mercredi 15 mai 2013

France, le vote arabe



Deux études publiées opportunément avant les élections dans le landernau des Sciences Po montrent que le vote juif est éparpillé alors que le vote musulman est nettement à gauche. Il n’est pas dit quelle est l’inclinaison politique des séfarades par rapport aux ashkénazes ni celle des musulmans arabes par rapport à leurs frères d’Afrique noire et d’Asie qui ne le sont pas.
Pour les politologues du dimanche, l’électorat est composé d’agrégats de communautés.
On isole le vote harki, arménien, antillais, corse, rapatrié, expatrié, romanichel…On abreuve l’électeur de statistiques fondées sur des panels dits représentatifs. Ces études au doigt mouillé sont bidonnées à souhait. Le 20 heures et C dans l’Air les réclament car pensent-ils, « l’audience » est insensible aux convictions  du chômeur en fin de droits ou de la ménagère rmiste de cinquante ans.
 Le quidam est un citoyen sans identité à la voix enrouée  dont nul ne se préoccupe  du vote sauf s’il appartient à la confrérie des mangeurs halal, casher, tripoux ou macrobiotique. La presse du sectarisme  flatte les veaux en les triant comme des troupeaux selon des critères fantaisistes de provenance et de pâturage.

Les heureux élus n’échappent pas à la traçabilité.
Le nouveau gouvernement est moitié-moitié : femmes/ hommes.  Parité hétéros-homos ? Nul ne le sait encore. Trois ministres sont applaudis par le CRIF : l’un est juif, l’autre a épousé la religion de son épousée, le dernier aurait appris l’hébreu en cachette… Il y a des maroquins musulmans. Evident. Mais aussi des protestants, catholiques, maçons et même Hollandais ! Devant la photo de groupe sur le perron de l’Elysée chaque communauté compte les siens. « Chouf, chouf ! Il est de chez nous ! Son père est d’Oran ! Sa première femme était tunisienne, il s’est remarié avec une crêpière bretonne, c’est un moslem d’Armor ! »

N’importe quoi !

Proclamons une bonne fois pour toute que le vote islamique en France est un mythe. Tariq Ramadan l’a démontré.
Depuis son minaret Suisse, le penseur musulman avait appelé ses congénères français à soutenir massivement le candidat sortant. Résultat : les neu neu du FN (qui sont nombreux) ont voté à gauche !

En revanche, le vote arabe existe bel et bien. Sans enthousiasme mais avec résolution il s’est  porté massivement sur le candidat socialiste.
Hollande est considéré car bien élevé, il est respectueux donc respectable « mouhtaram ». Dans la plupart des familles - pas seulement arabes- la bonne éducation est une parure de noblesse. Le Président sortant était un mal éduqué. Il a été retoqué.
A l’intronisation populaire de François Hollande place de la Bastille, il y avait des drapeaux arabes, (bretons et corses aussi),  tout comme pour Chirac il y a dix ans à la Concorde…. Mais qui s’en souvient ?
Oui, le vote arabe existe, il est authentiquement français.

