mardi 31 décembre 2013

Le voyage sidérant de Hollande en Arabie


Vers l'Arabie compliquée, François Hollande s'en est allé avec une idée simple : engranger la récompense de son allégeance. Au terme de vingt quatre heures passées à Riyad, il rentre bredouille avec l'amer sentiment de s'être fait rouler dans la farine.
Cette visite officielle, scrupuleusement encadrée par des attachés de presse dévoués, laissera la trace de non dits révélateurs de la légèreté française.

La première exclusion sémantique de ce voyage est l'islam. 
Il est extraordinaire que le chef de l'Etat français ait omis toute référence à la vocation religieuse du Royaume wahhabite d'accueillir -au moins une fois dans la vie- un milliard et demi de pèlerins. Plus regrettable, dans aucun de ses discours il n'a mentionné la communauté musulmane de France pourtant la première en nombre des pays occidentaux.
Quel contraste avec sa visite en Israël où il y a un mois il déclarait : « ...la France sait ce qu'elle doit aux juifs de France, en matière scientifique, culturelle, intellectuelle, économique. » Passons.

Le Président du pays de la déclaration des droits de l'homme n'a pas davantage évoqué l'orgueil oublié de la France. Il a complaisamment accepté la danse du sabre. L'Arabie a décidément les moyens de faire taire les bonnes consciences.

En Orient l'absence de mots a un sens.

Francois Hollande a doctement évoqué l'Iran, l'Egypte, la Syrie, le Liban donnant l'impression que son bref aparté avec le roi dominait l'Europe et la piétaille du G20. Pas une fois il n'a parlé des Etats Unis ou de son Président. Pire, la diplomatie française a crânement fait savoir qu'elle allait profiter des opportunités offertes par le refroidissement passager des relations entre Washington et Riyad.
Certes, les deux capitales se boudent. Mais c'est une querelle entre deux familles consanguines. Sans l'assistance américaine, la poignée de millions de saoudiens retourneraient vite au désert. Tous les secteurs vitaux du pays sont dominés par les experts et les consultants US : pétrole, eau, armée, police, transports aériens, communications...La quasi totalité des élites est formée dans des universités américaines. Bref, il n'existe aucune alternative crédible à l'hégémonie US en Arabie.
L'entrisme de Hollande était d'avance voué à l'échec dès lors qu'il avait ignoré le portier. L'impression qui domine est qu'à Riyad, le Président grenouille a voulu se faire plus grosse que le bœuf.

Conséquences : les frégates et les sous-marins tombent à l'eau. Plusieurs méga-contrats sont différés. Même le milliardaire marché de missiles sol-air paraphé il y a trois mois est remis à plat. Alors, le Président s'est consolé en allant agrafer la Légion d'honneur à un homme d'affaires saoudien qui a eu la riche idée d'aller le mois dernier sauver les poulets Doux d'une faillite bretonne certaine.
A croire que le Quai d'Orsay n'a pas échographié correctement les arcanes de la monarchie saoudienne et qu'il a sous estimé l'autonomie du puissant ministère de la défense, le MODA qui échappe depuis toujours au clan du très vieux roi.

Pourtant, la visite de François Hollande a révélé que le pouvoir des Saoud n'était ni vacant ni déliquescent. En coulisse une subtile partie de mistigri s'est jouée à ses dépens. Ainsi, le Français s'est vu offrir un formidable cadeau empoisonné : Abdallah d'Arabie lui a donné trois milliards en bons d'achats d'armement à livrer au Liban ! C'est extravagant. Le Président du Liban en est tombé de l'armoire. Au même moment, les intermédiaires de toutes obédiences sautaient de joie ! 
Décryptage : incapable d'imposer des acquisitions à son propre Royaume, le souverain habilement inspiré a décidé en contrepartie de puiser dans sa cassette une somme équivalente, offrant à Hollande d'aller les dépenser en armement au Liban.
Cette magistrale embrouille va désigner la France comme premier fournisseur d'huile sur le feu au Levant. Paris est piégé, l'Europe et la communauté internationale vont se faire un malin plaisir de l'empêtrer davantage. 
L'année diplomatique 2014 s'annonce périlleuse. A moins que Hollande s'en aille très vite vers d'autres capitales demander l'indulgence pour avoir si maladroitement piétiné les plates bandes des grands.

samedi 21 décembre 2013

François d'Arabie




Le Président de la République François Hollande terminera l'année par une visite de deux jours en Arabie Saoudite. Il y percevra les dividendes de la diplomatie du plus offrant. Les étrennes seront généreuses. Elle permettront à quelques industriels d'assurer un plan de charge de plusieurs décennies et conforteront la place de la France au troisième rang mondial de l'armement.
Ce n'est pas rien.

