lundi 26 avril 2021

Tunisien de Rambouillet

C’est la ville où je suis né, celle où mes parents reposent pour l’éternité. L’assassinat de Stéphanie à Rambouillet est une abomination sans nom. Mon père aurait pleuré de honte si par la volonté d’Allah il avait vécu cent trois ans. Il était de Tunisie, pays de la douceur et de l’amour devenu le nid d’une bande de tueurs impies qui se réclament d’un islam falsifié pour saigner la France au hasard de ceux qui croisent leurs regards.


Étudiant à la Sorbonne, mon père Si Mahmoud fut le premier Tunisien à s’installer à Rambouillet. Témoin de la débâcle de 1940, il partagea les privations et le sort de ses habitants. Sa conduite durant l’occupation allemande fut sans doute irréprochable car à la libération Jean-Pierre Lévy, héros de la résistance, le prit à ses côtés au ministère de l’Industrie. Devenu haut fonctionnaire, il quitta en 1956 le service de l’État français pour celui du nouvel État tunisien indépendant. Compagnon de Bourguiba, il lui resta fidèle jusqu’au putsch du Général Ben Ali en 1987. Prisonnier politique puis banni, il revint à Rambouillet pour y finir sa vie. 


Un  jour de février 2013, son corps a été lavé avant d’être enroulé dans le drap blanc qu’il avait porté à La Mecque pour son pèlerinage. Puis, un imam et quelques membres de la famille ont récité la prière des défunts devant sa tombe au carré des musulmans du cimetière municipal de Rambouillet. Quelques semaines après, une délégation de la Légion d’honneur conduite par le Général Pons est venue lui rendre hommage en présence du Président du Sénat Gérard Larcher, ancien maire de Rambouillet.


Ma mère, Madeleine est décédée quatre ans plus tard. Elle repose non loin de Si Mahmoud, sous une dalle identique mais avec une croix. Pour marquer la limite des religions qui ne les avaient pourtant jamais séparés, un espace est resté libre où j’irai peut-être un jour me reposer. 


Dans l’allée des musulmans il y a les tombes d’une douzaine de braves républicains qui ont tous laissé un souvenir souriant aux survivants. Ils étaient, artisan, pharmacien, soldat, infirmier, agent de service… ils venaient d’Iran, d’Algérie, du Maroc, de Turquie, du Sahel…la plupart étaient engagés dans des associations caritatives, culturelles, sportives, tous aimaient leur ville, tous étaient aimés d’elle.  La pire insulte à leur mémoire et à leur religion serait que l’immonde égorgeur de Stéphanie la policière,  soit enterré à leurs côtés. 


 


jeudi 15 avril 2021

Tunisie, la démocratie malade de corruption

La Tunisie a achevé le cycle de sa révolution au sens copernicien. Elle est revenue à son point de départ. C’est un constat unanimement observé par tous ceux qui  espéraient un rebondissement salutaire qui ne viendra plus. Certains se mettent à souhaiter un 18 Brumaire à la tunisienne car vie politique est dans l’impasse, l’économie est à l’arrêt, les institutions paralysées. De toutes les causes avancées la principale est la corruption. Le système de prédation rôdé sous la dictature s’est insidieusement renforcé jour après jour pour atteindre l’invulnérabilité et détruire l’ordre républicain. La démocratie tunisienne est malade. La corruption l’a infectée



Au lendemain de la révolution de 2011, la Banque Mondiale publiait un rapport très fouillé qui pointait les spoliations du dictateur évaluées entre 10 et 14 milliards de dollars. Au surplus, le document calculait que la famille Ben Ali s’était par la contrainte attribuée 21% des profits de l’ensemble du secteur privé.

Ce hold up des ressources du pays s’appuyait sur un système de gouvernance en apparence irréprochable incluant élections, légiférations, administrations. Cette architecture d’apparence républicaine avait été conçue et ficelée sur mesure le plus légalement du monde au profit d’un clan. Fort de cette légitimité tronquée, il avait quadrillé le pays de policiers, de délateurs, de maitres chanteurs, de rançonneurs et autre bandits de grands chemins. Les  occidentaux savaient mais se taisaient pour mieux en profiter. L’avidité ayant atteint les limites de l’os à ronger,  le peuple volé s’est soulevé.


