mercredi 25 novembre 2020

de Mac Mahon, de Gaulle...de Villiers ?


En 1873, Patrice, comte de Mac Mahon, entrait à l’Élysée. Héros auréolé de blessures et de victoires sur les champs de bataille, il avait été fait quelques années plus tôt, duc de Magenta et Maréchal de France. Ensuite, après une expédition peu glorieuse en Algérie, il avait pris la tête des Versaillais et réduit la Commune de Paris. Ce palmarès lui avait valu d’être élu Président par une assemblée où siégeait une majorité de royalistes. Pour la première fois de son histoire, la République était conduite par un authentique militaire. Pour la première fois, succédant au bourgeois Adolphe Thiers, ancien ministre de Louis Philippe 1er, un sang bleu devenait chef de l’État Républicain.


De Gaulle lui,  n’était pas issu de la noblesse, mais il en avait le port et le patronyme. Comme Mac Mahon, il était général victorieux, il était l’homme du recours d’une France à genoux et divisée. Ces deux hommes avaient en commun leur attachement à la foi chrétienne et leur formation à la prestigieuse école militaire de Saint-Cyr qui instruit depuis 1802 les officiers de l’armée de terre.


Il se pourrait bien qu’en mai 2022 le Général d’armée Pierre Le Jolis de Villiers de Saintignon, dit Pierre de Villiers soit le troisième de la lignée d’officiers généraux à s’installer à l’Élysée. 

Les circonstances qui s’accumulent le rapprochent de ce destin.


La pandémie a mis en évidence le désarroi d’une gouvernance qui s’agite dans tous les sens pour parer au plus pressé en oubliant l’essentiel. La bonne volonté des hommes n’est pas en cause, c’est leur capacité d’anticipation et de savoir commander qui fait défaut. Un énarque sait expliquer une crise, il ne sait ni la prévoir, ni la gérer. L’ENA qui éduque toutes les élites de la politiques et de la fonction publique n’est pas celle du pragmatisme; gouverner n’est pas seulement administrer, c’est prévoir, mobiliser, encadrer, organiser, fixer des objectifs, répartir les missions, c’est agir.  

Brillant esprit et talentueux rhéteur, Macron a qualifié la pandémie de guerre sans pour autant mobiliser les combattants: armée, protection civile, réservistes, associations, ONG, collectivités locales…Toutes les énergies citoyennes ont été délaissées. Le Président, les ministres et des comités siégeants à huit clos se sont arrogés l’exclusivité de la conduite des batailles qui sans exceptions ont été perdues. Il n’est pas étonnant de constater qu’aucun des artisans de cette débâcle n’est issu de nos écoles d’ingénieurs. Aucun ne sort de Saint Cyr: « Ils s’instruisent pour vaincre » 

Devant la Covid, la France avec 50 000 victimes est à terre. Le pouvoir énarchique et jacobin ne s’en remettra pas car les électeurs se souviendront des mesures mesquines , des approximations, des mensonges, des voltes face et surtout de l’arrogante campagne d’infantilisation massive de la population.


À 16 mois des élections Présidentielles, tous les prétendants sortent du bois. Ils sont dix, ils sont vingt, ils seront cinquante à réclamer leur quart d’heure de gloire. La plupart ont échoué dans l’exercice du pouvoir, d’autres ont été dans le passé retoqué aux élections, peu de noms sont crédibles. 

Alors, comme en 1873, (comme en 1940) comme en 1958, qui mieux qu’un général pour apaiser les angoisses de la débâcle post-Covid qui s’annoncent ?


Injustement abaissé devant ses troupes par le Président Macron la veille du 14 juillet 2017, le Général de Villiers Chef d’État Major des armées démissionna quatre jours plus tard. Abattu mais pas vaincu, il a pris la plume pour expliquer sa France aux Français. Chacun de ses livres « Servir » «  Qu’est qu’un Chef ? » « L’équilibre est un courage » publiés chez Fayard s’est vendu à plus de 180 000 exemplaires. 

Le prochain sortira peut-être à point nommé pour annoncer sa candidature à la Présidence de mai 2022.


En attendant il court les interviews et soigne sa communication. Il sillonne la France, va au devant des oubliés. Il se fait applaudir dans les librairies de Versailles et de Montpellier mais aussi dans les quartiers « difficiles » des Mureaux où il s’est impliqué dans le tissu associatif sportif et humanitaire. L’armée est populaire chez les jeunes, le Général n’est jamais raillé, les marginaux lui serrent la main en le regardant droit dans les yeux. 

