vendredi 23 octobre 2009

L’automne au pays de cocagne

Hier, je suis parti en course avec un ami.
Sur la petite route qui mène à Saint-Patelin, on s’est d’abord arrêté près du grand noyer. La bourrasque de la nuit avait fait tomber quelques kilos de fruits mûrs que l’on a prestement collectés. Plus loin dans les sous-bois j’ai pris garde de ne pas rouler sur les châtaignes qui recouvraient la chaussée. On en a ramassé un plein sac. Ce soir j’en ferai rôtir quelques unes dans la poêle trouée sur le feu de la cheminée. Le reste qui n’aura pas été distribué aux copains sera accommodé en purée pour demain et en confiture vanillée si délicieuse avec une lichée de crème fraiche.

Après s’être vigoureusement massé les hanches en se redressant de la cueillette, mon complice suggéra une incursion chez des parigots têtes de veaux ; des amis qui possèdent quelques hectares de vergers autour de leur longère authentiquement restaurée.
En pénétrant sur le pré comme des braconniers nous nous trouvâmes bien embarrassés devant les tonnes de fruits amassés aux pieds des arbres. Que du premier choix ! Poires Comice, Passe-crassane, Beurré Hardy…Pommes Reine des reinettes, Boskoop, Akena, d’Api, Golden red et deux arbres magnifiques qui penchaient sous le poids de coings jaunes gros comme le poing ! Ragoût, gelée et pates confises en perspective ! Au fond du verger, un vénérable figuier offrit à notre gourmandise une douzaine de bourses fondantes et mielleuses que les merles repus avaient eu l’élégance de nous abandonner.
Au retour nous fîmes halte dans un endroit secret de la forêt de Perseigne où sous les feuilles de chênes centenaires, bien à l’abri des drones et des satellites espions, nous attendait tout un bataillon de champignons. L’omelette du soir était acquise, mais encore fallait-il chercher les œufs ? Contre un panier de ceps et une caisse de fruits, Denis le voisin nous en donna douze avec en prime une côte épaisse et la queue d’un veau… élevé sous la mère ça va sans dire.
Il nous raconta entre deux coups de cidre que l’animal était issu d’une vache rebelle qui obstinément refusait de se laisser traire. Sans doute avait-elle eu l’écho du prix dérisoire que l’on donnait au produit de ses pis !

Le Perche est un pays de cocagne. L’abondance est à la portée de celui qui peut se baisser. Et pour celui qui a mal aux reins, il lui suffit de pousser le caddy au supermarché du coin. Il y a en ce moment des promotions sur les noix du Brésil, les pommes de Hollande, les poires d’Italie, les figues de Turquie, les coings d’Israël, les bolets d’Ukraine, le lait de Hongrie, le veau d’Argentine…

mercredi 21 octobre 2009

Confessions d’actualité

L’actualité me donne comme un mauvais goût dans la bouche.

Je partage le sentiment de Didier Lestrade sur: « ...l’étrange flottement qui a entouré cette affaire, la peur de se dévoiler, d’analyser, de partager son propre vécu sur le tourisme sexuel ».

Soyons courageux !

Il y a un temps aujourd’hui prescrit, j’étais à Bangkok pour affaire. Mon intermédiaire local avait été choisi en rapport avec le coût du projet. C’était un colosse rond comme un bouddha, costume de soie, cravate piquée d’un diamant, lunettes fumées, Rolex de poids, havane de prix. Une escouade de serviteurs craintifs et obséquieux guettait ses ordres qu’il donnait du sourcil et du petit doigt. Je m’affalais à ses côtés dans une limousine à l’odeur de cuir et d’encens. La vidéo diffusait un concert de Tina Turner, mon hôte me proposa un verre de bière glacée qu’il extirpa d’un petit bar en acajou. Son anglais était très approximatif, mais qu’importe, cette rencontre était une prise de contact. Les discussions sérieuses étaient programmées pour le lendemain. Son secrétaire m’avait prévenu « Monsieur Bouddha viendra vous chercher à 17h à votre hôtel pour vous emmener dans son club. C’est un grand privilège car l’endroit n’est pas ouvert aux étrangers » avait-il ajouté.

