mardi 27 décembre 2011

Spanc ou les miasmes d’un fromage à trente milliards d’euros

Le Président de la communauté de commune du Pays Patelinois est un Monsieur sérieux. Il a fait des études à la rue Saint Guillaume avant de devenir haut fonctionnaire à Bercy.

Reconnaissant envers la République qui le nourrit, il sacrifie ses loisirs de fin de semaine à l’administration du patelin dont il est natif à deux heures de Paris. Le Maire est aussi Conseiller Général et père de famille. Cela fait beaucoup, mais c’est courant. C’est le virus du service public. Ce n’est pas une question d’argent. D’ailleurs, je crois très naïvement que le bonhomme qui perçoit son salaire de serviteur de l’Etat verse l’intégralité de ses indemnités électives, soit cinq mille euros par mois environ à la caisse des écoles et aux associations d’handicapés. L’ambition de cet édile n’est pas le ruban puis la rosette ; il veut faire et défaire les lois, il veut devenir député!
C’est tout le mal que je lui souhaite. Il ne sera sans doute ni meilleur ni pire législateur que celui qu’il remplacera.

Mais je veux et j’exige qu’il cesse de s’occuper de mes petits besoins et de mes grosses commissions !

Voila l’affaire :
Je suis par lui, suspecté de souiller le sol Normand et de polluer la nappe phréatique où s’abreuvent les Percherons. J’apprends que mes commodités contreviennent à pas moins de trente lois et règlements !
Que Cécile du Pot me pardonne, je jure que je ne le savais pas.

J’ai honte depuis qu’une charmante jeune fille est venue frapper au carreau de la cuisine.
Je suis du SPANC, me dit elle, je viens vérifier votre ANC .
(???)
« Ah bon ! Entrez, asseyez-vous, vous préférez une Ricoré ou une Ovomaltine ? »
Elle a ouvert un ordinateur et m’a posé une foule de questions bizarres :
« - Combien de petits coins avez-vous ?
-Avez-vous une machine à laver ?
-Une douche ?
-Où se déversent vos eaux pluviales ? »

Là, j’ai répondu qu’en Pays Patelinois un micro anti cyclone nous protégeait de toutes précipitations.
Gentille la fille, mais complètement dépourvue d’humour. Elle a décliné mes breuvages mais croqué un sablé.
«- Où est enterrée votre fosse septique ? »
Devant mon air sceptique elle m’a expliqué que rapport à la règlementation Européenne, Elyséennes, Matignonesque, Normande, Percheronne et Patelinoise, elle était investie du pouvoir d’investiguer où se perdaient mes urines et mes selles du jour !!!!
« Mais chère madame » plaidais-je, « ne séjournant que du vendredi au dimanche, il m’arrive de me retenir jusqu’à mon retour vers le tout à l’égout Parisien dont je dépends. Certes, j’avoue qu’une ou deux fois, par absence de précaution j’ai pu laisser échapper quelques pou-pou dans la cuvette ! On devrait les retrouver dans le puisard au fond du jardin. Si vous voulez bien vous donner la peine … »
L’inspectrice inspecta.

Alors que je lui faisais perfidement remarquer qu’une vache voisine était en train de se soulager de dix kilos de bouses à deux mètres du ruisseau, la préposée du Service Public d’Assainissement Non Collectif, (prononcer spank) me rétorqua que les sécrétions bovines ne relevaient pas de son autorité. Je fis appel à son bon sens : « convenez qu’entre mon pou pou du week end et 10kg fois 100 vaches soit une tonne de bouse à mouches par jour, soit par an...sans compter les veaux, cochons, couvées...et le troupeau de blaireaux...et les sangliers...et les taupes... »

Miss Spank me détailla comme si j’étais un parisien. Alors, je n’insistais pas.
Avant de me quitter à regret feint, elle me remit un dossier de 27 pages -signé de l’énarque (futur député s’il me fiche la paix) - où tout est clairement expliqué aux Docteurs en droit résidents de la communauté de communes du Pays Patelinois. La dernière page écrite en petits caractères affiche le tarif des « redevances » pour contrôle périodique entre 30 et 100€ à percevoir par le spanc.