L’ancien Lt-Colonel qui négociait sur le pont de Mitrovica au Kosovo connait sur le bout des doigts la force du verbe et de l’adjectif. Avant de devenir le Chef d’État Major des trois armée en 2014, il avait rodé ses talents de communiquant dans les cabinets des Premiers ministres Raffarin et Fillon. Pour avoir trop fort réclamé des sous pour ses troupes, il a été remercié sans ménagement par un Président fraîchement élu, peu familier des choses militaires, qui inaugura par ce « fait d’arme » sans précédent, la première gaffe de son quinquennat. 

La défense nationale est une communauté de plus d’un demi million de femmes et d’hommes à laquelle aucune élection nationale n’a jamais résisté. 


Après Patrice de Mac Mahon et Charles de Gaulle, Pierre de Villiers emportera t-il l’Élysée ? 

Sans même être candidat, il est aujourd’hui crédité par l’IFOP de 20% des intentions de vote. Quelle que soit sa décision, il sera pendant la campagne présidentielle le boulet que Macron trainera en pénitence d’avoir humilié le Chef des armées.

mardi 24 novembre 2020

La guerre des sables aura-t-elle lieu ?

La ronde des diplomates masqués qui font la tournée des capitales est révélatrice des tensions qui agitent l’Afrique du Nord et le Moyen Orient. À Tunis, Alger et Rabat, deux ministres français, Intérieur et Affaires étrangères, se sont déplacés à une semaines d’intervalle, puis, le Président tunisien s’est précipité au Qatar pendant que le secrétaire d’État américain s’invitait à l’Élysée avant d’aller faire sa tournée d’adieux chez ses amis du Golfe. 


Les amis arabes de Trump et les autres

Jusqu’à la fin de l’année, Trump est encore le patron. Et il y a fort à parier qu’il s’emploiera à allumer des feux que son successeur aurait peine à éteindre.

Son grand dessein est de contraindre tous les pays arabes à pactiser avec Israël. Il y a partiellement réussi mais a minima: les Émirats Arabes Unis 600 mille ressortissants, Bahrein 500 000 nationaux ont signé le 15 septembre dernier à la Maison Blanche « l’accord Abraham ». Un mois plus tard, Trump claironnait que le Soudan affamé avait rejoint l’accord et que d’autres pays arabes suivraient. Las, l’Égypte la Jordanie, Oman… sont en apparence bien intentionnés, mais ils traînent des pieds. De son côté, le Prince saoudien MBS  tétanisé par la victoire de Biden tente de négocier son impunité pour le meurtre de Khashoggi. Il redoute la vengeance de ses quelque 380 compatriotes milliardaires séquestrés en novembre 2017 au Ritz Carlon de Jeddah et qu’il a rançonnés. Tous étaient des associés et des amis démocrates américains et de Biden ! En Arabie, la vengeance est un plat qui se mange froid sur le corps de son ennemi. Alors pour tenter de sauver sa famille, MBS osera toutes les manoeuvres désespérées, y compris celle d’un bombardement saoudo-israélien de l'Iran.


En Afrique du Nord, les plus farouches opposants de « l’accord Abraham » sont la Tunisie et l’Algérie. Ils sont pourtant les plus éloignés du conflit, mais leur mémoire est longue. La Tunisie a été par deux fois agressée par Israel (bombardement de Hammam Chott en 1985 et commando sur Sidi Bou Saïd en 1988); quand à l’Algérie, elle identifie le souvenir de son épopée anti coloniale avec celle des Palestiniens.

À l’inverse, le roi du Maroc entretien des relations informelles sans complexe avec l’État hébreu notamment par le biais de ses sujets juifs. Mais de là à officialiser une relation qui pourrait heurter la population et ébranler la couronne, le roi ne franchira le pas que le couteau sous la gorge.


Dans la course à l’échalote israélienne que Trump impose aux arabes en leur brandissant carottes et bâtons, le Maghreb est vulnérable.


Les maillons faibles: Libye, Tunisie, Algérie

La Libye est le théâtre d’une guerre mondiale à l’échelle miniature. Les grands s’y affrontent par milices privées interposées et forces spéciales déguisées. L’enjeu du pétrole se dissimule derrière l’idéologie salafiste belliciste étrangère qui tente de convertir une population pratiquant le dogme soufi pacifiste. 

