A l’heure du déjeuner j’avais faim. Pour le prix d’une pizza je suis entré au Salon du Livre.
Cette manifestation ressemble de plus en plus à un énorme Auchan réservé aux éditeurs de grande distribution. Il y a quelques années, on pouvait encore dénicher des trésors de lecture sur le stand d’artisans montés de province. C’est fini. Le prix de location d’un emplacement est devenu prohibitif. Quelques uns s’accrochent encore qui sont hébergés dans le pavillon de leur région mais concession oblige, leurs publications sentent le terroir. Sans intérêt!
L’estomac dans les talons je partis en exploration.Faisant semblant de m’intéresser à un auteur en mal de dédicace, j’observai son Paris-beurre : baguette molle, jambon triste. Je complimentai hypocritement l’auteur du mauvais roman et écartai définitivement l’idée qui m’avait un moment effleuré d’aller me restaurer chez Paul.
Etait-ce la faim ? Il me sembla que toutes les maisons d’édition présentaient des livres de cuisine. Des centaines de bouquins traitant de la miam. J’en vis même un ou deux consacré à des recettes de joyeuses : abats de bas mouton ou de veau et même, roupettes de coq ! Ouvrage bien écrit que seuls la raison et le prix d’un bon repas m’empêchèrent d’acquérir.
Mais Monsieur, me dit un éditeur, la poésie ne fait plus recette, pour subsister il faut vendre de la littérature soupière. Nous voici parlant potage et consommé.
Je lui révélai le secret de mon velouté de poireaux. Point de pommes de terre, malheureux ! Tout est dans la conduite du feu. Des courgettes en dés sautées à vif dans du beurre clarifié, puis le navet et le panais, enfin à feu très doux les poireaux en julienne, la carotte émincée et la gousse d’ail ; le tout mouillé d’une tasse d’eau, à couvert …Laisser suer, laisser l’odeur allécher les voisins. Lorsqu’ils frappent à la porte, noyer avec un bon bouillon de poule et donner un dernier coup de chaud avant de mouliner. Servir avec des pluches de cerfeuil ou d’estragon. C’est selon. Ma fille ajoute des croutons, mon fils un filet d’huile de truffe.
Attendez attendez, me dit l’éditeur, vous cuisinez ? Pardi pour me nourrir il le faut bien. Vous écrivez aussi ? Seulement pour me distraire dis-je à l’homme aimable qui déjà me proposait un à-valoir ! Je m’éloignai poliment de la fortune du pot.
Au coin d’une allée quatre militantes tunisiennes animaient un débat. Dans le public les questions nunuches tournaient autour de la religion. Eternelle confusion entre musulmans tunisiens de rite malékite et l’Oussama wahhabite. Le fondamental n’est pas le fondamentalisme mais la parité qui doit absolument être gravée dans le marbre de la nouvelle constitution.
Sur le podium la bloggeuse Lina Ben M’Henni, la Tunisian Girl est impressionnante de lucidité et de sobriété. Son amie la chanteuse Amal Mathlouthi est de la même trempe. Au final elle saisit sa guitare et d’une voix à pleurer lança une mélodie à la gloire de la rose rouge qui a surgi dans l’hiver du pays. Le public accouru acclama.
Le ventre vide et le cœur léger, je quittai le Salon sans Livre mais avec dans la tête une ritournelle pour le bonheur de ma journée.
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