Cette rencontre au sommet marquera aussi une prodigieuse évolution de la doctrine du parti socialiste.
Que de chemin parcouru depuis l'élection du premier Président de gauche de la cinquième république François Mitterrand, exigeant le désarmement des avions exposés au salon du Bourget !
En trente ans, la rue de Solférino a mangé son chapeau. Anti militarisme primaire et pacifisme naïf ont fait long feu. L'ultime étape est franchie.

Avant Hollande, les relations militaires franco-saoudiennes étaient exclusivement gérées par des hommes politiques de droite. Tous les ministres de gauche qui faisaient le voyage de Riyadh étaient reçus comme des diablotins dans un jeu de quilles. Récemment, Le Drian a cassé le plafond de verre en gagnant l'exploit d'être invité par le roi en personne. Cette performance est d'autant plus étonnante qu'elle s'appuie sur des fidèles de Sarkozy. L'ambassadeur de France à Riyad est l'ancien conseiller d'Alliot-Marie, le pilotage des ventes de matériels sensibles est assuré par une équipe de caciques de l'ancien régime, enfin, on cherchera avec difficulté des encartés à la rose dans le cénacle des industriels de l'armement.
En un rien de temps, le gouvernement Ayrault aura converti les plus conservateurs du très fermé cercle militaro-industriel.

La doctrine de Hollande : « l'emploi par la relance à n'importe quel prix » » marque avec ce voyage les limites du supportable pour les pachydermes socialistes qui eussent préféré que l'on se serra la ceinture pour marcher tête haute.
Car le rapprochement avec l'Arabie n'est pas seulement une opération de remplacement d'un client -le Qatar – par un autre, c'est le virage idéologique d'une alliance stratégique surprenante qui marquera l'histoire de la gauche.
L'Arabie Saoudite est-elle fréquentable ?
Non. Mais la question est incongrue car Paris n'a plus les moyens de chipoter la vente de frégates, centrales nucléaires et poulets de Bretagne. Tout au plus, les bonnes consciences pourront-elles espérer que le Président – ira-t-il avec sa compagne ? - osera chuchoter à l'oreille du roi quelques paroles étrangères: « liberté, égalité, fraternité, justice.... pour les femmes... »
On se consolera pareillement en songeant que François Hollande n'allait tout de même pas refuser les généreux retours sur investissement de sa posture levantine, ni bouder son plaisir d'être l'artisan du spectaculaire dialogue israélo-saoudien sur fond de crise persique.
Finalement, tout cela n'est pas si navrant.
L'indécence est ailleurs, elle est collatérale à ce voyage.

Car pour marquer la lune de miel franco-saoudienne, le Centre Pompidou a prêté au musée de Dahran des œuvres de Picasso.
Oui Picasso.
Picasso exhibé en Arabie.
En Arabie Saoudite, le pays Guernica des Droits de l'Homme !

vendredi 20 décembre 2013

Tunisie, Mehdi Jomaâ est arrivé




La désignation d'un nouveau premier ministre est une délivrance que tout le pays accueille avec soulagement.
Au terme d'une interminable chikaya, les partis politiques se sont finalement réconciliés autour du nom d'un inconnu. Sous la pression conjuguée de la rue, des milieux d'affaires, des syndicats et des diplomates étrangers Mehdi Jomaâ a été appelé à former un nouveau gouvernement.
Personne ne connaît les opinions de ce technocrate qui occupait jusqu'à présent le ministère de l'industrie. Est-il homme d'argent ? De conviction ? De religion ? Nul ne sait. Il n'est pas partisan c'est le plus important. Il est supposé compétent et pour l'heure, c'est bien suffisant !

Son casting correspond parfaitement au souhait de la population.