En Tunisie, contre vents et marées, le Président Saïed tente d’imposer à ses voisins son plan de paix avec le consensus des tribus libyennes qu’il a plusieurs fois rassemblées. Son rival Ghannouchi, leader du parti Islamiste tunisien, appuyé par ses  « frères » de Turquie et du Qatar lui met des bâtons dans les roues

En diplomate tenace, le Président tunisien a récemment atterri à Doha pour une visite officielle de trois jours. Il était accompagné du ministre de la Culture. L’émir qui est un familier du gendre de l’ex-dictateur Ben Ali, ne s’est pas déplacé pour l’accueillir à l’aéroport; il a dépêché son ministre de la Défense. Ambiance. Mais compte tenu de la situation économique désespérée de la Tunisie, comment repousser la main de l’émir du Qatar, second investisseur étranger derrière la France ?


Alger n’est pas en meilleure santé. Comme à Tunis, la Covid, la corruption, l’injustice, la récession et les chikayas politiques font des ravages. Symbole de la décadence de ce grand pays « riche », le Président de la République, testé positif, a été transféré en soins intensifs dans un hôpital … en Allemagne. 

Qui gouverne ? Qui commande ? Sempiternelles questions qui animent depuis des décennies les débats des « spécialistes » de la destination. C’est le « système » disent-ils sans être capable de nommer les éléments de la petite communauté de connivence censée diriger le pays. Les généraux, tout puissants mènent entre eux à huis clos une « guerre des képis » qui conduit les perdants à la prison. Les gagnants ont-il le temps de s’occuper de l’avenir de la nation ? 

L’armée algérienne est forte d’un demi million de soldats. Elle est quasi exclusivement équipée de matériel russe, elle vient d’acquérir pour 2 milliards de dollars 14 d’avions chasseurs furtif Sukhoï SU-57.  La plupart de ses officiers supérieurs ont été formés à Moscou. Sa mission est de défendre l’intégrité de 6 500 km de frontières terrestres avec le Maroc, la Mauritanie, la Libye, la Tunisie, le Mali, le Niger et des frontières maritimes avec le Maroc, la Tunisie, l’Espagne et l’Italie.


Le risque d’une guerre fratricide

Le 1er novembre dernier, à l’issue d’un scrutin boudé par les trois quarts des inscrits, la constitution algérienne a été amendée. Elle autorise notamment désormais l’armée nationale populaire à sortir de ses frontières « dans le cadre du respect des principes et objectifs des Nations Unies, de l’Union Africaine et de la Ligue des États Arabes…  (car)  L'Algérie est solidaire de tous les peuples qui luttent pour la libération politique et économique, pour le droit à l’autodétermination… » 

Ce texte sera promulgué dès que le Président sortira de son coma. Il est lourd de sens dans le contexte de regain de tension au Sahara occidental. 


Cette ancienne colonie espagnole a été proclamée République Arabe Démocratique Sahraouie par le Front Polisario en 1976. Son territoire est disputé par le Royaume du Maroc qui revendique la souveraineté de la totalité du pays dont il occupe les trois quarts. Au nom du principe d’autodétermination des peuples, l'Algérie soutien inconditionnellement les sahraouis. 

La communauté internationale divisée, n’a jamais été capable de se prononcer sur l’identité de cette étendue saharienne qui borde l’Atlantique. Il y a trente ans, sous l’égide de l’ONU les parties ont convenues d’en appeler à la population par voix de référendum. En attendant ce scrutin qui tarde indéfiniment à s’organiser, une force multinationale civilo-militaire d’interposition la Minurso, « forte » de 700 hommes patrouillent le long d’un no man’s land de 2 700km de dunes qui séparent les belligérants.

Il y a quelques jours, le cessez-le feu qui perdurait depuis 1991 a été rompu.  Nul ne connait la nature ni l’intensité des combats car aucun journaliste indépendant n’a pu approcher le théâtre d’opération. Les diplomates s’activent. Rabat et Alger recensent leurs soutiens. Les monarchies arabes et la ligue islamique sont solidaires du Maroc, les Africains penchent vers l’Algérie. L’ONU regarde ses chaussures. Paris ne sait pas sur quel pied danser.

Si la situation dégénère en guerre conventionnelle, la France sera dans une posture d’arbitrage intenable par la probable propagation sur son sol de violences incontrôlables entre les populations d’origines algériennes et marocaines.