Le bricolage de la législation sur l’évacuation des eaux usées par fosses septiques concernent plus de cinq millions de maisons individuelles. Quelques résidences secondaires, mais surtout des habitations modestes occupées par des pauvres qui devront mettre leurs rejets domestiques aux normes. Une installation de plusieurs milliers d’euros que le spank viendra régulièrement contrôler. Les récalcitrants seront privés d’eau du robinet.
C’est un marché au doigt mouillé de trente milliard d’euros !
Un énorme fromage pour les « trois frères » Saur, Veolia et Suez ; une rente viagère pour les collectivités ; un surplus de travail (bien mal rémunéré) pour nos élus désintéressés qui devront présider les commissions ad hoc.

Attention Messieurs les candidats députés, les souillons et les crottés, les pollueurs de tréfonds, les croquants mal embouchés pourraient bien décrocher les fourches et rendre le climat électoral malsain !

jeudi 15 décembre 2011

Et la guerre d’Iran n’aura pas lieu

Le RQ-170 est un drone américain tellement furtif et secret qu’il a tout à coup disparu des écrans de contrôle alors qu’il survolait le Béloutchistan. L’objet perdu est réapparu quelques jours plus tard à la télévision iranienne.
C’est une étrange histoire qui va peut-être changer la face du monde.

Les drones sont des engins téléguidés à l’exemple de ceux qu’apporte le père Noël aux enfants de riches. Il y en a de toutes tailles. Des mini comme des mouches qui passent sous les portes sans faire de bruit, des mégas comme des Boeing qui volent à quinze kilomètres d’altitude. Tous ont des yeux magiques qui traversent les nuages et sondent le sol. Ils peuvent rester en l’air des jours et des nuits.
Les petits tueurs emportent du poison, les gros lâchent des missiles « Feu du Diable » Hellfire d’une redoutable précision.
Plus de cent fois, Obama a baissé le pouce, jamais le condamné n’a échappé. Aucune montagne d’Afghanistan n’offre de protection contre l’assassinat à distance. Par ce procédé, le Président a exécuté un Américain d’Al Qaïda en villégiature au Yémen. Le soupçonné n’avait même pas été jugé ! Ce qui est sans précédent au pays du premier amendement !
Le drone se pilote comme un jouet depuis un pupitre auquel il est relié par satellite à des milliers de kilomètres de sa cible. Il est invisible, anonyme et invulnérable, car il n’y a pas de bouclier défensif ni pour l’instant d’engins capables de le détruire. C’est l’arme absolue, l’arme indispensable qui fait la différence dans les guerres modernes.
Sans l’aide des drones américains Lévy n’aurait pas réduit Kadhafi!

Mais les hommes politiques français sont ingrats. Ainsi, contre l’avis de la grande muette qui sourde d’indignation, la France s’apprête à passer une commande à Dassault, l’exportateur champion du Monde du fiasco en rafale. L’avionneur de Corbeil Essonne presque centenaire en milliards et en années s’est allié aux Israéliens pour fournir dans quelques années et si tout va bien un drone équivalent au bijou américain qui trône sur les étagères et qui est moins cher. Le Sénat indigné s’est levé pour retoquer le budget du ministre de la défense. Les généraux siègent sans désemparer et les députés menacent de défiler. Avant même de l’avoir engagée, la France a perdu la guerre des drones.
Alors que les Etats Unis maintiennent en l’air plusieurs centaines d’engins armés, l’Europe se lance avec retard dans le développement de cette arme redoutable et bon marché. Les Russes et les Chinois sont aussi à la traîne.

