samedi 26 mars 2011

Le nucléaire civil, arme de destruction massive

Admirable Japon, peuple parmi les plus grands, maudit par l’atome.
Pétrifié en 1945, empoisonné en 2011. La bombe d’Hiroshima s’appelait « Little Boy », celle de Nagasaki « Fat Man » ignobles surnoms. Deux munitions : deux cent mille morts. Puis le douze mars, date qui éclipsera le 9/11 en horreur ; à Fukushima (île du bonheur en Japonais) séisme, tsunami et « fusion des cœurs », expression extatique exquise qui signifie explosion nucléaire.

Le siècle atomique sera le dernier. C’est la leçon du Japon.
Le Monde a vécu quarante années de guerre et de sueur froide dans la peur d’une vitrification. Puis les deux grands ont démantelé leurs stocks et fait la chasse à la prolifération. Le nucléaire civil a pris le relais qui s’avère tout autant mortel. Les fusions japonaises pourraient bien faire autant de victimes que la bombe mais à petit feu. Mondialisation oblige, chacun recevra sa dose inéquitable de nuées empoisonnées. Les 35 millions d’habitants de Tokyo restent impassibles, mais la terre tremble pour eux. L’apocalypse nipponne n’est qu’un échantillon. Le cancer nucléaire métastasera la planète inexorablement. La chaine d’accidents imprévisibles viendra à bout de l’espèce.
L’entropie est le destin de chaque système mais celui-là englobe tous les autres.

Le savant bipède aime défier les forces naturelles. Rien n’arrête son arrogance. Ni volcan, ni séisme, ni cyclone ne lui font peur. Sa mémoire est sélective, il retient les victoires sur ses semblables, jamais ses capitulations devant les éléments. L’atome est son dernier défi. La domestication de cette énergie durable capricieuse produisant des déchets mortels éternels est son ambition. Le nombre de réacteurs édifiés sur des terres instables augure d’une probabilité élevée d’accidents majeurs. Les californiens attendent le fameux « big one », ils savent que les survivants au séisme seront les victimes en sursis de l’atome car les centrales nucléaires n’y résisteront pas.

Les français restent insouciants, de mémoire de comptoir rien de sérieux n’est jamais arrivé. Homer Simson qui travaille à la centrale nucléaire de Springfield dit que les radiations se guérissent à la bière ! La série d’animation télévisée américaine la plus visionnée au monde éduque aussi les petits naïfs de France.
Sur cette technique opaque les opérateurs communiquent par propagande interposée. Depuis Bikini jusqu’à Tchernobyl, l’histoire du nucléaire a été soigneusement et méthodiquement falsifiée. Aujourd’hui pareillement, aucun relevé scientifique n’est communiqué sur Fukushima ou alors au compte- goutte. Cette discrétion est sensée éviter l’affolement des foules. Le navire fait naufrage, l’orchestre joue. L’eau de Tokyo est contaminée, les légumes, le lait, les poissons…. Heureusement, le sang froid admirable des Japonais sauve de la panique les indices boursiers tandis que poussés par la brise, les particules cancérigènes survolent les continents et se volatilisent. Tout va très bien Madame la Marquise.

En cette période adroitement maitrisée par les puissants lobbyings, curieusement, personne n’évoque l’Iran. Alors que la communauté internationale pousse depuis des années des cris d’orfraies à la perspective d’acquisition par Téhéran de la bombe atomique, nul ne s’inquiète de la mise en service de la centrale nucléaire de Bouchehr dont la construction avec l’aide de la Russie a demandé quarante ans ! Délai sans doute raisonnable pour prendre toutes les précautions. Or il en faut beaucoup car la Perse est après le Japon l’une des terres les plus secouées du globe. On se demande d’ailleurs, pourquoi la République Islamique cherche à se doter d’une bombe alors qu’elle possède sur son sol une arme dissuasive qu’elle peut à tout moment faire exploser en invoquant l’accident. Porté par des vents mauvais, la fusion du cœur Persan paralyserait toute la péninsule arabique et partant, l’approvisionnement en pétrole et gaz du reste du monde. Un autre scénario catastrophe est possible au Kazakhstan - pays qui a détruit ses ogives nucléaire- mais qui a conservé la centrale d’Aktau en bordure de Caspienne.D’autres cauchemars sommeillent sur la Volga, en Ukraine, Biélorussie, Turquie…
Un regard sur l’Atlas des risques nucléaires donne le tournis.