Décidément, de Dubaï à Tanger en passant par Tripoli et Alger, Trump pour quelques jours encore, peut em.. le monde !

jeudi 12 novembre 2020

Musulmans français ou Français musulmans ?

Il n'existe pas de mot pour traduire caricature dans la langue du Coran. Le blasphème n'existe plus en droit français. 

 Le 31 octobre dernier sur Al Jazeera la télévision du Qatar, le Président Macron a tenté de lever ce qu'il a appelé un «  malentendu  ». «  Ces dessins sont faits en France, ça n’est pas la loi de l’islam qui s’applique en France, c’est la loi du peuple français souverain...beaucoup de pays dans le monde ont renoncé à la liberté d’expression ces dernières décennies parce qu’il y a eu des polémiques, par la peur, par le chaos justement des réactions.  » Brillant plaidoyer bien argumenté qui aura peut-être contribué à réduire le fossé d'incompréhension entre le Président de la France et le «  monde musulman  »   
Dans ses questions le journaliste a évoqué les «  musulmans français  ». Dans ses réponses le Président a parlé des «  Français de confession musulmane  ».  
L'ordre de priorité des mots est révélateur de l'équivoque.   

Charlie intégriste 
Le 9 novembre 1970  Hara-Kiri, journal auto-qualifié "bête et méchant", offensait la mémoire du Général de Gaulle qui venait de décéder. Immédiatement l'hebdomadaire était interdit de parution sur ordre de Matignon  : «  dangereux pour la jeunesse  ». Il reparaissait quelques jours plus tard sous le titre de Charlie Hebdo. 
Le journal  faisait alors rire avec les dessins de Reiser et réfléchir avec les chroniques de Fournier qui éveillèrent à l'écologie toute une génération.  Pour attirer le lecteur, la page de couverture se devait d'être racoleuse, graveleuse, irrévérencieuse. Nul n'était n'épargné, pas même les handicapés.   
Charlie n'a pas changé il est toujours l'adolescent irresponsable qui fait tache dans le paysage de la presse «  convenable  ». 

Contrairement à Libé qui s'est embourgeoisé, il est resté gauchiste anti tout qui chie sur tout. Il dessine en couverture «  le cul des juives  » ou caricature le christ avec des yeux de couilles et un nez de pénis.... Les jeunes Gaulois du Quartier latin ricanent, les vieux bourgeois s'indignent. D'innombrables procès n'en viennent pas à bout. Souvent au bord du dépôt de bilan, l'hebdo a été sauvé par le prophète des musulmans qui lui a valu au lendemain du massacre de sa rédaction par Al Qaïda un tirage de cinq millions d'exemplaires  ! 
Le titre est désormais immortel, il est martyr, il appartient à la République. Aucun pouvoir ne saura le soumettre car il détient le bouton rouge d'une guerre entre les Francs et les Mohamétants. 
Pour Charlie, Dieu, que la République ignore, n'existe pas. Depuis cinquante ans, il le fait savoir. Sa croisade contre les religion est une sorte de radicalisme de la laïcité, idéologie tout aussi intolérante que celles qu'il combat. Ses coups de poings dans la plaie font mal, mais ils alertent  peut-être de maux plus grands encore.     

L'Islam est en crise 
Cette évidence proférée par Emmanuel Macron n'est pas nouvelle. Elle s'affiche dans la confrontation millénaire entre chiite et sunnite cristallisée depuis cinq ans dans la guerre par procuration entre l'Iran et l'Arabie Saoudite au Yémen. Elle s'exprime aussi en Libye où depuis dix ans par mercenaires interposés  le Qatar et la Turquie affrontent les Émirats Arabes Unis, l'Arabie Saoudite et l'Égypte. On pourrait ajouter à ces conflits une dizaine de points chauds en Afrique, en Asie et au Levant où les musulmans s'entretuent sous les yeux des marionnettistes évangélistes américains,  juifs israéliens,  orthodoxes russes, catholiques européens et mécréants de tous horizons. 
Les attentats de Conflans et de Nice commis par des immigrés errants solitaires et incultes sont aussi les conséquences d'une guerre froide secrète. Les caricatures de Charlie ont été montées en épingle dans les pays sous influence des Frères musulmans  : Turquie, Qatar, Tunisie, Pakistan, Bengladesh, Gaza, Tripoli ; elles ont été modérément diffusées dans les camps d'en face pourtant tout autant intolérants  : Arabie, Émirats, Égypte, Algérie mais qui sont les alliés de la France dans cette confrontation idéologique au sein de l'islam.   

