vendredi 21 mai 2010

La fin des vaches maigres

Alors que je trempe la biscotte beurrée dans le bol de chicoré, un frère bédouin fait vibrer mon iphone « chou l’affaire de Nantes y’a akhi ? »

Je rigole in petto en pensant lui répondre « il y a confusion entre l’Hedy de Nantes et celui du Perche » Mais trop long à expliquer. Je me contente de banalités sur la chauffarde emburquée et m’empresse de lui demander ce qu’on en pense dans son pays.
« Mais de cette histoire de pieds nickelés on s’en moque, chez nous les femmes n’ont pas le droit de conduire, ce qui nous intéresse c’est le concept d’apéro géant qui se répand ici aussi. Hier soir dans le centre ville, trois mille amis de facebook se sont rassemblés pour trinquer au Qibla Cola » Il me dit que les puritains ont pareillement organisé des rassemblements autour de la source sacrée de zem zem. Je le taquine en lui demandant si les femmes étaient admises. Il répond à coté en me signalant avec fierté que la nouvelle Miss USA est une musulmane d’origine libanaise dont la famille est acquise à la cause. Les sionistes jaloux de sa beauté l’ont baptisée Miss Hezbollah.

On papotte ensuite façon Gala-images-du-monde sur les têtes couronnées dont le doyen est invité à venir contempler la prochaine revue du 14 juillet au coté de « cheval fougueux ».
Ceci est bon pour les affaires ! On cause bizness. Je le mets dans la confidence de mes projets.

La chute des cours du lait ayant collatéralement entrainé le divorce de mon voisin Joseph d’avec Thérèse, le troupeau et les étables devaient être liquidés à la bougie pour payer les créanciers et le pensionnat des jumelles Marie et Aïcha. J’ai suggéré au liquidateur la reconversion de la ferme en établissement de soins de lactothérapie : parcours beurre-santé, massage à la crème fraiche, piscine de lait demi-écrémé, jacuzzi de crème fouettée, bain de bouse, épilation camembert…

L’ensemble sera Bio, hallal et cacher. Au total un investissement de mega millions comprenant huit cents gîtes-étables et autant de mangeoires. Pour séduire l’Ecureuil et les fonds souverains arabes il fallait voir grand. Perspectives de rentabilité annuelle à deux chiffres (souscription en ligne possible).
Les politiques par l’emploi alléchés accourent. Déjà quatre ministres sont venus nous complimenter promettant des subventions, la bleue, la rouge et le Panthéon Percheron.
Pour calmer les impatiences on a créé avec Joseph une société d’étude et de promotion enregistrée à Antigua dont l’objet principal est de nous nourrir grassement. En attendant que le rêve devienne réalité j’ai acheté un cabriolet allemand, Joseph a préféré un 4 x CAR breton avec des roues de tracteur.

Au téléphone Abdelkarim est enthousiaste. Je lui vends une franchise à charge pour lui d’affiner le projet « vache » en « chamelle ». En contrepartie je négocie la représentation pour l’Europe de « TV hijab ». Il s’agit de la diffusion gratuite d’un bouquet de 186 chaines « hallal ». Pour rentabiliser l’affaire les paraboles de couleur verte devront être fixées sur les balcons et servir de supports publicitaires.
Comme avant dans le métro « Du…. » « Dubon… » « Dubonnet ! »

jeudi 20 mai 2010

Un mois sans intérêt

Le mois d’avril fut comme chaque année très éprouvant.
J’ai lu dans le journal de ma naissance qu’il sévit pour la circonstance sans doute, une canicule qualifiée de record du siècle. Les autres événements tragiques de ce jour-là n’ont guère d’importance car tous, hormis ma mère et les béliers de l’année, les ont oubliés.

Notre quatrième mois de l’an dix est à marquer d’une pierre blanche.

Il y eut un nuage. Une bouffée de cendres voyageuses qui abolit pour un temps l’ère de l’aviation. La SNCF marqua le pas et devant la menace fit valoir son droit de retrait. Sédentarisé par contrainte au fond de mon transat, j’en fus réduit à contempler les pâles pâquerettes de la pelouse et recenser les éclosions de fleurs de pissenlits. Je broyais du noir sous un soleil gris ; parfois j’observais le triste présage du vol en rase-motte des hannetons … La gourmandise finalement eut raison de ma paresse : les pistils qui se cachent au cœur des pétales de glycine sont délicieusement sucrés … Mais pas cette année ! La fleur avait un goût de cendres, une saveur de brûlé : la poussière du volcan islandais s’était redéposée dans le Perche.

Fichu mois qui fut aussi celui du fichu de Nantes.

Conduire la face voilée est prohibé. C’est comme rouler à Solex sans casque. Pour sanctionner la contrevenante le délicat ministre de l’intérieur lui apprend qu’elle est doublement cocue. Son mari de boucher barbu se rebiffe et tient conférence. Il passe en boucle à la télé. C’est un ogre. Il fait peur aux petits enfants. Toute la France frissonne de trouille avant d’en rire. C’était caméra cachée ! Le script était parfait, les décors et les costumes éblouissants, les acteurs (de la ligue d’improvisation ?) époustouflants. Attendons la sortie du dvd.

En bon citoyen j’ai acheté douze euros le best-seller de la législature : un pavé de plus de six cents pages « rapport d’information parlementaire sur le voile intégral ». C’est un bon rapport qualité/prix. La lecture est édifiante, surtout celle des auditions de « personnalités qualifiées ». Il y a des âneries grossières amusantes mais aussi des flots de pertinences. Celles d’Elisabeth Badinter qui invoque le principe de fraternité « porter le voile c’est refuser absolument d’entrer en contact avec autrui » celles de Tariq Ramadan qui conclut « vos citoyens français de confession musulmane sont français ; il faut que vous l’entendiez. »
Je pose le livre ouvert et m’introspecte.
Ma position n’a pas changé je suis contre tout contre.

La radio m’informe de la chute de la bourse, de l’Euro et de l’Europe. Tous nos malheurs viendraient de la Grèce qui a vécu au dessus de ses moyens. La mauvaise graisse s’est accumulée, personne n’avait diagnostiqué le mal. Le mourant avait dissimulé son état. Socrate nous avait pourtant prévenu « tous les Grecs sont menteurs ! » Oui mais comme Socrate est Grec il se peut qu’il ait menti ?
Je reste philosophe mais songe à constituer un fonds de pension pour assurer la retraite de la belle Héllène.