C'est un natif du juste milieu : ni Sud, ni Nord, un peu Sahel, mais pas trop. Mahdia, petit port de pêche est la plus belle des cartes postales de Tunisie. La cité est prospère mais elle n'aime pas s'exhiber. Ses habitants, descendants d'immigrés andalous ont conservé de leurs ancêtres les talents de négociants patients. Mahdia, c'est la Tunisie apaisante. Le nouveau chef du gouvernement qui aura pour lointaine et dernière demeure le plus beau des cimetières marins du monde ne peut-être méchant ! D'évidence, ce jour funeste n'est pas pour demain car il est jeune. Pensez, cinquante ans seulement ! C'est un gamin par rapport aux nombreux postulants septua, octo, et même nonagénaires qui se bousculaient au portillon et voulaient imposer à la juvénile Tunisie révoltée une gérontocratie de bavards.

Mehdi Jomaâ est un besogneux, un gagneur de pain, un khobsiste au parcours banal. Il est à l'image de milliers de Tunisiens. Etudes à l'école publique, diplôme d'ingénieur à Tunis. Immigré à l'étranger. Carrière de cadre en France. Jusque là tout est normal. Mais ce père de famille nombreuse parvient à crever le plafond de verre. Il bouscule les X-Ponts de Neuilly et les centraliens de Passy, s'impose à la direction générale du groupe Total et prend les commandes de la division internationale aéronautique et défense. Ce n'est pas rien ! Manager compétent et pragmatique c'est certain.
Nationaliste et ambitieux c'est évident, car il y a neuf mois il abandonne sa carrière dorée pour le poste de ministre sous payé de l'industrie de son pays délabré. Il y a fait son boulot, ne s'est pas trop poussé du col, mais surtout, il a su se faire reconnaître comme le plus capable d'une équipe qui ne l'était pas.
Ses détracteurs l'accusent d'être une taupe des cartels industriels qui convoitent les réservoirs de gaz de schistes et les ressources solaires du pays. On lui reproche aussi sa virginité politique et son absence d'expérience des affaires publiques. Qu'importe, dans la difficile période électorale qui s'annonce et qui mettra les ambitions en ébullition, il est important que le locataire de la Kasbah consacre tous ses efforts à endiguer l'effondrement de l'économie tunisienne.
Ce sera le challenge de Si Mehdi qui présente les stigmates du sauveur d'une Tunisie égarée. Déjà, il porte en son prénom la baraka de son destin : Mehdi, c'est l'envoyé divinement inspiré qui marque la fin des vaches maigres. Jomaâ évoque le rassemblement du vendredi, jour de ferveur. Le peuple inspiré le suivra. Inch'Allah !

Bonne chance à Mehdi Jomaâ nouveau guide provisoire de révolution tunisienne !

samedi 14 décembre 2013

Lama d'Arabie Saoudite



Vous vous rappelez l'histoire de ce lama du Pérou que des jeunes gens avaient distrait de son cirque pour amuser les passagers d'un tramway à Bordeaux. Serge le lama, devenu vedette des réseaux sociaux a monopolisé la une des journaux. Toute la France a ri.

Les Saoudiens aussi se souviennent de Lama. Un fait divers pas du tout drôle celui là.

Âmes sensibles zappez ce post.

Il était une fois un prédicateur barbu qui par trois fois a répété qu'il répudiait son épousée. Alors le divorce a été prononcé au motif que la femme avait enfanté d'une funeste créature prénommée Lama.
La fillette de cinq ans était une diablesse possédée par le démon. Son géniteur gardien de la foi a multiplié les sermons, les invocations. En vain. La gamine sanglotait avec concupiscence, gémissait comme une femelle chaude, « Satan sort de ce corps » hurlait la bête. Battue à briser les os, sodomisée, brulée, l'enfant est transportée par sa mère à l'hôpital. Les larmes aux yeux les médecins se mobilisent. Sept mois de soins pour tenter de conserver le petit corps en enfer. Finalement, un ange est passé qui a emporté Lama au paradis.

Justice,

Policiers, magistrats ont fait leur travail. Les faits ont été minutieusement rapportés et vérifiés. Constats, témoignages, photos, vidéo...L'accusé a reconnu les sévices.
Délibéré, verdict...

L'Arabie Saoudite pratique la peine de mort par la décapitation en public. Pour l'exemple.
Souvent, le vendredi à l'heure de la prière du soir, la police encercle la place des exécutions. Les badauds pris dans la nasse sont poussés à la pointe du bâton. Les étrangers égarés sont placés aux premières loges. Un billot, une incantation, une silhouette blanche que l'on renverse. Tchac ! Déjà le bourreau lave son sabre. Chacun retourne vaquer à ses occupations.
« Bien fait ! » Pensez-vous.
Vous n'y êtes pas !
L'ignoble papa de Lama a été condamné à huit années de prison et six cents coups de fouets. Les juges lui ont sans doute déniché quelques circonstances atténuantes.

