mardi 29 décembre 2009

Le chapon de Cecilia Bartoli

Chaque année, pour célébrer la naissance d’Issa le fils de Myriam, on coupe un sapin vivant, on le dresse dans le salon, on le couvre de guirlandes, de boules et de clochettes. Puis, on met des souliers devant et on va se coucher. Le lendemain pour fêter le passage miraculeux du père Noël, on s’attable devant une volaille farcie. Certains font l’oie, d’autres aiment la dinde ou la poularde, moi c’est le chapon. Ce volatile à chair succulente n’est autre qu’un coq dont la fierté a été prématurément châtrée. Il s’ensuit de l’opération douloureuse une mutation des cordes vocales rendant l’animal aphone de cocorico. Il sombre en dépression nerveuse, devient boulimique et gras. Un chapon, c’est un coq qui s’est fait couillonner. C’est forcement meilleur car enlevez au mâle ses attributs de reproduction, il devient mou, doux, suave, émouvant.

Depuis l’antiquité on a tenté avec succès l’expérience sur les garçons, non pour les manger mais pour les faire chanter. A partir du XVII siècle la mode du castrat s’est propagée grâce au pape Clément IX, qui était un peu wahhabite sur les bords. Il avait sentencieusement déclaré « Nulle femme sous peine majeure ne doit à dessein apprendre le chant ». Cette incontournable fatwa avait mis les chœurs à mal. Il fallut remplacer au pied levé les sopranos. Les mélomanes en fabriquèrent presto en émasculant des gamins de moins de six ans dont la voix n’avait pas encore mué.
L’Italie se spécialisa dans l’élevage en batterie. Les bonnes années la sélection atteignit quatre mille chapons chantants! Evidemment il y avait beaucoup de déchets. Ils étaient recyclés en pigeons, dindes, faisans, poules et autres volatiles qui constituèrent autant de proies faciles pour les maquereaux. Mais l’histoire de la musique baroque et barbare retiendra que nombre de ces rossignols comme Farinelli devinrent célèbres et adulés. Le dernier d’entre eux mourut en 1922 et avec lui une bien belle page de notre civilisation.
Je sais tout cela car j’ai reçu en cadeau un coffret de la Bartoli qui chante le répertoire des castrats.

Cecilia, c’est ma voix.
Elle me fut révélée il y a longtemps, un soir où j’étais seul à l’opéra de la Bastille, sur un strapontin du deuxième rang. Le spectacle était somptueux. Soudain, une gamine pétillante bondit sur l’immense scène et entonna l’air du chérubin. Ce fut un moment de grâce et d’extase, de longues et délicieuses minutes de chaire de poule. A l’entracte, je restais collé à mon siège, anéanti par la violence de la jouissance. Des années plus tard, je suis encore en amour de Cécilia Bartoli et lorsque je l’entends à la radio, il m’arrive de pleurer. Si demain je la croisais dans la rue et qu’elle me passait un collier au cou, je la suivrais à quatre pattes rien que pour l’entendre me roucouler « couché ! "

Voici pourquoi j’ai passé Noël sous la table à ronger un os de chapon.

dimanche 27 décembre 2009

Lacroix et la burqa

Lacroix n’est plus!
Une grande maison qui disparaît - c’est n’ayons pas peur des mots - un peu de notre identité nationale qui part. Le galbe, le rebondi, le déhanché, la lumière, les chatoiements, jupe tulipe, manche gigot, la beauté qui passe…Le bonheur de croiser une femme en Lacroix s’en va. La haute couture est en deuil. C’est le triomphe de la burka.
Christian Lacroix était passé de mode. Trop de couleurs dans une rue qui s’habille gris souris ou noir de nuit. « Monsieur Lacroix, marchand d’habits est mort, hier soir à Paris » soupirerait Soupault. La maison ne faisait plus recette, les Japonais lui préféraient la rue Cambon anciennement Chanel ou le malletier en plastique chiffré. Accumulation de fautes managériales dit-on. La griffe était suspecte en Russie à cause de la bannière, incompatible en Israël, et bien sûr en Arabie où les élégantes séquestrées avaient en vain supplié le couturier de changer son nom en « Islam Croissant».

Dans mes moments d’oisiveté combien de fois ai-je fait le déplacement pour me poster en voyeur rue François 1er , à la Madeleine, rue de La Paix où les plus jolies femmes du monde passent sans même vous remarquer. C’est un peu frustrant, on se sent transparent. Mais c’est normal car la beauté est toujours à sens unique.
L’art à Paris est à la portée de l’œil qui sait voir. Il y a sur le Faubourg des chefs d’œuvres inestimables, pourtant pas un badaud, ni un touriste ne s’arrête aux devantures. Face au Palais de l’Elysée un petit attroupement espère entrevoir une silhouette élancée ou un coursier pressé, il ignore que trente mètres plus loin De Jonkheere expose un Bruegel et quelques autres sublimes flamands du 15ème siècle. A l’Alma un groupe pleure Lady Diana, indifférent aux jolies vitrines de l’avenue Montaigne qu’affectionnait tellement leur princesse.
J’ai le souvenir d’une promenade ancienne découvrant avec stupéfaction le Pont Neuf enveloppé comme un paquet cadeau. Les Christo, couturiers de monuments pratiquaient l’art éphémère de dissimuler le sublime sous une bâche. Les parisiens s’extasiaient....Une autre fois, on m’interdit l’accès de l’esplanade du Palais de Chaillot au motif que la Mairie de Paris avait « privatisé » le lieu pour promouvoir une chaussure de sport.
Aujourd’hui même, je découvre les Champs Elysées pavoisés de drapeaux « GE » et « Mastercard » sponsors officiels du marché de Noël. Je suis affligé. Qui s’arroge le droit d’enlaidir ma ville ? Qui est ce petit dictateur faiseur de fric qui mercantilise le patrimoine dont je suis l’un des modestes contribuables richement indigné ? Comme j’envie les Suisses !

Il est urgent d’ouvrir le débat sur la beauté nationale. Que le neveu défasse ce que l’oncle n’aurait pas permis. Au secours ! Le mauvais goût est de retour.

Vite, que le congrès se réunisse à Versailles pour y dire que la Constitution interdit tout attentat à la beauté de la France, que désormais le Conseil Constitutionnel veillera à ce que les nouvelles mosquées soient dessinées par Jean Nouvel, que Christo sera interdit de séjour ainsi que les burkinabées (vêtues de burka), que le hijab noir sera prohibé mais le fichu Hermès toléré et qu'enfin Christian Lacroix sera recapitalisé grâce à l’emprunt national !

lundi 21 décembre 2009

L’avatar du 7ème art

J’ai été voir « AVATAR ».
C’est une allégorie sur la guerre d’Afghanistan.

Tout est surréaliste. D’évidence, le scénariste n’a jamais mis les pieds dans les montagnes d’Asie Centrale où il imagine d’invraisemblables forêts tropicales peuplées d’animaux monstrueux et de plantes qui parlent. Il n’a pareillement jamais rencontré de Pachtouns car il les affuble d’une queue bizarre sous une burqua transparente et d’une tresse i-phone sous le turban. Le « Hamid Karzaï » de la bande est attifé d’un pagne et de boucles d’oreilles ridicules.

Le synopsis est tiré par les cheveux.
Sous un arbre où campent des Afghans, il y a un gisement de métalpognon convoité par la Dowejones Co mais qui est protégé par des écolos-empêcheurs-de-tourner-en-rond. L’US Army bonne fille, accepte de suspendre ses opérations, le temps que « Amérique-écologie » dépêche un médiateur. Le héros, par la magie d’un sarcophage de laboratoire, se transforme le jour en authentique Afghan et la nuit, pendant son sommeil, il redevient un « good guy » l’instant de rendre compte des succès de sa mission et de bouffer un Big-Mac. Le vrai-faux Pachtoun réussit tant bien son infiltration-assimilation-intégration qu’il épouse la fille d’Ousama et devient chef de tribu. Hélas, il ne parvient pas à convaincre ses nouveaux amis d’abandonner leur arbre. Alors, bien que n’ayant pas lu Corneille il trahit les siens. L’amour et le pouvoir lui donnant des ailes, le voici enfin chevauchant un aigle qui ressemble à un dindon, pour mettre en déroute l’armée du méchant colonel.
« The end ».

Je me suis distraitement ennuyé. Des gens dans la salle ont applaudi. Drôle de drame !

Retour à la maison où m’attendait sur le guéridon le dernier Filiu. Jean-Pierre est un diplomate souriant, Français de bonne souche mais sachant l’arabe. Il enseigne en toute simplicité l’Orient compliqué à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris (anciennement et nouvellement Sciences Po). Dans son dernier bouquin, il se saborde et dépose le bilan de son fonds de commerce. Il proclame en effet qu’Al Qaïda est en déclin. L’organisation n’existe plus qu’à travers le net, son audience reste grande parmi les infidèles mais elle est nulle chez les musulmans. Au fond Binladen ne serait qu’un « avatar » ? C'est-à-dire selon la définition du dictionnaire informatique : « l’incarnation numérique d’un individu dans le monde virtuel » ? Ou l’inverse ? Pour moi ça se défend.

Cette pensée cynique m’a empêché de poursuivre ma lecture. Je voyais trouble. J’ai changé de lunettes et troqué l’ami Filiu pour Caroline Pigozzi.

La journaliste de Match est allée interviewer une vingtaine de cardinaux aux quatre coins du monde. Son reportage de cinq cents pages « Les robes rouges » se déguste comme une friandise de chez Hermé. C’est la découverte de saveurs inconnues. Je m’invite tour à tour chez le primat des Gaules, le Patriarche des Chaldéens, chez Messeigneurs Poupard, Maradiaga, Scola, Puljic… révélation des princes de l’Eglise. Ils sont actifs, avides de savoir, polyglottes, musiciens, pilotes, leur vision du monde est à l’image de leur vie : singulière. Et puis surtout, ils ont apparemment conservé des vertus en voie de disparition : le détachement, l’humour, la joie de vivre. Il y a une photo de Philippe Barbarin avec des moines et des religieuses qui tous ensemble rient aux éclats. C’est à vous donner faim de foi !

Je songe à l’avatar du septième art où les humains et les humanoïdes sont des pisse-vinaigre. « Les robes rouges » porté à l’écran, ça ferait un bide, mais combien bien plus marrant.

mardi 15 décembre 2009

Sarajevo fume

Dans le centre de la vieille ville sur une surface de la taille de trois terrains de football, Dieu est en concurrence avec lui même : une cathédrale, trois églises dont deux orthodoxes, trois mosquées, deux synagogues. L’architecture œcuménique fait plaisir à voir d’autant qu’un commerçant libre penseur a édifié au début du siècle dernier une tour avec une horloge qui se dresse fièrement parmi les clochers et les minarets.

La dernière fois que Sarajevo s’est posé la question de son identité, la réponse a fait deux cent mille morts.

En ce début d’hiver ensoleillé, assis au grand café de l’Europa, je déguste avec une paille une choppe de chocolat brûlant recouvert de crème fraîche fouettée. Le mouvement du chalumeau permet d’ajuster le mélange et la température. C’est exquis. J’allume une Craven.
Les femmes dans la rue sont différentes des passantes des autres villes. Elles ne portent pas l’uniforme noir ou gris de chez Zara, H&M ou Boss, non, chacune est un trait, une silhouette, une posture, une harmonie. Elles portent avec classe du Azzeddine Lacroix ou du Christian Alaïa. La coiffure est soignée, le maquillage savant. Chaque fille qui défile avec superbe sur la rue Marsala Tita est unique. La femme de Sarajevo a vaincu la laideur, elle est la plus belle d’Europe.

Sarajevo, capitale d’un micro pays la BiH, ce n’est pas l’anagramme d’un blog mais la contraction de Bosnie & Herzégovine. Sarajevo, deux cent mille femmes et cent mille hommes. Un peuple, trois religions, deux entités, un protectorat international. Sarajevo, une guerre de trop. C’est le neuf trois de l’Europe. Un confetti de l’histoire qui coince dans la gorge de l’ogre de Bruxelles. Dans moins de dix ans, comme le village d’Astérix, le pays sera ceinturé de frontières Schengen. Les états-uniens, les russes, les wahhabites soufflent doucement sur les dernières braises.

Sarajevo fume toujours, partout, en tous lieux et toutes circonstances. Le paquet de cigarette ne coûte que cinquante centimes. Il semble que rien ni personne n’interdira jamais le goût du tabac. Pendant les bombardements de la ville il y a quinze ans, un Américain qui protestait contre la fumée s’était fait virer de chez Bambu la célèbre cave à pizza. A cette époque, le jeu favori des jeunes était de se camper au milieu d’un carrefour pour défier les snipers le temps d’une cigarette.

Les yeux verts d’Ivanka me sourient. « Tu sais Adi, notre destin c’est d’être l’espace fumeur de l’Europe !»

lundi 14 décembre 2009

La langue arabe en France, un enjeu identitaire

C'est la seconde langue de la France. Elle est usitée dans les familles, dans les cages d'escaliers, dans les quartiers. Elle domine dans les banlieues, dans les prisons. Pourtant, elle n’est pas enseignée à l'école primaire, elle est marginalisée au lycée, elle est réservée à une élite à l'université.
L’arabe en France est la langue des sous-scolarisés et des savants.

L’éducation nationale considère que c’est une langue étrangère alors qu’elle fait partie intégrante du patrimoine culturel de millions de français. Pire, elle est poussée au rang d’une langue liturgique ou savante au même titre que l’hébreu ou qu'un patrimoine du folklore régional comme le provençal, le chti ou le patois bérrichon.

