samedi 25 mai 2013

Tunisie, la marche des fous


Amina la tunisienne est folle.
Sur la toile elle exhibe ses tétons. La police et sa famille la séquestre. A 18 ans elle n’a pas toute sa raison voyons ! Cacher ces seins que la Tunisie ne saurait voir. Les psychiatres sont appelés en renfort, et même un chirurgien, car on envisage de lui couper les nichons.
Elle s’évade, puis, comme Jeanne d’Arc elle s’en va bouter les wahhabites hors de Tunisie.
Elle est la pucelle de Kairouan ! « FEMEN » écrit-elle sur un mur. Sacrilège ! Le mur est celui du cimetière, des macchabés se lèvent pour hurler à la profanation !

La police pose les scellés sur l’aérosol et le rouge à lèvre.
L’insensée est mise à l’ombre. En hâte des magistrats moustachus consultent les tables de la loi. Ils trouvent de quoi la fouetter mille fois. Sous la pression de l’opinion internationale, les juges se contenteront de l’exiler à la prison des femmes voilées, à la prison des femmes violées, à la prison des femmes révoltées.

En Tunisie, la fatalité du «  peuple habitué à la servitude héréditaire » se brise.
Sans haine ni violence, des hommes et des femmes  anonymes marchent dans l’ombre mais avec détermination. Ils sont vingt et cent, ils sont des millions.
Seuls quelques uns d’entres eux prennent la lumière des médias, ils sont autant de drapeaux pour les suivants.
L’allumette de Bouaziz, la plume de Ben Brik, le tweet d’Amamou, le sacrifice de Belaïd et la poitrine  d’Amina : « la Liberté guidant le peuple ».

mercredi 22 mai 2013

A Tunis le sang, à Paris les larmes, à Doha l’argent et les petits fours



Émeute à Tunis.
Entre la capitale et la banlieue balnéaire opulente, un quartier populaire s’est embrasé.  En un éclair la peur s’est propagée jusqu’aux belles villas de Gammarth. Ce n’était qu’un vilain moment à passer. Quelques heures de révoltes, quelques heures d’affrontements, un mort, des blessés, une horde d’enragés est passée. Le lendemain tout était normal.

Émeute à Paris.
La place du Trocadéro a été envahie par une foule de jeunes arrivés des faubourgs. Les commerçants ont tiré le rideau. Un frisson d’effroi a saisi les habitants du plus opulent quartier de la capitale. Puis, les bandes lassées de courir ont fini par se disperser vers les Champs Elysées en cassant quelques vitrines trop insolentes. Le lendemain tout était normal.

Les deux événements n’ont aucun rapport.
Quoique !...
Les salafistes tunisiens et les PSGistes français sont frères. Les uns sont des fans de football, les autres sont accros à la charia : deux opiums de même origine. Il y a même des franco-tunisiens qui cumulent les deux tares !
Les salafistes PSGistes sont pareillement, fanatiquement, qatarophiles. Sans le Qatar, le PSG n’est rien. Sans le Qatar, Paris, Saint-Germain et les politiciens ne valent plus grand-chose.  Sans le Qatar, le pouvoir tunisien est pauvre. Sans le Qatar, la Tunisie aurait moins de salafistes et moins de lances-grenades.
Le ministre français de l’intérieur et le maire tunisien de Paris ont été incapables de céder à la pression de l’Etat lilliputien qui exigeait « la privatisation » des jardins de Chaillot pour célébrer la victoire de son club de foot.
Le premier ministre de Tunisie était pendant les émeutes dans une situation tout aussi embarrassante puisqu’il se trouvait - précisément  et en parfaite coïncidence - au Qatar. Quelques jours auparavant, il avait courageusement interdit au mouvement des  fervents illuminés de tenir leur convent à Kairouan. Mais bien entendu, ce n’est pas pour s’en expliquer qu’il avait fait le voyage, mais pour participer à la treizième édition du Forum de Doha.