Justice et morale,

Récemment un autre fait divers a désorienté le fléau de la balance jurisprudentielle saoudienne.
Une fine équipée de quatre joyeux lurons probablement un peu éméchés, ont dansé nus sur le toit de leur voiture. Un comparse a filmé et facebooké.
Arrestation, inquisition, procès.
Verdict : dix ans de prison, deux mille coups de fouet.

En Arabie Saoudite, il est moins risqué de torturer son gosse que de rigoler entre copains.

lundi 9 décembre 2013

Marzouki et le Livre Noir des pousse-mégots de la presse française




Dans les écoles de journalisme, le nom de Marzouki sera désormais cité comme le référent d'un événement singulier dans l'histoire de l'information. Le Président de la République tunisienne vient en effet de publier les archives commentées des services de la propagande de Ben Ali.

Le dictateur et son détestable ministre de l'information avaient mis en place une machine à bâillonner la presse. Pour le régime policier, il importait que les nouvelles fussent bonnes exclusivement. Le journaliste n'avait de choix qu'entre l'enveloppe ou la prison, le pain ou la faim. Alors, ceux qui ne pouvaient changer de métier palpaient la rançon de leurs petites lâchetés. Ils finissaient par s'en accommoder.
Les quelques résistants ne tenaient pas longtemps. Un seul tint tête. Il faillit la perdre. N'est pas Ben Brik qui veut. Respect.
Les moins téméraires tergiversèrent. Quelques uns firent semblant de se taire, d'autres enfin, pensant à tort que la tyrannie n'avait qu'un temps choisirent l'exil.

El kitab el assoued, le Livre Noir est un volume indigeste de 350 pages qui détaille les rapports tarifés du pouvoir avec la presse. Un billet pour une info, une liasse pour un papier. Y figurent aussi des listes de malheureux bénéficiaires. Bien entendu, les nominés s'insurgent et protestent. Pourtant qui pourrait vraiment les blâmer d'avoir choisi la vie tête baissée à l'honneur tête coupée.
En quelques jours le livre a été téléchargé trois cent mille fois. A l'échelle de onze millions de Tunisiens, c'est tout à fait considérable ! Ceci montre l'appétit de vérité d'un peuple qui veut exorciser les décennies du mensonge institutionnalisé.
Le neurologue Président de la République pense que la révolution ne peut pas se passer ni de la Glasnost ni de Nuremberg. La mise au grand jour des crimes et turpitudes est une nécessité pour rompre définitivement avec l'asservissement généralisé qui perdure insidieusement.
En révélant le peu qu'il peut, Marzouki prend le risque d'initier le grand déballage et de le payer chèrement car il s'est aliéné toute une profession.
Dans un pays aux pouvoirs absents hors celui de l'argent, on verra si la presse vertueuse se réveille.
Déjà, les dénoncés exhibent leurs brevets de bonne conduite de la dernière heure et fustigent l'intempestif et sélectif kitab présidentiel. Ils menacent même de livrer au public les archives de la police politique. Yallah, chiche ?
Curieusement, aucun chroniqueur n'a fait son auto critique, nul n'est venu demander pardon. C'est dommage, car tous seraient pardonnés y compris les inénarrables éditorialistes de « La Presse », « l'Action », « Al Amal » et même « Essabah » le relativement moins servile ; car les lecteurs amusés par tant de bassesses savaient bien qu'ils écrivaient sous l'épaule de la cravache.
Je me souviens des tombereaux de boue déversés sur mon père coupable de fidélité à Bourguiba. Le ministre était à la manœuvre, rectifiant la une des journaux tunisiens, stigmatisant les envoyés spéciaux. "Le Monde" de Jacques Amalric ne fut pas dupe, "le canard" de Claude Angeli non plus. A "Libé" un jeune -qui deviendra grand- se laissa prendre mais aussitôt Serge July par la voix de son avocat me présenta ses regrets. L'hebdomadaire « Minute » fut condamné à une lourde amende pour diffamation. La somme a-t-elle été remboursée par Carthage ? Probablement … !

Fermons cette parenthèse. L'important est ailleurs.Tous les écoliers en journalisme vous le diront.

