'en est allé trois semaines durant visiter les parcs de loisirs de Floride et de Californie. Il a multiplié les contrats avec tous les forains des USA. Un opérateur texan, le Mozart de la profession, a promis de transformer le royaume des ténèbres en foire du trône. Aussitôt, des centaines d'architectes et de paysagistes ont été mobilisés sur le projet de reconversion d'un bac à sable de la banlieue de Riyad. "Quiddiya", le nouveau « Saudi Mickey » sera le plus innovant et le plus grand centre de loisir du monde. Il comprendra une cinquantaine d'hôtels et de résidences de luxe et une dizaine de parcs sur la thématique du voyage. Ainsi, tout en demeurant sur la terre du prophète les heureux sujets Saoudiens auront l'illusion de séjourner à l'étranger. Le « french corner » sera une réplique des Champs Elysées avec à chaque extrémité l'Arc de Triomphe et l'Obélisque qui depuis Paris, seront déménagés. Macron s'y serait engagé !...


  1. https://www.les-crises.fr/un-repas-par-jour-des-meres-yemenites-essaient-de-nourrir-leur-famille-par-maggie-michael/


    *Charles de Gaulle mars 1964 en Guadeloupe





vendredi 13 avril 2018

Le grand livre de la diplomatie française en Chine de Claude Martin

Voici un précis de diplomatie de 946 pages qui se lisent comme cent. C'est un pavé de 800 grammes digeste et gourmand qui se déguste en trois jours et deux nuits. Son auteur est une légende du Quai d'Orsay « La Chine, c'est lui. Il est capable en un rien de temps d'improviser au débotté un discours de dix pages en mandarin, en cantonais ou en wu ». 
Au gré de ses multiples affectations à Pékin, de simple attaché à plénipotentiaire, au fil de ses innombrables voyages touristiques ou officiels, il a accumulé un savoir considérable sur le pays le plus mystérieux du monde. Il a aussi exercé ses talents dans les plus hautes fonctions du ministère des Affaires étrangères et servi comme ambassadeur de France en Allemagne.
Claude Martin, La diplomatie n'est pas un dîner de gala, Mémoires d'un ambassadeur Paris-Pékin-Berlin, aux éditions de l'Aube.

Contrairement aux exercices mémoriels qui foisonnent celui-là ne cède ni à la tentation du moi-je, ni à celle du règlement de comptes. L'auteur témoigne sobrement et avec élégance de ce qu'il a vu, entendu, pensé. À le lire, on reçoit ses confidences comme celles d'un ami qui serait assis dans un fauteuil à vos côtés.
1964, vingt ans, diplômé de Sciences Po et de chinois ; à peine reçu à l'ENA, il est réquisitionné pour aller effectuer son service à la chancellerie de Pékin ouverte quelques mois plus tôt. Il y prendra des habitudes de vagabondages à pied en train ou à vélo. Dès qu'il le peut, il s'évade du quartier diplomatique pour aller renifler la réalité dans les provinces les plus reculées. Il est curieux de tout. Il découvre un monde prodigieux en pleine ébullition. Bien des années plus tard, devenu diplomate de haut rang « son Excellence » ne se sentira jamais très à l'aise à l'arrière des limousines-chauffeur-fanion. Il gardera ses habitudes d'échappées incognito. Car pour dialoguer avec les chefs d'États, il ne suffit pas de savoir leur dialecte, il faut connaître parfaitement leur pays. Il faut avoir pris le temps d'échanger avec les hommes de la rue et les femmes des campagnes, d'avoir fait un bout de chemin avec des anonymes croisés au hasard. Il faut aussi découvrir l'histoire complexe, percer les cultures mystérieuses. Le talent d'un diplomate se mesure à sa capacité d'endosser la peau de son interlocuteur.