Le plus grand et le plus select bordel de Thailande présente une façade d’hypermarché. Gigantesque parking, portes vitrées automatiques, devant lesquelles on se surprend à chercher un caddy. Le hall est à peine moins vaste que la place de la Bastille, moquette rouge, plafond noir, odeur de tabac, musique pop en sourdine, lumières tamisées, canapés en velours roses et guéridons dorés. Le long des murs, dans des cages de verre, des centaines de gamines et quelques gamins éclairés aux projecteurs patientent sur des estrades. Il y en a qui fument, qui papotent, qui jouent en se tapant sur la paume des mains. Tous vêtus de maillot de bain. Ils arborent à la hanche un disque de la taille d’une soucoupe avec leur numéro. Les clients font du lèche-vitrine. Des messieurs en costume un micro à la main aboient leur commande dans la volière : « 247 ! », la fille sursaute et se dirige vers le tunnel de sortie. Bouddha qui se méprend sur mon embarras me presse d’une œillade complice. Il me croit fine bouche m’explique que tout le cheptel est du premier choix, moins de treize ans d’âge, pas plus d’une semaine d’abattage. Je prétexte une petite forme et propose de l’attendre au bar. Pas question, il va choisir pour moi !

Dans une cellule sans fenêtre en béton ornée de posters il y a des peluches sur un lit et des boissons glacées sur une table. Il y a aussi une baignoire que la gamine s’empresse de remplir d’eau moussante. Je me baigne, elle me masse. Me voici propre, je me rhabille. La petite consciencieuse proteste. Je luis donne une liasse de billets et lui fais des risettes. La pauvrette panique, elle ne comprend pas l’anglais. Je lis dans ses yeux l’épouvante. « Si l’étranger n’est pas satisfait, le gros Bouddha va me pendre à un crochet de boucher ! » Je tente de lui parler avec les mains, je mime la maladie, l’amour fidèle, la gérontophilie, la zoophilie… Trois-quarts d’heure c’est une éternité, enfin une sonnerie retentit, signal de ma délivrance. L’enfant tremble. Je fais un grand sourire à Bouddha, j’agite la main gauche, je lève le pouce droit. L’homme lance un compliment à la gamine et lui glisse un billet. Elle revient à la vie.

Autres temps autre rive. La fillette est longiligne, des cheveux châtains, des yeux noisettes, belle comme une madone. On s’était baigné dans les vagues d’une plage déserte par un tiède après-midi de printemps. On avait joué à s’asperger, on avait couru à perdre haleine. Affalés sur le sable, on avait picoré des fruits sucrés et pour s’amuser on s’était séchés les bras puis les épaules, à coup de petits baisers au goût de sel. Cette gastronomie des corps s’était délicieusement prolongée par le partage d’une cigarette blonde. Avant la nuit nous étions repartis chacun de notre côté, nous avions peur que notre passion se sache. Les jours suivants en présence des adultes, elle faisait semblant de ne pas me connaître. Son père sans doute avait deviné mais faisait semblant d’ignorer.

Ces deux souvenirs sont voisins dans ma mémoire. Les deux gamines avaient le même âge à peu près. N’allez pas en conclure que vous lisez ici les confessions d’un abject pédophile. A Bangkok je n’ai pas touché l’enfant et sur la plage, j’avais un an de moins que ma copine.

lundi 19 octobre 2009

Le beau débit de lait


« Pays de veaux aux 300 fromages »
: De Gaulle, historien de la France bovine.

La vache est une merveille de technologie, une usine sur pattes entièrement comestible qui produit quotidiennement des kilos de Danette. Les cornes servent à faire des peignes et des couverts à salades, les pieds de la gélatine, la peau des chaussures, sans parler des préparations à la du Barry, Mironton, Mode, Gribiche, Poivre, Ficelle, Navarin, cuit à point, saignant, bleu ou tartare.
Et le lait ? Le bon le beau lait ? Crémeux, qui tourne, qui se sauve, au riz, de poule, aux œufs, à la vanille, boisson de Mendés France, noisette dans le caoua du matin, soupe le soir.
Peu importe qu’elle soit Limousine, d’Aquitaine ou Normande, en France, la vache après le pinard, c’est sacré.

Dans le Perche on connait l’animal. On le respecte. La table normande lui doit ses étoiles. La crème, c’est comme les zitouns chez moi. Comparaison n’est pas raison, mais essayez de faire des makroud au beurre...ou des brioches à l’huile d’olive ?