Le Livre Noir de Carthage permet de mesurer la complaisance de la presse française et son degré de corruption. Car l'agence gouvernementale de la propagande tunisienne avait aussi pour mission de soudoyer les journalistes étrangers. L'argent, le sexe, le chantage, la violence...tous les moyens étaient bons. L'administration de Ben Ali a méthodiquement consigné les faits. La publication de Marzouki ne dévoile qu'une partie de l'iceberg. On attend impatiemment le dépouillement des archives saisies à Paris rue Botzaris au lendemain de la Révolution tunisienne.

En attendant, Marzouki apporte le témoignage que Jeune-à-fric et fric-Asie ont marchandé grassement des reportages laudateurs. Bof, ce n'est pas une surprise, seulement la désolante confirmation de fortes suspicions !
Au surplus, quelques moutons noirs sont épinglés, dont le fameux directeur des Cahiers de brouillon de l'Orient, un thuriféraire patenté gonflé d'importance. Il y a aussi quelques autres plumitifs et des va-de-la-gueule du paysage audiovisuel, éphémères abonnés aux vacances « tout gratuit » de Zarzis et Hammamet. Pas de quoi casser trois pattes à un canard.
Finalement, au bilan du dernier recensement des corrompus de la presse française les archivistes de Carthage n'ont pour le moment, trouvé qu'une poignée de pousse-mégots.
Cocorico !
La profession d'Albert Londres aura bien résisté aux liasses de dinars et d'euros. Mieux, beaucoup ont payé leur indépendance d'une interdiction de séjour, d'une raclée ou d'un coup de couteau comme Christophe Boltanski. Il conviendrait de s'en souvenir !

Holà Marzouki, c'est une chose de dénoncer les ripoux, mais il faudrait peut-être d'abord rendre hommage aux glorieux !

lundi 2 décembre 2013

De Genève 2 à Sawari 3 le fabuleux destin de Hollande en Arabie



« Je veux aider Hollande et les Français ! » 
Cette petite phrase du puissant roi Abdallah d'Arabie pourrait bien valoir à la France des dizaines de milliards d'euros de contrats.
Le doyen des monarques du monde est totalement tombé en amour. Il faut dire que depuis son arrivée à l'Elysée, le Président français a inconditionnellement aligné sa politique arabe sur celle du souverain wahhabite. De Damas à Téhéran, Hollande est plus royaliste qu'Abdallah.

Boudant ostensiblement son allié historique étatsunien, le souverain des deux saintes mosquées encense avec ferveur son nouvel ami européen qu'il entend récompenser avec grandeur. La cour propage qu'il faut désormais traiter les frankaouis avec égard et amabilité. Attentif à sa relation avec le Président français, le roi a récemment missionné à Paris son médecin personnel - qui est aussi son ministre de la santé - pour faire taire les vilaines rumeurs que propageait la petite presse sur son agonie.

Las, Paris n'a pas encore pris toute la mesure de la faveur royale.

Certes, gouvernement et patronat ont sonné la mobilisation. Mais en dehors des 40 groupes du CAC, les industriels marquent peu d'appétence pour une destination dénuée de charme. Nul n'aime vraiment séjourner à Riyad où le temps n'a pas la même horloge qu'ailleurs. La minute dure une heure. Ce n'est pas Dubaï ou Las Vegas ! Alors pour éviter les découchés, ministres, hauts fonctionnaires et PDG multiplient les aller-retour mais en jet privés.
Les exportateurs français négligent leur chance inespérée d'avoir un HEC à l'Elysée. Ils anticipent mal les dividendes de la diplomatie économique hollandeuse.

Pourtant, de gigantesques opportunités se présentent dans tous les domaines. Ainsi la France devrait consolider sa position dans le pétrole et l'eau mais surtout prendre une sérieuse option sur le programme de seize réacteurs nucléaires dont le royaume souhaite se doter dans les quinze prochaines années pour un budget de cent milliards de dollars !

Dans cette perspective, les cranes d'oeuf de la finance gambergent fébrilement un projet d'accord cadre portant sur un mécanisme de compensation « pétrole contre made in France », façon barter britannique Yamamah mais en plus ambitieux. Car redoutant l'éphémère de la lune de miel, d'aucuns souhaiteraient aller jusqu'à sceller l'alliance franco-saoudienne dans le marbre d'un pacte entre François et Abdallah, à la façon de Roosevelt et Abdulaziz Saoud en 1945.

