jeudi 21 juillet 2011

Lumière sur la guerre de l’ombre des Francais en Afghanistan

Lire ou écrire, il faut choisir, on ne peut faire les deux à la fois. Les deux escapades sont incompatibles.
Autrefois, je voyageais en lisant. C’était un double chemin qui se rejoignait parfois. Lire Loti sur une hauteur d’Istanbul, Hemingway à Ronda, Cossery et Vialatte à Héliopolis… Mon grand regret sera de n’avoir pas conduit mes pas vers l’Afghanistan, destination du bout de la nuit. J’y aurais relu Céline qui n’y mit jamais les pieds.
Aujourd'hui, me voici assigné à résidence chez mes normandes. Alors du fond d’un fauteuil moelleux, je me résigne aux voyages en charentaises.

L’actualité de juillet est afghane. Devant les cercueils, le serment maintes fois entendu est stupidement rabâché : « vous ne serez pas mort pour rien ! » Président grave, familles éplorées, camarades dents serrés, couleurs, sonneries, salut. Tout comme hier en Bosnie et demain en Libye une centaine de gosses abandonnent leur vie pour la France et une cause que nul ne perçoit distinctement.

Depuis plus de trente ans, la une des journaux nous enfume. Que savons-nous de ces millions de malheureux décimés par la guerre, la drogue, la misère ? Qui, comment, pourquoi et jusqu’où ira le martyr de ces peuples ? Quelles revanches le destin réservera t-il aux survivants du jeu cruel des grands ?
De 1978 à 1992, les soviétiques ont tué un million et demi d’afghans, ensuite les rescapés se sont entre-assassinés avant que l’OTAN ne vienne accélérer l’hécatombe à partir de 2002.

Aujourd’hui, le corps expéditionnaire occidental est en train de réussir l’exploit de coaliser contre lui l’Iran chiite et le Pakistan sunnite et partant, toutes les tribus afghanes. C’est l’union des tireurs de ficelles. La débâcle est proche. L’enjeu est énorme car il peut donner naissance à la création d’un ensemble formant superpuissance dont la seule perspective réjouissante est que l’Afghanistan cessera d’être le premier exportateur mondial de drogues dures. Ceci n’est pas un détail pour les cent mille junkies de New York, Paris, Moscou…qui laissent chaque année la brune afghane leur prendre la vie. Les pétroliers s’inquiètent aussi de l’isolement de l’Arabie dont le principal allié le Pakistan se rapproche de son ennemi l’Iran. Quant à l’Inde et la Chine « attendez-vous à savoir… » Bref dans les prochaines semaines les géo stratèges de comptoirs ne vont pas chômer.

Pour tenter de comprendre l’Afghanistan, le choix d’un ouvrage est délicat. Je feuillette les présentoirs de « La Procure » une librairie digne de foi. Voici un livre à couverture noire dont les premiers mots « une histoire sans mémoire.. » sonnent justes. Huit cents pages plus loin, une conclusion du même tonneau: « … la France sait peut-être mieux que d’autres que le royaume de l’insolence peut aussi être le cimetière des prétentions ».
C’est du lourd, j’achète « La guerre de l’ombre des Français en Afghanistan 1979-2011 » de Jean-Christophe Notin.

Vingt et une nuits d’insomnies plus tard, je le proclame : ce livre est une somme. Je le dis sans ambages car après tout c’est l’été, la saison des je, des vacances d’écriture et des devoirs de lecture. En un mot comme en cent et en seulement trois syllabes ce livre est: pa ssio nnant. Aux curieux qui interrogent je réponds : « sur l’Afghanistan ? Lisez Notin voyons ! » C’est chez Fayard. C’est 26 euros.C’est bien moins cher qu’un charter.