Il s’agit d’une conférence internationale formatée  à l’exemple de celles qui se tiennent chaque quinzaine dans le monumental Hôtel Ritz Carlton de Doha. Les sujets abordés sont variés et sans importance. Thèmes tartes à la crème de tireurs de plans sur la comète.
Au dernier forum des 20-22 mai, tous les participants triés sur le volet étaient invités. Ils pouvaient s’ils le souhaitaient, venir quelques jours avant et se faire accompagner.
Tout frais et défraiements payés.
Je n’étais pas invité.
L’émir a fait un joli discours : « peace and love ». Quelques chefs d’Etat comme l’Argentin (désargenté) et le Sénégalais (fauché) venus de loin dans les A340 VIP ont emboité le pas.
Des anciens Premiers Ministres de France et de Grande Bretagne ont exprimé des paroles fortes que personne n’a notées.
Le chef du bureau des droits de l’homme d’Arabie Saoudite (si ça existe) a dit que Ben Ali, Moubarak, Kadhafi avaient été élus, ce qui démontre en bonne logique wahhabite que la démocratie mène à la dictature !
Le représentant de la Libye  a sobrement décrit la situation politique de son pays « hier il y avait un seul Kadhafi, aujourd’hui nous sommes  six millions et demi de Kadhafi qui voulons chacun le pouvoir  et surtout, la fortune qui va avec !.. »
Un humoriste anglais à doctement proclamé à la tribune : « dépenser deux  livres sterlings à la prévention des conflits, c’est en économiser quatre en dépense de guerre ! » Dans la salle, le très puissant patron d’une agence de sécurité militaire britannique a toussé dans le creux de sa main en levant les yeux au ciel.

La conférence n’a pas remporté le succès attendu. Sarkozy n’est pas venu.
Pourtant, « ici les discussions sont toujours très riches » a finement remarqué un observateur politologue fidèle des rencontres du PSG.

Les chinois ont boudé l’événement, ils ont dépêché deux personnes. Le Canada une seule. L’Algérie et le Maroc ont fait le service minimum. Bref, au plan de la participation internationale : bide total.
Les sénégalais ont profité de l’aubaine commerciale, ils ont envoyé cinquante délégués, les USA seulement une quarantaine, pour la plupart des universitaires restés silencieux.
 La délégation tunisienne comptait 18 participants dont trois membres du gouvernement et le Chef d’Etat Major des Trois  Armées.  Le ministre des affaires étrangères, un diplomate de la carrière, eut le bon goût de battre du pouls et de se faire porter pâle avant de prendre l’avion. Il a ainsi évité la volée de bois vert de  son collègue Qatari qui a accueilli les tunisiens avec cette perle: « j’appelle l’opposition tunisienne à cesser de prétendre que le Qatar s’ingère dans les affaires internes de la Tunisie ! »
Il parait qu’en des termes moins sportifs, les Qataris ont servi un accueil semblable à Monsieur Fillon qui conduisait une délégation de 83 personnes ! Car voyez-vous, quand on les invite gratos, les français ne savent pas refuser.
La liste des heureux estivants de la pentecôte est une énumération à la Prévert, c’est le Who’s Who des pique-assiettes. Par décence, il faut en taire les noms : quatre anciens ministres, quatorze parlementaires avec épouse et compagnon, un chanteur et sa bande (ah qu’elles sont jolies les filles de mon pays…), tout un staff de la Sncf et cerises précoces sur le gâteau des médias: pas moins de quatorze journalistes de la presse nationale et régionale !
Rassurons-nous,
Au « Davos de Doha » aucun d’entre eux n’a posé de questions qui fâchent.
Pas plus que les cent vingt correspondants de la presse arabe qui ont fait le déplacement spécialement.
Non les émeutes de la citée Ettadhamen et du Trocadéro n’ont rien à voir avec la banque mondiale du Qatar.

mercredi 15 mai 2013

Tunisie. Flâneries dans les rues de Tunis où la révolution est à venir




À la Marsa, banlieue chic de Tunis, les limousines sont de retour. En ce  dimanche de beau temps, les grands bourgeois s’aventurent au marché. Les propos échangés sont comme les fruits de saison ; sucrés et raffinés. On est entre soit, entre « beldi », entre notables tunisois intactes de mésalliances depuis trois générations. Il y a aussi de très jolies jeunes dames, mais on n’embrasse que leurs enfants. Une pimbêche tient en laisse un sloughi famélique ; même le touriste de passage est ébahi ! Ici, on dépense  en dinars mais on compte en euros. C’est donné ! Les mendiants ont le tact de ne jamais réclamer, alors les clients sont généreux.