Le ministre de la défense Le Drian, au retour d'un voyage au chevet du roi a sonné la mobilisation du secteur de l'armement. Car dans cette filière l'enjeu est capital. Des prochaines commandes saoudiennes dépendent la poursuite de programmes industriels, la survie de bassins d'emplois et la dotation des armées françaises.

Les armées saoudiennes se distinguent par l'usage de l'achat « clés en main ». Cette pratique est singulière, elle est contraire à celle de tous les autres pays qui acquièrent des sous-sytèmes de provenance diversifiées comme par exemple une carlingue italienne, un module de navigation israélien, un moteur allemand, un armement américain...Les Saoudiens eux achètent une capacité d'emploi, du prêt à à combattre, du tout compris : armement, formation, entretien du matériel, pièces détachées, construction des bases... C'est un peu comme si l'acheteur d'une voiture toutes options incluait dans sa commande une station service et une auto-école.
En contre partie de cette généreuse formule, le royaume saoudien exige de traiter avec un mandataire chef de file et d'avoir la garantie de performance de l'Etat vendeur.

Pour répondre à ce besoin multiforme Paris dispose d'une structure dédiée qui rassemble les principaux industriels de l'armement sous l'autorité d'un représentant du ministre de la défense. En quarante ans, cette équipe a négocié la vente d'un formidable arsenal de véhicules blindés, missiles, avions ravitailleurs hélicoptères... Mais sa principale référence reste la ventes des frégates du programme Sawari 1 et 2 dont les dérives rétro-commissionnées resteront sans doute le mystère le mieux gardé de la cinquième République. L'officine a bon espoir de placer le réassortiment d'une flottille de navires supplémentaires : Sawari 3, pour une poignée de milliards d'euros.

Cerise sur le gâteau, Riyad ambitionne d'accéder au club très fermé de la sous marinade.
A part l'Egypte et l'Algérie, aucune marine arabe n'a la capacité de faire évoluer des sous-marins d'attaque. L'acquisition de ce type d'engin par l'Arabie se justifie surtout par des considérations de fierté nationale car le royaume est bordé d'une part à l'Est par le Golfe persique peu profond donc vulnérable aux submersibles et d'autre part à l'Ouest par la mer rouge, dont la seule menace sérieuse provient des requins et des pirates.
Les opposants au projet soulignent que les ressources humaines du pays et les modestes compétences des forces navales saoudiennes ne lui permettent pas d'envisager un tel bon technologique sans avoir recours à la « coopération » en doublon d'équipages étrangers (français ou pakistanais).
Ces objections opérationnelles ne devraient pas empêcher la conclusion prochaine d'un accord pour la mise en chantier d'une flottille de six à dix sous marins assortis de leurs environnements logistiques. Le projet est gigantesque car il inclut des coopérations industrielles et la construction de bases navales.
Des milliards par dizaine en perspective...

Mais le jackpot saoudien du VRPrésident Hollande n'est que le tremplin d'autres ambitions commerciales régionales encore plus audacieuses.
Ainsi le Rafale n'a sans doute jamais bénéficié d'un contexte politique aussi favorable. L'avionneur-sénateur qui ne brille pas par ses talents d'exportateur saura-t-il saisir l'opportunité unique de déverrouiller le ciel du Moyen Orient massivement doté de chasseurs américains et britanniques ?
La seconde ouverture commerciale des industriels de l'armement français concerne l'accès au marché commun de la défense du conseil de coopération du Golfe ; une organisation qui rassemble les six pétromonarchies du golfe persique. Le GCC a développé un gigantesque projet de protection de son espace pour contrer la menace iranienne et irakienne et tenir les monarchies du Golfe à l'abri d'agressions de toute nature. « Le Bouclier de la Péninsule Arabe » dont la contribution saoudienne est majoritaire est une ligne Maginot des temps modernes qui incluera un mur de missiles infranchissables.
Des milliards encore et encore....
Le Drian ministre, tisse patiemment des liens de confiance avec chacun des rois du pétrole et de l'armement. Déjà, le Saoudien et l'Émirien semblent apprécier le langage breton.

Finalement toute cette diplomatie d'affaires est cohérente avec la volonté politique affichée de restaurer le commerce extérieure et l'emploi. Reste que pour gagner  ce challenge, Hollande président et Le Drian breton devront se prémunir des colporteurs du syndrome Ordralfabétix du nom du célèbre poissonnier bagarreur dont la marée n'est pas très fraîche et qui propage la guerre dans son propre camp.