Un boulevard pour les intégristes qui proclament : "pour savoir l'arabe, apprenez le Coran !" Un pétard à mèche lente pour le FN qui va un jour se pencher sur les ELCO et autres aberrations éducatives du système national.

Sacralisée ou bougnoulisée, cette langue n'est ni un facteur de valorisation ni une promesse d’ascension sociale. Pas de TV française publique en arabe (sauf quelques heures sur France 24 qui émet surtout à destination de l'étranger), à quelques rares exceptions pas de radio laïque sur la bande FM ! Imaginerait-on Radio-Canada émettant uniquement en anglais dans la belle province ou s'exprimant en français pour donner les heures de messes les prêches et les nouvelles des cousins de France ? Le PAF en arabe c’est 400 chaînes satellitaires parfaitement dés-identitaires. Le Français arabophone absorbe insidieusement la « vision » d’Harriri, de Moubarak, de Khaddafi et ainsi de suite. Il devient malgré lui « concerné » par des préoccupations étrangères à sa nation. Il est dé-francisé à son insu. Il est « conditionné » à se passionner pour Algérie-Egypte alors qu’au fond de lui-même il vibrerait plutôt pour « Guingamp-Sochaux ».

L’espace culturel édition, presse écrite, publicité, spectacles est inexistant ou importé parcimonieusement. L’Institut du Monde Arabe est trop souvent une vitrine des arts islamiques alors qu’elle devrait être la maison de la langue et peut-être essaimer sur le territoire.

Quel sera le paysage linguistique dans 20 ans ? Cette langue dite morte aura alors une audience unique au contenu sacralisé incontrôlable. On ne dira plus « Bonjour » mais « que tu sois béni de Dieu et de ses apôtres ». On ne saura plus dire « au revoir » (ila lika) mais « Dieu est avec toi » Toutes les phrases seront ponctuées de bondieuseries. Cette dérive de la langue est observée depuis quinze ans dans le monde arabe (depuis la déliquescence des régimes nationalistes et laïcs arabes : Egypte, Irak, Yémen et dans une moindre mesure Tunisie, Algérie, Liban, Syrie). Il s’en ressent une main mise du dogme sur la pensée et sur le comportement quotidien d’une partie de la population française. Est-il possible d’être Français et penser Voltaire, Sartre ou Vialatte en langue arabe ? La réponse paraît affirmative puisque l’arabe est un vecteur de pensée comme toutes les langues, en réalité sa sacralisation et sa régression à la mode du 14ème siècle ne lui permet plus d’aborder avec neutralité les concepts républicains de la France d’aujourd’hui.

L’éducation nationale de Jules Ferry n’a pas anticipé le mouvement, elle est aujourd’hui dépassée. Pourtant Paris a produit bien plus de savants dans cette langue que la plupart des pays arabes. Mais l’arabe est devenu la langue des terroristes. Dans l’administration, son apprentissage est encouragé seulement au sein de la police et des gardiens de prisons.

Laisser une langue devenir l’arme d’un mouvement de pensée c’est prendre le risque d’un retour à la Bosnie. Tenter d’éradiquer son usage par la suspicion et la répression, c’est précipiter de mouvement car on ne tait pas une langue.

jeudi 3 décembre 2009

Le clocher du bled

Hier soir, c’était la fête on recevait le fils de Hadj Lamine un arrière petit cousin, débarquant tout droit du bled chargé de deux pesants couffins des meilleurs produits de la palmeraie : des dattes, des olives, des citrons, des grenades, des jujubes, de la corète, des gombos, du lagmi, des makrouds au miel…et puis aussi un soyeux burnous en poils de chamelle vierge que j'endosserai pour faire mes courses au chaud lorsque je vais dans le Perche. En un instant, mon appartement parisien embaumait l’air de là-bas. Pour compléter les odeurs et faire plaisir à mon voisin je mis radio Oran à donf. J’avais tout à coup l’impression que le club-Med débarquait à domicile.

Pendant que je continuais de déballer, mon cousin s’était posté sur le balcon, les yeux fixés sur la Tour Eiffel. Je l’entendais compter 33, 34, 35 et 36 ! « Mon oncle le phare au sommet de la Tour nous éclaire toutes les 36 secondes ! » Je lui expliquais aussi que les crépitements d'éclairs provenaient des flashs des couillons de touristes qui tentaient de photographier Paris depuis les étages de la Tour. Et puis à l’heure moins deux minutes, je lui fis ma blague favorite en parlant dans mon portable : « allo la Tour Eiffel ? Pouvez-vous vous illuminer pour faire plaisir à mon cousin ? » Le spectacle le laissa bouche bée.

Plus tard dans la soirée, il me donna des nouvelles du pays qui a bien changé. Il m’expliqua que le bled était maintenant envahi d’immigrés. Des gens qui ne font rien, qui mènent la belle vie sous le soleil à longueur d’année. Chaque mois de leur pays ils reçoivent des euros qui convertis en dinars musulmans représentent une fortune. Il y a des quartiers entiers de gens issus de la diversité qui vivent à la manière de chez eux, ils se balladent à moitié nus tirés en laisse par des chiens, « ouai par des chiens je te jure ! » Avant de concéder : « faut pas généraliser, il y en a qui se sont assimilés, ils portent la gandoura, boivent le thé, partagent le méchoui et font la zakat, mais c’est une minorité. » En fait, c’est une population âgée, qui se renouvelle sans cesse, qui n’a pas le temps de s’adapter aux traditions islamo-sunnites. « Ils détournent nos jeunes, font du prosélytisme de droit-de-l’hommisme prétexte à débaucher nos sœurs et même parfois nos petits garçons ! » Je m’inquiète : « et on les laisse faire ? » Il lève les yeux au ciel et laisse entendre que les dirigeants sont corrompus par les euro-bio. Et puis cette masse est maintenant consciente de son poids électoral, elle se comporte en pays conquis. « Mais en important chez nous sa culture, elle menace notre identité nationale ! » Holà les grands mots ! A mon petit cousin, descendant de la cuisse de Jupiter du coté andalous-turquemène je prédis que Carthage sera détruite mais que nous resterons authentiques et que ce n’est pas le passage de quelques pieds-blancs qui modifiera le sens de l’histoire du bled. « Oui mais en attendant ils font construire une Tour Eiffel au milieu de la palmeraie ! » COMMENT ??? Je lui fais répéter: « Naam Sidi mon oncle, la population a voté. Ce sera une réplique de celle de Paris avec en plus un gros bourdon au sommet pour carillonner les messes ! »

dimanche 29 novembre 2009

« Where is Granny ? » ou l'identité nationale à la Maison Blanche

Chaque année, depuis trois cents ans, les puritains rescapés du Mayflower rendent grâce à la fée coloniale qui leur permit de mettre la main sur le plus fabuleux des butins. Hier toutes les familles américaines étaient réunies autour d’une dinde toute joufflue d’orgueil et de farce odorante. Elle est servie avec des sauces confites et des brèves prières. Le peuple yankee tout entier déguste avec dévotion ce moment de communion : Thanksgiving !

Moi, j’ai dîné à Versailles rue de la Paroisse chez des Américains logés comme le roi soleil. La volaille était énorme, le Bourgogne à température et le cheese cake à la patate douce sans aucun commentaire.Tout en débitant des babillages de circonstance, je pensais à Hussein, le gardien de la Maison Blanche célébrant lui aussi la civilisation du dindon rôti.

Il est entouré de sa belle épouse, de ses enfants radieux. Les têtes s’inclinent vers les assiettes on murmure le bénédicité, le silence délicieux se prolonge… Mais sous la table le présidentiel toutou jappe, mettant un terme au recueillement. La petite dernière Obama interpelle son papa : « Daddy where is Grand-Ma ? » L’absence de mémé Obama est en effet inhabituelle. Le Président explique : « Well ! ta grand-mère est partie en pèlerinage à La Mecque. Je viens de l’avoir à l’iphone. Elle va bien. Elle partage la ferveur des deux millions de frères et sœurs en serviettes blanches qui cheminent vers la grâce. Il pleut à torrent là-bas. On n’a jamais vu autant de pluie en Arabie….Oh Yeah ! La mauvaise grippe porcine semble épargner les croyants, moins d’une trentaine ont été rappelés par Allah… » Daddy Barak dévie ensuite la conversation sur le disque de rap produit par le fils d’un collègue européen qu’il a reçu ce matin par la valise diplomatique. « C’est nul cacaboudin ! » La sobre critique de la gamine efface le sujet. L’aîné des fils Abou Barak relance habilement le propos sous l’angle gastronomique : « Whaouf Dad ! Cette dinde est tellement super-whopper ne serait-il pas possible d’en faire porter une cuisse par Air Force One à Grand-Ma sur le Mont Arafat ? » Un conseiller-lèche-botte se précipite à l’oreille présidentielle pour lui chuchoter « Yes we can ! » Le Président ferme les yeux pour mieux déglutir la gelée d’airelle et la farce au marron, il se concentre, cherche une issue diplomatique à la crise qui s’annonce et que les historiens qualifieront de « crash de la dinde ». Il sent que l’Amérique est à un tournant de son destin. Il se reprend enfin, lève les paumes, le geste du pasteur impose le silence. « Ma chère famille, sachez que pendant que nous sacrifions la dinde, notre Grand-Ma a égorgé un agneau selon le rite de l’Aïd. Elle en a distribué les meilleurs morceaux aux pauvres et nous a fait parvenir par F 117 quelques tranches furtives de la bête sacrée. Elle a aussi ajouté une outre pleine d’eau bénite de Zemzem ! » C’est le signal qu’attendaient des serviteurs en smoking et gants blancs de la CIA qui font alors irruption et déposent cérémonieusement sur la table le méchoui, le mosli et la carafe précieuse. « La Ila Illa Illah…Good bless America ! »

mercredi 25 novembre 2009

La rose et le prisonnier, pensées pour Taoufik Ben Brik

Au pays d’Hannibal, une tradition née de l’inspiration d’un combattant pour l’énergie durable, veut que chaque année la fête de l’arbre soit célébrée par la plantation de millions de pousses. Enfant, j’allais accomplir le rite de novembre aux côtés de mon père, et c’’est ainsi que l’obstination des générations a vaincu une partie du désert.
On peut rêver que dans quelques jours à Copenhague, le grand conclave des écolos décidera d’universaliser ce rite et ordonnera que désormais sous peine de taxe carbone, tous les autres hommes du monde partiront une fois l’an boiser la terre suivant le sage exemple des carthaginois.

Sur le marché de Saint-Patelin, j’ai choisi un plan de rosier. Trois petites tiges arrogantes dépassant d’une motte de glaise sombre. L’étiquette illustrée d’une fleur diaphane précisait « effluve persistant et délicat ». Il y avait aussi une autre variété, grimpante celle-là, à fleurs rouges mais inodores. J’ai hésité à prendre les deux car pour respecter la tradition, la fête du buisson ne doit célébrer qu’un seul scion. Et puis la rougeaude était sans épines, ce qui est signe de tare, d’absence de vigueur, et comme pour me décourager le pépiniériste en mal d’imagination l’avait baptisée « Michel Drucker » ce qui évoqua en moi la perspective de contemplations dominicales fort ennuyeuses. Non, décidément je suis resté sur mon premier coup de cœur : la rose « Françoise Sagan » auteure amoureuse et fragile, intelligente, fulgurante, femme-amante-sœur-confidente, pas maman pour un sou, mais enfant jusqu’au bout. « La Sagan » est une vraie plante de France avec de la sève et des épines. C’est la promesse pour le printemps prochain de la floraison nouvelle de la « vague » aujourd’hui à bout de souffle.
Je me souviens de la petite Françoise regardant tout avec l’air désabusé, avec ses yeux tristes qui soudain sans prévenir se plissaient dans un éclat de rire entre deux déprimes, entre deux brunes ou deux blanches. Sagan était une entichée de livres, une dévoreuse de lignes, de mots, de traits noirs avec ou sans ponctuation.

Une pensée s’envole vers le pays de Perpétue où un poète est vautré sur le grabat d’une geôle « il ne rit pas il aboie, il ne pouffe pas, il jappe » et puis entraîné par l’écriture de sa mésaventure, il comprend tout à coup que lui, le petit fait-divers de l’Histoire, il se glissera peut-être un jour dans les manuels scolaires.
Alors il se met à rire, à rire, mais à rire aux éclats … « preuve éclatante et irrésistible de ta liberté première » lui chuchote le fantôme de Sagan.

mardi 17 novembre 2009

Fait divers d'hiver

Une petite voix chuchote au téléphone « Allo l’émir ? ».
Je tombe du lit et cours vers la salle de bain m’asperger la figure. Hélas ce n’est pas un cauchemar. « Allo réponds moi c’est urgent ! » insiste le portable.
Dans ma tête aussi c’est urgent. Les souvenirs se bousculent. Il n’y a pas dix personnes au monde qui connaissent mon surnom auvergnat.

Il y a des lustres, j’avais rapporté d’Arabie un réveil qui faisait le muezzin. Le gadget lançait des « Allah akbar » déchirants. Ce cadeau avait fait sensation chez mon frère du Cantal.
Un matin qu’une voisine bigote lui rendait visite l’engin s’était déclenché à l’étage. Pour calmer la dame, on avait expliqué sur le ton de la confidence que l’on projetait de transformer le pigeonnier en minaret et la grange en salle de prière… C’était jour de marché alors la nouvelle s’était répandue à la vitesse de la poudre. A midi le maire en personne avait débarqué pour nous supplier d’aller dire bien haut au bistro que c’était une blague. L’affaire avait été prestement étouffée à la gnole et à la rigolade mais le surnom d’émir du canton m’était resté. Depuis, mon frère de vie a été rappelé à Allah et je n’ai plus jamais remis les pieds sur le Cézallier.

