Est-il pertinent de poursuivre la lecture de la révolution arabe sur la carte des Etats alors que le soulèvement transcende les frontières ?
La Nation Arabe est à nouveau en construction. Michel, Salah, Gamal et quelques millions d’autres en on rêvé, un demi siècle plus tard, leurs petits enfants reprennent le chantier.Pour appréhender la marche du peuple maure, les outils épistémologiques issus des académies occidentales manquent de pertinence car ils sont le subliminal héritage des vecteurs d’une pensée dépassée.
Ainsi la lecture de la révolution arabe à travers la typologie de l’histoire de France et de ses référents 1789, 1848, 1968, par ignorance sans doute des innombrables insurrections réprimées dans l’indifférence depuis la nuit des temps. Le soulèvement tunisien n’est que la réplique victorieuse de Ghdahem en 1864.
Ainsi la perception des arabes comme un vaste patchwork de tribus rivales ; mais dans la réalité, entre un berbère d’Algérie et un hadrami du Yémen, il n’y a pas place pour une feuille de qat ils sont semblables et frères.
Ainsi la présentation des arabes comme de farouches exaltés de confessions ou sectes ennemies en guerre permanente. Pourtant, le copte d’Alexandrie, le syriaque de Tyr, le sépharade d’Annaba, le chiite de Bassorah, le malékite de Tunis partagent les mêmes valeurs.
C’est sans doute pourquoi les écoles sociopolitiques français n’ont pour la plupart rien vu venir, et qu’elles sont incapables de mesurer l’amplitude du phénomène. A leur décharge, il faut rappeler le monopole de la pensée arabe par les inimitables consultants maronites (Antoine & Antoine) qui depuis dix ans à la TV, nous expliquent sentencieusement le monde arabe à travers l’interprétation des discours d’un introuvable prédicateur arabo-pachtoun.
Heureusement, Al Qaida et Aqmi ne font plus d’audience car « la rue arabe » s’exprime désormais sur un registre déconnecté de l’imprécation religieuse. Malgré les encouragements de prédicateurs comme Al Qardawi, la revendication reste citoyenne, les slogans de Sidi Bouzid, Le Caire, Benghazi, Aden, Qatif, Manama, Salalah…sont politiques exclusivement. L’intifadha n’est dirigée contre personne d’autres que les dictateurs et leurs suppôts ; outre le pain, elle réclame, liberté, dignité et justice, trois mots français que résume un mot arabe emprunté du grec : « dimokratiyah ».
Nous sommes étroitement unis par la langue, la culture, la posture familiale -respect du père, culte de la mère, adoration des enfants- le sens de la lignée, la tolérance mais aussi l’intransigeance et la foi dans l’écrit du destin. Ces singularités ne sont pas monnayables, elles se retrouvent dans une ambition commune de rupture avec le modèle de mondialisation que traduit lumineusement la politologue Badia Benjelloun : « Pour rendre pérenne notre future indépendance car c’est de cela qu’il s’agit, il nous faut imposer une déconnexion volontariste de l’économie mondiale qui nous domine. Il nous faut inventer une relocalisation de notre production, une coopération régionale authentique au travers d’une union (du Maghreb élargi) où nos compétences et nos ressources mises en commun produiront une synergie qui consolidera notre indépendance. »
Cette ambition panarabe laisserait-elle espérer l’émergence d’une fédération des Etats Unis Arabes ? En anglais U S A.
Les états-uniens risquent de se fâcher ! Les Français de passer à coté, les Russes de comploter, les Chinois de sourire.
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