Dix ans après la révolution, le pays est dans la mendicité. Pour boucler son budget de l’année il aura besoin d’emprunter 7 milliards de dollars et la facture cumulée de ces dernières années est abyssale. 

Le capitalisme de copinage est toujours en place. Il s’est décentralisé, multiplié, « démocratisé » au profit d’un plus grand nombre de prédateurs encouragés par l’impunité dont ont bénéficié leurs prédécesseurs. Car l’essentiel des biens du dictateur n’a toujours pas été restitué. Les Palais des Ben Ali attendent encore d’être vendus aux enchères. Au sommets des collines de Sidi Bou Saïd deux extravagantes villas bien gardées donnent l’impression d’attendre le retour des chapardeurs. À l’étranger les magots n’ont pas été rendus; rien qu’en Suisse, 625 millions dorment encore à l’ombre de procédures interminables. Dés qu’il s’agit de faire rendre gorges aux responsables de l’ancien régime, la justice des démocraties occidentales trainent des pieds. Quant à l’Arabie Saoudite, Dubaï et  autres paradis fiscaux…


L’instance indépendante vérité dignité créée après la révolution pour dénoncer les exactions de la dictature a enregistré 62 720 plaintes et mené 49 654 auditions. Les dossiers les plus lourds qui font état de meurtres et de tortures ont été transmis à la justice. La plupart des procès n’ont toujours pas pu avoir lieu car les accusés refusent de déférer aux convocations des tribunaux. La police ne les y contraint pas. Pire, ministres et parlementaires n’ont eu de cesse de critiquer l’institution en charge de cette justice transitionnelle qui n’a eu d’autre choix que de se saborder après avoir publié un volumineux rapport en langues arabe et anglaise qui nourrira les archives. 

Une autre institution en charge de la lutte contre la corruption a multiplié les alertes, mais l’indigence de ses moyens et les bâtons dans les roues jetés par les Premiers ministres successifs ont eu raison de sa bonne volonté.


Les hommes politiques se jettent régulièrement des accusations grossières enguirlandées parfois d’insultes et de coups. Au dessus de la mêlée, le Président de la République est le seul dont l’intégrité fait l’unanimité. Soupçonneux, il a refusé d’approuver des nominations de ministres suspects. 

Les législateurs donnent l’exemple navrant du tout permis. À peine élus certains n’ont pas tardé à rouler carrosse. Arrivé en camionnette, ils sont le temps d’une session repartis en limousine. Au delà de l’arrogante de leur nouvelle fortune, c’est l’impunité que leur garanti leur immunité parlementaire qui choque le citoyen. Il n’est pas de semaine sans que la presse - encore libre - dénonce l’abus de pouvoir ou la malversation d’un député. Le Président de l’Assemblée du Peuple l’islamiste Ghannouchi n’a aucune autorité. Il est pareillement suspecté d’enrichissement sans cause.


Pour relativiser ce constat désolant il faut aller chercher aux royaumes des aveugles quelques borgnes qui lui ressemblent.

L’indice de corruption dressé chaque année par Transparency International place la Tunisie à la 69 ème place sur 86. 

De son coté, Economist Intelligence Unit qui mesure la démocratie, classe le pays en 54ème position sur 167.  

Certes, la démocratie corrompue de la Tunisie est moins pire que d’autres. Elle est sur les deux tableaux ex aequo ou proche des plus mauvais élèves de l’Union Européenne: la Bulgarie et la Hongrie. Comparaison n’est pas raison, seulement maigre consolation.




https://transparency-france.org/publications/indices-de-perception-de-corruption/#.YHgMqbQzbfY

https://www.eiu.com/n/campaigns/democracy-index-2020/


mardi 13 avril 2021

"La France est un ennemi traditionnel et éternel de l'Algérie"

C’est l’opinion assumée du gouvernement algérien qui par la voix de son ministre El Hachemi Djaaboub a martelé ces propos devant le Conseil de la Nation (Sénat). Cette déclaration stupéfiante a été faite au moment même où le Chef d’État major français était en visite à Alger. Le Général a repris l’avion pour Paris. Jean Castex, qui devait se rendre en Algérie trois jours plus tard a annulé son déplacement en invoquant le prétexte commode de la pandémie. 

Contrairement aux hommes politiques algériens, ceux de Paris ne savent pas parler « cash ».