« Allo l’émir tu me reconnais ? » La petite voix s’enhardit : « c’est p’tit Chevrou ! » Me voila complètement réveillé, les vieux réflexes reviennent. Je lui lance « y’a gourance ici c’est Julien, je bosse dans deux plombes ! » et je raccroche précipitamment, certain que le môme a pigé le message subliminal.

Effectivement, deux heures plus tard, sitôt garé Boulevard Julien Coupat pt’it Chevrou se glisse à la place du passager. « Démarre l’émir, je vais t’expliquer le topo ». Le balaise de quarante balais tient son surnom de "p'tit" rapport à son père qui était un géant d’un quintal et son patronyme "Chevrou" à cause des plaisanteries qui circulaient, attribuant à la chèvre de Sekkinn la maternité du fils du bagnard (chacun connaît cette épopée révélée au grand public en juillet et août dernier ici même)

« Bon voilà, le fourgon des onze millions c’est moi ! » Je suis estomaqué par l’annonce. Pour masquer mon embarras je tente de plaisanter : « T’es gentil p’tit mais j’ai soldé mes crédits, j’ai une maîtresse frugale et une pension décente, j’ai de la chance, ça aurait pu être l’inverse. L’argent n’allonge pas la vie…. Alors, je te dépose aux resto du cœur ou au Secours Catholique ? » Silence.
Pour meubler je glisse le dernier CD de Diam’s. La môme explose les notes et les mots dans la sono. Le p’tit se détend.

Plus tard, assis devant un bol de Ricoré dans un rade de la place Beauvau il se met à table.
Il avait un boulot honnête de chauffeur-convoyeur de fonds dégoté il y a dix ans grâce au piston du filleul de son père un contrôleur général de la police. Il coulait des jours sans nuages entre le foot et la Kro mais il restait habité d’un inexpugnable désir d’égaler son père. Pour stigmatiser ses pulsions il avait entrepris un long travail de psychothérapie entrecoupé d’escapades de méditations transcendantales à l’Ibis de Biribi et au Thalassa-Mercure de Tataouine. En vain. Et puis soudain, tout s’est éclairé mardi dernier lorsque son collègue Jean Marc Lafegan un converti d’origine pachtoune, lui révéla que le camion renfermait onze millions et des poussières en talbins de cent euros. Ni une ni deux, P’tit Chevou, s’est fait la malle avec le coffiot à roulette.

Bon sang ne saurait mentir me dis-je en commandant un chocolat et une baguette beurrée. Je fais semblant de m’intéresser à la une d’un journal du matin, redoutant déjà d’y trouver mon nom et la photo de mes pauvres parents crêpés de honte. Les nouvelles mauvaises vont si vite.
« Tu veux savoir où j’ai plaqué le fourgon l’émir ? » Je m’étrangle « surtout pas ! » Je mets à profit le silence pour tenter de me remémorer les articles du code pénal et les moyens lâchement inélégants de me sortir de ce pétrin. « Il est au chaud dans le garage du gouverneur militaire des Invalides ! »…….. Je hoquette mon cacao sans parvenir à interrompre son flot de confidences abracadabrantesques.
Comme l’armée a externalisé le boulot de sentinelle à sa boite, le fils de Sekkinn est rentré dans la caserne des Invalides comme dans un moulin en présentant son badge à un collègue endormi. Maintenant, le camion recouvert d’un filet de camouflage est sagement garé entre un VAB et un char Leclerc.
Je suffoque de chaud, je tremble de froid il me vient des palpitations. C’est l’effet Ricoré dis-je au confessé soudain inquiet. « Il faut que je m’allonge, tu vas me ramener chez moi ». Je lui tends la clé de mon cabriolet Dacia. On roule lentement, je regarde goulûment défiler Paris à travers la vitre. J’ai comme un pressentiment que le destin me privera bientôt de ce sublime décor. Mon oiseau de malheur ne parle plus. La Bartoli roucoule Haendel dans les baffles. Je me demande si les taulards ont le droit d’avoir un ipod !

Chez moi, le choureur du siècle me prépare une camomille et débouche un grand cru classé de 1975 que j’avais oublié dans l’armoire à pharmacie.
« L’émir tu me connais, je ne suis pas un voleur, j’ai fait ça pour rendre hommage à mon dab, dis moi ce que je dois faire du pognon, il n'est pas question de le rendre, ce serait trahir sa mémoire, tu vas bien me trouver une idée ? »
Onze millions en coupures de cent, ça fait cent dix mille billets, de quoi remplir la piscine de « Mélodie en sous-sol », de quoi faire pleuvoir des sous, et si tu les balançais du haut de la Tour Eiffel ?

P’tit Chavrou a bu la Mission Haut Brion, il avait les yeux qui brillaient à la perspective révélée de sa nouvelle haute mission.
J’ai claqué la langue, il a claqué la porte.



Post-scriptum : j’ai appris comme vous aux nouvelles qu’une émeute avait été réprimée au pied de la Tour Eiffel, 5 000 personnes le nez en l’air attendaient que de l’argent tombe du ciel ! Cela ne m’a pas surpris car la nuit dernière :
« Allo l’émir j’ai changé d'idée. Ce sera à la Saint Sylvestre, minuit à l’Arc de Triomphe. Dis-moi tu pourras te charger de l’opération car maintenant que je suis célèbre, j’ai décidé de me rendre ! »

samedi 14 novembre 2009

La fièvre du samedi soir

« Le ruban blanc » est un film en noir avec un peu de blanc. Dépressif s’abstenir. Mais c’est du très grand cinéma. La Palme d’Or l’a récompensé. J’imagine le jury meurtri par la projection de cette histoire sombre s’échappant vers l’éclatante croisette de Cannes pour aller se désaltérer. Moi qui suis sensible comme pas deux, j’ai dû prendre ma semaine au club Med pour m’en remettre !

« 2012 » est un film en couleur à grand spectacle. On rit beaucoup tant les acteurs sont mauvais et le scénario invraisemblable. C’est l’histoire du soleil qui a rendez-vous avec la lune. La fin du monde est programmée. En grand secret les puissants de la terre construisent des arches pour sauver l’espèce des milliardaires et leurs mammifères de compagnie. Ce navet a dû coûter bonbon à son producteur. J’espère qu’il fera faillite.

« A/H1N1 » est un festival auquel je viens d’être convié par Madame Narquin-Bachelot Roselyne, qui me précise dans sa lettre que les projections auront lieu « Salle des fêtes, rue Carnot » sic. Si j’ai bien compris, il s’agit de la série : Pandemrix, Humenza, Panenza,Celtura, Celvapan co-produite par la GSK-Sanofi-Novartis-Baxter Bros & Co dont la promo bat son plein depuis l’été. L’argument fort de cette invitation est écrit en caractères gras « Cette injection est particulièrement importante si vous êtes (je suis) amené à être en contact avec (mes) jeunes enfants ou (ma) femme enceinte ( ?) ».

Tout s’embrouille dans ma tête.

Dans « 2012 », on met à l’abri les forts et les puissants. L’héroïque US President himself refuse au dernier moment de monter dans l’arche salvatrice afin de céder sa place à un jeune.
Dans « Le ruban blanc » les ignobles chenapans sont sauvés par l’Histoire des adultes qui est encore plus abominable que la leur.
Dans « A/H1N1 » c’est l’inverse. La priorité est de sauver les vieux, les malades, les sans-espoirs. Il faut à tout prix les protéger de la maladie qui emportera les enfants et les mères. C’est quoi ce mauvais scénario qu’elle nous fait la Roselyne, ministre de l’opérette ? Elle n’a pas vu « Titanic » ?

Dois-je malgré tout virer ma cutie et aller me faire vacciner à la salle des fêtes ?

Je vais regarder dans Télérama.

vendredi 23 octobre 2009

L’automne au pays de cocagne

Hier, je suis parti en course avec un ami.
Sur la petite route qui mène à Saint-Patelin, on s’est d’abord arrêté près du grand noyer. La bourrasque de la nuit avait fait tomber quelques kilos de fruits mûrs que l’on a prestement collectés. Plus loin dans les sous-bois j’ai pris garde de ne pas rouler sur les châtaignes qui recouvraient la chaussée. On en a ramassé un plein sac. Ce soir j’en ferai rôtir quelques unes dans la poêle trouée sur le feu de la cheminée. Le reste qui n’aura pas été distribué aux copains sera accommodé en purée pour demain et en confiture vanillée si délicieuse avec une lichée de crème fraiche.

Après s’être vigoureusement massé les hanches en se redressant de la cueillette, mon complice suggéra une incursion chez des parigots têtes de veaux ; des amis qui possèdent quelques hectares de vergers autour de leur longère authentiquement restaurée.
En pénétrant sur le pré comme des braconniers nous nous trouvâmes bien embarrassés devant les tonnes de fruits amassés aux pieds des arbres. Que du premier choix ! Poires Comice, Passe-crassane, Beurré Hardy…Pommes Reine des reinettes, Boskoop, Akena, d’Api, Golden red et deux arbres magnifiques qui penchaient sous le poids de coings jaunes gros comme le poing ! Ragoût, gelée et pates confises en perspective ! Au fond du verger, un vénérable figuier offrit à notre gourmandise une douzaine de bourses fondantes et mielleuses que les merles repus avaient eu l’élégance de nous abandonner.
Au retour nous fîmes halte dans un endroit secret de la forêt de Perseigne où sous les feuilles de chênes centenaires, bien à l’abri des drones et des satellites espions, nous attendait tout un bataillon de champignons. L’omelette du soir était acquise, mais encore fallait-il chercher les œufs ? Contre un panier de ceps et une caisse de fruits, Denis le voisin nous en donna douze avec en prime une côte épaisse et la queue d’un veau… élevé sous la mère ça va sans dire.
Il nous raconta entre deux coups de cidre que l’animal était issu d’une vache rebelle qui obstinément refusait de se laisser traire. Sans doute avait-elle eu l’écho du prix dérisoire que l’on donnait au produit de ses pis !

Le Perche est un pays de cocagne. L’abondance est à la portée de celui qui peut se baisser. Et pour celui qui a mal aux reins, il lui suffit de pousser le caddy au supermarché du coin. Il y a en ce moment des promotions sur les noix du Brésil, les pommes de Hollande, les poires d’Italie, les figues de Turquie, les coings d’Israël, les bolets d’Ukraine, le lait de Hongrie, le veau d’Argentine…

mercredi 21 octobre 2009

Confessions d’actualité

L’actualité me donne comme un mauvais goût dans la bouche.

Je partage le sentiment de Didier Lestrade sur: « ...l’étrange flottement qui a entouré cette affaire, la peur de se dévoiler, d’analyser, de partager son propre vécu sur le tourisme sexuel ».

Soyons courageux !

Il y a un temps aujourd’hui prescrit, j’étais à Bangkok pour affaire. Mon intermédiaire local avait été choisi en rapport avec le coût du projet. C’était un colosse rond comme un bouddha, costume de soie, cravate piquée d’un diamant, lunettes fumées, Rolex de poids, havane de prix. Une escouade de serviteurs craintifs et obséquieux guettait ses ordres qu’il donnait du sourcil et du petit doigt. Je m’affalais à ses côtés dans une limousine à l’odeur de cuir et d’encens. La vidéo diffusait un concert de Tina Turner, mon hôte me proposa un verre de bière glacée qu’il extirpa d’un petit bar en acajou. Son anglais était très approximatif, mais qu’importe, cette rencontre était une prise de contact. Les discussions sérieuses étaient programmées pour le lendemain. Son secrétaire m’avait prévenu « Monsieur Bouddha viendra vous chercher à 17h à votre hôtel pour vous emmener dans son club. C’est un grand privilège car l’endroit n’est pas ouvert aux étrangers » avait-il ajouté.

Le plus grand et le plus select bordel de Thailande présente une façade d’hypermarché. Gigantesque parking, portes vitrées automatiques, devant lesquelles on se surprend à chercher un caddy. Le hall est à peine moins vaste que la place de la Bastille, moquette rouge, plafond noir, odeur de tabac, musique pop en sourdine, lumières tamisées, canapés en velours roses et guéridons dorés. Le long des murs, dans des cages de verre, des centaines de gamines et quelques gamins éclairés aux projecteurs patientent sur des estrades. Il y en a qui fument, qui papotent, qui jouent en se tapant sur la paume des mains. Tous vêtus de maillot de bain. Ils arborent à la hanche un disque de la taille d’une soucoupe avec leur numéro. Les clients font du lèche-vitrine. Des messieurs en costume un micro à la main aboient leur commande dans la volière : « 247 ! », la fille sursaute et se dirige vers le tunnel de sortie. Bouddha qui se méprend sur mon embarras me presse d’une œillade complice. Il me croit fine bouche m’explique que tout le cheptel est du premier choix, moins de treize ans d’âge, pas plus d’une semaine d’abattage. Je prétexte une petite forme et propose de l’attendre au bar. Pas question, il va choisir pour moi !