La Goulette
accueille à nouveau les villes flottantes. Chaque matin deux ou trois navires gigantesques déversent pour quelques heures des milliers d’estivants pressés. Des dizaines d’autocars prennent la route de l’excursion programmée : Carthage, le Bardo, les souks…

Sidi Bou Saïd, le village andalou perché face à la mer est pris d’assaut par une chenille de bipèdes. Les boutiques et les vendeurs à la sauvette proposent des « souvenirs made in China ». Le spectacle est affligeant.
Pour faire plaisir à l’ami nous entrons dans l’échoppe que prolonge une superbe demeure encombrée d’objets infâmes. Surprise ! A l’étage, derrière des vitrines de verre, repose une des plus belles collections de poteries et de céramiques du pays. Indifférents à la beauté, les touristes passent sans un regard.
Inquiets pour l’avenir des arts dans le pays d’Hannibal,  les  propriétaires ont sagement choisi de camoufler ces pièces rares au milieu de pacotilles. Ils y sont à l’abri des vandales.
Sur le port, derrière les yachts qui attendent les beaux jours, les joueurs de cartes fortunés se chamaillent bruyamment en picolant du rouge, en picorant des fèves au cumin.
Hier, sous leurs yeux, un barbu égaré, sans doute un peu allumé, a voulu marcher sur l’eau. Il s’est noyé.

Carthage, ville du pouvoir et des ultras nantis.
Marzouki s’y est installé. Quelle erreur ! Carthage, c’est Versailles, capitale de l’ancien régime ! Le Président s’y mire dans les ors et pète dans la soie. Des hommes en uniforme de fantasio montent la garde en sonnant le pas. Derrière les palissades, la république ronronne. Elle use et abuse des privilèges. Les petits Marquis s’affairent d’importance. C’est une cour de machos. Aucune femme ou si peu. Comme au gouvernement où l’unique femelle est chargée du ministère de son sexe.
Sur les hauteurs, un milliardaire a construit une villa hollywoodienne. La vue sur les vestiges romains est époustouflante. L’heureux propriétaire confesse ne pas avoir mis les pieds à Tunis depuis deux ans car « ça grouille, ça braille, c’est sale ! » Il fait ses courses à Nice ou à Rome.

Salambo, la lumière sur le port punique est magique. Depuis cinq mille ans, des pécheurs taquinent les profondeurs en contemplant le Boukornine, volcan à deux cornes qui dort paisiblement au fond de la rade. Sur un méchant parking improvisé, des amoureux batifolent à l’abri des pare-brises. Plus loin, des jeunes toutes portières ouvertes, sono à fond, sirote des bières au goulot.

Le Kram
tourne le dos à la mer. La station balnéaire s’étend maintenant jusqu’au bord du lac de Tunis. Il y a quelques mois, une bannière noire avait été tendue sur le Boulevard du 5 décembre proclamant en lettres rouges « we love Tunisia ». Mon étonnement avait attiré un groupe de jeunes barbus déguisés en pachtouns. Pas mauvais bougres, bien élevés mais paumés. « Dieu a donné des couleurs à la Tunisie » avais-je improvisé, le monde entier se déplace pour les contempler, les peintres comme Magritte, Klee y ont cherché les secrets de la palette. Les couleurs sont des bénédictions. Le Qatar, n’en possède aucune, c’est sans doute pourquoi, en compensation Allah lui a donné la richesse. Un salafiste qui rentrait de Doha avait approuvé en riant. C’est le même qui aujourd’hui me reconnait. Il a rasé sa barbe. On parle de la lumière de Sousse, du mausolée de Sidi El Heni  où de Maupassant se converti à « la complète émotion de la vérité ».

Tunis a retrouvé ses habitants. Quatre heures de promenade sans croiser un uniforme. Pas un policier, pas un niqab.
Oui, il faut le proclamer, à Tunis, on voit moins de femmes voilées qu’à Trappe ou à Créteil !

Tunis est la ville des amoureux. Des milliers de couples baguenaudent les mains enlacées. Tous les autres jeunes cherchent du regard l’aventure du jour ou de la vie.
Sur l’Avenue Bourguiba la foule nonchalante se promène à l’ombre des ficus. Le sinistre ministère de l’intérieur est encerclé de chevaux de frise coupants. Nul ne peut s’aventurer sur l’esplanade transformée en déchetterie. Mais quand détruira-t-on cet immeuble de béton noir dont l’architecte s’est pendu de honte ?
Rue de Marseille, rue Lénine, rue Elie Faure, lycée Carnot, Chez les Nègres, librairie Clairefontaine, galerie du Colisée, du Palmarium…Au café de Paris la bière coule à flot.
Entre la chancellerie de France et la cathédrale la statue d’Ibn Khaldoun est toujours à sa place. Je veux, avait dit Bourguiba « que lorsque l’ambassadeur de France et l’évêque de Tunis croiseront leurs regards sur la Place de l’Indépendance, ils voient la grandeur de la Tunisie ».