Dans toute autre relation bilatérale, les propos du ministre du Travail algérien eussent mérité une protestation bien sentie et pour le moins une convocation ou un rappel d’ambassadeur, mais avec Alger, Paris prend des gants et marche sur des oeufs. 

L’Algérie est la mauvaise conscience de la France. Celle du géniteur qui se reproche d’avoir martyrisé son enfant, de ne pas avoir su l’émanciper. Alors il a pour lui des faiblesses et des indulgences particulières. Ce  paternalisme non assumé est un néocolonialisme mal digéré. Périodiquement on tente de réconcilier le passé en ressassant la mémoire tragique et honteuse d’une guerre du siècle passé qui n’est même pas enseignée au lycée.


Les "algérologues" parisiens qui scrutent l’incroyable complexité du « système », expliquent que le pouvoir à Alger est en butte à des rivalités internes mystérieuses dont il faut tenir compte. Qu’il importe de sélectionner le bon cheval: celui qui sortira gagnant. À Alger, on joue au même jeu de dada. Les décideurs sont branchés sur BFMTV et CNEWS. Ils se passionnent pour la politique franco-française et sont plus préoccupés par l’éventuelle ré-élection de Macron que par celle de leurs propres députés. 

Depuis trois générations, les deux pays se regardent en chiens de faïence. À chaque apaisement éphémère succède une crise. Au fil des ans, le fossé s’est creusé entre le pouvoir de Paris et celui d’Alger. Ils ne partagent plus certaines valeurs républicaines qui pouvaient jadis, y compris dans les heures sombres, les rassembler.


L’Algérie dérive et compose avec l’islamisme. Les exemples sont nombreux. Il y a deux semaines  Saïd Djabelkheir, un journaliste, théologien de renom, a été déféré au tribunal d’Alger pour « offense à l’islam ». Il encourt des années de prison. Le plaignant est un universitaire obscurantiste qui reproche à son collègue sa controverse sur l’arche de Noé et les vertus de l’urine de chameau. C’est l’inquisition. « Il y a l’islam des lumière, il y a l’islam des ténèbres » résume le philosophe Faris Lounis qui dénonce « le procès de la honte » 


L’économie est malade. Ses ressources ont été gaspillées et spoliées. L’Algérie est le plus pauvre des pays riches alors qu’elle aurait pu prospérer au niveau de la Corée du Sud dont elle était l’égale en PIB il y a cinquante ans. Les mauvais choix et une mauvaise gouvernance chronique en ont décidé autrement. 

Depuis vingt six mois, chaque vendredi, la foule envahit les rues pour réclamer pacifiquement le changement « hirak ».  Las le pouvoir ne lâche rien. Il tergiverse, réprime et gagne du temps.

Au quotidien, le citoyen manque toujours de logements et d’infrastructures décentes, il subit les coupures d’eau incessantes, les pénuries de pommes de terre, de médicaments… Le pays importe du lait, du blé, du maïs, du sucre, de l’huile, de la tomate, de l’ail… Les autoroutes sont construites par des ouvriers chinois…pendant que les ouvriers algériens cassent des cailloux et poussent les brouettes en Europe. L’irrationalité des choix budgétaires est une constante, l’absurde n’étonne plus personne. La corruption partout gangrène. Alors pour calmer son opinion, le pouvoir impuissant a besoin de boucs émissaires. « quand ça va mal (en Afrique) c’est la France » dit Macron. 


Le ministre algérien du Travail qui a qualifié la France d’ennemie de l’Algérie a poussé le bouchon trop loin. Le temps aura du mal à effacer les traces de cette formule. Mais au fait, l’ennemi la France, c’est qui ? Une République, une démocratie, un peuple… certes; mais aussi inclusivement une douzaine de millions de citoyens attachés par leur histoire personnelle à l’Algérie. Ils sont 6 millions de résidents permanents. Ils sont plusieurs millions de binationaux à possèder la nationalité algérienne par le  sang du père transmis automatiquement à ses descendants. La majorité d’entre eux n’ont pour seuls liens avec l’Algérie que la tombe du grand-père et les vacances « au bled ». Des centaines de milliers se dévouent dans les services publics, de l’aide soignante au docteur, de l’agent de sécurité au préfet; des milliers servent dans l’armée et saluent chaque matin le drapeau tricolore… Cette population magnifique de labeur et de résilience, est une part de  la France. Est-elle aussi une « ennemie éternelle de l’Algérie »? Les citoyens français « binationaux » seront-ils demain doublement stigmatisés dans leur pays et dans celui de leurs ancêtres ? L’an dernier, un triste député tunisien Safi Saïd les a qualifié en séance de « bâtards étrangers ». 