Pendant des décennies, chaque fois que les relations avec la Chine menaçaient de tourner au vinaigre, Paris dépêchait Claude Martin à Pékin. L'amoureux du pays y allait de bon cœur. Au pire moment, il est nommé ambassadeur, chargé d'apaiser les crises à répétition provoquées par les turpitudes de ministres français inconscients. 
Le lecteur se régalera des sobres descriptions élogieuses ou calamiteuses de dizaines de personnages illustres de l'époque. On se met à regretter que l'auteur n'ai pas développé davantage cette éblouissante galerie de portraits où les meilleurs côtoient les pires. Car à la chancellerie de France à Pékin puis plus tard à celle de Berlin, Claude Martin a vu défiler le tout Paris ! Des hommes politiques de tous les bords, des cinéastes, des écrivains, des musiciens, des hommes d'affaires... Certains imbus de leur personne, des donneurs de leçons, d'autres plus modestes et lucides. Tous étaient jaugés, soupesés, appréciés ou méprisés par l'impassible et aimable diplomate français habitué à sonder les grands de ce monde.
« pourquoi toi qui connais la Chine, travailles-tu dans les Affaires européennes ? » lui avait un jour demandé Deng Xiaoping – plus j'étudie la Chine, plus je me sens européen avait répondu malicieusement Claude Martin.

Après avoir dirigé l'Asie au Quai d'Orsay, il supervise la diplomatie française en Europe visitant toutes les chancelleries (y compris les moins confortables comme celle de Sarajevo). Responsable des relations économiques internationales, il bouscule les convenances en soutenant la croisade internationale de l'OCDE contre la corruption alors que vient d'éclater en France le scandale des frégates de Taïwan. Il est nommé ambassadeur à Berlin « je vous laisse partir pour l'Allemagne, mais à une condition : chaque fois que je viendrai vous voir, nous parlerons de la Chine... » lui dira Chirac qui le maintiendra à son poste pour une durée inhabituelle de neuf ans. À l'arrivée de Sarkozy, Claude Martin quitte le Quai d'Orsay pour rejoindre la Cour des comptes. Puis il prend sa retraite pour venir nous rendre compte de ses étonnantes missions de serviteur de l'État.


Il y a un demi-siècle, un ouvrage médiocre mais prémonitoire sur l'éveil de la Chine s'était vendu à un millions d'exemplaires. Espérons que celui de Claude Martin connaitra le même succès en librairie. Ce serait amplement mérité pour l'auteur, mais surtout très instructif pour les lecteurs de ce voyage dans les profondeurs méconnues de notre diplomatie qui révèle les grandeurs et les petitesses des Français.

samedi 7 avril 2018

Mohamed Ben Salman d'Arabie chez Macron

Au royaume des ténèbres, quelques lucioles se sont mise à briller. La monarchie saoudienne a changé. Depuis son accession au trône en janvier 2015, la dynastie des Salman s'emploie méthodiquement à détricoter les interdits qui enfermaient la population dans un carcan médiéval. Pour avoir été l'un de ceux qui dénonçaient les abominations du Royaume, l'auteur de ces lignes doit reconnaitre que les réformes engagées par Salman père et fils ont allégé le fardeau de la vie quotidienne des Saoudiens. Mais dans le même temps, obtempérant au dictat des Etats Unis, et à contre courant des opinions arabes, l'Arabie s'est engagée dans la voie d'une reconnaissance d'Israël.

Au Royaume des rois aveugles...
Hier encore, l'Arabie Saoudite était une monarchie plurielle désunie composée de roitelets cupides et avachis. Le mode de succession favorisait l'intronisation de princes gâteux qui partageaient le pouvoir avec leur nombreuse fratrie et cousinade. La puissance de certains dépassait parfois celle du monarque. Ainsi, la lignée des Sultan et celle des Nayef qui depuis quarante ans s'étaient respectivement arrogés les fiefs du ministère de la défense et de l'intérieur, disposaient chacun d'un état dans l'état. Richissimes à milliards, ils possédaient leur propre service de renseignement et menaient dans le royaume et à l'étranger la politique de leur bon vouloir. Suivant leur exemple, des dizaines d'autres princes de sang et des centaines de petits marquis et roturiers fortunés s'étaient pris aux jeux d'influence des affaires du monde, mêlant business et politique. Pendant que l'un prenait sous son aile la Tunisie, l'autre s'intéressait à l'Éthiopie, celui-ci s'entichait de l'Érythrée, celui-là du Soudan ; enfin, les plus nombreux distribuaient sans discernement des valises de dollars à des groupuscules armés en Syrie, Afghanistan, Yémen, Mali, Somalie, Irak, Libye.... La communauté internationale s'accommodait d'autant mieux de cette pétaudière qu'elle en tirait les ficelles et de substantiels avantages. Ainsi, Bush jouait au golfe et picolait avec le Prince Bandar ; des personnalités françaises avaient elles aussi leurs favoris. Cette pluralité de l'offre saoudienne qui mêlait politique et affairisme permettait de faire monter les enchères sur les théâtres d'opérations et à la bourse des rétrocommissions.

