dimanche 30 mai 2021

Vous avez dit Hamas ?

Empêtré dans un agenda judiciaire et électoral, Netanyahou n'a pas choisi la date au hasard. C'était "la journée de Jérusalem". Au sortir de la guerre des six jour en 1967, Israël prenait le contrôle de la ville trois fois sainte. Anniversaire de l'annexion pour les uns, de la réunification pour les autres, source de conflit pour tous. Le 12 mai,  célébré dans toutes les synagogues, coïncidait cette année avec le dernier jour du mois de ramadan et la célébration de l'Aïd el fitr la fête religieuse la plus importante de l'année des musulmans. C'est le jour où tous les enfants les yeux brillants, attendent les cadeaux et les friandises. 

Ce 12 mai, des policiers israéliens sont entrés dans la sainte mosquée d’Al-Aqsa pendant que les expulsions redoublaient dans le quartier voisin de Cheikh Jarra à Jérusalem Est. Et c’est ainsi que Gaza s'embrasa.


Retour sur image

En 1995, le Premier ministre de la paix Yitzhak Rabin, était assassiné par son compatriote Yigal Amir un intégriste sioniste. 

Depuis, la droite israélienne opposée à toute négociation, a machiavéliquement joué la division des Palestiniens. Pour gouverner, elle a récompensé les conciliants et enfermé les irréductibles. C'est une erreur car on ne fait pas la paix avec les ombres de sa fabrication. Au fil des ans cette politique a attisé la rage des séquestrés. À Gaza, il y a deux millions d'humains entassés sur un littoral de 40km, large de 10km. Ils vivent de la charité de leurs geôliers et de la générosité de l'étranger. Alors, les jeunes caillassent les uniformes israéliens qui passent à jet de pierres derrière les barbelés  ;  alors les hommes bricolent dans des abris creusés à la pelle des fusées explosives qui font long feu sur «  le dôme de fer  ». Pour punir les assiégés courageux qui parfois réussissent leur coup, l'aviation israélienne bombarde et mitraille dans le tas au grand malheur d’innocents malchanceux. Régulièrement, au gré de la conjoncture politique et des alliances électorales Gaza  paye son tribut à l'inhumanité. Et des enfants meurent  : 410 en 2009, 26 en 2012, 530 en 2014, 65 depuis le 12 mai. Au cimetière, l'addition macabre des petites tombes de "mort pour la Palestine" dépasse les 1 000 mômes. Alors, à la longue, forcément, les plus doux des moutons encagés à Gaza sont devenus des lions.

Le Hamas, mouvement islamiste fondamentaliste est celui de la  résistance. Comme sa cause est juste, il emporte l'adhésion ou la sympathie de tous. Sans lui la paix n'est pas possible, mais ceux qui prétendent œuvrer pour elle le  qualifie de «  terroriste  ».


L'axe Tel-Aviv Paris

En France, dans les banlieues, la communauté musulmane qui s’apprêtait à festoyer en famille la fin du mois d'abstinence en regardant les programmes religieux ou de divertissement des chaines satellitaires arabophones, s'est retrouvée figée d'horreur devant le défilé de cadavres d'enfants et de mères en pleurs. En zappant, CNEWS et BFMTV offraient  le spectacle pyrotechnique des interceptions de missiles dans la nuit étoilée de Gaza, commentées par l'incontournable expert militaire  de service. En résumé sur les chaines arabes on pleurait de rage, sur les françaises on saluait l'exploit. 

Du plus profond de leur être, l'affliction des musulmans de France s'est doublée d'une indignation unanime quand le Président Macron a appelé trois fois Netanyahou au téléphone pour « le soutenir dans son combat contre le terrorisme  ». Le Président persiste à mettre dans le même sac les sympathisants de la cause palestinienne et les antisémites, à confondre judaïsme et sionisme. Son camp est celui de la droite radicale. Sans doute pense-t-il que la complaisance des États arabes non démocratiques gagnera celle de la communauté arabe de France. Il se trompe. Enfin, Pompon sur la Garonne, Darmanin, ministre de l'intérieur (arabe de lignée) a interdit toute manifestation de pro-palestiniens avant d'aller quelques jours plus tard, défiler au milieu de policiers qui promettent de voter à 74% pour Le Pen. 

Ces prises de positions irréfléchies ne sont pas prêtes de s’effacer et le parti du Président Macron a probablement perdu les suffrages des citoyens arabes et/ou musulmans


Hamas ou Khaamas  ?

Dans l'hexagone, la guerre de Gaza  est celle des mots et des formules inspirées par la propagande israélienne. La censure du vocabulaire fabrique et diabolise l’ennemi; elle travestit les adjectifs, tronque les traductions, interprète leur prononciation. 

Pour parler de la Palestine et d'Israël chacun  choisit son lexique. Chaque camp a ses dires interdits. L'un ne  cite jamais  l'acronyme de  l'armée israélienne mais celle d'occupation, l'autre la glorifie et s'empresse d’ajouter «  et qui a le droit de riposter  ». Le pouvoir de Tel Aviv qualifie systématiquement les résistants palestiniens de terroristes et élève en capitale du pays la ville de Jérusalem que les arabes nomment Al-Qods (la Sainte). Cette rhétorique appuyée est  singulièrement parisienne. Partout dans le monde libre, la presse est moins bridée et moins complexée qu'en France  ! 