Au pays de Marie Curie, la catastrophe nippone n’inquiète personne. Vouloir comparer la technologie nucléaire française débridée au savoir-faire du pays du soleil couchant (le nuage est arrivé de l’ouest) c’est un peu comme confronter au banc d’essai une Toyota et une Renault. Y’a pas photo. Cocorico. Le monde entier jalouse l’EPR français. Hier encore Kadhafi le voulait à tout prix, Ben Ali salivait, Moubarak négociait. Aujourd’hui, en attendant le retour d’expérience de Tokyo, les perspectives d’exportation sont nulles sauf à se lancer dans le fabuleux marché du démantèlement comme les Allemands. Mais pour ce faire, il faudrait donner l’exemple ! Or, contre vents et tsunami, la France qui a inscrit le principe de précaution au fronton de sa constitution, entend pourtant maintenir actif sur son sol les 58 réacteurs.

N’est pas japonais qui veut ! Des mal pensants cancanent qu’à la première alerte une vague d’immigration française déferlera sur l’Afrique, continent certes généreux, mais qui ne pourra pas accueillir sous le soleil toute la misère du Monde !

samedi 19 mars 2011

Lina et Amal au Salon du Livre

A l’heure du déjeuner j’avais faim. Pour le prix d’une pizza je suis entré au Salon du Livre.
Cette manifestation ressemble de plus en plus à un énorme Auchan réservé aux éditeurs de grande distribution. Il y a quelques années, on pouvait encore dénicher des trésors de lecture sur le stand d’artisans montés de province. C’est fini. Le prix de location d’un emplacement est devenu prohibitif. Quelques uns s’accrochent encore qui sont hébergés dans le pavillon de leur région mais concession oblige, leurs publications sentent le terroir. Sans intérêt!

L’estomac dans les talons je partis en exploration.Faisant semblant de m’intéresser à un auteur en mal de dédicace, j’observai son Paris-beurre : baguette molle, jambon triste. Je complimentai hypocritement l’auteur du mauvais roman et écartai définitivement l’idée qui m’avait un moment effleuré d’aller me restaurer chez Paul.

Etait-ce la faim ? Il me sembla que toutes les maisons d’édition présentaient des livres de cuisine. Des centaines de bouquins traitant de la miam. J’en vis même un ou deux consacré à des recettes de joyeuses : abats de bas mouton ou de veau et même, roupettes de coq ! Ouvrage bien écrit que seuls la raison et le prix d’un bon repas m’empêchèrent d’acquérir.

Mais Monsieur, me dit un éditeur, la poésie ne fait plus recette, pour subsister il faut vendre de la littérature soupière. Nous voici parlant potage et consommé.
Je lui révélai le secret de mon velouté de poireaux. Point de pommes de terre, malheureux ! Tout est dans la conduite du feu. Des courgettes en dés sautées à vif dans du beurre clarifié, puis le navet et le panais, enfin à feu très doux les poireaux en julienne, la carotte émincée et la gousse d’ail ; le tout mouillé d’une tasse d’eau, à couvert …Laisser suer, laisser l’odeur allécher les voisins. Lorsqu’ils frappent à la porte, noyer avec un bon bouillon de poule et donner un dernier coup de chaud avant de mouliner. Servir avec des pluches de cerfeuil ou d’estragon. C’est selon. Ma fille ajoute des croutons, mon fils un filet d’huile de truffe.
Attendez attendez, me dit l’éditeur, vous cuisinez ? Pardi pour me nourrir il le faut bien. Vous écrivez aussi ? Seulement pour me distraire dis-je à l’homme aimable qui déjà me proposait un à-valoir ! Je m’éloignai poliment de la fortune du pot.

Au coin d’une allée quatre militantes tunisiennes animaient un débat. Dans le public les questions nunuches tournaient autour de la religion. Eternelle confusion entre musulmans tunisiens de rite malékite et l’Oussama wahhabite. Le fondamental n’est pas le fondamentalisme mais la parité qui doit absolument être gravée dans le marbre de la nouvelle constitution.
Sur le podium la bloggeuse Lina Ben M’Henni, la Tunisian Girl est impressionnante de lucidité et de sobriété. Son amie la chanteuse Amal Mathlouthi est de la même trempe. Au final elle saisit sa guitare et d’une voix à pleurer lança une mélodie à la gloire de la rose rouge qui a surgi dans l’hiver du pays. Le public accouru acclama.
Le ventre vide et le cœur léger, je quittai le Salon sans Livre mais avec dans la tête une ritournelle pour le bonheur de ma journée.

vendredi 18 mars 2011

Vers l’Arabiya Unie ?