La reprise en main du Royaume
En janvier 2015, Salman accédait au trône après avoir habilement écarté tous les prétendants. Très vite, il propulsait le plus jeune de ses fils Mohamed aux commandes de l'armée. Puis, bafouant les règles de la tradition, il parvenait dans la foulée à l'imposer comme Prince héritier. Un an plus tard, à l'autre bout du monde, Trump devenu Président soumettait les arabes à son dictat menaçant de disparition tous ceux qui n'appliqueraient pas sa feuille de route. À Riyad, en mai 2017, tous les chefs d’États et de gouvernements arabes lui prêtèrent allégeance avec un soupir de soulagement car ils se souvenaient combien ils avaient tremblé durant la courte saison des « printemps arabes ». Pour l'exemple, l'indiscipliné petit Qatar, supporter de l'équipe des frères musulmans, était soumis à un blocus humiliant. Mais sélectif dans l'indignation, Trump adoubait la poursuite de l'agression de la coalition conduite par l'Arabie depuis mars 2015 contre le Yémen où une partie de la population continuait de scander : « mort à l'Amérique, mort à Israël, maudits soient les juifs, victoire à l'islam ». Enfin, sur injonction de Trump, Riyad mettait de l'ordre dans le financement des mercenaires « terroristes » au Levant et entamait un processus de normalisation de ses relations avec Tel Aviv.

Big win-win deal
Le propos du Président : « sans les Etats-Unis le pétrole saoudien ne pourrait pas être exporté ni l'eau de mer dé-salée » avait été compris. Le culot a payé. La faim et la soif sont des arguments prégnants dans la mémoire séculaire des bédouins.
Le new big deal Trump-Salman est un win-win qui doit enrichir et consolider le pouvoir de chacun. Le pétrole sera nationalisé à bon compte par les Texans qui en échange vendront au prix fort une panoplie de protection et le rêve d'une Arabie clonée sur le modèle de Dubaï. À l'horizon 2030 des citées ultramodernes seront construites sur les bords de la mer Rouge à quelques encablures de l'Égypte et d'Israël. Ces phalanstères de prospérité et de tolérance marqueront la renaissance arabo-musulmane de la Péninsule et l’émergence d'une nouvelle société saoudienne débarrassée de ses lois moyenâgeuses... Utopique ou réaliste cette politique qui s'affiche en « Vision » porte par sa seule annonce le signe d'une réforme inouïe car elle prétend guider le destin des mortels sur la terre du Prophète, alors qu'il n'appartient qu'à Allah ! Indignés mais impuissants, les salafistes n'en finissent pas de marmonner dans leur barbe des fatwas vengeresses.

