La campagne du Mali prend les allures d’un
affrontement entre le bloc US/Europe et celui des alliés de la
Russie, dont l’Algérie est la principale composante africaine. Elle a pour
enjeu les formidables richesses potentielles du Sahel qui imposent le préalable de la sécurisation des accès à l’Atlantique et
à la Méditerranée. Enfin, l’influence grandissante de la Chine en Afrique et la
perte de contrôle de l’expansion wahhabite sont des motifs supplémentaires à
d’édification d’une frontière avancée.
Comme d’habitude la lutte contre le terrorisme a
bon dos.
Jusqu’à
présent, les populations nomades ou sédentarisées du Sahel étaient sous la
coupe bien garnie de la Libye. A la mort de Kadhafi, Alger a tenté sans succès
de reprendre la main. Bouteflika (doyen du monde des diplomates) manœuvre à la
godille pour maintenir la paix relative dans son pays à dessein de se faire
ré-ré-réélire en 2014. Au plan international, il temporise avec les Américains et les
Français en se proclamant champion toutes catégories
de la « lutte anti terroriste ». Dés le début de l’intervention
française au Mali il a fermé sa frontière, refusant d’être tenté par le diable
et de violer la constitution qui interdit à l’ANP de sortir de son territoire.
Il ne faut pas oublier que l’armée algérienne est la plus puissante du
continent après celle de (son alliée historique) l’Afrique du Sud et
quelle est gardienne de l’unité territoriale que d’aucun aimerait voir
éparpiller façon puzzle.
Vue sous cet
angle, l’expédition du Mali est une opération concertée qui répond à une
logique de stratégie collective rappelant la guerre froide. L’Algérie et la
France sont dans leur jeu de rôle : celui du serval et de la souris. Tous
deux sont aux avant postes du théâtre diplomatique et militaire. Mais les
tireurs de ficelles sont à Moscou, Pékin et surtout à Washington Les
Etats Unis ont en effet une incontestable longueur d’avance car ils sont les
seuls à produire en série un système d’arme surclassant tous les autres: le
drone d’attaque.
La doctrine « zéro mort » a conduit
l’armée américaine à inventer l’engin volant qui tue à tous les coups sans risque
de se faire tuer.
L’appareil sans pilote est capable de roder plus de
trente heures d’affilé à quatorze kilomètres d’altitude. A travers la nuit, les
nuages, les vents de sable, il voit tout, y compris ce que l’œil humain ne
saurait détecter. Ni la crotte de chameau ni la couleur de la barbe du
salafiste caché sous la burka ne lui échappent. Des milliers de « big
brothers » rodent dans le ciel. Ils sont secrètement basés sur tous les
continents et pilotés à distance depuis les Etats Unis par liaisons satellites.
Les « Prédator » emportent trois missiles « Hellfire » ou
des « Stinger » dont la foudre s’abat sur les cibles désignées. Il
n’y a pas de parade au tueur.
C’est l’arme absolue de la terreur qui terrorise
les « terroristes ».
Le Predator permet aux Américains de faire à distance la guerre en Afghanistan, Somalie,
Yémen, Pakistan. Déjà des milliers de morts
sans procès. L’engin est furtif, sa bombe est anonyme et ne laisse aucun
signature.
On estime à mille trois cents, le nombre
d’appareils en dotation dans les forces armées américaines et la
CIA. Ils surveillent en permanence la planète. Les Italiens, Turcs,
Philippins, Marocains, Saoudiens, Emiriens, Egyptiens sont des clients fidèles.
De très nombreux pays cherchent à le devenir car l’innovation du drone tactique
a révolutionné l’art de la guerre.
Ainsi, en un rien de temps, les USA viennent-ils de
déployer une base opérationnelle à Niamey au Niger. En un
tournemain, ils se sont rendus maitre du conflit au Sahel.
Et la France dans tout ça ?
Fidèle à son histoire, elle est en retard d’une
guerre.
En 1914 elle ne croyait pas
à la supériorité du char d’assaut sur la cavalerie ; un
siècle plus tard elle a commis la même erreur de jugement à propos du drone.
Depuis vingt ans, les ingénieurs de la délégation à
l’armement –sans doute très inspirés- se sont reposés sur l’espoir chimérique
d’une coopération franco-israélienne qui a coûté
cher et fait long feu. Malgré les rapports alarmistes de l’Etat Major et des
élus, les ministres successifs de la défense ont tergiversé. Le
dernier vient enfin de décider deux commandes : l’une aux Américains,
l’autre aux Israéliens. Car il ne faut fâcher
personne. En attendant la livraison du matériel – dans des mois et
des années - Paris a dépêché pour survoler le théâtre lunaire du Sahel des
avions de patrouille maritime adaptés à la
traque de sous-marins. Ces Frégates volantes font (parait-il)
merveille et complètent l’observation des satellites Helios dont (à tort)
nul ne vante les formidables performances.
En fait,
nous ne savons que ce que veulent bien nous dire les reporters en uniforme.
Le Sahel est
une guerre à huit clos. Les seuls « journalistes » autorisés à
approcher sont des « embedded » des embarqués agréés qui ont accepté de se laisser influencer
et censurer. Alors pour connaître la réalité, il faut décrypter à la fois l’information
rare et la désinformation pléthorique. Elles ont leurs sources dans une
trentaine de pays dont Serval est l’avant-garde française. Chacun des coalisés
joue son rôle. Les USA, la Grande Bretagne et dans une moindre mesure l’Italie,
l’Allemagne et la Belgique fournissent la logistique. Les troupiers de la
légion et les forces spéciales françaises sont sur le terrain, elles encadrent
les Africains dont deux mille fantassins d’élite de
la garde du président tchadien qui sont au contact.
Pour
l’instant le bilan est conforme aux prévisions : zéro mort du coté de
l’alliance Euro/US, plusieurs coté français, des dizaines coté tchadien et malien, des centaines chez les deux mille
barbus de la bande Malboro (surnom attribué au chef salafiste dont l’argent ne
provient pas du Qatar ou d’Arabie mais - paraît-il - du trafic de clopinettes à bout filtre).
Dans cette
guerre contre le sable et le vent, la France qui promet d’évacuer ses soldats
le 1eravril, dispose d’une
arme de reconstruction massive unique, capable de terrasser les forces du mal.
Hélas à ce jour elle reste inemployée.
C’est la
langue française.
Chaque peuple du Sahel parle un dialecte différent. La langue
française, butin inestimable de la colonisation, est le trésor commun qui unit
tous les habitants de cette région.
C’est pourquoi, au sein de l’alliance US/Europe,
seules les forces françaises étaient en mesure d’occuper le terrain et
d’encadrer les troupes des armées périphériques qui sont toutes pareillement
francophones. C’est probablement cet aspect pratique qui a incité Washington à
pousser les pioupiou français vers l’aventure. Car malgré sa prodigalité, le
wahhabisme est à la peine au sahel car la langue arabe est difficile
d’apprentissage. Portant, les missionnaires salafistes ont prospéré sur les
terres abandonnées de l’école française. Tout comme « l’aide
chinoise » a supplanté les crédits de la coopération, les riches apôtres
de Quardawi ont chassé ceux de Voltaire. L’opération Serval est un gouffre
financier qui dépassera et de loin le budget de la mission culturelle et de la
francophonie dans la région. Il est encore temps de faire la révolution du
savoir en France-Afrique pour que le sahel s’affranchisse des
hégémonies obscurantistes très intéressées.
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