Est-il pertinent de poursuivre la lecture de la révolution arabe sur la carte des Etats alors que le soulèvement transcende les frontières ?
La Nation Arabe est à nouveau en construction. Michel, Salah, Gamal et quelques millions d’autres en on rêvé, un demi siècle plus tard, leurs petits enfants reprennent le chantier.Pour appréhender la marche du peuple maure, les outils épistémologiques issus des académies occidentales manquent de pertinence car ils sont le subliminal héritage des vecteurs d’une pensée dépassée.

Ainsi la lecture de la révolution arabe à travers la typologie de l’histoire de France et de ses référents 1789, 1848, 1968, par ignorance sans doute des innombrables insurrections réprimées dans l’indifférence depuis la nuit des temps. Le soulèvement tunisien n’est que la réplique victorieuse de Ghdahem en 1864.

Ainsi la perception des arabes comme un vaste patchwork de tribus rivales ; mais dans la réalité, entre un berbère d’Algérie et un hadrami du Yémen, il n’y a pas place pour une feuille de qat ils sont semblables et frères.

Ainsi la présentation des arabes comme de farouches exaltés de confessions ou sectes ennemies en guerre permanente. Pourtant, le copte d’Alexandrie, le syriaque de Tyr, le sépharade d’Annaba, le chiite de Bassorah, le malékite de Tunis partagent les mêmes valeurs.

C’est sans doute pourquoi les écoles sociopolitiques français n’ont pour la plupart rien vu venir, et qu’elles sont incapables de mesurer l’amplitude du phénomène. A leur décharge, il faut rappeler le monopole de la pensée arabe par les inimitables consultants maronites (Antoine & Antoine) qui depuis dix ans à la TV, nous expliquent sentencieusement le monde arabe à travers l’interprétation des discours d’un introuvable prédicateur arabo-pachtoun.
Heureusement, Al Qaida et Aqmi ne font plus d’audience car « la rue arabe » s’exprime désormais sur un registre déconnecté de l’imprécation religieuse. Malgré les encouragements de prédicateurs comme Al Qardawi, la revendication reste citoyenne, les slogans de Sidi Bouzid, Le Caire, Benghazi, Aden, Qatif, Manama, Salalah…sont politiques exclusivement. L’intifadha n’est dirigée contre personne d’autres que les dictateurs et leurs suppôts ; outre le pain, elle réclame, liberté, dignité et justice, trois mots français que résume un mot arabe emprunté du grec : « dimokratiyah ».

Nous sommes étroitement unis par la langue, la culture, la posture familiale -respect du père, culte de la mère, adoration des enfants- le sens de la lignée, la tolérance mais aussi l’intransigeance et la foi dans l’écrit du destin. Ces singularités ne sont pas monnayables, elles se retrouvent dans une ambition commune de rupture avec le modèle de mondialisation que traduit lumineusement la politologue Badia Benjelloun : « Pour rendre pérenne notre future indépendance car c’est de cela qu’il s’agit, il nous faut imposer une déconnexion volontariste de l’économie mondiale qui nous domine. Il nous faut inventer une relocalisation de notre production, une coopération régionale authentique au travers d’une union (du Maghreb élargi) où nos compétences et nos ressources mises en commun produiront une synergie qui consolidera notre indépendance. »
Cette ambition panarabe laisserait-elle espérer l’émergence d’une fédération des Etats Unis Arabes ? En anglais U S A.
Les états-uniens risquent de se fâcher ! Les Français de passer à coté, les Russes de comploter, les Chinois de sourire.

dimanche 13 mars 2011

De Sarajevo à Benghazi

Insupportable Lévy!
Il y a bientôt vingt ans il avait avec quelques complices, persuadé le Président Mitterrand d'aller se poser sur l'aéroport de Sarajevo pour forcer un accès humanitaire vers la ville assiégée.
BHL veux faire bégayer l'Histoire.

La semaine dernière, depuis Bengazi, il prévient l'Elysée qu'il rentre à Paris avec des révolutionnaires Libyens. Le Président les reçoit toutes affaires cessantes et décide d'accréditer un ambassadeur en Cyrénaïque (celui de Tunis fait toujours antichambre à la Kasbah, ses lettres à la main).
Bernard Henri c'est le panache d'un philosophe des lumières qui fait de l'ombre aux diplomates. Le ministre français des Affaires Étrangères -déjà à ce poste lors de la guerre des Balkans- songe à reprendre son cycle de conférences au Canada...