Plus loin, le marché central est le régal du couffin. Ici une montagne de jasmin ou de géranium rosa destinés à la distillation, là les épices, les poissons, les légumes, les viandes…Tout est odorant, chatoyant, appétissant.
N’emportez pas d’appareil de photo ! Ayez plutôt un magnétophone pour enregistrer la musique du peuple de Tunis qui harangue, qui crie, qui chante, qui implore, qui rit. On se bouscule, on se confond en excuse, on se complait en injures. Les jeux de mots fusent.
Je reprends mes esprits à la terrasse d’un café. Deux jeunes filles partagent une assiette de caftagi. Je m’informe, elles m’invitent « bismAllah ». Je commande des « Boga », elles méritent bien ça ! On parle de choses qui ne vous regardent pas.

Avenue El Jezirah, tous les trottoirs sont envahis pas des marchands à la sauvette. On y trouve de tout ! Des bottes de radis, des lunettes de soleil, des tongues, de la quincaillerie, des jouets, de la soupe de poix chiche, des merlans et du maquereau…

La Porte de France se referme sur les souks. Rue de l’Eglise, les touristes sont hideux : shorts, basquets dans socquettes blanches, banane à la ceinture, caméra au cou. Quel contraste avec l’élégance tunisienne ! Il est vrai que depuis les années soixante la Tunisie s’est dotée d’une industrie textile dont la filière la plus spectaculaire est celle de la friperie. Le pays est l’un des centres mondiaux du triage de vêtements usagés ou déstockés.  Résultat : on trouve à l’étalage de quoi se vêtir fort correctement pour moins d’un dinar six sous.

À fuir les touristes, je me retrouve bien malgré moi dans la plus célèbre rue de la ville. Celle des coquins et des coquines. Les vieux se souviennent qu’il existait en ces lieux un bordel pour homos où les travelos et les moustachus faisaient des fêtes incroyables auxquelles se mêlaient parfois les maquerelles voisines et leur protégées. Souvenir de cette époque de luxure révolue, un antiquaire de la rue Zarkoun vend un immense tableau représentant un jeune homme s’enfuyant le cul nu, un énorme pain sous le bras.
Incongru mais de bonne facture.

Rue des Tanneurs, rue du Caire, rue de Hollande, les trottoirs sont encombrés. Sur la place de Rome deux caoutchoucs centenaires répandent leurs ombres majestueuses sur les amas de détritus. Les splendides immeubles "art déco" sont délabrés. Nul ne se soucie de l’entretien des espaces collectifs. Même à Carthage, les milliardaires ne balaient pas devant leurs villas. Ils suspendent leurs ordures pour empêcher les chats de crever les sacs en plastique qui attendent la tournée des éboueurs. Le tunisien est propre sur lui et dans sa maison. Ailleurs, c’est un souillon.

Au Passage, de l’avenue de la Liberté vers celle de Paris, l’encombrement est à son comble. Voitures, métro, bus, piétons se disputent la chaussée. Je me repose un instant contre un arbre penché. Le vieux cireur de chaussure s’affaire sur mes escarpins. « Combien de fions ont bien pu se poser sur ce tronc ? » Des millions, me répond le brosseur à reluire en se marrant. Il occupe la place depuis 47 ans ! Il a connu les juifs, les italiens, les maltais, les français…Les Tunisiens se sont réapproprié le quartier. Une fois l’an, il rentre à Kairouan pour faire un enfant. Ils sont dix. Un vétérinaire, une institutrice, deux boulangers en Allemagne, quatre chômeurs, deux collégiens. « C’est ça la vie ! » Je lui tends une paume pleine de pièces. Il en choisi seulement trois, « pour la location de l’arbre » me dit-il.

