Chez nous en
France et chez eux
La France est un pays de séquestrés. Chaque
parcelle, chaque bicoque est soigneusement barricadée. Même les âmes dans les
cimetières, sont protégés de murs de quatre mètres et d’une
grille fermée à double tour sitôt chien et loup.
Le français est craintif, il aime
le clos, le confinement fœtal, les décapotables capotées, les
doubles rideaux tirés. L’horizon le déprime : la Beauce est championne de
France des suicides.
Le Français déteste l’espace.
Il aime la haie, se sent bien en pays de bocage. Sa chaumière
toujours se cache à l’abri d’affreux thuyas soigneusement taillés. De
qui a-t-il peur ? Des voleurs d’amour, des ravisseurs de bonheur, des
envieux, des jeteurs de sorts ? Non, il craint l’espace et l’horizon, le
nuage qui passe, l’inconnu qui tourne la tête.
Le citadin est un individu
fermé. « Hep ! Monsieur, excusez moi de vous demander pardon, pourriez-vous m’aider… »
Les yeux se plissent, le cul se serre, les lèvres font la moue
« heu ! C’est-à-dire, j’suis pas du quartier, j’suis pressé… »
Pour le dérider il lui faut de la cajolerie. Le caresser dans le sens du poil.
« Ah comme vous avez là un joli chien ! Quelle race ? ». Ou
bien il faut au bistro lui parler du temps « Ça va se gâter, ça sent
l’orage ! » Réflexion qui ne saurait rester sans commentaires,
prémisses à des échanges verbeux voir scabreux si affinités.
Chez nous, les voisins, toute leur vie restent de
palier, ils adorent papoter sur le paillasson ou accoudés à la barrière. Il est de bon ton de rester sur sa réserve,
de fixer des limites à l’invitation : « passez donc prendre le
café après-manger ! » et d’ajouter « mais ne venez pas trop
tard, nous devons sortir à trois heures ! »
Chez eux, ceux qui passent prendre l’apéritif
à l’improviste, repartent tard après dîner.
Chez eux il y a longtemps qu’on a rasé les buissons
et allumé le feu avec le portillon. Le visiteur est une bénédiction qu’il
convient de gaver de douceurs.
Le voisin est davantage qu’un parent. On lui rend
visite avant d’emménager, juste pour se présenter. Il fait porter des plats
pour le premier repas et demande cinq fois si l’on a de quoi.
Chez eux, si vous demandez votre chemin, on vous y
conduira. Le jeune inconnu de la rue vous dira « père » ou
« oncle » selon votre âge.
Chez eux, la famille est sacrée, la dette de l’un
appauvrit les autres. La fortune, bonne ou mauvaise est partagée. Lorsqu’à
Paris ou New-York ils se croisent, ils s’arrêtent pour s’embrasser comme du bon
pain.
Chez eux, la religion est présente partout et nul
n’ose l’offenser, pas même les artistes ! Les vieux surtout vont prier,
parfois plusieurs fois par jour. Nul n’échappe aux cérémonies rituelles, à la
fin du carême. Chaque famille sacrifie joyeusement un mouton pour la fête.
Chez eux la globalisation et l’économie de marché
sont des notions secondaires qui se perdent dans la beauté du ciel et de la
mer.
Chez eux, vous ne l’avez pas deviné, c’est en Grèce !
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