Il y a 1,8 milliard de musulmans dans le monde. Seuls quelques petits millions d'entre eux vivent dans un espace de liberté, ceux de France en font partie. Ils n'ont pas bougé et ce n'est pas la peur de la répression qui les auraient empêché de descendre dans la rue. Ils ont à l'unisson de la nation été choqués par les assassinats et leurs infâmes motifs. Ils ont sans doute pensé comme l'islamologue tunisien Youssef Seddik, «  que le blasphème n'engage que celui qui le profère...que les musulmans cessent de pousser des cris d'orfraie pour des faits qui ne les concernent pas...  »  (Jeune Afrique 6 nov 2020)   

Les occidentaux aussi doivent faire le ménage chez eux 
Alors que la Chine, le Japon et la Russie ont leur propre moteur de recherche, l'alliance des opiums des peuples wahhabites et évangélistes diffuse en occident les messages de Google. Car Google est salafiste. Le chercheur  Hugo Micheron révèle   : « Si vous faites une recherche quelconque sur l’islam dans Google... huit pages sur dix correspondront à des orientations les plus orthodoxes, voire ouvertement salafistes.  » (audition du 21-01-20 au Sénat).   

Autre curiosité du paysage, au milieu de la tempête contre Macron, le Premier ministre canadien Trudeau a cru bon – pour faire plaisir à ses clients du Golfe - de déclarer que la liberté avait des limites  !... Sous-entendant celle du sacré. 
Trudeau retarde de cinq siècles. Ses ancêtres qui posèrent le pied sur les rives du Saint-Laurent, racontaient qu'à Paris en 1529, un bourgeois perdant une partie de dés  s'était s'exclamé «  merde à la Vierge Marie et à Dieu  !  ». Arrêté et jugé, il avait été brûlé en Place de Grève sous les yeux d'une foule satisfaite qui psalmodiait l'Ancien Testament  : «  celui qui blasphème au Nom du Seigneur sera mis à mort  : toute la communauté le lapidera  » (Lévitique 24, 13-16).   
Au nom de la liberté Trudeau voue au bûcher posthume Rabelais, Voltaire, Céline, San Antonio, Coluche, Desproges, Bedos...et d'autres milliers de milliers d'impertinents anonymes. A-t-il jamais visité Paris où chaque jour, 27 000 touristes se pressent autour du Sacré Coeur près duquel se trouve la statue du Chevalier de la Barre qui fut supplicié, décapité, brûlé en 1766 à l'âge de vingt ans pour avoir négligé d'ôter son chapeau au passage d'une procession  ? Quelques années plus tard, la tourmente révolutionnaire coupait la tête du roi puis guillotinait 30 à 40 mille suspects dont quelques milliers de prêtres réfractaires (les Bienheureux Martyrs), pendant qu'à Paris on pillait et détruisait les églises. Trois générations  plus tard, pour mettre un terme définitif à l'ingérence de dieu dans le gouvernement des hommes, la nation se séparait définitivement  de la religion.   

La laïcité est la France 
On ne peut comprendre la laïcité à la Française si on  ignore son histoire. Chaque français est d'abord un citoyen. Cette qualité prime sur les croyances et les pratiques religieuses. Les quelque 5 millions de citoyens musulmans s'y obligent car «  La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale...  ». L'article premier de la Constitution devrait être affiché au tableau de toutes les écoles de France. 
C'est à cause de cet ancrage singulier que les Français sont pris pour cibles par les intégristes qui ont pour «  mission  » d'islamiser le monde. En France, ils sont une minorité de criminogènes, mais le réservoir d'illuminés incultes est immense.   
En absence de toutes statistiques, plusieurs rapports d'études concordent pour dire que la moitié des musulmans vivant en France sont pratiquants. Ils se rendent régulièrement dans l'une des 2 600 salles de prières et mosquées. 
 L'inquiétude vient d'instituts de sondage qui révèlent que plus du quart d'entre ces pratiquants, soit plusieurs centaines de milliers pensent que «  la charia devrait s'imposer aux lois de la République  ». Ce chiffre ahurissant est alarmant car il révèle la faillite de l'éducation nationale.   