Le diable se cache dans les détails.  Écoutons sur France Inter Levy ou Enthoven prononcer le mot Hamas. Le son sort de la gorge, il est gargarisé, guttural  : Khaamas. Il ne s'agit pas de la prononciation arabe de la lettre H (ha)  qui est douce à l’oreille, ni de la française avec son H aspiré ou neutre mais de l’hébreu qui se vocalise gutturalement Khaa. Les sionistes français s’épuisent les cordes vocales à dire l’arabe en hébreu. Ce n’est pas innocent. De savants communicants musicologues ont démontré que ce raclement de gorge est subliminalement perçu comme un crachat par les oreilles francophones.  Alors c’est sans doute pourquoi, à la radio, à la télé, BHL, Enthoven - érudits normaliens -  et bien d’autres qui savent le français mieux que l'écriveur et le  lecteur, emploient l'hébreu pour nommer l'arabe. Dans leur égo inconscient se prénoment-ils Bernard-Kheenri,  Rafkhaaël et leur ami député des Français d’Israël  Khaabib  Meyer ?  On leur souhaite bonne sieste avant qu’un coup de vent ne les fasse tomber de leur khaamac  !  



https://orientxxi.info/va-comprendre/petit-lexique-a-ne-pas-utiliser-pour-parler-d-israel-palestine,4786 

lundi 10 mai 2021

Mai, mois de mémoire

En ce mois de mai joli fleurissent les célébrations. Les Français confinés sur leur canapé se souviennent; ils polémiquent un verre à la main devant le comptoir animé de CNEWS ou BFM tv.

Napoléon décédé le 5 mai 1821 est admiré dans le monde entier depuis deux siècles. Mérite-t-il pour autant l'hommage de la République et une gerbe bleu blanc rouge au pied de son tombeau de marbre vert ? Il était misogyne et esclavagiste, tares aujourd'hui imprescriptibles auxquelles d'autres s'ajouteront probablement au fil du temps. Inlassablement, chaque année, un million de pèlerins de toutes nationalités payent pour aller se recueillir devant sa dépouille. Même Fidel Castro est venu s'y incliner. 


Mai 1871, Paris saigne. Pour avoir osé monter "à l'assaut du ciel", 17 000 fusillés emportent en terre les rêves de la Commune. Cet épisode tragique et glorieux de l'Histoire de France est le levain qui fermentera les consciences universelles. À Londres,  Karl Marx analyse la leçon de Paris et s'en inspire avec Engels pour la rédaction du Manifeste communiste. Plus tard, Lénine en tirera les enseignements dans  l'écriture de L'État et la révolution affirmant que  «  les révolutions russes de 1905 et de 1917....continuent l'oeuvre de la Commune de Paris  » 


Le 1er mai 1891 marque la célébration du premier anniversaire de la fête du travail. À Fourmies petite cité de 15 mille habitants du département du Nord, les ouvriers du textile boudent le travail et défilent dans les rues en chantant. Les soldats instrumentalisée par le patronat local tirent dans le tas  : 9 morts, des gosses de 11, 14, 16, 18 ans. La foule éplorée entonne la Marseillaise. Dans la France bouleversée naît le socialisme. Qui aujourd'hui s'en souvient  ?


Le 8 mai 1945 les nazis mettent genoux à terre après avoir fait 50 millions de victimes à travers le monde. La guerre est finie sur le sol français, mais elle va sans intermède se délocaliser en Algérie. 

En ce matin du même 8 mai 1945 à Sétif  la population arabe célèbre la victoire de l'Union des hommes libres. Ils brandissent les drapeaux de France et des alliés mais aussi celui vert et blanc de l'Algérie. Le sous préfet perd son sang froid et tire en l'air, un policier abat le jeune scout gonfalonier. Plusieurs dizaines de manifestants tombent à sa suite. Pour étouffer la révolte qui se répand immédiatement à travers le pays,  45 000 autres nationalistes sont massacrés. Les miliciens, les fonctionnaires planqués et les militaires pétainistes trouvent sans doute dans ce génocide l'occasion de se consoler de leur défaite. Et puis, en désignant un nouvel «  ennemi  »  la France libérée se dispense à bon compte de juger ses collabos en les envoyant maintenir l'ordre aux colonies. 

En ce 8 mai 2021, après Hubert Colin de Verdière en 2005, François Gouyette ambassadeur de France en Algérie est allé à Sétif fleurir le monument aux morts


Mai 1968, étrange révolution sans sang, sans combat, ni victoire. Les enfants font la teuf «  il est interdit d'interdire  » ils rêvent d'un monde peace and love. Des copains lâchent l'université pour l'usine, d'autres partent élever des chèvres sur le causse du Larzac. Une poignée de militants renoncent à l'ENA. La belle affaire  ! Succédant à de Gaulle dépassé, Giscard  libère la femme et indemnise généreusement le chômage avant d'être injustement dénigré.


Mai 1981 un homme une rose à la main s'en va déposer dans une cachette du Panthéon toutes les illusions de la gauche unie. Les nigauds croient le grand soir arrivé. Pendant que dans les bistros parisiens quelques avinés entonnent l'international et le chant de la jeune garde, le pharmacien très à droite d'une petite ville du Perche se suicide. La Mitterrandie n'a pas toujours été rose. 


Las, le souvenir du mois de mai  qui passionne le plus l'opinion est celui de la mémoire courte.