Reste qu’au-delà des préoccupations du quotidien, les citoyens attendent une relation apaisée avec les pays arabes. D’abord parce que  des millions d’entre eux ont des racines en Afrique du Nord et que la seconde langue parlée dans l’hexagone est l’arabe. Cette « arabité » mériterait de l’audace diplomatique comme par exemple  de demander l’adhésion de la France à la Ligue Arabe comme membre observateur, au coté de l’Inde du Brésil et du Venezuela.
La reconstruction de notre relation avec l’Algérie appelle un signal fort dès juillet prochain. Hollande ira-t-il à Alger célébrer  le cinquantenaire de l’indépendance ? Après un demi-siècle de ressentiments, il serait temps de déchirer la page et la jeter aux historiens ! En Algérie comme en France, le nombre d’anciens combattants augmente d’année en année. A chaque occasion, les fédérations distribuent sans discernement médailles et breloques. Tout est prétexte à commémoration unilatérale. Tout est prétexte à polémique. De part et d’autre, les vieux empoisonnent de leurs souvenirs  le présent et l’avenir de leur descendance. Que je sache, en 1968, cinquante ans après l’armistice de la grande guerre et seulement vingt trois ans après la libération,  l’Allemagne et la France s’étaient déjà serré la main et nul n’aurait songé à traiter Dany Cohn Bendit de Boche.  
Hollande ira-t-il à Tunis dire la solidarité française à la révolution ? Ses mots sont attendus avec impatience. C’est une urgence ! Chaque journée d’indifférence  qui passe retarde d’autant le processus démocratique. La France a le devoir d’être aux côtés des séculiers. Depuis les élections tunisiennes libres, depuis la constitution d’un pouvoir légitime, les autorités françaises sont embarrassées.  Le  docteur Marzouki, Président de la République tunisienne, a passé une partie de sa vie à soigner en France  c’est un militant des droits de l’homme. Cela devrait suffire à lui réserver une parade sur les Champs Elysées !
Hollande ira-t-il au Caire dire la différence entre la tolérance et l’intégrisme. Osera-t-il parler de l’Evangélisme américain, du Sionisme israélien, du Salafisme saoudien et qatari, de l’Islamisme iranien ? Osera-t-il rappeler que les Français musulmans sont bien plus nombreux que dans la plupart des Etats du Golfe et qu’ils ont choisis de vivre leur foi dans un pays où la laïcité  est « sacrée » ? S’adressera-t-il aux Coptes d’Egypte qui en proportion et en nombre dépasse les musulmans de France ?

Ira-t-il en Arabie, au Kuwait, dans les Emirats pour parler d’autres sujets que celui de l’armement ? S’abstiendra-t-il d’aller parader aux côtés de la seconde épouse de l’Emir du Qatar ?
Ira-t-il à Beyrouth braver Damas ?
On peut rêver de grandeur ! Du retour à une politique qui avait porté l’influence de la France en Orient à l’égale des deux grands parce qu’elle était indépendante des Israéliens.
En attendant, on se consolera de la certitude que la posture arabe de l’Elysée ne passera plus par le protocole des déjeuners d’affaires à l’hôtel Bristol avec des intermédiaires sulfureux. De même, il est peu probable que des ministres en exercice pataugent cet été dans la piscine de Monsieur Takieddine. Quant à imaginer le Premier Ministre –dont le nom est imprononçable en arabe car il désigne l’appendice caché derrière la feuille de vigne- en villégiature à Marrakech aux frais de la princesse !
Les représentants nouveaux de la France sont des gens extraordinairement ordinaires. Ni Ray Ban, ni Rolex, ni BHL, ni nana. Le roi Abdallah d’Arabie qui se souvient encore du petit mal élevé  qui lui avait exhibé la semelle de sa chaussure va apprécier le changement de posture.
Déçu par Obama dont les discours du Caire et d’Istanbul se sont envolés sous les cieux hébreux, le monde arabe cherche désespérément un interlocuteur occidental raisonnable. Hollande porte la promesse de l’emploi. La voie est étroite pour louvoyer sur le théâtre oriental de la guerre froide que se livrent les blocs sino-russe et étatsunien. L’engagement de forces françaises contre l’Iran ou la Syrie n’apporterait pas plus de dividendes  que ceux du Golfe, d’Afghanistan ou de Libye.
Pour la première fois depuis longtemps, le chef de l’Etat français peut porter son regard sur l’Orient en s’affranchissant des influences électorales. Pour la première fois depuis plus de trente ans, le Quai d’Orsay est en capacité de tourner le dos au domaine réservé jusqu’à présent à la place Beauvau. Les intérêts de la France ne doivent plus être dictés par la synagogue ou la mosquée de Paris. Il revient au nouveau pouvoir de recadrer le CRIF et l’OIF sur le champ exclusivement républicain et de se libérer de leur ingérence en politique étrangère.
L’été arabe sera diplomatiquement chaud pour la France. Le gouvernement nouveau, par le rassemblement des compétences,  laisse entrevoir l’espérance du déploiement d’une politique forte à l’abri des lobbys. Elle sera de nature, si elle réussit, à réconcilier par ricochet les banlieues avec la Lozère.

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