Musulman et étranger de naissance 
En France, on naît musulman par généalogie, on le devient par le regard de l'autre. 
La religion se transmet de père en fils. L'attribution du prénom est un marqueur social qui suivra le musulman toute sa vie. Face à  Kevin ou Aurélie religieusement anonymes, Abdallah et Fatma porteront le label de leur dieu. C'est pourquoi certains parents donnent à leurs enfants des prénoms «  séculiers  » Sonia, Eddy ou bi-religieux: Sarah ou Adam, Maryam ou Elias. Comme dans toutes les religions, croyance et ferveur se nourrissent ensuite de l'éducation des parents et de l'enseignement des catéchistes.   
Parce que les musulmans de France sont plus ou moins lointainement issus de l'immigration, leur citoyenneté est ouvertement déniée. Ainsi, au lendemain des attentats le ministre de l'Intérieur Darmanin est allé en tournée en Afrique du Nord pour soumettre une liste de fichés «  S  » à expulser vers leur pays d'origine. Alger et Tunis ont fait remarquer que la plupart des individus désignés étaient citoyens français, nés en France. 
Comment se démarquer de cette identité étrangère et de cette double suspicion d'allégeance à un pays étranger et à une religion prétendument hostile à la république  ?   

Bi-citoyen «  Malgré-nous  » 
Tout comme la religion musulmane, la nationalité dans les pays arabes s'acquiert automatiquement par filiation. Ainsi, de jeunes français descendants d'immigrés ont rarement ou jamais mis les pieds au pays de leurs ancêtres dont ils ne parlent pas la langue. Ils sont pourtant des nationalisés du destin, des   «  Malgré nous  » du nom des Alsaciens incorporés par les Allemands. Cette condition serait supportable si elle n'était pas source  de méfiance et de tracasseries. « J’avais sans cesse le sentiment d’être jugée. En France je m’exaspérais  que l’on me renvoie à mes origines, comme si j’étais étrangère. En Tunisie, on s’étonnait que je ne parle pas la langue de mon pays d’origine » confie  la journaliste Sana Sbouai (La Presse tn 19-07-19)   

La confusion entre nationalité d'origine et religion remonte à la colonisation. Ainsi en 1923, la France décide d'encourager l'intégration par la naturalisation des élites tunisiennes dans son protectorat. Pour endiguer le flot des candidats surtout attirés par le supplément de revenu, «  le tiers colonial  », les nationalistes parmi lesquels Bourguiba proclament avec les oulémas que la naturalisation vaut conversion et que par conséquent les nouveaux français ne peuvent prétendre au repos dans un cimetière musulman. Cette instrumentalisation de la religion réussit au-delà de toute espérance. Aujourd'hui encore, la confusion nationalité-religion continue de tourmenter les esprits.   

La terre française est t-elle mécréante  ? 
Des récentes statistiques concordantes révèlent que 80% des musulmans de France se font inhumer à l'étranger. Les intégristes prétendent que la terre française est mécréante mais restent muets quand on leur demande de définir ce qu'est une «  terre musulmane  ». Ils évoquent aussi le manque de place dans les rares carrés réservés des cimetières municipaux où comme les juifs, ils réclament d'être inhumés à part. Et les mairies ne font pas preuve de bonne volonté. Ce qui peut se comprendre. 

De l'autre côté  de la Méditerranée, on encourage le « rapatriement  » (de quelle patrie?) des corps. Ainsi, l'état tunisien prend à sa charge l'intégralité des frais dès la déclaration de décès au Consulat. Marocains et Algériens sont organisés en associations de solidarité plus ou moins efficaces. Sur le net, une entreprise de pompes funèbres affiche un prix d'appel de 4 050 euros pour un service vers la Turquie, 2 500 vers le Sénégal, 1 900 vers le Pakistan, 1 700 vers le Mali....Le business est florissant. Nul ne s'interroge sur la fuite des défunts. La mort emporte la citoyenneté française du  musulman.   

Un destin de Morisque 
En 1492 après la chute de Grenade les musulmans et les juifs recevaient l'ordre de se convertir ou de s’exiler, mettant fin à 800 ans de présence musulmane en Espagne. En 1609, ceux qui avait accepté de se convertir au prix d'incessantes persécutions de l'inquisition, étaient finalement expulsés. Près d'un million de Morisques s'installeront en Afrique du Nord et reprendront la religion musulmane ou juive que leurs grands parents avaient reniée. Certains de leurs descendants se sont installés en France au 20ème siècle. 
Musulmans de France où Français musulmans, qui pourrait prédire que leur sort ne sera pas finalement comme celui des Moriques,  les oubliés de l'Histoire.