Dans une cellule sans fenêtre en béton ornée de posters il y a des peluches sur un lit et des boissons glacées sur une table. Il y a aussi une baignoire que la gamine s’empresse de remplir d’eau moussante. Je me baigne, elle me masse. Me voici propre, je me rhabille. La petite consciencieuse proteste. Je luis donne une liasse de billets et lui fais des risettes. La pauvrette panique, elle ne comprend pas l’anglais. Je lis dans ses yeux l’épouvante. « Si l’étranger n’est pas satisfait, le gros Bouddha va me pendre à un crochet de boucher ! » Je tente de lui parler avec les mains, je mime la maladie, l’amour fidèle, la gérontophilie, la zoophilie… Trois-quarts d’heure c’est une éternité, enfin une sonnerie retentit, signal de ma délivrance. L’enfant tremble. Je fais un grand sourire à Bouddha, j’agite la main gauche, je lève le pouce droit. L’homme lance un compliment à la gamine et lui glisse un billet. Elle revient à la vie.

Autres temps autre rive. La fillette est longiligne, des cheveux châtains, des yeux noisettes, belle comme une madone. On s’était baigné dans les vagues d’une plage déserte par un tiède après-midi de printemps. On avait joué à s’asperger, on avait couru à perdre haleine. Affalés sur le sable, on avait picoré des fruits sucrés et pour s’amuser on s’était séchés les bras puis les épaules, à coup de petits baisers au goût de sel. Cette gastronomie des corps s’était délicieusement prolongée par le partage d’une cigarette blonde. Avant la nuit nous étions repartis chacun de notre côté, nous avions peur que notre passion se sache. Les jours suivants en présence des adultes, elle faisait semblant de ne pas me connaître. Son père sans doute avait deviné mais faisait semblant d’ignorer.

Ces deux souvenirs sont voisins dans ma mémoire. Les deux gamines avaient le même âge à peu près. N’allez pas en conclure que vous lisez ici les confessions d’un abject pédophile. A Bangkok je n’ai pas touché l’enfant et sur la plage, j’avais un an de moins que ma copine.

lundi 19 octobre 2009

Le beau débit de lait


« Pays de veaux aux 300 fromages »
: De Gaulle, historien de la France bovine.

La vache est une merveille de technologie, une usine sur pattes entièrement comestible qui produit quotidiennement des kilos de Danette. Les cornes servent à faire des peignes et des couverts à salades, les pieds de la gélatine, la peau des chaussures, sans parler des préparations à la du Barry, Mironton, Mode, Gribiche, Poivre, Ficelle, Navarin, cuit à point, saignant, bleu ou tartare.
Et le lait ? Le bon le beau lait ? Crémeux, qui tourne, qui se sauve, au riz, de poule, aux œufs, à la vanille, boisson de Mendés France, noisette dans le caoua du matin, soupe le soir.
Peu importe qu’elle soit Limousine, d’Aquitaine ou Normande, en France, la vache après le pinard, c’est sacré.

Dans le Perche on connait l’animal. On le respecte. La table normande lui doit ses étoiles. La crème, c’est comme les zitouns chez moi. Comparaison n’est pas raison, mais essayez de faire des makroud au beurre...ou des brioches à l’huile d’olive ?

L’autre jour Lucien notre boulanger pâtissier est tombé de l’armoire, il a piqué un coup de sang. On le vit surgir de son fournil en agitant les bras comme un fou en vociférant des incohérences. Odette l’épicière et Jeannine la coiffeuse se précipitèrent derrière le pauvre diable qui menaçait de tomber dans le bassin aux cygnes de la place de l’église. Alerté par les femmes, les hommes sont sortis du bistro pour prêter main forte et maîtriser le dément. Trois calvas plus tard, Lucien se calmait.
Le souffle court, encore sous le coup de l’émotion il raconta qu’en rangeant la dernière livraison de son fournisseur habituel « Perche-au-Lait » il fut intrigué par les emballages estampillés HUG. Le mystère le travailla au point de lâcher le four pour l’ordinateur, histoire d’avoir le cœur net. Go-gleu recherche. Ne voilà t-il pas qu’il découvre que les trois lettres inscrites sur ses pots de crème fraîche attestent de leur provenance : la Hongrie ! Le pauvre Lucien en sanglote de honte. « Quand je pense que ma brioche a été primée trois années de suite à la foire des terroirs de Mortagne! »
La femme du boulanger qui était partie en course comme chaque jour à cette heure accourt en hâte, tout inquiète de cette agitation. Entre deux gorgées de raide Lucien lui crie Hongrie. Elle comprend Henri. Elle s’évanouit. Deux chartreuses l’aident à rouvrir les yeux. On lui explique, elle ne comprend pas. Odette et Jeannine l’évacuent sur une chaise.
Le boulanger consterné bafouille. Il prétend qu’après lui avoir pris son honneur, la Hongrie lui prend sa femme aussi.
Pour faire diversion, le patron offre une tournée générale et allume la télé. « KKKK….ZZZZYYY c’est lui, c’est lui ! Complice ! Tout compris… » Hurle Lucien qui replonge dans son délirium. On change de chaine et on lui verse une autre fine dans un verre ballon.

Le lendemain jour de marché, on avait pour une fois de quoi causer. Le Lucien dégrisé ne s’est pas dégonflé. A l’heure de l’apéro dans le troquet bondé, il est venu interpeler mon voisin un éleveur bénévole. « Denis à partir de dorénavant tu me fourniras en lait, beurre et crème. Ton prix sera le mien ! » Il a tendu la main et ajouté en topant « ce qui est dit est dit ! » Quelques pochtrons ont applaudi, d’autres en passant, lui ont donné une bourrade de l’épaule en signe de contentement.
Un quidam a mis une pièce dans le jukebox… « … ah qu’il est beau le débit de lait, ah qu’il est laid le débit de l’eau.. »

Tournée générale !

mercredi 7 octobre 2009

Tempête sur le Nil

Farouk Hosni ministre de la culture de l'Egypte briguait la Direction Générale de l'UNESCO. Il a perdu car ses propres frères ne l'aiment pas et les Israéliens ne veulent pas d'arabes à la tête d'organisations internationales. L'affaire était pliée d'avance, le vieux Moubarak a été roulé dans la farine et son candidat dans la poix et les plumes.

Le souvenir d'une rencontre avec Farouk Hosni il y a une poignée d'années remonte à ma mémoire.

En cette journée d'avril malgré la poussière et la misère Le Caire est radieux. L'air est doux. L'azur zébré de traînées pâles est obsédant.
La voiture me conduit par un dédale de banlieues vers une jolie villa dont les trois terrasses surplombent le Nil. La beauté du panorama me fige. Mes yeux picorent avec gourmandise la traîne d'un vol d'oiseaux. Un souffle me caresse et s'en va gonfler la voile des fellouques. De l'île en face parvient la plainte étouffée du muezzin.

Le temps s'est arrêté. Il faudrait une vie entière pour déguster l'instant de cette merveille.
Farouk Hosni les yeux plissés est assis dans un fauteuil. Il ne dit rien. L'hôte délicat respecte le recueillement de ses invités.
Il nous a accueilli comme si nous étions des parents proches, nous a fait visiter sa maison, contempler ses tableaux et laissé le choix de notre installation.
En réponse à nos soupirs les glaçons tintent dans l'orangeade. Comment évoquer l'objet de notre visite sans briser le charme de l'instant magique? Je décide que le fabuleux projet de Jean Nouvel attendra.

Dans ma tête les idées se bousculent. Par quel sujet convenable convient-il d'aborder la conversation?
La culture arabe s'impatiente. L'Egypte, « Om El Dounia » mère du Monde à travers son histoire, ses vestiges, le génie de ses artistes, de ses auteurs, de ses acteurs, chanteurs...

Chaque égyptien fait son miel quotidien d'une histoire drôle: la nocta en arabe. Mais je ne suis pas un nocteur, ce galvaudeur de pointe d'humour circulant à la vitesse du téléphone arabe. La dernière nocta rapporte que le Président Moubarak niant toute misogynie, aurait toutefois admis que son gouvernement ne comportait aucune femme, mais aurait-il ajouté: Farouk Hosni en fait partie !
L'homosexualité supposée du ministre de la culture alimente les plaisanteries graveleuses du tout-Le Caire. Il faut dire qu'en bon méditerranéen, l'Egyptien se considère comme l'étalon de la race humaine, le mâle des siècles, l'obélisque de ces dames.
Au surplus et au bénéfice du doute, les frères musulmans en mal de popularité ont honoré Farouk Hosni d'une fatwa, véritable appel à candidature pour assassin en recherche d'emploi. Strapontin garanti au paradis des tueurs!

L'homme flegmatique que j'ai devant moi est le plus exposé d'Egypte.
J'ai envie de me lever, de le serrer dans les bras, lui dire que je salue son courage mais je me retiens car j'ai peur que ce soit mal interprété par des lectrices à qui je ne veux pas faire de peine.

Des hommes en armes patrouillent dans le jardin. Ils gardent le gardien du patrimoine arabe le plus précieux. Le sable d'Egypte renferme des trésors bien plus fabuleux que celui du Qatar qui construit pas moins de sept musées où seront exposés des objets acquis à Londres et à Paris. Pendant qu'Abu Dhabi loue le Louvre, l'Egypte solde ses antiquités faute de place pour les conserver.

Nous somme restés jusqu'au crépuscule sur la terrasse magique. J'étais curieux d'écouter le conservateur du plus grand patrimoine archéologique de l'humanité, celui qui depuis 22 ans accompagne à Karnak ou Gizeh les plus illustres touristes du monde !

Monsieur le ministre, vous vouliez l'UNESCO, ils ont lâché les chiens. Les Israéliens ont dépêché à Paris huit de leurs meilleurs barbouzes pendant un mois et toute la diaspora israélienne s'est mobilisée pour vous dénigrer. Kouchner que vous avez tant chouchouté vous a piétiné. Président et ministres français passeront-ils comme d'habitude les fêtes de fin d'année à Assouan?
Les intellectuels arabes avec une singulière unanimité vous ont méprisé. Cerise sur le bakhlawa, Alaa Al-Aswany a quitté sa retraite de l'immeuble Yacoubian pour venir laver le linge sale égyptien en pleine page du Monde. Hachouma !

Farouk Hosni, avant qu'ils ne vous tuent. Vengez-vous. Écrivez vos mémoires. Sans censure puisque pour quelques temps encore vous le pouvez !

dimanche 4 octobre 2009

Le pataquès de Kessous

Accueillant un journaliste du Monde qui vient l’interviewer,
le Ministre de l’intérieur plaisante : « Mustapha vous avez vos papiers ? »
Furieux, Kessous pond un succulent article au vitriol.
Le thème est porteur, les médias redondant l’info en font aussitôt un fromage. Il est vrai que habitude, la victimisation est plutôt coté BHL si vous voyez ce que je veux dire ? Mais qu’un arabe basané endosse le burnous du ratonné sans la fermer c’est nouveau. Si tous les différents de l'hexagone se mettent à gémir, la Seine va déborder !
Kessous fait tomber la France de l’armoire! Se pourrait-il qu’il y ait encore dans notre doux pays des relents d’arabophobie, d’islamophobie, de négrophobie ? Disons le mot : de racisme ?
Des témoignages de lecteurs (toujours du Monde) affluent chaque jour par milliers tant bien que la société des rédacteurs songe y consacrer un supplément hebdomadaire.

Je postule à une modeste pige.

Comme toi Kessous je suis un hybride, un hyb, un moitié, un mi, un bi, un dual… Bref, je ne suis pas tout à fait gaulois semble-t-il. En quoi et par rapport à qui ? Je me le demande ? Je ne suis ni grand, ni gras, ni rouquin, ni denté (on reconnait un rouquin aux cheveux du père et un requin aux dents de la mer) ni beau, ni moche, ni handicapé, ni jeune, ni très vieux, ni hétérosexuel frustré, ni homosexuel déçu ni l’inverse… Mais je sais: je ne suis pas mono. Je suis ambigu jusque dans mon écriture.

Pour la nationalité il s’en est fallu de peu. J’avais dix sept ans lorsque le consulat de France me convoqua pour affaires militaires me concernant. « Signez ici, c’est un désistement de la nationalité française, ainsi vous ne serez pas appelé sous les drapeaux » D’instinct le petit-fils de poilu tourna les talons. Comment imaginer que j’aurais pu biffer d’un paraphe ma généalogie du chemin des dames et de la marche Leclerc ? Français de naissance et par l’histoire de France, Monsieur le Consul je vous dis…

Restaient le nom et le prénom. On me fit remarquer plus tard que la « francisation » était une simple formalité judiciaire. Pourquoi ne pas transformer Hedy Belhassine en « Edouard Belsaint ». Ou mieux mais plus coûteux : « Edouard-François Le Bel Saint ». On me fit à juste titre remarquer que le nombre de syllabes était important. Ainsi posé, j’aurais franchi à l’aise les portes de l’école des Saints-Pères et serais à coup sûr devenu un édile décoré. Mes enfants « René Marie », « Jule-Antoine » et « Mazalènne » auraient assuré la pérennité de la métamorphose généalogique. Plus tard mes arrières petits enfants auraient avec gêne évoqués les profondeurs mystérieuses de leurs gênes : « Dites Tata Sarah, il paraît qu’un de nos ancêtres fût Mufti mahométan à Tunis ? – David mon petit, cessez de raconter des sornettes ! »

Le faciès est important. Plus que la nationalité plus que le nom mais moins que l’argent bien sûr.
Il faut te dire Mustapha, qu’à ma naissance, pour me différencier de toi et des nôtres, je me suis travesti en Français moyen : blanc, châtain, aquilin. Impossible de déceler en moi l’arabe qui sommeil ! Tiens, dans le Perche ils me prennent pour un parigot-tête de veau et à Marseille ils me croient Chti.
Ma mine de Celte s’accorde mal avec ma culture Sarrasine. Certes, mon teint caméléon passe-muraille éveille parfois des soupçons : têtes inquiètes des voyageurs du TGV qui me surprennent à parler l’arabe au téléphone… Ouallah je me marre !