L’autre jour Lucien notre boulanger pâtissier est tombé de l’armoire, il a piqué un coup de sang. On le vit surgir de son fournil en agitant les bras comme un fou en vociférant des incohérences. Odette l’épicière et Jeannine la coiffeuse se précipitèrent derrière le pauvre diable qui menaçait de tomber dans le bassin aux cygnes de la place de l’église. Alerté par les femmes, les hommes sont sortis du bistro pour prêter main forte et maîtriser le dément. Trois calvas plus tard, Lucien se calmait.
Le souffle court, encore sous le coup de l’émotion il raconta qu’en rangeant la dernière livraison de son fournisseur habituel « Perche-au-Lait » il fut intrigué par les emballages estampillés HUG. Le mystère le travailla au point de lâcher le four pour l’ordinateur, histoire d’avoir le cœur net. Go-gleu recherche. Ne voilà t-il pas qu’il découvre que les trois lettres inscrites sur ses pots de crème fraîche attestent de leur provenance : la Hongrie ! Le pauvre Lucien en sanglote de honte. « Quand je pense que ma brioche a été primée trois années de suite à la foire des terroirs de Mortagne! »
La femme du boulanger qui était partie en course comme chaque jour à cette heure accourt en hâte, tout inquiète de cette agitation. Entre deux gorgées de raide Lucien lui crie Hongrie. Elle comprend Henri. Elle s’évanouit. Deux chartreuses l’aident à rouvrir les yeux. On lui explique, elle ne comprend pas. Odette et Jeannine l’évacuent sur une chaise.
Le boulanger consterné bafouille. Il prétend qu’après lui avoir pris son honneur, la Hongrie lui prend sa femme aussi.
Pour faire diversion, le patron offre une tournée générale et allume la télé. « KKKK….ZZZZYYY c’est lui, c’est lui ! Complice ! Tout compris… » Hurle Lucien qui replonge dans son délirium. On change de chaine et on lui verse une autre fine dans un verre ballon.

Le lendemain jour de marché, on avait pour une fois de quoi causer. Le Lucien dégrisé ne s’est pas dégonflé. A l’heure de l’apéro dans le troquet bondé, il est venu interpeler mon voisin un éleveur bénévole. « Denis à partir de dorénavant tu me fourniras en lait, beurre et crème. Ton prix sera le mien ! » Il a tendu la main et ajouté en topant « ce qui est dit est dit ! » Quelques pochtrons ont applaudi, d’autres en passant, lui ont donné une bourrade de l’épaule en signe de contentement.
Un quidam a mis une pièce dans le jukebox… « … ah qu’il est beau le débit de lait, ah qu’il est laid le débit de l’eau.. »

Tournée générale !

mercredi 7 octobre 2009

Tempête sur le Nil

Farouk Hosni ministre de la culture de l'Egypte briguait la Direction Générale de l'UNESCO. Il a perdu car ses propres frères ne l'aiment pas et les Israéliens ne veulent pas d'arabes à la tête d'organisations internationales. L'affaire était pliée d'avance, le vieux Moubarak a été roulé dans la farine et son candidat dans la poix et les plumes.

Le souvenir d'une rencontre avec Farouk Hosni il y a une poignée d'années remonte à ma mémoire.

En cette journée d'avril malgré la poussière et la misère Le Caire est radieux. L'air est doux. L'azur zébré de traînées pâles est obsédant.
La voiture me conduit par un dédale de banlieues vers une jolie villa dont les trois terrasses surplombent le Nil. La beauté du panorama me fige. Mes yeux picorent avec gourmandise la traîne d'un vol d'oiseaux. Un souffle me caresse et s'en va gonfler la voile des fellouques. De l'île en face parvient la plainte étouffée du muezzin.

Le temps s'est arrêté. Il faudrait une vie entière pour déguster l'instant de cette merveille.
Farouk Hosni les yeux plissés est assis dans un fauteuil. Il ne dit rien. L'hôte délicat respecte le recueillement de ses invités.
Il nous a accueilli comme si nous étions des parents proches, nous a fait visiter sa maison, contempler ses tableaux et laissé le choix de notre installation.
En réponse à nos soupirs les glaçons tintent dans l'orangeade. Comment évoquer l'objet de notre visite sans briser le charme de l'instant magique? Je décide que le fabuleux projet de Jean Nouvel attendra.

