lundi 18 janvier 2016

Renier ou être déchu


Que les assassins soient tondus puis déchus en grande cérémonie place de la République après lecture du Préambule de la Constitution, et puis après ? En tuant pour des idées contre lesquelles depuis des siècles des millions de Français se sont sacrifié, les mabouls du jihad n'étaient déjà plus des nôtres mais des avatars déshumanisés.
Même les pays de leurs ancêtres ont refusé que leurs dépouilles viennent souiller leurs cimetières, alors ils ont été ensevelis en catimini, sans tristesse ni regrets dans une fosse recouverte d'une terre qui les avait fait naitre. 
Ils ont amplement mérité l'indignité nationale.
La déchéance est un leurre qui masque l'enjeu central des prochaines élections : celui de la dénaturalisation des binationaux.
Hollande a-t-il voulu prématurément désamorcer ce pétard à mèche longue ?

Depuis soixante ans, une partie de l'opinion française est obsédée par l'immigration. Elle refuse l'intégration et le partage des différences, elle exige l'assimilation, confondant identité et identique.
Cette aspiration a été ignorée par les gouvernements et les élus qui ont pratiqué une politique de différenciation et de communautarisme. Par commodité, ils ont conduit une politique publique d'implantation de ghettos et sous-traité « la paix sociale » aux États anciennement colonisés.
Les banlieues révèlent des quartiers monocultuels : Algériatown, Tunisiatown, Chinatown, Turquitown...."Qui se ressemblent s'assemblent", avec les encouragements des pouvoirs publics.
Ainsi perdure le système d'enseignement des langues et cultures d'origines (ELCO) dont les programmes incontrôlés véhiculent chez les élèves des écoles primaires une idéologie et des valeurs aux antipodes de celles de la République.
Ainsi, pour faciliter l'encadrement sécuritaire, la coopération policière « internationale » a été renforcée. À la chute de Ben Ali, il y a cinq ans, on a découvert qu'une centaine de commissaires tunisiens avaient été discrètement accrédités et que des bataillons de supplétifs veillaient à la bien pensance des Tunisiens sur le sol français.
Ainsi, la « calino thérapie diplomatique » avec l'Arabie et le Qatar a permis depuis plus de quinze ans d'accorder des cartes de séjour à des centaines d'imams salafistes rémunérés sur des fonds mystérieux qui ont propagé un discours de haine contre les juifs, les chrétiens et les mécréants.
Ainsi, au lieu de songer à créer une Ecole Nationale de l'Islam le gouvernement signe à tour de bras des accords avec des établissements du Caire, d'Ankara, d'Alger ou de Rabat pour former les futurs imams de France. Un comble pour un pays qui compte plus de musulmans que la plupart de ceux qui siègent à la Ligue Islamique et dont les islamologues sont parmi les plus savants du monde.
Et on pourrait multiplier les exemples qui démontrent comment au fil des années, à traiter les Français de confession musulmane comme des étrangers, on a fabriqué des générations de citoyens hybrides qui partagent la nationalité de Voltaire et les idées d'Al Qardawi.


Depuis l'entrée en guerre contre l'État Islamique, l'ambiguïté identitaire est devenue une question nationale car tout arabe, tout musulman est désormais suspect.
Le temps est peut-être venu de débattre non pas de la déchéance, mais de la double allégeance qu'implique la bi-citoyenneté.
Colère dans les dîners en ville : « Comment peux-tu dire çà TOI ! Tu vieillis, tu vires facho... »
Car ce sujet est tabou. C'est un « modèle déposé » par l'extrême droite. Il est interdit d'y toucher sans verser des royalties au Front National.
Combien de binationaux ? Cinq, six, huit millions ? Nul ne le sait.

Le double passeport n'est pas le legs passager du nouveau naturalisé, il se transmet de génération en génération. On devient français par naissance, filiation ou acquisition. On est binational par héritage. Pour résumer : les arabes portent automatiquement la nationalité de leur père et de leur grand-père, et les juifs, deviennent israéliens sur simple déclaration consulaire. C'est la loi de l'origine.

Au plan touristique, juridique, commercial et fiscal, ce statut de binational présente certains avantages, mais il a un inconvénient : le service militaire. Certes, comme il existe des conventions bilatérales plus ou moins favorables, il est possible de se soustraire à l'appel sous le drapeau « étranger » en choisissant de résider en France. Mais combien de jeunes français sont enrôlés en Algérie, en Turquie, en Israël ? Secret défense.
On se souvient du soldat Gilad Shahit « enlevé » dans un char israélien à Gaza, puis « séquestré » comme « otage » par les « terroristes » palestiniens. Sarkozy et Delanoë avaient fait placarder sur les murs des édifices publics le portrait géant du sergent israélien. À la même époque, le Président Français s'était superbement désintérressé du sort du prisonnier franco-palestinien Salah Hamouri qui fut finalement libéré en même temps que Gilad Shahit. Échange surréaliste de deux Français se combattant pour une cause étrangère à leur « patrie ».