Un huissier d’injustice me désigne du menton à son collègue « Vous êtes sûr que c’est lui Belhassine !!! »

Un officier français étoilé : « De quelle origine êtes-vous ? » -- « auvergnate ! » je réponds. Le poireau n’ose pas moufeter. Par la suite j’appris que le bon Général Dourakine cherchait des anciens de Cherchell.

« Je ne suis pas raciste ! » s’emporte un jour le perfide PDG, il ajoute : « d’ailleurs j’ai une femme de ménage portugaise ! »

Confondant sans doute la Seine et Oise avec les Aurès, la sécu m’écrivit un jour pour me demander le nom de mon « douar » d’origine.

Des anecdotes comme cela, j’en ai des caisses Kessous.
De quoi éclipser « Les brèves de comptoirs ».

Pardon, mais pour avoir un peu voyagé, j’ai constaté que la nature humaine était un peu la même partout. L’utopie d’une France singulière est une vanité bien française, mais ce n’est pas une raison pour baisser les bras. Le racisme réclame un combat permanent et un devoir de résistance sur soi même. Pratiquons donc le racisme positif !

Tiens, il y a deux jours, je brûle un feu rouge. Les jeunes flics en faction s’excitent, me font souffler ma limonade dans le ballon, puis lisant mes papiers me sermonnent avec respect et indulgence. C’étaient peut-être des flics arabes (maintenant on dit beur).

Tu vois Kessous, dans la police ils ne sont pas tous racistes !

dimanche 27 septembre 2009

Pourquoi le silence

C’était Ramadan. Mois sans maux. Moi sans mots. Mois sans moi. Abstinence du verbe, jeûne de l’expression. Ça va Dieu sans dire.

Outre cette crise de foi, j’avais sur blogger.com accumulé des RTT. Des chèques vacances en limite de péremption me conduisirent à Noirmoutier en île où les grandes marées abandonnent sur le sable de délicieux coquillages mais emportent au large l’inspiration des auteurs-pêcheurs.

Il me faut aussi révéler mon enlèvement et ma séquestration par une sublime groupie d’Anouar Lévy dont les savantes câlineries me firent oublier deux lunes durant, sujet et usage du complément d’objet.

Et puis, une séquelle étonnante de la grippe porcine me laissa trois semaines sans doigts. C’est avec les coudes que je tape ce billet en m’aidant d’une paille et d’un pied. L’écriture s’en ressent, j’en suis conscient. Je suis convalescent.

mardi 1 septembre 2009

"Le rapt" d’un lecteur

Je reçois un e-mail :
« Voilà l’interview d’El Watan parue le 15 août 2009. Peut-être pourriez-vous y jeter un coup d’œil ? Amicalement »
En réponse à cet écrivain aimable que je n’ai ni lu ni vu, mais entendu, je promets de courir acheter le dernier livre.

Après trois quart d’heure de route me voici rendu au Mans ; ville la plus laide de France et qui entend bien le rester. Il n'y a pas de librairies je crois, mais une FNAC dans le sous-sol d’une galerie commerciale. Je demande, j’obtiens, je me sauve. En longeant le fleuve, je lève le regard vers le ciel pour me distraire de la laideur des bétons. Des oies sauvages venues de l’île d’Aphrodite survolent la citée sarthoise… sur le dos ! Nobles bêtes qui après avoir contemplé tant de belles choses ont l’instinct de ne pas se salir les yeux.

Sitôt rentré, j’abandonne Anouar Benmalek sur la table basse près du canapé. Il faut le laisser reposer me dis-je, et attendre que la mauvaise humeur m’abandonne. Mais le souvenir de cet aller-retour au Mans vilain tarde à s’estomper. Benmalek (en arabe fils de propriétaire) aurait pu m’adresser son bouquin gratis en service de presse, ou attendre que je sois rentré à Paris. Peut-être veut-il que je lui fasse de la pub sur mon blog ? Mais je n’ai aucune influence sur personne. Seuls quelques amis alphabètes me déchiffrent du bout de l’écran, par indulgence et oisiveté. Ils ne sont pas du tout pressés, « Le rapt » en 515 pages chez Fayard peut attendre…

En vérité j’ai peur du syndrome Lévy. J’avais acheté pour un euro un BHL que je pensais illisible…Alors maintenant, je crains d’être déçu par un Benmalek à 23€. Je n’aimerais pas que son roman sitôt feuilleté rejoigne la cote de BHL dans les vide-greniers. Question de fierté familiale ! Sidi Anouar est un frère, Béhachel n’est qu’un lointain cousin.

Benmalek a déclaré au journal El Watan: « dans nos pays, les écrits littéraires qui ne dérangent personne ne valent même pas le papier sur le quel ils sont imprimés ». Illico mon mauvais esprit soupèse le papier Lévy à un euro et le papier Benmalek à vingt trois. Le handicap est sévère ! Je pense à l’éditeur d’un journal (((indépendant))) de « nos pays » qui, profitant des subventions sur le papier d’imprimerie, commandait une quantité dix fois supérieure au besoin de ses rotatives. Le magnat revendait ensuite avec gros bénéfice le surplus de papier vierge à des restaurateurs qui en faisaient des nappes, preuve de la supériorité de la feuille blanche sur la feuille de choux.

Pour me calmer, j’ai achevé la dégustation d’un petit bouquin formidablement dérangeant de drôlerie. Un livre de Poche à trois francs six sous signé Fellag, le comique qui est à la France ce que Pierre Desproges fût à l’Algérie. Lisez « L’allumeur de rêves Berbères », c’est un écrit littéraire (au sens Benmalekien), qui donne envie d’aller vivre en invivable Algérie. L’humble Fellag fait partie de la nouvelle école de littérature contemporaine française d’outre mer, il sort de la communale de Draa el Mizan. Benmalek aussi est allé à l’école postcoloniale mais il a choisi la voie de la facilité en devenant docteur d’Etat en probabilité et statistique (en arabe Inchallah & chouïa-barcha) spécialité atavique de nos peuples. Il serait donc enfant de Camus par accident ou tirage au sort.

Hier soir sous la couette, abruti de fatigue je lis quelques lignes du « Rapt » avec le secret espoir de m’endormir sur la page. Erreur fatale ! Nuit d’insomnie. Ce bouquin est fait de glue. Il épuise mais ne lâche pas. C’est un anti-Lexomil puissant. On le rêve en lunettes. C’est une prise de tête, un coup au foie. Ce roman vaut centuple plus que 23 euros. Il fallait l’éditer en quantité limitée ; enchères sur e-bay, cinq exemplaires sur vélin dont deux dédicacés. Tous droits de traduction et de reproduction interdits sauf pour la Sainte Arabie Saoudite. On aurait pu lire dans les petites annonces du Figaro littéraire : « échange bel appartement vue panoramique sur Paris contre Benmalek en bon état »

Anouar veux-tu que je te dise ? Ton « écrit littéraire » est un chef d’œuvre sans prix qui mérite calligraphie et enluminures à la feuille d’or. Ya Azizi Anouar ! Ton héros Aziz qui aime sa femme comme moi la mienne, sa fille pareil, ce qui lui arrive… C’est bien simple, j’en ai perdu la sieste pendant cinq jours !
Ton roman dérange le train-train quotidien, sa digestion est lente, parfois douloureuse. Moi aussi « J’ai dégluti une boule de pitié » (p 372).
Bien sûr, le thème du devoir de mémoire m’a ému. Mais laissons passer la grippe saisonnière et nous en reparlerons entre survivants. Je ne veux pour l’instant retenir seulement que la grande histoire d’amour, la petite histoire de notre humanité sordide attendra. Le décor est algérien, mais existe-t-il sur terre un paysage sans empreinte de l’ignominie des hommes ?

Après « Le rapt », j’avais besoin de passer à autre chose.

Le temps était beau, par la route des vallons, j’ai flemmardé jusqu’à Alençon. C’est une délicieuse petite ville, matière à écriture inépuisable. Pas de FNAC mais « Le passage » authentique librairie entre deux ruelles face à Notre Dame. J’ai emporté « Les mémoires d’un âne » et « Mort à crédit ».

Qui de la Comtesse de Ségur ou de Céline me délivrera du rapt de Benmalek ?

mardi 25 août 2009

Lévy au coin du feu

A la recherche d’un livre de cuisine, je tombe sur un Bernard-Henri Lévy tout neuf vendu un euro. Ça ne vaut guère plus me dis-je en tendant la pièce au bouquiniste.

Je me souviens avoir rencontré le philosophe dans un restaurant improvisé au fond d’une cave éclairée à la bougie. Il s’était assis à ma table guidé par un colonel français. Dehors le mortier grondait. Sarajevo saignait.
Le sionisme de l’homme m’indisposait mais je n’étais pas insensible à son panache. L’adrénaline est une drogue mortelle. Peut-être l’aidait-elle à écrire ? Mais il n’était pas obligé d’être là. Beau, riche, intelligent, célèbre… Nous n’avions rien en commun si ce n’est d’avoir chacun une très belle femme restée à la maison.
BHL avait gagné mon indifférente indulgence et la soirée se prolongeait dans l'attente de l’accalmie de minuit, heure où les snipers ivres de crimes et de gnole s’assoupissaient.

Soudain, la porte s’ouvrit à la volée sur un homme en imperméable. Je reconnus un conseiller à la Mairie de Paris rencontré dans le vol agité de Maybe Airline du matin. Je l’invitai à notre table. A l’oreille il me dit qu’il ne voulait pas fréquenter le même établissement que BHL et s’en retourna aussitôt vers l’orage des mortiers.

Par la suite, au gré de mes emportements contre Lévy, en particulier quand il assista aux massacres de Gaza depuis la tourelle d’un char israélien en décembre dernier, je me suis reproché la lâcheté de ce dîner. J’aurais dû sortir moi aussi. J’aurais dû entre la peur des tueurs et le mépris de moi faire le bon choix.

Avec ce livre à un euro, je tenais enfin une vengeance froide et mesquine à l’image de l’auteur !
Un autodafé à ce prix, c’est pour rien ! Me dis-je devant la cheminée.

Je procédais méticuleusement car pour allumer un fagot de brindilles avec un livre, il faut d’abord en arracher les pages, une à une puis les froisser…Oui mais voilà, on ne peut pas demander à un gourmand d’ouvrir un pot de confiture sans y tremper le doigt ! D’autant qu’il s’agit d’un imposant volume de chez Grasset avec une belle couverture de couleur paille « Qui a tué Daniel Pearl?»
C’est l’histoire d’un juif qui enquête sur l’assassinat d’un autre juif. L’auteur, routard confirmé, nous décrit Karachi et Kandahar avec des détails surprenants. Il se met en scène, brave tous les dangers. Quel homme ! C’est mieux qu’un SAS de Gérard de Villiers…

Le feu attend. Une trentaine de pages suffisent pour embraser les bûchettes. Je m’allonge sur le canapé. Ma lecture devient paresseuse, la cheminée fume un peu, je lui lance les boulettes de papier comme des friandises. Le récit est très documenté mais les hypothèses tirées par les cheveux. L’écrivain a consulté des sources grises mais trop fréquenté les dîners d’ambassades. Au fil du roman-reportage, c’est parfois avec regret que je nourris le foyer qui maintenant ronronne. Quelques portraits sont saisissants de vérité. On se sent tour à tour égorgeur et égorgé. Il y a des lignes trop bien ! Je m’y attarde.

Et mine de rien, je dérobe à mes convictions quelques feuilles que je dissimule sous un coussin, pour relire plus tard, au cas où le feu viendrait à manquer…

dimanche 23 août 2009

Supercheronneries

« Pisqu’on t’dit qu’on a besoin de toi, tu viens, tu discutes pas…» Léon m’entraîne fermement par le coude vers la cabine de son quinze tonnes où patiente Emile qui mâchouille son premier mégot de la journée. On roule en silence. Derrière dans la remorque, des moutons serrés comme des pelotes protestent dans les virages. Je profite d’une ligne droite pour rappeler à mes kidnappeurs les dispositions du code pénal. « bééé !» fait Léon en relançant le camion. Tout à coup je pige. On va au marché de Forban ! « T’as deviné ! Paraît qu’t’es fortiche en stratégie de crise, alors on veut te voir à l’œuvre » lance le compère en me montrant le canon du fusil qui dépasse derrière son siège.

Figurez-vous que l’an dernier mes voisins se sont vilainement fait tondre à la grande foire aux ovins de Forban. Des filous s’étaient entendus pour faire baisser les cours, résultat : des agneaux supérieurs extra lourds ont été bradés 25 euros. Rendez-vous compte, une bête sur patte sortie du pré au prix du kilo de gigot ! Pour survivre à ce mauvais coup, les éleveurs avaient été obligés d’aller pleurnicher au Crédit Agricole et de bouffer des patates. Emile et Léon s’en étaient mieux sortis en vendant le reste de leur cheptel à une filière clandestine d’égorgeurs halal d’Agnus Dei.
Mais pendant l’hiver autour des ragouts de pomme de terre, la mésaventure avait alimenté la fronde. La résistance s’était organisée. Il avait été juré croix de bois croix de fer qu’aucun éleveur ne céderait plus jamais d’agnelle à moins de cinquante euros. Le cas échéant, les innocentes bêtes seraient conduites illico presto à la Tour Eiffel pour y être saignées et barbecutées sous les caméras de BBC News dont le correspondant résidant secondairement dans le Perche avait été mis dans le scoop.