Les Iraniens qui travaillent sur le sujet depuis plus de vingt ans, ont réussi l’exploit de prendre le contrôle du plus sophistiqué des drones d’observation US. L’appareil, obéissant aux ordres de ses nouveaux maîtres est venu sagement atterrir à leurs pieds. Pour l‘Iran, c’est une victoire et un butin inestimable. Ses savants viennent de démontrer leur capacité d’électroniciens hors pairs qu’ils sauront mettre rapidement à profit pour copier l’engin et produire un reverse engineering avec l’aide de leurs complices russes et chinois accourus en hâte.
Les Américains ont commencé par démentir la capture de l’engin. Les Iraniens ont exhibé le drone à la télévision. Le Pentagone, sans beaucoup convaincre, a prétendu qu’il s’agissait d’une maquette. Enfin, le Président Obama a réclamé la restitution de l’avion sans pilote. Ce qui a provoqué l’hilarité persane.
La frénésie diplomatique suscitée par l’événement montre qu’il est d’une portée insoupçonnée. Car non seulement, l’Iran dispose maintenant d’un prototype pour reproduire l’arme secrète, mais elle vient d’apporter la preuve de sa capacité à se prémunir des attaques de ce genre d’engins en les kidnappant. L’Iran devient la seconde puissance mondiale dans ce secteur d’armement. Il ne serait pas étonnant que Téhéran annonce l’abandon de son couteux programme nucléaire devenu dérisoire face à la nouvelle arme de dissuasion qu’il maitrise désormais.
Et la guerre d’Iran n’aura pas lieu !

lundi 12 décembre 2011

L’océan arabe

C’est un espace ignoré du sens commun.
Pourtant la mer arabe n’est pas un mirage mais une évidence géographique.
Tous les pays arabes sans exception ont une façade maritime, parfois même deux : le Maroc ouvre sur l’Atlantique et la Méditerranée ; l’Egypte sur la grande bleue et la Mer Rouge, l’Arabie sur la Mer Rouge et le Golfe Persique.
Et aussi la Palestine avec Gaza entre mers… mortes.
Bahrein signifie « deux mers ».

Pour l’Occidental l’arabe est bédouin, jamais marin.
Mais l’Oriental se regarde de la même façon. Sans doute sous l’influence de l’islam, a t-il enraciné dans sa mémoire le saint voyage aride de La Mecque à Médine ? Le coran cite furtivement la mer des perles et celle du corail.

Aujourd’hui, la notoriété du marin arabe, pourtant précurseur incontesté de la cartographie et voyageur depuis la nuit des temps, ne dépasse pas celle du canotier suisse. C’est injuste car nul navigateur amateur n’oserait affronter les terribles tempêtes de Socotra au Yémen ni rallier les côtes de Somalie depuis le Golfe du Bengale sur un boutre chargé jusqu’au mat de quatre cents tonnes de bric-à-brac. Les raïs de ces lourds voiliers calfatés à la filasse et au goudron (al katran) sont pourtant en audace les égaux des pêcheurs d’Iroise. Ils sont « émirs el bahr » rois de la mer, origine du mot amiral, titre complaisamment abandonné aux admirateurs envahissants.
Pour se convaincre des talents ataviques des marins maures, il suffit de mesurer l’exploit des pirates de la Corne d’Afrique dont les coquilles de noix s’aventurent à des journées de large pour aborder aux grappins des navires gigantesques au nez et à la barbe d’une armada de frégates et de corvettes.
La légende du chamelier Abdallah le copain de Tintin a chassé celle de Sinbad le marin. L’escadre des 100 navires de Saladin contre les pirates génois est oubliée. Il est vrai que pour les arabes, l’espace maritime est surtout une zone de pêche et une voie de communication, il n’a jamais été le chemin des conquêtes, il est toujours celui de l’exil périlleux. Pourtant, sans Ahmed Ibn Majid, Vasco de Gama serait resté aussi inconnu que son pilote !

Finalement, c’est au siècle du pétrole que l’océan arabe aura été intégralement colonisé. Il l’est encore car c’est un domaine stratégique où transite l’essentiel du commerce mondial. Gibraltar (Djebel Tarek), Messine, Suez, Bab El Mandeb, Ormuz sont des entonnoirs dont l’obturation plongerait l’Europe et l’Asie dans l’embarras. Depuis Gamel Abdel Nasser, cette arme de dissuasion n’a jamais été brandie par aucun des 22 pays de la ligue arabe en dehors de tartarinades de circonstance. De même, aucune manœuvre commune des forces navales arabes n’a jamais eu lieu hors contrôle d’une puissance étrangère. D’ailleurs, les marines nationales sont faiblement armées et remplissent principalement des missions de garde côtière.