Dans ma tête les idées se bousculent. Par quel sujet convenable convient-il d'aborder la conversation?
La culture arabe s'impatiente. L'Egypte, « Om El Dounia » mère du Monde à travers son histoire, ses vestiges, le génie de ses artistes, de ses auteurs, de ses acteurs, chanteurs...

Chaque égyptien fait son miel quotidien d'une histoire drôle: la nocta en arabe. Mais je ne suis pas un nocteur, ce galvaudeur de pointe d'humour circulant à la vitesse du téléphone arabe. La dernière nocta rapporte que le Président Moubarak niant toute misogynie, aurait toutefois admis que son gouvernement ne comportait aucune femme, mais aurait-il ajouté: Farouk Hosni en fait partie !
L'homosexualité supposée du ministre de la culture alimente les plaisanteries graveleuses du tout-Le Caire. Il faut dire qu'en bon méditerranéen, l'Egyptien se considère comme l'étalon de la race humaine, le mâle des siècles, l'obélisque de ces dames.
Au surplus et au bénéfice du doute, les frères musulmans en mal de popularité ont honoré Farouk Hosni d'une fatwa, véritable appel à candidature pour assassin en recherche d'emploi. Strapontin garanti au paradis des tueurs!

L'homme flegmatique que j'ai devant moi est le plus exposé d'Egypte.
J'ai envie de me lever, de le serrer dans les bras, lui dire que je salue son courage mais je me retiens car j'ai peur que ce soit mal interprété par des lectrices à qui je ne veux pas faire de peine.

Des hommes en armes patrouillent dans le jardin. Ils gardent le gardien du patrimoine arabe le plus précieux. Le sable d'Egypte renferme des trésors bien plus fabuleux que celui du Qatar qui construit pas moins de sept musées où seront exposés des objets acquis à Londres et à Paris. Pendant qu'Abu Dhabi loue le Louvre, l'Egypte solde ses antiquités faute de place pour les conserver.

Nous somme restés jusqu'au crépuscule sur la terrasse magique. J'étais curieux d'écouter le conservateur du plus grand patrimoine archéologique de l'humanité, celui qui depuis 22 ans accompagne à Karnak ou Gizeh les plus illustres touristes du monde !

Monsieur le ministre, vous vouliez l'UNESCO, ils ont lâché les chiens. Les Israéliens ont dépêché à Paris huit de leurs meilleurs barbouzes pendant un mois et toute la diaspora israélienne s'est mobilisée pour vous dénigrer. Kouchner que vous avez tant chouchouté vous a piétiné. Président et ministres français passeront-ils comme d'habitude les fêtes de fin d'année à Assouan?
Les intellectuels arabes avec une singulière unanimité vous ont méprisé. Cerise sur le bakhlawa, Alaa Al-Aswany a quitté sa retraite de l'immeuble Yacoubian pour venir laver le linge sale égyptien en pleine page du Monde. Hachouma !

Farouk Hosni, avant qu'ils ne vous tuent. Vengez-vous. Écrivez vos mémoires. Sans censure puisque pour quelques temps encore vous le pouvez !

dimanche 4 octobre 2009

Le pataquès de Kessous

Accueillant un journaliste du Monde qui vient l’interviewer,
le Ministre de l’intérieur plaisante : « Mustapha vous avez vos papiers ? »
Furieux, Kessous pond un succulent article au vitriol.
Le thème est porteur, les médias redondant l’info en font aussitôt un fromage. Il est vrai que habitude, la victimisation est plutôt coté BHL si vous voyez ce que je veux dire ? Mais qu’un arabe basané endosse le burnous du ratonné sans la fermer c’est nouveau. Si tous les différents de l'hexagone se mettent à gémir, la Seine va déborder !
Kessous fait tomber la France de l’armoire! Se pourrait-il qu’il y ait encore dans notre doux pays des relents d’arabophobie, d’islamophobie, de négrophobie ? Disons le mot : de racisme ?
Des témoignages de lecteurs (toujours du Monde) affluent chaque jour par milliers tant bien que la société des rédacteurs songe y consacrer un supplément hebdomadaire.