Que va-t-il se passer en Libye ? Selon les indiscrétions recueillies au premier étage du café de Flore, la flotte française ferait route vers le golfe de Syrte pour prêter assistance aux forces d'interposition et ouvrir un corridor humanitaire. Des frappes chirurgicales préventives en Rafale sont envisagées. Des experts des affaires civiles pour la reconstruction seront dépêchés avec les ONG.Un mur sera édifié pour protéger les casques bleus. Des concerts seront donnés au profit des assiégés. D'ici quelques centaines de milliers de morts et deux ou trois années, une conférence internationale aura lieu, des accords seront signés. Alors les méchants seront traduits devant le tribunal pénal international pour répondre de leurs crimes, à l'exception de Khadafi & Sons qui resteront introuvables. Pour faire bonne mesure, quelques bons et authentiques résistants seront également jetés en prison avec les méchants. Pourquoi ? Parce que l'histoire bégaye aussi ses injustices !

La semaine dernière faisant droit à une demande abusive de la Serbie, l'Autriche a emprisonné le héros de Sarajevo, le Général Jovan Divjak.
Rappelons que la guerre des Balkans ne fut pas un conflit religieux entre Bosniaques musulmans, Croates catholiques et Serbes orthodoxes, mais une résistance armée contre un pouvoir fasciste. Le général Divjak est serbe, il commanda la défense de Sarajevo, ville œcuménique à majorité bosniaque. Après la guerre, il prit sa retraite et se consacra à des œuvres caritatives. Les commissions d'enquêtes et le Tribunal Pénal International n'ont rien trouvé à reprocher à ce valeureux soldat; ce qui a mis les chemises brunes de Belgrade et les falsificateurs de l'Histoire en fureur. Pourtant le Général Mladic, le boucher de Srebrenica , tortionnaire d'officiers français coule des jours paisibles en Serbie.
L'Europe est pareillement indifférente au sort du bourreau comme du héros.

Pour remuer les consciences, Jean Hatzfeld grand reporter qui a couvert la guerre de Bosnie vient de cosigner dans « Le Monde », un appel à l'indignation avec… Bernard Henri Lévy.
Encore et toujours lui !

mercredi 9 mars 2011

L'alibi

Hier matin à France Inter, le chroniqueur pose la question qui fâche : et si Kadhafi restait ? Ça m’a gâché ma journée. Impossible de faire la sieste. J’ai ressassé le scénario hallucinant que voici:

Forte des soutiens syriens, russes, touaregs, zaghawas bantous et autres, la gravure de mode libyenne ressuscite sur les cendres de feu son peuple. A court de munitions la résistance est étouffée dans son sang. Les ONG affluent. La communauté internationale se mobilise et s’interpose. No fly zone aux Mirages. La Libye est mise aux enchères. La Chine et la Corée font monter la cote. Les prix flambent, les puits du désert aussi. La Tunisie réquisitionne les hôtels pour y loger les blessés. Le désastre métastase.
Ecœuré, le Monde Arabe en masse rejoint « la base » d’Oussama et lance une fatwa déclarant patrimoine de l’humanité gratuit toutes les réserves de pétrole maudit.

La presse du soir anglo-saxonne prolonge mon cauchemar.
Elle révèle que la guerre de Tripolitaine est programmée. Les Awacs , vautours de mauvais présages tournent déjà. Mais la guerre de Libye ne serait qu’un alibi de stratège, un leurre, un faux-nez. Les Anglais s’attendent à un soulèvement de l’Arabie Saoudite ce vendredi ; alors lundi le baril sera à 300$ et le plein à 300€. Je songe à brader ma voiture contre une bonne paire de chaussures, acheter une vache, quelques poules, planter des patates sur mon lopin de terre normand…J’ai passé une mauvaise nuit.