Réforme et répression pour tous
La femme saoudienne au volant est un symbole universellement salué. Mais des centaines d'autres mesures moins médiatisées ont été prises. Chaque journée apporte son lot d'agréables surprises. Voici le secrétaire général de la tristement célèbre Ligue Islamique qui déclare que le voile intégral n'est pas une obligation religieuse. Voici le Prince héritier qui à l'occasion d'une visite au Caire, reçoit le patriarche copte, puis à Londres s'entretient avec l'Evêque anglican, l'invite en Arabie sur ses terres où traditionnellement toute expression religieuse non musulmane était il y a encore quelques mois interdite et cruellement châtiée. À la jeunesse désoeuvrée, les Salman offrent des distractions : des cinémas, des salles de concerts, des parcs d'attraction. Le tourisme intérieur et l'archéologique (ante-islamique) sont encouragés.
Revers de la médaille, cette politique de tolérance nouvelle exclut toute forme de revendication ou de dissidence. Les militants des droits de l’homme, les démocrates et les opposants politiques demeurent impitoyablement traqués discriminés et persécutés tout comme la minorité chiite (15% de la population) au prétexte de la lutte contre le terrorisme. La réforme et les libertés nouvelles ne résultent que de la magnanimité du roi qui réprime impitoyablement toute revendication de la plèbe, mais aussi de la bourgeoisie et de la noblesse.

La rançon des milliardaires
Dans la nuit du 4 novembre 2017 une incroyable opération commando procédait à la rafle de plusieurs centaines de personnalités parmi lesquelles des Princes de sang, des ministres et des multi-milliardaires réputés intouchables. Bakounine en avait rêvé, Salman l'a fait !
Ce coup de force présenté par les agences de propagande du Royaume comme une purge salutaire destinée à faire rendre gorge aux corrompus, n'a trompé personne. Ce n'était pas l'abolition des privilèges mais le signal de leur subordination au bon vouloir de Salman qui seul désormais, dispose des prébendes. Six mois après le rapt, le secret n'a toujours pas été percé ni sur le nombre ni sur l'identité des kidnappeurs et des kidnappés du Ritz. Nul ne connait la liste des personnes interpellées, celle des torturés, des disparus... Les princes libérés contre rançon sont toujours assignés à résidence et empêchés de communiquer. L'omerta est totale. Conséquence : tous les acteurs de la vie économique et financière sont tétanisés et la peur des puissants étant contagieuse, elle a contaminé toute la société y compris les gagne-petits.

Chez May, Trump et Macron
Il y a un mois, Salman fils a entrepris une tournée de ses principaux alliés. À Londres, il a câliné les autorités en déposant un chèque à neuf zéro pour l'achat d'avions de chasse. À Washington, il a rencontré un Trump qui lui a renouvelé sa « grande amitié ». Au Texas et en Californie il a enchainé les amabilités, multiplié les commandes, et flagorné les lobbying sionistes. Pendant que des manifestations pacifiques était réprimées à Gaza – 27 morts, 2 000 blessés – le Prince héritier s'abstenant d'évoquer ces massacres déclarait : « les israéliens ont le droit d'avoir leur propre terre » ce qui en termes diplomatiques, vaut reconnaissance implicite. Ce langage inédit a enflammé les réseaux sociaux au point que le roi depuis Riyad, a jugé opportun de tempérer les propos de son fils.

Le Prince Ben Salman achèvera sa tournée de séduction par une escale à l'Elysée. Avec ou sans le Crif, Israël sera au menu d'un dîner. Accessoirement le Yémen impunément ensanglanté, la Syrie, le Liban, l'Afrique du nord...et bien évidemment l'Iran qui est une obsession partagée. On parlera aussi affaires. L'armement de la françarabie est en panne. Le Prince veut fermer définitivement la centrale d'achat ODAS que Paris s'obstine à considérer comme son office de vente. Pendant que sur le front des offensives saoudiennes au Yémen, les canons made in France français accumulent les coups au but, Paris ne songe nullement suivre l'exemple de l'Allemagne qui a suspendu ses ventes d'armements. D'autres dossiers commerciaux tout aussi stratégiques seront subsidiairement abordés comme ceux du nucléaire civil et du pétrole, mais seules les coopérations dans les domaines de la santé, de l'écologie et de la culture seront mises en avant. Car l'objectif de Mohamed Ben Salman à Paris est surtout de se voir décerner un brevet « honoris causa » de bonne conduite pour sa politique de modernisation de l'islam politique, d'émancipation des femmes, de lutte contre la corruption et le financement du terrorisme....et d'afficher sur la scène internationale son image de futur roi saoudien israëlo-compatible.