Les Français issus de l’immigration choisie ou résignée, dont les parents ou les grands parents ont pour la plupart fuient les conditions de vie du pays de leurs aïeux se sentent pareillement insultés par ces « frères » aigris par leurs échecs qui se comportent en bellicistes. De guerre lasse, ils pourraient bien un jour leur tourner le dos.



https://www.algerie-eco.com/2021/04/08/djaaboub-la-france-est-notre-ennemi-traditionnel-et-permanent-video/

https://www.lematindalgerie.com/said-djabelkheir-le-proces-de-la-honte

jeudi 8 avril 2021

Erdogan et Charles Michel, les deux pignoufs

La diplomatie est l’art de la politesse, chaque détail comportemental traduit le degré d’amitié ou d’hostilité entre deux pays. L’Histoire fourmille d’exemples de gestes qui ont servi de prétexte à déclarer la guerre. Le camouflet infligé par Erdogan à Ursula von der Leyen la Présidente de la Commission européenne est de ceux là. Désormais, entre l’Union Européenne et le pays des mahométans Ottomans, rien ne sera plus comme avant.


Recevant en visite officielle Mme von der Leyen et M Charles Michel, Président du Parlement européen, Erdogan a tendu un fauteuil à l’homme et laissé la femme s’asseoir sur une bergère à l’écart alors que l’un et l’autre sont pourtant à égalité protocolaire.

Ce n’est pas une gaffe, la Turquie n’est pas un État de diplomates parvenus, elle est héritière de l’empire Ottoman, elle connait donc les usages de la bienséance qu’elle manie avec raffinement. Son ambassadeur en France, un parfait francophone passé par l’ENA en même temps que le Président Macron en est l’exemple. 


L’impolitesse d’Erdogan était intentionnelle. Quelques jours auparavant, il avait décidé de renier la signature de son pays du Traité sur la protection des violences faites aux femmes et aux enfants. Alors, par la mise en scène de sa misogynie, il s’est montré conséquent avec lui-même en élargissant l’offense à chacune des femmes européennes et en humiliant la première d’entres elles. 

Désormais, les diplomates européens ne diront plus la Turquie, mais Le Turqui ce pronom masculin étant plus approprié pour désigner la nation qui persiste à rabaisser le genre qui engendre à celui d'objet.


On raconte qu’un jour en Anatolie, un petit groupe de moustachus se présentent à la police « je viens de tuer ma femme car c’était une salope » dit l’un d’eux. Le commissaire interroge « qu’en dit ton beau père ?… » Celui-ci est  présent et approuve son gendre en baissant les yeux « oui ma fille était une trainée, elle a fauté » dit-il.  « Bon reviens demain pour remplir les papiers » lance le policier en congédiant l’assassin.

Cette anecdote force à peine le trait. La Turquie est un épouvantable repaire de machistes. L’émancipation de la femme, oeuvre centrale de Mustapha Kémal, le bâtisseur de la Turquie moderne, est un souvenir lointain qui n’est plus enseigné dans les écoles. Aujourd’hui, la citoyenne turque est reléguée au niveau des Pakistanaises et des Saoudiennes.


À Ankara, Mme Ursula von der Leyen dont le rang de chef de gouvernement n’est contesté dans aucun pays du globe n’a pas eu droit au fauteuil. On lui a affecté un canapé, un sofa, à défaut d’une bergère, d’un pouf, ou d’un strapontin diplomatique. On l’a réduite à une fonction de secrétaire. Regardant son collègue dans un illusoire appel de solidarité, l’offensée a hésité un instant à tourner les talons. Elle aurait du, mais elle est est bien élevée….elle.

Las ! pour parfaire l’affront savamment orchestré, Erdogan et Michel s’étaient précipités à grandes enjambées pour s’asseoir d’autorité sur les deux uniques fauteuils flanqués de drapeaux et laisser la Présidente de la Commission en plan au milieu du salon. Pire, alors que la politesse élémentaire et la galanterie réclament depuis le Moyen Âge en Europe que les messieurs attendent que les dames soient assises avant de poser leurs fesses, Charles Michel s’est affalé sur son siège les jambes étendues face à sa collègue contrite et interloquée. Le Président du Parlement européen est un grossier personnage. C'est un pignouf mal élevé. 