Je postule à une modeste pige.

Comme toi Kessous je suis un hybride, un hyb, un moitié, un mi, un bi, un dual… Bref, je ne suis pas tout à fait gaulois semble-t-il. En quoi et par rapport à qui ? Je me le demande ? Je ne suis ni grand, ni gras, ni rouquin, ni denté (on reconnait un rouquin aux cheveux du père et un requin aux dents de la mer) ni beau, ni moche, ni handicapé, ni jeune, ni très vieux, ni hétérosexuel frustré, ni homosexuel déçu ni l’inverse… Mais je sais: je ne suis pas mono. Je suis ambigu jusque dans mon écriture.

Pour la nationalité il s’en est fallu de peu. J’avais dix sept ans lorsque le consulat de France me convoqua pour affaires militaires me concernant. « Signez ici, c’est un désistement de la nationalité française, ainsi vous ne serez pas appelé sous les drapeaux » D’instinct le petit-fils de poilu tourna les talons. Comment imaginer que j’aurais pu biffer d’un paraphe ma généalogie du chemin des dames et de la marche Leclerc ? Français de naissance et par l’histoire de France, Monsieur le Consul je vous dis…

Restaient le nom et le prénom. On me fit remarquer plus tard que la « francisation » était une simple formalité judiciaire. Pourquoi ne pas transformer Hedy Belhassine en « Edouard Belsaint ». Ou mieux mais plus coûteux : « Edouard-François Le Bel Saint ». On me fit à juste titre remarquer que le nombre de syllabes était important. Ainsi posé, j’aurais franchi à l’aise les portes de l’école des Saints-Pères et serais à coup sûr devenu un édile décoré. Mes enfants « René Marie », « Jule-Antoine » et « Mazalènne » auraient assuré la pérennité de la métamorphose généalogique. Plus tard mes arrières petits enfants auraient avec gêne évoqués les profondeurs mystérieuses de leurs gênes : « Dites Tata Sarah, il paraît qu’un de nos ancêtres fût Mufti mahométan à Tunis ? – David mon petit, cessez de raconter des sornettes ! »

Le faciès est important. Plus que la nationalité plus que le nom mais moins que l’argent bien sûr.
Il faut te dire Mustapha, qu’à ma naissance, pour me différencier de toi et des nôtres, je me suis travesti en Français moyen : blanc, châtain, aquilin. Impossible de déceler en moi l’arabe qui sommeil ! Tiens, dans le Perche ils me prennent pour un parigot-tête de veau et à Marseille ils me croient Chti.
Ma mine de Celte s’accorde mal avec ma culture Sarrasine. Certes, mon teint caméléon passe-muraille éveille parfois des soupçons : têtes inquiètes des voyageurs du TGV qui me surprennent à parler l’arabe au téléphone… Ouallah je me marre !

Un huissier d’injustice me désigne du menton à son collègue « Vous êtes sûr que c’est lui Belhassine !!! »

Un officier français étoilé : « De quelle origine êtes-vous ? » -- « auvergnate ! » je réponds. Le poireau n’ose pas moufeter. Par la suite j’appris que le bon Général Dourakine cherchait des anciens de Cherchell.

« Je ne suis pas raciste ! » s’emporte un jour le perfide PDG, il ajoute : « d’ailleurs j’ai une femme de ménage portugaise ! »

Confondant sans doute la Seine et Oise avec les Aurès, la sécu m’écrivit un jour pour me demander le nom de mon « douar » d’origine.

Des anecdotes comme cela, j’en ai des caisses Kessous.
De quoi éclipser « Les brèves de comptoirs ».

Pardon, mais pour avoir un peu voyagé, j’ai constaté que la nature humaine était un peu la même partout. L’utopie d’une France singulière est une vanité bien française, mais ce n’est pas une raison pour baisser les bras. Le racisme réclame un combat permanent et un devoir de résistance sur soi même. Pratiquons donc le racisme positif !

Tiens, il y a deux jours, je brûle un feu rouge. Les jeunes flics en faction s’excitent, me font souffler ma limonade dans le ballon, puis lisant mes papiers me sermonnent avec respect et indulgence. C’étaient peut-être des flics arabes (maintenant on dit beur).

Tu vois Kessous, dans la police ils ne sont pas tous racistes !