Au bout de l’avenue Mohamed V, je récupère ma voiture sur un gigantesque parking improvisé. Le gardien répond finement à mes provocations. Il est jeune, bien portant, content de son emploi qu’il cumule avec celui de conseil juridique en plein air. Car ce diplômé de l’université exerce son savoir à la sauvette. Pour cinq dinars, il assiste le justiciable de passage qui reste assis derrière son volant.
Que pense-t-il du projet de constitution ?
« Il n’est pas de texte qui rendre les hommes vertueux…. Laissons la religion de coté. La future constitution demande aux hommes politiques de partager le pouvoir. Ils en sont incapables. Peu d’entres-eux sont honnêtes. » Mais les grands principes ?
« Ils ont ajouté la dignité à la devise nationale, bof !
L’eau est déclarée un droit pour tous. Ça c’est important ! Pour la soif, les ablutions et l’irrigation…Mais rien sur le pain ! »
Le juriste ambulant ne croit pas que la loi sera jamais respectée. Il raconte : «  récemment une mère de famille trompée est allée se plaindre. La police a surpris le mari volage et constaté le flagrant délit d’adultère. Le couple délictueux a été arrêté sur le champ, déféré en comparution immédiate et condamné à deux ans de prison ferme ! » J’écarquille les yeux et demande si c’est une blague. « Oui en partie car ce scénario est invraisemblable malgré la loi sur l’égalité homme/femme. C’est un mari cocu qui a fait enfermer la mère de ses enfants ! C’est dans le journal d’hier !... »
Un gavroche passe en sifflotant l’hymne de la révolte : « si un jour le peuple veut exister… »

A Tunis, il le veut. Il attend son heure, il est fort, il se sent maitre de sa révolte et de son destin. La révolution est à venir.

La maladie du pouvoir et le pouvoir de la maladie




C'est un grand homme de théâtre qui se meurt. Malheureusement.
Alors un docteur lui a dépêché en hâte une ambulance pour le conduire dans le meilleur hôpital. Entre deux hoquets de douleur, l'agonisant a réclamé ses cigares et un flacon de Whisky. Les médecins ont ri de la plaisanterie. Pourtant cette fois-ci, l'artiste était sérieux. Il a demandé la faveur d'être reconduit chez lui pour y jouer son dernier rôle devant un parterre d'amis accourus des quatre coins du Monde. Ils s'en retournent le cœur lourd, chargés de colporter les ultimes bons mots du maître.
Sidi Tayeb, patiente un peu, laisse ton public sortir en premier.

Dans le pays voisin, le Président fait un malaise. Un tout petit arrêt cardiaque de rien du tout. Immédiatement, son médecin  personnel qui ne lui lâche jamais le pouls décroche le téléphone rouge. Hélicoptère, jet, armée, diplomatie, tous sont réquisitionnés. Le déjeuner de l'ambassadeur de France est troublé par un urgent texto. Bonne fille, l'armée française aussitôt  ouvre son hôpital Parisien.
Au terme de cinquante ans de fierté décimée, de milliards de milliards gaspillés, la France conserve son monopole du cœur ! Les algériens sont consternés.

La médecine française est renommée pour être charitable avant d'être comptable. Ses hôpitaux publics accueillent avec un égal dévouement l'humble et le puissant. Pourtant en France, les docteurs ne sont pas meilleurs qu'ailleurs. Depuis Avicenne Ibn Sina et Averroès Ibn Rouchd, les arabes ne sont pas en reste. Il est à Alger, Beyrouth, Damas, Fez et Abu Dhabi, bien des savants que l'Occident nous envie. Peu savent que le plus grand chirurgien pédiatre du moment est saoudien. Las. Par jalousie sans doute, le roi l'a fait ministre.
Reste que la notoriété des Hôpitaux de Paris sans être usurpée est exagérée.

La coqueluche des arabes puissants est désormais l'hôpital d'instruction des Armées, Boulevard du Palais Royal à Paris. Pour un soupir de travers, ils s'y transportent sous bonne escorte. L'établissement y jouit d'une réputation épatante depuis la résurrection d'un ancien ministre de la défense et la qualité des soins prodigués au regretté Arafat qui n'est plus là pour en témoigner.
Le Général de Gaulle, bon connaisseur de la chose militaire, préférait se soigner à Cochin, chez les civils. Pompidou aussi. Mitterrand adorateur de mystères trouva chez les médecins galonnés du Val-de-Grâce tout près de l’Observatoire, les secrets d'une prostate bien gardés.  Chirac et Sarkozy lui emboitèrent le pas. Depuis, les Chefs d'Etats Arabes et Africains ont compris que la médecine militaire française faisait des miracles, le cancer devenant une "indisposition passagère" et l'arrêt cardiaque un "léger refroidissement" toujours transitoire, toujours sans gravité.

La communication de l'hospice des armées est une complaisante propagande qui ne trompe ni ne rassure personne. Le secret défense complète le secret médical. Rien ne filtre de cette double couverture.
Admis bien portant pour subir des examens rassurants le patient, dont seul le peuple est malade, en ressort rassuré de lui même. In fine, au Val-de-Grâce, on guérit tout !
Sauf le mensonge car le pouvoir de la maladie est plus fort que la maladie du pouvoir.