En affichant publiquement leur absence de solidarité, les deux têtes de l’Union Européenne déjà sans défense ni armée ont raté l’occasion de diplomatiquement exister. Il aurait suffi qu’ils restassent tous deux debout. Ursula von der Leyden a hésité, Charles Michel s’est couché. 

Désormais, toutes les belles paroles et les discours lénifiants sur la coopération euro-turque n’effaceront pas le souvenir de cette audience que les historiens rapprocheront du fameux coup d’éventail du Dey d’Alger au consul de France en 1827.


https://fr.euronews.com/2021/04/07/deux-fauteuils-pour-trois-presidents

samedi 3 avril 2021

Docteur 100 000 morts

C'est le titre d'opprobre que devra endosser le chef de la France malade car quels que soient les talents de ses communicants, des millions d'endeuillés prétendront que leurs défunts auraient été épargnés si... 

Pour se consoler de ce désastre sanitaire qui reflète l'imprévoyante gouvernance  d'un pays en déclin, on cherchera la comparaison avec d'autres plus affectés. 


La France avec 1 447 morts par million d'habitants fait  certes - à ce jour - moins mal que les États-Unis, la Belgique, le Royaume Uni, la Tchéquie, l'Italie, l'Espagne... Elle est dans la moyenne de l'Union Européenne mais elle fait moins bien que l’Allemagne 929  ;  les Pays-Bas 977; le Danemark 424  ; la Norvège 125  … Ce constat sans appel est documenté par wikipédia. 


Les mieux portants sont ceux qui ont confiné au bon moment.

La défaillance française est conforme aux gènes de son Histoire et à l'impéritie de ses dirigeants qui, à l'unique exception du Général de Gaulle, n'ont jamais su prévenir une débâcle annoncée.  Elle reflète l'arrogance de ses élites qui nous expliquaient il y a tout juste un an que l'épidémie qui ravageait alors l'Italie se heurterait à la ligne Maginot de notre système de santé; que le masque était inutile et qu’il suffisait de tousser dans son coude.



Sur le Boulevard Saint Michel, au quartier Latin à Paris, il existe un petit monument sur lequel est gravé  : «   l'an 1820 les pharmaciens Pelletier et Caventou par leur précieuse découverte de la quinine ont mérité le titre de bienfaiteur de l'humanité  » L'histoire de France est pleine d'une foule de savants qui ont guéri l'humanité de la rage, de la tuberculose, du typhus, de la diphtérie...  

Les Pasteur, Yersin, Laveran,  Nicole, Conseil, Calmette, Roux et quelques autres étaient des anticonformistes qui ont subi les railleries de leurs collègues mandarins jaloux de leurs audaces. L'état d'esprit n'a pas changé. Les téléspectateurs ont découvert  l'arrogance des «  professeurs  » ces  docteurs dont la faconde et les honoraires sont supérieurs au médecin de campagne et aux humbles savants.

Las, les grands découvreurs que révèle cette pandémie ne sont pas français. Pour leur travaux sur le vaccin ARNm la turco-allemande  Ugur Şahin et son époux OzlemTüreci obtiendront probablement le Nobel et l'honneur d'une belle statue.

Pour la première fois de sa  longue et glorieuse histoire,  la recherche scientifique de la France est doublement humiliée car son industrie aussi est déconfite.


Les États-Unis produisent 135 millions vaccins mais n'en exportent aucun. La Chine 170 millions dont le tiers part à l’étranger (Axios/Airfinity).  L'Union Européenne  fourni 96 millions de doses dont 48% pour l’extérieur. Le géant tricolore Sanofi leader mondial des vaccin contre la poliomyélite et la grippe saisonnière s’est endormi sur ses lauriers. Il est hors course dans le combat contre la Covid-19; pour tenter de sauver l’honneur, il promet de mettra la main à la pâte dans quelques mois.


La planisphère de la Covid a mis en évidence l'inégalité d'une épidémie qui dévaste les continents Américain et Européen mais épargne l'Asie comme le montre la faible mortalité par million d'habitants  : Indonésie 143, Philippines 127, Malaisie 38, Corée du Sud 33, Pakistan 63, Chine 3, Viêt-Nam 0. 