Voici pourquoi l’appréhension me nouait l’estomac en arrivant à Forban où un comité d’accueil inhabituel nous attend. Des hôtesses en jupettes guident notre semi-remorque vers le parking, puis des jeunes gens souriants nous aident à la manœuvre de déchargement des bêtes, même le vétérinaire se montre avenant… C’est louche ! Mes compagnons se renfrognent. « Ça sent la récidive ! » L’esplanade est bientôt couverte d’enclos de fortune. L’inquiétude gagne les moutons qui bêlent de concert. Tiens, il y a des acheteurs de Zurich et de Dubaï. Voici que le maire de Forban monte sur l’estrade, il annonce au micro que le maquignon habituel étant grippé, (aaah ! se réjouit la foule) il assurera personnellement la criée des enchères (oooh ! se lamente la foule). Mais à l’ébahissement général le premier lot de médiocres moutons maigres est adjugé au prix faramineux de 180 euros l’animal. Les sourires reviennent, d’abord incrédules, puis un joyeux chahut gagne l’assemblée au rythme de la flambée des cours. 300 euros ! Du jamais vu pour un navarin sur pattes. Le fusil est rangé, les bouteilles circulent, les i-phones textotent la bonne nouvelle. La jacquerie prévue est ajournée sine die.

« Bon ce n’est pas tout, va falloir qu’on s’occupe des pommes maintenant ! » annonce l’Emile sur la route du retour.
Il faut dire que l’an dernier, la récolte avait été tellement exceptionnelle que l’on s’était tous cassé le dos à ramasser des tonnes de reinettes. Peine perdue ! La cidrerie avait refusé les camions de la région. « Il faut se mettre à l’heure de l’Europe » avait expliqué le jeune directeur de l’usine. « J’importe les fruits à cinq centimes d’euro le kilo…de Pologne, troisième exportateur mondial grâce à sa voisine l’Ukraine! Désolé les gars, allez voir chez les compotiers…» Résultat : toute la récolte était partie dans les auges à cochons et les garnitures à boudins.
« Ça va changer » avaient alors juré les normands qui n’aiment pas être pris pour des pommes plus d’une fois dans leur vie.

En doublant une voiturette, Léon me confie que Dimanche prochain, pendant que les femmes seront à la messe de la nouvelle basilique d’Alençon, on tiendra conclave sur les méthodes de radicalisation du mouvement façon bonbonnes de butane. Je me dis que ça sent le roussi et me hâte de déclarer avec une belle hypocrisie « Je suis désolé les copains mais sur ce coup-là, il faudra vous passer de ma pomme car je serai en voyage d’affaires à l’étranger, on me demande d'intervenir sur la baisse des cours du gaz d'Iran et d'Algérie et d’aller éteindre le feu en Grèce…»

vendredi 14 août 2009

Le voyage de Lise

Corne d’Afrique
Si on avait pu lui trouver de l’ombre le thermomètre aurait affiché 45°. Je débarquais à Djibouti un jour d’été dans un aéroport abandonné aux mouches. L’accablement déclencha in petto la question habituelle « mais qu’est-ce que je fous ici ? » En remplissant machinalement un imprimé, je pense au café de Flore. Sur le parking le loueur de voiture me tend les clés d’une Toyota dans laquelle un gamin en loque s’engouffre aussitôt. Je l’interpelle gentiment en arabe« Que veux-tu mon fils ? » Dans un sourire éclatant, il me répond du tac au tac « Devenir ton fils mon père ! » On rigole. Il s’appelle Abdo (créature). Ce prénom est généralement précédé de celui du père. Mais Abdo tout court n’en a jamais eu ! Il me propose de garder la voiture en y élisant domicile pendant la durée de mon séjour. On se met d’accord sur le tarif et roule jeunesse ! Abdo est du Yémen, il a été enrôlé sur un boutre comme mousse de compagnie à l’âge 6 ans. Pour lui forger le caractère, les hommes d’équipage se sont amusés à le flanquer à la mer au bout d’une corde au large des Dahlaks. Un requin lui a bouffé un bras et un pied. L’orphelin fut sauvé par Allah avant d’être débarqué par les marins. Abdo a été recueilli par un chef-mendiant qui emploie une trentaine d’estropiés et d’aveugles…

Asie centrale
La ville n’avait pas de nom, seulement un numéro. Elle ne figurait sur aucune carte. Jadis, nul ne pouvait y entrer sans un laissez-passer de l’armée rouge. Mais en ce début de fin de siècle, le mur de Berlin est tombé entrainant la chute de tous les interdits. L’économie de la puissante Union ex-Soviétique est exsangue, la pénurie immense, et le peu qui reste est à vendre. Pour me distraire, mon interprète me conduit au marché central faire la connaissance des quelques rares marchands survivants. Mes habits de chez Zara et mes bottines fourrées font immédiatement sensation. Une énorme babouchka m’interpelle. Elle est assise sur un petit banc face à une motte de beurre et une jarre de crème. On lui dit que je suis français. « fransouski !! » Elle me tend une main énorme et chaude qui engloutit la mienne puis se met à chantonner doucement dans un français mélodieux « savez-vous planter les choux ? A la mode, à la mode ?... On les plante avec le nez…» Son regard est perdu dans un ailleurs merveilleux, bientôt de grosses perles roulent sur ses joues. L’éternité de la comptine s’achève, elle me rend ma main en me gratifiant d’un sourire d’amante comblée.

Balkans
On roule depuis deux heures sur une route déserte vers la cote Adriatique. Tous les vingt kilomètres on est contrôlé par un barrage de casques bleus. Encore une fois, la cavalerie de la bonne conscience internationale est arrivée trop tard. La Krajina est encore tiède de ses horreurs. Les Serbes ont massacré leurs voisins Croates qui se sont vengés, ou l’inverse c’est selon la boussole de l’histoire. Les moissons pourrissent dans les champs, des carcasses de bêtes encombrent les fossés. Des villages ont été détruits puis concassés et réduits à d’immenses esplanades de cailloux afin que nul ne puisse revenir y bâtir ses souvenirs. Peu avant Zadar, une grange est miraculeusement intacte. On s’arrête en bord de route. A cinquante mètres sur un chemin de terre, une fillette nous regarde, tête haute, épaules tombantes, elle est vêtue d’une sorte de chemise de nuit en toile qui lui cache les pieds. Au bout de son bras ballant pendouille un nounours. On lui fait signe, on l’appelle, on klaxonne… Aucune réaction, on est transparents. Je décide d’aller vers elle. Mon compagnon parano me retient. « Tu es fou ? N’y vas pas ! C’est peut-être un piège ! C’est sûr y’a des mines !» On se chamaille. Tout à coup, il se met à pleuvoir. La petite fille a disparu. On attend que l’orage passe sans dire un mot.

Arabie
A la villa de Ryiad Ahmed le domestique soudanais était loué avec les meubles depuis vingt cinq ans. « Je suis arrivé en Arabie avant le pétrole » me confia t-il un jour. « J’étais alors un jeune seigneur bien plus riche que les bédouins d’ici, et puis… Edhourouf (les circonstances). Aujourd’hui je suis comme un esclave, mais Allah m’a permis d’avoir trois fils, ils sont étudiants à Khartoum…Je retourne dans ma famille pendant le mois de Ramadan, une année sur deux » Nous étions devenus presqu’amis. Un jour il s’enhardit « je voudrais me permettre une question ? Comment as-tu fait pour devenir chef chez les infidèles ? » Je lui expliquais sommairement mes études sans parvenir à le convaincre. « Tu as un secret » me dit-il avant de me révéler le sien : la danse. Oui, dans un pays où les cinémas, les théâtres, les concerts sont interdits, où la joie et le rire sont suspects, Ahmed, chaque soir après la prière dans le secret de sa chambre, évoluait comme un derviche tourneur les paumes tournées vers le ciel au son d’une lancinante litanie incantatoire Allah hou! Allah hou!...

Alençonnais
Chaque année, le village normand s’anime pour la fête des arts. Les habitants accueillent chez eux les œuvres d’artistes de la région. J’entre dans une maison de pierres où sont disposées une vingtaine de figurines de terre cuite. L’émotion me prend la gorge, je vacille, je sors, je reviens. Je rêve ? Le petit garçon au regard malicieux qui tient un bâton, c’est Abdo le gamin de Djibouti … Près de la margelle en djellaba et turban, c’est Ahmed le noble domestique de Riyadh ! Sur un guéridon trône l’éléphantesque babouchka russe au visage poupin, à coté la petite fille au nounours de Zadar ! L’âge me prend tout à coup sans prévenir, je deviens légume, voici que je donne vie à des mottes de glaise. En vain je tente de me ressaisir. Finalement, pour dissiper le trouble j’achète la seule statuette qui ne m’évoque aucun souvenir ; l’homme est accroupi le buste tendu entre les jambes, la tête relevée, les yeux voluptueusement clos comme perdu dans ses souvenirs.

Lise Del Medico sculpte les mémoires.

samedi 8 août 2009

Le retour de la chèvre (dernier épisode)

« … je fus immédiatement accroché au grand ciel clair de ses yeux. La musique envoutante de sa voix avait figé mon temps. Je me suis approché à la limite de l’indécence pour respirer son parfum de femelle. Je compris que cette rencontre remplirait le reste de mon existence… »

L’âne baratineur marque une pose et souffle des naseaux. Ses confidences romantiques ne m’impressionnent pas. Il a pour manie de s’amouracher aux nuits de pleine lune de tout ce qui passe au large de son enclos. Mais sitôt saillie il se bagarre avec celle qu’il a séduite. L’an dernier l’affaire a mal tourné, la femme du blaireau lui a emporté un bout de queue. Bref, l’histoire se répète et depuis deux jours la chèvre de Sekkinn fait champ à part.

Enfin, le baudet me brait sa prière « toi qui mieux que moi sait faire l’âne, va lui parler, dis-lui que mon coup de pied était atavique, sans méchanceté aucune, j’étais stone… »

Je finis par céder et me retrouve accroupi dans l’herbe au pied du piquet de la biquette. En guise de salut, je lui tends une Camel sans filtre qu’elle mâchonne aussitôt avec gourmandise. Je m’efforce de lui vanter les rares vertus du bourricot, l’exercice est difficile, ma plaidoirie commise d’office tourne au réquisitoire. La bique écoute avec patience, pleurniche un peu sur son ânerie, puis relève la tête et murmure « je t’en supplie, éloigne moi de tête d’ananas, ramène moi auprès de la tombe de mon bagnard dans le cimetière de l’homme scorpion».

« A Tataouine ? »

jeudi 6 août 2009

Histoires de bêtes

Ma voisine de campagne qui jadis a perdu son mari en Grèce, a adopté pour se consoler un baudet du Péloponnèse. C’est un affreux quadrupède gris souris avec une touffe entre les oreilles qui lui fait une tête d’ananas. L’animal inutile est régulièrement pourvu en pain dur que sa maitresse un peu snob fait spécialement rassir chez un grand boulanger parisien. Le bourricot obèse filait des jours sans soleil jusqu’à l’arrivée de la chèvre de Sekkinn. Ce qui s’est passé entre ces deux bêtes, nul ne le sait, toujours est-il que depuis, la biquette brait et l’âne béguète.
On se demande s’il faut convoquer le prêtre ou l’équarisseur.

Dans le bled de mon enfance, un pauvre diable ramassait dans le désert des scorpions qu’il venait ensuite exhiber à la terrasse des cafés. Les clients de loin lui jetaient des piécettes pour l’empêcher d’approcher. Devant les distraits et les radins, le mendiant à bout d’arguments croquait comme des friandises quelques reptiles vivants. Le trouble à l’ordre public devint insupportable avec l’arrivée des premiers touristes. La police locale l’intercepta au lasso, le roula dans un tapis et l’expédia à la prison du chef lieu où il fût débarrassé de sa vermine.
Quelques jours plus tard, l’homme scorpion se suicida en se mordant la langue.

mercredi 22 juillet 2009

La chèvre de Monsieur Sekkinn

« Allo M’sieu Lédi ? C’est le café tabac du Luzat. C’est au sujet d’Amédée. Il est mort. On l’a enterré hier. Il avait laissé un mot avec votre téléphone, faudrait venir chercher la chèvre

Je tombe de l’armoire.
« Heu, laissez moi votre numéro, je vous rappel … »

C’est l’histoire de la rencontre entre deux fous.

Il y a longtemps, par le hasard de plusieurs conversations de bistro à Clermont, Marseille, Malte, Tunis et Alger, il m’était révélé les détails de la vie d’un ancien bagnard, Amédée Latache dit Le Sekkinn (le couteau en arabe) ancien caporal des BMC. L’homme était tombé pour le meurtre d’un rival proxénète en 1934. Condamné à mort, commué aux travaux forcés par l’intervention de Pétain, il passa d’abord quinze ans sous le soleil de Biribi, fut le héros d’une mutinerie aux dix huit victimes avant d’être relégué à Tataouine. Il sortit du trou en 1961 grace à la fille de l’une de ses ex-michetonneuses aidée par une jeune avocate qui deviendra célèbre. Bref, Le Sekkinn fut une légende de la population carcérale du siècle dernier.