Aujourd’hui c’était la journée de la femme.
A Londres, une quinzaine de braves nourrices se retrouvent au chômage car les autorités ont interdit la vente de la crème glacée au lait maternel.
A Djeddah en Arabie, à la foire du livre, une écrivaine iranienne a été contrainte sous les invectives de couvrir son voile persan d’où s’échappait une mèche avec un hijab saoudien plus décent.
En Ukraine l’infirmière particulière de Kadhafi a retrouvé sa famille après avoir passé neuf ans au service de la médicale libido du Guide illuminé, elle écrit ses mémoires.
A Tunis où une centaine de femmes pourraient prétendre au Nobel, le pourtant bourguibiste premier ministre Sidi Béji tarde à les appeler aux affaires du pays. A Moscou comme dans toute la Russie, pour célébrer sa mère, sa compagne, sa sœur, sa voisine, on lui porte des fleurs. Ceux qui ont les moyens vont applaudir la troupe de godiches emplumées du Lido en tournée au Bolchoï.
Enfin à Paris où la journée n’était pas fériée les sondés ont désigné une femme en tête du premier tour. Mais personne n’a applaudi la perspective d’une dame à l’Elysée.

samedi 5 mars 2011

Tunisie, le cauchemar Libyen

Au 40ème jour de sa révolution la Tunisie fait le deuil de ses martyrs. Elle a pris en main son destin démocratique, chaque jour gagné éloigne le spectre de la réaction. Reste que l’immolé Bouazizi a posé le double six d’une partie de domino qui menace le système mondial nourri au pétrole arabe.
La révolte twitte entre centaines de millions d’amis. Elle est l’expression d’une démocratie directe qui terrorise les gouvernants. Le drapeau rouge et blanc brandi dans les cortèges des rues arabes annonce enfin la fin de tous les dictateurs.

Khadafi, le plus ancien et le plus méprisable d’entre eux, mobilise des régiments de mercenaires et promet à son peuple des larmes et du sang. Il bombarde les foules. Des morts par milliers. Une marée de réfugiés passe la frontière tunisienne. Le Kadafou furieux prépare l’apothéose de son sinistre règne. Chacun se doute qu’il ne lâchera prise qu’après un ultime crime qui surpassera en horreur tous les précédents. Dictator Maboul vise le livre des records.
Comme d’habitude, la communauté internationale bien pensante tergiverse. Elle attend la probable agression libyenne sur la Tunisie pour traduire son indignation en campagne militaire et coloniser le bassin saharien.

Il suffirait pourtant d’un ordre de Barack Hussein Obama pour qu’un drone Predator tire ses missiles Hellfire sur le führer libyen. Plus de deux cents supposés criminels qui ne menaçaient pourtant aucun peuple ont péri de la sorte en Afghanistan, au Yémen, en Somalie. Mais Washington préfère patienter l’arme aux pieds. Ses diplomates gesticulent, ils espèrent sans conviction ramener le Kadafou à la raison. Pendant ce temps, une armada se rassemble. Les ONG affluent. La tension s’installe. Les ultimatums sont prêts. Le scénario est une réplique. Comme le Kuwait, la Tunisie sera libérée. La guerre du golfe de Gabès aura-t-elle lieu ? Hélas, le pire est à craindre.

Dans les préparatifs de ce jeu de grands, qui se soucie de la petite étoile tunisienne ? Tunis cherche désespérément les alliés de sa nouvelle liberté.

La France élyséenne gesticule ; son ambassadeur coure les salons huppés de la bonne société tunisoise pour rassurer les dames à carats. Des ministres et hommes d’affaires viennent y passer la journée.

L’Italie berlusconienne propose de déployer ses carabiniers sur les plages de Zarzis pour prévenir de la noyade les candidats à l’immigration. Rome et Paris sont benalistes, tout comme les capitales arabes.

Alger est muette. Du haut de leur pouvoir les vieux trahissent leurs devoirs de mémoire. Ils ont oublié Sakiet Sidi Youssef, les camps de Kasserine, de Gafsa, les sangs et drapeaux mêlés, les hymnes chantés, la peur et le pain partagés. Le peuple algérien frère baisse les yeux et ouvre les bras, ou l’inverse… Désespéré, il ne sait plus quoi tenter depuis tant d’années qu’il se soulève et se consume devant la forteresse inébranlable.

Dans les jours difficiles les amis qui se présentent ne sont jamais ceux que l’on attendait. Alors que rien ne lie l’Espagne à la Tunisie depuis l’exode des Morisques Andalous en 1609, José Luis Rodriguez Zapatero est le seul chef de gouvernement qui est venu célébrer la Tunisie libre. España es Grande.
Terrible pressentiment qu’un tragique revirement de l’histoire n’oblige demain les tunisiens à y retourner.