À l'exception de l'Afrique du Sud et du Maghreb, de nombreux pays d’Afrique présentent aussi un bilan  inférieur à 100 morts par million d'habitants  : Sénégal, Cameroun, Côte, d'Ivoire, Congo, Guinée, Rwanda, Mali, Togo... 

On pourrait penser que faute de vieillards à frapper, la pandémie a contourné l'Afrique où la moyenne d'âge est de 19 ans contre 43 en Europe.

Mais alors comment expliquer  l'écart entre certains pays d’Asie dont la population est d’un âge moyen élevé comme le Japon 46, 9 ans ou la Corée du Sud 41, 2 ans avec les USA où l'âge médian est inférieur à 38 ans ? Le climat  ? Les comportements sociaux  ? La nourriture  : l'ail, le gingembre, le piment …  ? La quinine ?


Sur le podium des victoires sur la Covid-19 figure la Corée du Sud. Cette démocratie à économie libérale de 52 millions d'habitants, ne cumule que 1 700 décès. Avec seulement 400 testés positifs par jour, c’est un modèle de rigueur et d’efficacité: contrôle strict des frontières, dépistage, traçage numérique, isolement sous contrôle mais pas de confinement sauf pour les malades. 

Il y a un an, le Président Macron a appelé son collègue Moon Jae-in à Séoul pour solliciter ses bons conseils qu'il n'a pas suivis. La France craint «  la cyber-dictature  ». Ses dirigeants pensent sans doute à tort que les Français sont des individualistes incapables de sens commun et que la restriction aux libertés de vaquer pendant les soldes est une ligne rouge infranchissable. Pourtant, il faudra  s'y résoudre car il est désormais certain que le «  tracking  »  par une application sanitaire Google ou Baidu conditionnera demain tous nos voyages à l'étranger et le retour des touristes en France.


Ce qui a différencié les vainqueurs du perdant français c'est la doctrine de conscience, celle du devoir suprême d'un État  de protéger la vie  de ses citoyens à "n'importe quel prix". Cette politique est inscrite dans l’histoire de tous les pays. Oublieux de ce principe fondamental, la France imitant les États-Unis a choisi de sauver d'abord  son économie. Trump a payé cette trahison au prix de son second mandat. Le même sort guette Macron malgré les performances de la bourse: + 45% depuis un an.


Paris a toujours gouverné en pensant que le pays était porteur d'une mystérieuse singularité qui le rendait différent. Il était donc hors de question de suivre l'exemple de la Chine, du Maroc ou d'Israël. Le pouvoir s'est distingué en tergiversant, en louvoyant en philosophant à la recherche de quelque règlementations nouvelles  qui apporteraient des solutions innovantes. Ainsi, quotidiennement, les ministres ont saturé l'information pour tenir des propos infantilisants souvent contradictoires. 

Inlassablement le ministre de la Santé, un bon docteur au regard doux à qui on donnerait le bon dieu sans confession, est venu compléter les propos périodiques d'un Premier ministre cagot se gargarisant d'interminables leçons de choses. Scénario mal rodé destiné à chauffer l’opinion pour préparer l'entrée en scène du Président Macron lui-même. 

L‘oeil clair figé par le prompteur, le verbe savant, les mains qui se tripotent trahissant une pensée tâtonnante, le Président est apparu à la télévisions comme en campagne pour sa ré-élection. Contre toute attente et surtout celle du corps médical, il a évité le mot confinement qui fâche, promettant à tous un avenir à boire et à manger en terrasse dès le mois de mai. 

« Vous êtes un penseur vous, Docteur Knock… et la pensée mène le monde ! » disait Mousquet dans « Le triomphe de la médecine » de Jules Romain.


Le docteur-président passe ses nuits à lire les revues scientifiques pour mieux apporter la contradiction aux instances délibératives qu'il a nommées. Il est le Pécuchet de Gustave Flaubert. D’aucuns se rassurent en rappelant qu’il est bien entouré. En effet, son papa est Professeur de neurologie, sa maman médecin généraliste, son frère radiologue, sa sœur néphrologue, sa belle-mère psychiatre, sa belle-fille cardiologue… 

L'Élysée assure que le cercle médico-familial est sans influence sur les décisions du Président. Hélas  !...