J’allais à sa rencontre il y a quelques années dans un petit village des monts d’Auvergne où il s’était retiré comme ferrailleur.
En cet après midi d’été brulant, l’homme corpulent et massif comme une statue de Rodin était figé dans fauteuil en osier à l’ombre d’un figuier. Une énorme chèvre était couchée à ses pieds, indifférente à mon approche.
Au lieu de pénétrer dans le hangar à bric à brac, je m’attardais dehors, le nez en l’air. Agacé Le Sekkinn finit par m’interpeller d’une voix puissante « qu’est-ce que tu cherches ? » Je lâchais mystérieux « des souvenirs… » On se regarda dans les prunelles. « T’es venu pour acheter ? » - « Non » « Alors t’es un flic ? » -« Non » Il lut dans mes yeux la vérité. Toujours méfiant mais intrigué, il n’ajouta rien que des grognements.
Je fis une diversion météo, prétexte à une invitation à aller se rincer le gosier au bistro sur la place. La chèvre nous poursuivit… Notre conversation surréaliste aussi « D’où tu viens ? » - « de l’autre coté … » « On se connait ? » Je concédais l’air finaud : « Moi je te connais mais toi tu ne me connais pas… » Silence. Ses yeux intrigués perçaient derrière le trait de ses paupières plissées.

Je prononçais en arabe « miskine elli mis es sekkinn » (malheur à celui qui touche au Couteau !) Un moment pétrifié de stupeur, le géant bondit bousculant la table et les verres gentianes ; il s’en fût à grands pas en gesticulant au milieu de la place suivi à petit pas par la chèvre placide. Avec le bistrotier sorti de derrière son comptoir on l’entendit marmonner des incohérences. Au bout d’un moment il revint à peine apaisé « tu es le Diable ! » me cracha t-il en hurlant.
Comment pouvait-il en effet imaginer qu’un quidam de la moitié de son âge, au look de français moyen viendrait lui rappeler son titre de gloire des bagnes. Miskin elli mis sekkinn, voila que cet avertissement chuchoté pendant trois décennies dans les cachots d’Afrique du Nord était prononcé à nouveau en Auvergne devant son inspirateur !

A force de canons et de confidences ça s’est arrangé. On est devenu copain. Il m’a entrainé dans sa caverne d’Ali Baba. Il voulait tout me donner. « Tiens, prends, ça vaut des sous tu sais ! Je te le donne ! » Je refusais puis pour lui faire plaisir finis par accepter des lettres de Pierre Laval auxquelles il semblait particulièrement tenir.

Plusieurs années de suite je retournerai le voir. A chaque fois on boira des coups et il cherchera à me combler de cadeaux que je repousserai.
C’était devenu un jeu entre nous. Il allait fouiller dans sa grange, revenait avec une lampe, un fauteuil, un vase… « Tiens prends ! » - « j’en veux pas de ton truc ! » Un jour pour m’amuser je lui dis : « Ce qui me ferait plaisir c’est ta chèvre » Le Sekkinn prit un air grave : « Ce que tu me demandes, tu sais que je ne peux pas te le donner, prends moi tout le reste, mais pas elle ! » Je protestai « Mais non Amédée, c’était pour rigoler ! » Le Sekkinn était resté sérieux:
« Quand je ne serai plus là, elle sera à toi! »

Le grand homme a tenu sa promesse !

samedi 18 juillet 2009

La charia percheronne

La rencontre d’hier me rappelle celle d’il y a vingt cinq ans.

C’était une journée belle d’été dans le Perche. Mon voisin recevait sa maman, une grande dame venue d’Alep avec son amie d’enfance, belle-mère endeuillée d’un otage de la guerre du Liban. J’allais m’asseoir auprès des deux dames à l’ombre d’un gigantesque noyer. Très vite la conversation roula sur des propos de tables. Ce qui n’est pas un hasard lorsque l’on sait que depuis les nabatéens, Alep est la capitale incontestée de la gastronomie orientale dont les heureux habitants, en recherche permanente d’un raffinement culinaire suprême, s’adonnent comme nulle part ailleurs au plaisir du manger. Les fines gueules locales poussent même la conscience des papilles jusqu’à suivre au jour le jour l’élevage de l’agneau ou le mûrissement des baies qui garniront leurs tables. A Alep, la cuisine, c’est du sérieux. Mieux vaut se taire que d’en parler à la légère. C’est pourquoi je posais quelques questions prudentes sur la conservation du smen qui est comme chacun sait une variante rancie du beurre clarifié. Cela me valut d’être adopté par les deux gastronomes à chignons et initié aux secrets de la confiture de noix vertes dont la préparation n’est pas de la tarte. D’abord, il est indispensable de cueillir les fruits à lune descendante de la Saint Jean juste avant que les coques ne durcissent…les noix sont à point quand on peut les transpercer avec une aiguille à tricoter n° trois ou quatre… « A propos Al Hadi tu sais tricoter ? » Me taquine Oum Jacques avec son accent chantant. « Ensuite tu les baignes dans l’eau pendant quatre jours, après … » J’ai tout noté. Quel moment délicieux de complicité et de rires partagés. Je pense à elles chaque année (qu’elles reposent en paix) mais je me dois de reprocher à leur mémoire que je n’ai jamais réussi à faire un seul pot de cette divine et rarissime confiture !

Incha Allah, j’irai cet hiver à Alep tenter de ravir le précieux secret des cuisinières de Syrie.

Hier donc, j’allais au vide grenier annuel de Saint-Patelain, c’est devenu un rituel. Dès les beaux jours, la fête du village s’organise autour d’une foire à la brocante et à la misère. Cette année il y aura mille sept cent quatorze déballages rien qu’en Basse-Normandie. Des kilomètres de trottoirs jonchés de bric-à-brac incroyables. Souvent, devant les parents à la mine accablée et des gosses inquiets s’étalent la braderie de toute une vie : les jouets, les vélos, les vêtements, l’ordinateur, le canapé et le carillon du salon, la vaisselle, le vidéo disque, l’ordinateur, la Renault 21 contrôle technique OK…La foule est au rendez-vous. Le chaland se sent riche. « Combien ? » Le prix dérisoire qui est lancé sur un ton résigné le déconcerte, il sent qu’en proposant la moitié il emportera la chose. Moi je n’aime pas trop les objets, je leur préfère les gens. Je ne contemple plus les étalages, je regarde les hommes. On s’accroche le regard, on discute, on plaisante, le soleil revient dans les yeux, je laisse à l’ami(e) de l’instant quelques euros en échange du souvenir de la rencontre. Je chine des verres, un angelot de bronze, deux poteries de Nabeul, une estampe naïve, des aiguilles à chapeaux. Je repars avec le cœur léger et vaniteux de celui qui croit avoir fait une bonne action : lamentable bonne conscience à bon marché de la trop bonne affaire.

Affalé comme un pantin sur un pliant, la tête baissée et les coudes sur les genoux, un chibani en costume anthracite contemple le trottoir. Un peu plus loin, une femme est assise derrière une table à tréteaux et une trentaine de bocaux de confiture. Je m’approche de l’homme et lui serre la main longuement comme pour des retrouvailles « essalam aleykoum kif halek ? » Un sourire de surprise illumine son visage. Il entame des salamalecs interminables espérant que mon accent lui trahisse mes origines. Je devine qu’il ne devine pas. Je prends l’initiative de lui demander d’où il vient. « du Gué-Moustier » me répond t-il avec un éclair de malice dans les yeux. D’un mouvement de menton il m’interroge à son tour. « De Saint-Patelain ! » Je réponds. On rigole. Je confesse : « Je viens du couchant» - « Moi aussi ! » - « Je suis de l’Est » - « Et moi de l’Ouest, on est un même peuple… » J’en conviens. Il a immigré dans le neuf trois il y a quarante cinq ans avant de prendre sa retraite dans le Perche. Il s’occupe du verger et Lalla son épouse fait des confitures. Elle est vêtue d’une robe longue et porte un fichu sur la tête. Pas un cheveu ne dépasse. On parle confiote. Sait-elle faire celle de noix ? Hélas non. Mais elle me donne des conseils pour cuire les mures blanches et les cosses de carroubes. Je lui apprends que la graine de caroube le carrât a donné son nom à l’unité de mesure du diamant. A son tour elle veut m’impressionner en me parlant d’une mystérieuse confiture « divain ? » Je ne connais pas ce fruit. Elle précise : « divain rouge, divain blanc ! » Je comprends enfin « comment par Dieu tout puissant toi une fille de l’islam tu fais de la confiture avec du vin ? » Outrée, elle me rappelle que le Coran prohibe l’ivresse mais pas l’alcool or « c’est pas possible de se saouler en mangeant de la confiture. Alors? Ce n’est pas péché ! Tu peux en manger tant que tu veux ! »

Implacable démonstration de la charia percheronne…

samedi 11 juillet 2009

Secret-Défense

Il y a longtemps, je cornaquais un ministre étranger en visite en Bourgogne « à combien s’élève la population de votre pays au total ? » lui demanda par mon truchement un édile à la fin d’un copieux banquet. Le ministre embarrassé par la question et la sauce Grand-Veneur m’avoua qu’il n’en savait rien faute de recensement et que le mieux était de répondre que l’information relevait du secret- défense. Ce que je traduisis avec sérieux par « très exactement cinquante sept millions six cent vingt huit mille quatre cent douze habitants au 1er janvier ». Le notable fut enchanté de cette réponse.

Il y a quatorze ans, sept moines algériens de nationalité française rejoignaient le peuple des centaines de milliers d’égorgés dont ils étaient les frères. Un Général français Buchwalter (nom à consonance texane ?) vient de déclarer que c’était une bavure de l'armée algérienne. Consternation dans le landernau franco-algérien ! Chacun s’attendait à ce que le Quai, Saint-Dominique et Saint-Augustin se précipitent à Alger avec des paquets de macarons de chez Ladurée et le bourdon de l’église du Gros-Cailloux pour plaider la Sacrée Connerie ! Que nenni, le Château se contenta de promettre la levée du secret-défense. Conséquence : nous sommes au bord de la seconde guerre d’Algérie.

Il y a sept ans quatorze ingénieurs et employés des Constructions Navales étaient tués à Karachi. Un quidam vient de révéler que la cause n’était pas Bin Laden mais un pot de vin qui aurait tourné vinaigre. Toute la presse enquête. De cette fable à dormir debout des informations les plus incroyables sont galvaudées…Ce seraient des militaires pakistanais qui auraient instigué l‘attentat…En représailles, on serait allé briser les jambes de trois généraux ! Reste à espérer que la chronologie du récit n’est pas inversée. Chacun comprend qu’à tous les niveaux on a accumulé des sacrées secrètes conneries et qu’il faut inviter fissa le chef des Pakistanais au défilé du 14 juillet avec soirée au Lido. Pioche ! C’est l’Indien qui viendra. Mais c’est promis, le secret-défense sera levé. Bref, on est au bord de la guerre avec le Pakistan.

La semaine dernière un ivrogne précipite son auto sur celle de mon fils ainé. Heureusement rien que de la peur et de la tôle. Plus de trois grammes de calva dans le sang au compteur de l’assassin en puissance. Ce matin une femme en pleurs sur le bord de la route, même scénario, le tamponneur aviné titube, les pompiers sont indignés. Les gendarmes ont le radar facile et l’alcotest en panne. La presse régionale est muette. Holà plumes du Perche enquêtez, dénoncez, transgressez le secret-défonce. On est au bord de la guerre des chauffards.

Je devine que vous êtes tous curieux de savoir si je suis invité à la garden-party du 14 juillet: secret défense ! Ce que je puis vous dire c’est que le cidre qui sera servi aux invités sera breton, il est vendu à la propriété au prix de 8 euros la boutanche ! Encore un scandale qui se prépare sous couvert du secret-défonce. Qu’importe, mon petit doigt m’a dit qu’au moins deux des thèmes de ce billet seront évoqués lors de la conférence de presse.

dimanche 28 juin 2009

Tout est fichu

Ce long silence a pu laisser espérer à mes quelques fidèles vautours que la grippe H1N1 m’avait emporté. Patience, ce sera pour l’automne. En attendant je broie du noir, je suis blanc, je me sens sagement cocu.
Depuis une chambre du California j’observe le monde :

Mon world président Barak a fait un beau discours au Caire avant d'aller tacler son french collègue à propos du voile. Causer chiffon au sommet de Caen ! Mais où va-t-on ? L’Histoire du monde tourne autour d’un fichu !

A Versailles le niqab est bien entendu au discours Présiroyal en attendant d'être bientôt l’objet d’une résolution onusienne.

Entre temps, patatras, un avion s’abîme. Paris-Match affiche le trombinoscope des passagers parmi lesquels : une femme voilée, encore ? On cherche toujours la boite noire…

Bongo l’ami sincère des frères français noirs et blancs par une première et ultime infidélité s’en va mourir à Barcelone. C’est un mauvais présage. A-t-il écrit ses mémoires en vue d'une publication posthume ? Se demandent mille six cent vingt quatre politicards qui se penchés sur le linceul…tout blanc.

A Karachi des Français seraient morts pour non-respect des engagements de l’Etat. C’est le comble de la connerie en Rafale. Apprenez Messieurs les X énarques que pour n’importe quel petit vendeur de rue pakistanais une promesse de bakchich c’est sacré : « Que le visage du traitre noircisse ! » Les renégats sont châtiés, pire, ils sont excommuniés de la communauté des commerçants et plus personne ne veut de leur camelote. La reconversion du complexe militaro-industriel français en ONG humanitaire devient urgente.