Cette double allégeance est officiellement revendiquée par les Israélo-Français dont le gonfalonier est Monsieur Meyer Habib, député des Français établis hors de France. Élu de la 8ème circonscription: 112 mille inscrits dont 65 mille en Israël, le reste étant réparti entre l'Italie, la Grèce, la Turquie, Chypre et Malte. Sioniste assumé, ancien vice-Président du CRIF, il revendique sa proximité avec le Likoud et son amitié avec Netanyahou. En février 2015 devant la caméra d'iTélé il a réaffirmé sa nationalité Israélienne « tout comme une soixantaine de membres de l'Assemblée Nationale »
C'est la Knesset au Palais Bourbon !
Sur son blog, le parlementaire affiche comme premier objectif « la préservation de la bi-nationalité car c'est une chance dans un monde qui change » En déplacement à Tel Aviv, il ajoute devant ses électeurs « Israël est une assurance tous risques ».

À l'inverse, le destin de la majorité des musulmans binationaux est en France et nulle part ailleurs. Comme les Bretons, les Corses ou les Antillais, ils portent leur origine avec fierté mais trouvent déplacé qu'on leur accole systématiquement cette seconde identité de Franco-X, c'est à dire de Franco-étrangers. Peu d'entres eux envisagent de s'établir dans le pays de leurs ancêtres, mais pour autant, l'abandon de leur nationalité est rarement envisagé car il faut vaincre les aversions héritées de l'histoire coloniale qui entretiennent la confusion entre renonciation à la citoyenneté et déclaration d'apostasie.

La nationalité n'est pas un document cartonné que l'on peut collectionner. La Loi américaine est sans doute l'une des plus abouties du monde car elle restreint le cumul et interdit la confusion des allégeances. Le législateur français ferait bien de s'en inspirer pour amender le Code.
C'est l'occasion ou jamais car à trop tarder, on laisse les marchands de cataclysmes et les futurologues nationaux préparer l'enjeu des élections avec de sombres suppositions. Et si un jour entre les jours, disent-ils le malheur jetait les Algériens, Marocains et Tunisiens les uns contre les autres dans une guerre fratricide.... si les tueries de Daech parvenaient à provoquer l'insurrection des banlieues...si la guerre israélo-palestinienne s'internationalisait...si comme il y a vingt ans en Bosnie... ?
Invraisemblable bien sûr !

En revanche, si après demain le gouvernement sous la pression d'une opinion apeurée venait à contraindre les bi-citoyens d'abandonner l'une de leur nationalités, alors il faudra bien choisir entre renier ou être déchu !..

dimanche 3 janvier 2016

Sexe et stupéfiants en Tunisie


Cinq ans après la révolution inachevée, alors que le pays est affecté par le terrorisme la guerre de Libye et le chômage endémique, le pouvoir dans un mouvement de dérisoire diversion fait la chasse aux pédés. C'est du jamais vu sur cette terre de tolérance où l'invective de tapette n'a jamais prêté à fâcherie durable.

Les anciens se souviennent du chanteur célèbre qui se promenait à La Marsa vêtu d'une djellaba en soie rose, chemise fushia, soquettes blanches et mocassins vernis. Un jour, les notables assemblés à la terrasse d'un café rompirent le cercle pour lui faire une place à leur coté. L'un d'entre le complimenta  avec ironie: « Ya Sidi Ali, quelle allure aujourd'hui, quelle élégance...c'est bien simple, vous ressemblez à un bonbon ! »
Et encore rétorqua l'interpellé, «  tu n'as pas encore gouté l'acidulé ! »
La réplique fit le tour de la ville.
Chaque soir, le grand artiste parfumé s'en allait gazouiller d'une voix de pucelle quelques unes de ses 150 chansonnettes sublimes devant un public en pâmoison. Le Charles Trenet tunisien s'est éteint il y a quarante cinq ans, couvert de gloire. Il repose en paix dans le mausolée de son grand père, le plus adulé des Saints hommes de Tunisie.

À cette époque, l'homosexualité ne prêtait pas à conséquence. Chacun vivait sa vie, nul ne se mêlait jamais des affaires de son voisin. La Tunisie était ainsi un havre de paix pour des célèbres libertins français raillés à Montparnasse ou Saint-Germain des Près mais jamais à Sidi Bou Saïd et Hammamet. Enfin, il y avait même - extravagance sans pareil en Méditerranée - , près de la Porte de France, une allée chaude où les Tunisois faisaient la fête alternativement dans le bordel des femmes puis dans celui des hommes. Qui s'en offusquait ?

En ces temps pas si lointains, le paquet de Takrouri était vendu au tabac du coin moins cher que celui de Camel. Pourtant, les consommateurs de cannabis n'étaient pas légion, la mode étant plutôt à l'ivresse au Whisky ou à la Boukha, l'alcool de figues de Bokobsa.