Seules l’Algérie, l’Egypte et la Syrie disposent de capacités offensives crédibles notamment avec quelques sous-marins d’attaques vendus et entretenus par la Russie.
C’est insuffisant pour protéger la mer arabe d’une réplique de la guerre froide. En Syrie, le port de Tartous est la seule base de soutien de la flotte russe dans cette partie du monde. Sans elle Moscou ne pourrait plus maintenir des forces en Méditerranée.Les Chinois patientent...
Au Nord de Tartous, la côte libanaise paisible en apparence a montré lors de la guerre de 2006 une redoutable capacité navale défensive en neutralisant la frégate Hanit navire amiral de la flotte israélienne. Chez les marins d’Orient, cet événement est célébré comme une victoire navale équivalente à celle de Sawari des Egyptiens sur la flotte Byzantine en 655.
Aujourd’hui, l’armée de mer égyptienne est à l’image du pays : désorganisée, celle de la Libye : inexistante tout comme celle de la petite Tunisie.
Restent les flottes algérienne et marocaine toutes deux bien équipées et entrainées à s’entre-dissuader dans la querelle qui les oppose sur…le Sahara Occidental ou République Sahraouie la bien mal nommée car ce pays est une plage de mille kilomètres sur l’Atlantique.

En bas de la Méditerranée, la guerre froide se prolonge en Mer Rouge et dans l’Océan Indien où les rivages abritent la plus forte concentration de pirates de l’histoire. Ils sont regroupés au sein d’une holding dont le résultat brut d’exploitation des rançons dépasse celui de la Lloyd’s. A ce niveau de business détaxé, les pirates sont devenus les corsaires d’investisseurs avisés. Nul ne connaît les marionnettistes, nul ne sait au service de qui se rangera cette redoutable flotte de gueux en cas de conflit avec l’Iran.
La Somalie est abandonnée des Etats arabes mais pas des musulmans perses et ottomans. Les Iraniens ne craignent pas les bandits de mer, leur aide humanitaire est régulièrement acheminée par bateau. Les Turcs compatissent et assistent pareillement. Ainsi, Erdogan est venu en famille à Mogadiscio pendant le mois de ramadan. Ce geste qui intervenait quelques mois après l’attaque par les commandos israéliens d’un navire turc en route pour Gaza, lui a valu la considération de tous les musulmans.

Les Turcs discernent peut-être la renaissance d’une pensée maritime qui était enfouie dans la mémoire inconsciente des bédouins.

La Péninsule arabe Al Jazeera Arabya (l’île Arabe) est située au Nord Ouest de l’Océan Indien, elle est enchâssée entre le Golfe et la Mer Rouge. On peut se demander quelle est l’influence de la sémantique sur le sentiment insulaire du peuple de « l’île arabe ». Quelle identité marine ressent l’habitant de l’Algérie qui en arabe signifie « les îles », pays qui d’ailleurs ne possède que quelques cailloux immergés ! Existe-t-il dans l’inconscient arabe un sentiment d’insularité autre que spirituel ? Existe-t-il chez les Européens une volonté de le combattre ? Le cœur de la cité aghlabide fortifiée de Tunis s’ouvre sur une magnifique porte Bab El Bahr (Porte de la mer) que le protectorat s’empressa de baptiser Porte de France ! Plus au sud, la Mer des Arabes a été francisée en « Mer d’Oman ».
Demain, probablement, toutes les mers arabes seront des champs d’affrontement entre les grandes puissances car elles sont les autoroutes marines où défilent les plus grandes richesses du monde.

Cette guerre froide et humide, asymétrique, post-printanière, risque d’entraîner la somalisation des rivages. A moins que l’Oumma ait les pieds sur terre, cesse de regarder passer les nuages, et se tourne vers la mer pour hisser le pavillon rouge, noir, vert, blanc.