Le lait sur le feu me rend ombreux. Dans les campagnes les vaches pissent à perte, elles métastasent le climat social de la France profonde. Le pouvoir a bien tort de se voiler la face et de négliger la province d’où naissent les révolutions. Attention, on s’est trop occupé des poules et des porcs grippés, la vache peut redevenir folle et contaminer 60 millions de veaux !

Bonne nouvelle : la guerre d’Iran n’aura pas lieu. Mais j’ai un frisson dans le dos en pensant qu’à quelques cent jours et des poussières près, Bush aurait « géré » les élections iraniennes ! Finalement les propos de Barak sur le voile auront été interprétés par les Perses comme un vote blanc. Le hijab étasunien a du bon !

A Marseille carton rouge pour le Pape noir Diouf. L’OM éternue, la France s’enrhume. La chose est grave. L’Elysée lance l’alerte pandémie black-blanc-beur car l’équilibre communautaire est menacé. Alain Minc est convoqué, Bernard Tapie est réveillé. Comment réparer ? On cherche… ELLE trouve. Qui ? Mais vous savez bien, celle qui murmure à l’Oreille. ELLE dit : qu’une représentante de la minorité visible (ndlr : noire) prenne le portefeuille des sports. Génial ! Le symbole est fort, le casting sera parfait. La France oublie Pape Diouf et acclame la belle Rama nouvelle Ministre de l’effort et de la persévérance.

Madame Yade, on la connaît, elle va instaurer la ségrégation positive vite fait y compris dans le cyclisme l’épreuve de blancs de blancs. Ce ne sera pas facile car celle qui détrônera Janny Longo n’est pas encore née ; malgré sa blanchitude et ses 50 balais, la gamine poursuit tranquillement sa carrière de plus grande championne de tous les temps. Rien ne l’arrête, elle serait bien capable de gagner le prochain Tour d’Iran en tchador ! Rama ma sœur, courrez vite récupérer la gloire de la légende vivante de la petite reine. Suivez son exemple ! Un destin de Présidente vous attend. …Vous rigolez ? Pourtant, le petit Ministre d’il y a quinze ans est bien devenu Chef de l’Etat. Alors !

Premier baptême du feu pour l’éponyme ministre de l’intérieur. Interdira –t-il, comme vient de le faire un pays arabe, le pèlerinage à la Mecque pour cause de grippe porcine ? Un compromis est à l’étude rendant le port du voile obligatoire pour les hommes aussi.

Last California post mortem : Michael Jackson est un noir qui toute sa vie voulût être blanchi, il subit des traitements de peau innombrables et devint tout juste bruni.Le monde entier rend hommage au saltimbanque pédophile mercantilisé qui restera le symbole du mauvais goût de notre temps. Et sa musique ? Bof !

J’écoute Otis Redding, l'âme est noire, je vais mettre le(s) voile(s)…

samedi 13 juin 2009

La danse du ventre

Il y a deux mille deux cents ans Hannibal Barca un aïeul présumé lançait la grande idée de l’Union Pour la Méditerranée. Le fils d’Hamilcar rassemblait alors soixante mille supporters et trente sept éléphants et s’en allait faire le tour des rivages de la belle bleue.

Savez-vous que depuis, pour célébrer la mémoire de cette épopée, les descendants d’Hannibal se réunissent chaque nuit de pleine lune au pied de la colline de Carthage pour festoyer comme il se doit.

Aux dernières bacchanales faute de pachyderme, on sacrifia un énorme mérou que le chef Aloulou accommoda en succulent couscous aux raisins et oignons accompagné d’une brouillade aux harengs de la baltique hélas parfaitement incongrue. Un cousin qui produit un million de cols de nectar avait extrait de ses chais des flacons rares et enivrants. Un autre avait fait venir du pétillant de France et du thé d’Ecosse. Le banquet dressé en forme de « U » facilitait les interpellations paillardes et les esclaffassions. Un peu à l’écart des musiciens orientalisaient des airs de jouissances plaintives repris à cœur et en cœur par la joyeuse assemblée. A l’avancée de la nuit, sans doute mue par quelques effets de lune, la tribu toute entière claquant des mains imposa à l’orchestre des rythmes chtoniens typiquement carthaginois. Sans se faire prier quelques déesses au corps parfait réveillèrent par leurs ondulations lascives l’éclat de vie jusqu’au fond de mes yeux. Il semblait que cette nuit jamais ne s’éteindrait et que pour l’éternité « non delenda Carthago »

Au petit matin, sur le port punique, je pris les nouvelles de la rive nord.
La France a élu triomphalement un couple Germano-norvégien. Elle a voté pour un petit révolutionnaire et une ex- juge d’instruction. Aucun ne sera jamais ni ministre ni président. Ça rassure. Voici qu’enfin Madame la France se méfie de son élite soupière si prompte à virer cuti pour un quignon ou un petit fromage. Elle fait désormais confiance à des immigrés rebelles et insoumis. Attendez-vous à savoir qu’aux prochaines régionales elle élise des carthaginois !
J’apprends aussi que Barak Hussein est allé près de chez moi en Normandie. Et figurez-vous qu’un quidam Percheron pas rond, a réussi l’exploit d’approcher le grand homme malgré les G’men. Mieux, il lui a serré les pinces ! « …j’ai senti les mains chaudes du Président Obama serrer les miennes…j’ai pensé à Martin Luther King « I have a dream »…moi, mon rêve s’est accompli » a déclaré Dominique F. au correspondant de « L’Orne Hebdo ». Waouh ! Il parait que depuis, l’heureux pingouin ne se lave plus les paluches.

Vrai, il s’en passe des bonnes en mon absence. Non seulement la France vote étrange, mais en plus elle idolâtre un arabe noir fils de musulman et amerloque de surcroit.
J’ai hâte de rentrer d’autant que je suis invité à un récital de chansons de Piaf et Brel à l’église Saint-Germain de Patelin, le concert sera suivi d’une méga paëlla dans le jardin « de curé » d’un paroissien.
Y aura-t-il des danseuses du ventre ?

lundi 1 juin 2009

L’épicier

Salam aleykoum ! L’épicier me reconnait, il achève de servir la cliente et se faufile sous le comptoir pour venir m’embrasser. Nos joues se pressent trois fois. « Mon frère » me dit-il, ta visite est signe de chance. Suivent des salamalecs interminables à la mesure de notre affection réciproque. « Comment va ton père… ta mère ? Que Dieu les bénisse ! Comment vont les petits, le grand ? Comment va ma « sœur » (mon épouse) ? J’espère que ta santé va mieux ? Al hamdou lillah ! » A mon tour je m’enquière « Comment va mon (ton) fils Omar ? Comment va la maman d’Omar ? Ta santé ? Tes affaires ? Et toute ta famille (sous entendu tes deux filles) ? Que Dieu leur apporte la joie (sous entendu le mariage). Qu’Allah vous garde tous et que nous soyons toujours réunis…»

Hadj l’épicier m’invite à m’assoir dans un coin à l’entrée du magasin. N’allez pas croire que son établissement ressemble à une superette ! C’est une authentique épicerie arabe. Elle est unique à Paris, c’est la copie conforme des succursales d’Alger, de Tunis, Fez ou Damas. Elle figure dans le guide des touristes japonais. Parole !
Derrière l’imposant comptoir en bois s’entasse un amoncellement de denrées diverses d’où trois vendeurs affairés émergent telles des marionnettes. « Thon à l’huile ou naturel ? Le Sidi Daoud est meilleur que le Manar, trois boites ?...Mloukhia j’en mets combien ? Et quatre poulpes séchés, 50 grammes de boutons de roses, 150 grammes de cumin, un chapelet de piments secs, un kilo de boulgour, un savon de Marseille, un gant de crin, un kilo d’argile, une bouteille d’orgeat…» Ici, le client est roi, il sait ce qu’il veut. Il ordonne, on le sert. C’est pesé, emballé, ficelé, ensaché. Et si c’est lourd on vous porte le tout jusqu’au coffre de votre voiture garée en double file. Avec le sourire, un mot gentil et une botte de menthe en cadeau.

Saïd est « Hadj » car à 50 ans il a fini par accepter d’accompagner son épouse au pèlerinage. C’est un fra-rabe de la banlieue de chez moi, le 78. Français par le sol et le sang : un grand père tombé à Dunkerque, l’autre à Monte-Cassino. Orphelin depuis Charonne. Il a beaucoup fréquenté les universités du temps où il militait dans les rangs baasistes. Après la mort de Michel, Salah et Saddam, le nationalisme l’a abandonné, mais Saïd est resté un rocker de cœur. Par la suite, il est devenu très riche : deux hôtels et une brasserie à Paris, trois immeubles à Canne, une boulangerie industrielle à Lille, une affaire d’import export dirigée par son centralien de fils à Dubaï plus quelques autres babioles à Zurich et Téhéran qui lui rapportent gros.
Cette aisance aurait dû l’incliner à passer son temps à jouer au golf, à fréquenter les casinos, à cajoler les filles au bar du Fouquet’s à prêchi- prêcher à la Closerie des Lilas avec les conseillers de l’Agha Khan. Que non, Saïd s’est payé il y a six ans le rêve de son enfance : une épicerie. Et deux fois par semaine, comme vous et moi pour le tennis ou la galipette, Hadj Saïd joue à l’épicier ! C’est son vice. Il est accroc des odeurs de cannelles et de girofles, des parfums de corète, de coriandre, de henné, des vapeurs d’eau de fleurs d’orangers. Il est maso de pois chiches dans la balance. Son plaisir c’est de rendre la monnaie. Quelques rares amis partagent son secret et viennent de temps en temps boire un verre de thé sur le pas de sa boutique.

On parle du passé, on dénigre, on déchire, on brocarde, on se moque, on ricane, on rit, bref on commente l’actualité des arabes comme si nous n’en étions pas.
« Tiens, il y en a un qui a fait condamner Orange télécom qui lui avait attribué le mot de passe « salarab » ; le juge lui a accordé 8 000 euros de dommages et intérêts » Silence…. « Par rapport à « saljuif » c’est plus ou c’est moins ? » Je lève les yeux en secouant la tête. « Ils ont nommé un aumônier musulman à la gendarmerie, Bouharb (fils de guerre en arabe), je te jure que c’est vrai ! » Silence… « Tu sais comment on s’adresse à un aumônier dans la marine ? Monseigneur ! » Silence… « Alors dans la gendarmerie on l’appellera Ya Sidi (mon Seigneur en arabe)» Je tente une diversion dans le sérieux « A propos tu as vu que le couturier Lacroix a déposé son bilan, tu envisages de reprendre l’affaire ? » Silence… « Je suis en contact avec un fonds de pensions iranien mais les négociations butent sur des détails de bannière et de genoux » ....« Et le club Med ? » Le visage de Hadj s’illumine d’un sourire malicieux « j’ai vendu fissa mes 5% du capital car avec l’arrivée de Bernard Tapie, ça sent la faillite à plein nez! »
On passe aux affaires internationales, on parle des malins petits somalis qui lancent des OPA agressives sur le commerce maritime. On évoque BHO qui doit se rendre cette semaine en Arabie, ira-t-il à la Mecque ? Deviendra t-il Hadj Barak Hussein Obama avant d’aller dire des Takbirat au cimetière de Colleville sous les cameras de Jean-Claude Narcy ?
Retour aux choses sérieuses : l’Europe et les élections de dimanche. Comment voter sans être assuré de perdre ! Notre candidat n’a jamais été élu Saïd en convient ; on marque la pause Mouna, un ange passe…Un réveil sonne…A propos du remaniement inévitable. « Qui gardera les Sceaux? » On tombe d’accord pour écarter les prétendants arabes mâles ou femelles car la justice ce n’est pas un domaine où l’on excelle par atavisme. Alors un juif. « Tu penses à Klarsfeld le patineur ? » Un maçon . « Bauer ? » Finalement on se met d’accord sur Eva Joly, Norvégienne du cercle Eddie Barclay, moins belle que Rachida mais qui porte un si joli nom. A la défense l’idéal serait de remplacer l’actuel ministre par un autre propriétaire de France Galop, Bayrou possède le profil idéal. On cite un outsider Olivier Darrason qui a le mérite d’écouter et de se taire, ou Pierre Lellouche un cousin du pays. A l’intérieur Hadj pense qu’un ministre issu de la diversité est indispensable. « Un hybride comme toi HYB ! » Je refuse tout net. Hadj n’insiste pas. Aux affaires étrangères, poste qui revient selon la tradition à un docteur en médecine, n’importe quel circonciseur fera l’affaire pourvu qu’il s’adjoigne un secrétaire d’Etat dont la première mission sera de faire admettre la France à la Conférence Islamique. Car après tout, il y a davantage de musulmans en France que dans les Emirats Unis ou en Libye. Je développe mes arguments, j’insiste, Hadj l’épicier fini par accepter. Ça fera plaisir à son épouse. Ce sera bon pour le commerce extérieur et la vente du Rafale. BHO sera content, les turques et les Perses aussi. Au plan intérieur c’est le ralliement de 9 000 épiciers bavards et de leurs 15 millions de clients, bref c’est du tout gagnant-gagnant. Long silence……………………….........
On sursaute ! L’e-phone de Hadj Saïd entonne la Marseillaise. Il s’éloigne pour parler, se fige au garde-à-vous.

« Félicitations Hadj Ministre ! »