Ben Ali le dictateur transforma le code Pénal en instrument d'asservissement dont il usa avec un machiavélique discernement. La police interpellait systématiquement les homosexuels et les fumeurs d'herbe. La prison ou la liberté dépendait ensuite de leur bonne volonté. C'est par ce marchandage immonde que furent recrutés des centaines de milliers d'indicateurs parmi lesquels des personnalités étrangères influentes : hommes politiques, diplomates ou journalistes tous pris dans le piège d'une rencontre honteuse, prélude à un interminable chantage.
Depuis la Révolution, le pouvoir a abandonné ses mauvaises manières mais le code Ben Ali est toujours en vigueur et nul ne sait où reposent les archives des années noires de la police politique.
Aujourd'hui, la Tunisie dont la constitution vertueuse est l'une des plus aboutie, s'accommode mal de l'héritage de cet arsenal de lois totalitaires.

L'homosexualité masculine ou féminine est punie de trois ans d'enfermement. Il faut et il suffit d'en apporter la preuve par témoignage ou examen « médical ».
L'union passagère est un crime. Si le couple est âgé de moins de vingt ans la peine de prison est doublée.
Peu de touristes savent que leurs aventures pédophiles sur les plages chics de Monastir ou de Djerba peuvent selon le Code les conduire à la potence.
Légalement toute copulation hors mariage est passible de prison.

À Kairouan récemment, la police a investi une maison où « s'ébattaient » des couples de garçons. Arrestation. Test anal. Trois ans de prison par application de l'article 230.
Ce cas n'est pas isolé. Les condamnations sont courantes mais habituellement, les victimes et leurs familles cachent leurs déshonneurs. Mais depuis quelques mois, des militants courageux dénoncent sur les réseaux sociaux l'ampleur de l'homophobie officielle. Menacés de représailles, certains fuient et réclament l'asile politique à une Europe embarrassée.
De leurs cotés, les couples homosexuels européens de touristes, hommes d'affaires, diplomates... désertent la destination du jasmin.

Le problème est devenu politique depuis qu'un estimable ministre de la justice a émis le projet de réformer la loi homophobe. Désavoué par son gouvernement, il a été contraint de démissionner.
À Carthage, on rappelle que dans une dizaine de pays musulmans, la sodomie est punie de mort et que l'opinion tunisienne n'est pas prête à accepter un processus qui conduirait à la reconnaissance de l'union libre et en tous genres.
Le gouvernement de coalition nationale ne veut pas s'aliéner les intégristes musulmans même si le leader du parti islamiste a déclaré timidement qu'il ne s'opposerait pas à la révision du Code.
Finalement, pouvoir et opposition cherchent à éviter un débat de nature à fâcher l'Arabie et le Qatar, objets d'intenses câlineries diplomatiques.

En attendant, la jeunesse gronde. Parmi les 6 000 hommes et 700 filles référencés combien de maboul sexuels frustrés sont partis vers la promesse d'une baise éternelle ? Vers l'amour à gogo sous l'effet du Captagon, un puissant inhibiteur qui transforme les chiffes moles en super héros ? Subliminal message au revers de la bannière : « jihad, sex and drug »

En Tunisie la loi du 8 mai 92 punit de un à cinq ans de prison tout détenteur ou consommateur de plante ou de matière stupéfiante ; héroïne, moquette ou Datura, c'est kif kif.
Il n'y a aucune circonstance atténuante, même la tentative est punissable.

Cette disposition est la cause d'un cauchemar de masse. Pour avoir fumé de la « zlata », 11 000 condamnés croupissent sous les barreaux ! (à l'échelle de la population française, cela équivaudrait à 80 000 détenus) La plupart ont moins de 23 ans.
Il y aurait davantage de jeunes en tôle que de conscrits sous les drapeaux !

Sexe et drogue gangrènent l'avenir de la paix sociale et les perspectives d'achèvement de la démocratie.

Reste la consolation de la liberté d'expression dont les Tunisiens usent et abusent. Courageusement. Car la diffamation, la fausse nouvelle, l'insinuation, peuvent valoir le cachot. Sans compter tout l'arsenal légal qui protège les fonctionnaires et garantit « la sureté de l'État ». Sous ce prétexte, les insolents au verbe haut ont vite fait de se retrouver à l'ombre avec les bloggers et autres rappeurs imprudents. Combien de jeunes sortent encore meurtris des commissariats comme la téméraire Afra, lycéenne du Kef qui eut le culot de parcourir la ville avec un calicot dénonçant le projet de destruction d'un site historique par un promoteur peu scrupuleux.

Le pouvoir met ces dérapages sur le compte de l'état d'urgence face au terrorisme. En réalité, la police a repris ses mauvaises manières. Le fléau de la justice penche trop souvent d'un seul coté. Malgré les tortures avérées, l'article 101 bis réprimant tout acte de violence physique ou moral commis par un fonctionnaire n'est jamais appliqué.

Ces iniquités judiciaires se cumulent avec les autres injustices sociales et territoriales, elles menacent le fragile ciment de l'identité nationale.
Les politiciens conservateurs ont confisqué la Révolution aux jeunes insurgés de la Kasbah. À ceux là même dont on a oublié qu'ils avaient à l'époque été nominés pour le Nobel ! Cinq ans plus tard, le prix est revenu à quatre institutions de notables: avocats, droits de l'homme, syndicat et patronat. Fortes de cette reconnaissance internationale, et auréolées de la fierté nationale, il leur revient à présent de porter la voix de la jeunesse pour faire sortir la Tunisie de sa léthargie.