Émeute à Tunis.
Entre
la capitale et la banlieue balnéaire opulente, un quartier populaire s’est
embrasé. En un éclair la peur s’est propagée jusqu’aux belles villas
de Gammarth. Ce n’était qu’un vilain moment à passer. Quelques heures de
révoltes, quelques heures d’affrontements, un mort, des blessés, une horde
d’enragés est passée. Le lendemain tout était normal.
Émeute à Paris.
La
place du Trocadéro a été envahie par une foule de jeunes arrivés des faubourgs.
Les commerçants ont tiré le rideau. Un frisson d’effroi a saisi les habitants
du plus opulent quartier de la capitale. Puis, les bandes lassées de courir ont
fini par se disperser vers les Champs Elysées en cassant quelques vitrines trop
insolentes. Le lendemain tout était normal.
Les deux événements n’ont
aucun rapport.
Quoique !...
Les salafistes tunisiens et
les PSGistes français sont frères. Les uns sont des fans de football, les
autres sont accros à la charia : deux opiums de même origine. Il y a même
des franco-tunisiens qui cumulent les deux tares !
Les salafistes PSGistes sont
pareillement, fanatiquement, qatarophiles. Sans le Qatar, le PSG n’est
rien. Sans le Qatar, Paris, Saint-Germain et les politiciens ne valent plus
grand-chose. Sans le Qatar, le pouvoir tunisien est pauvre. Sans le
Qatar, la Tunisie aurait moins de salafistes et moins de lances-grenades.
Le
ministre français de l’intérieur et le maire tunisien de Paris ont été
incapables de céder à la pression de l’Etat lilliputien qui exigeait « la
privatisation » des jardins de Chaillot pour célébrer la victoire de son
club de foot.
Le
premier ministre de Tunisie était pendant les émeutes dans une situation tout
aussi embarrassante puisqu’il se trouvait - précisément et en
parfaite coïncidence - au Qatar. Quelques jours auparavant, il avait
courageusement interdit au mouvement des fervents illuminés de tenir
leur convent à Kairouan. Mais bien entendu, ce n’est pas pour s’en expliquer
qu’il avait fait le voyage, mais pour participer à la treizième édition du
Forum de Doha.
Il
s’agit d’une conférence internationale formatée à l’exemple de celles
qui se tiennent chaque quinzaine dans le monumental Hôtel Ritz Carlton de Doha.
Les sujets abordés sont variés et sans importance. Thèmes tartes à la crème de
tireurs de plans sur la comète.
Au
dernier forum des 20-22 mai, tous les participants triés sur le volet étaient
invités. Ils pouvaient s’ils le souhaitaient, venir quelques jours avant et se
faire accompagner.
Tout
frais et défraiements payés.
Je n’étais pas invité.
L’émir
a fait un joli discours : « peace and love ». Quelques chefs
d’Etat comme l’Argentin (désargenté) et le Sénégalais (fauché) venus de loin
dans les A340 VIP ont emboité le pas.
Des
anciens Premiers Ministres de France et de Grande Bretagne ont exprimé des
paroles fortes que personne n’a notées.
Le
chef du bureau des droits de l’homme d’Arabie Saoudite (si ça existe) a dit que
Ben Ali, Moubarak, Kadhafi avaient été élus, ce qui démontre en bonne logique
wahhabite que la démocratie mène à la dictature !
Le
représentant de la Libye a sobrement décrit la situation politique
de son pays « hier il y avait un seul Kadhafi, aujourd’hui nous sommes six
millions et demi de Kadhafi qui voulons chacun le pouvoir et
surtout, la fortune qui va avec !.. »
Un
humoriste anglais à doctement proclamé à la tribune : « dépenser deux livres
sterlings à la prévention des conflits, c’est en économiser quatre en dépense
de guerre ! » Dans la salle, le très puissant patron d’une agence de
sécurité militaire britannique a toussé dans le creux de sa main en levant les
yeux au ciel.
La
conférence n’a pas remporté le succès attendu. Sarkozy n’est pas venu.
Pourtant,
« ici les discussions sont toujours très riches » a finement remarqué
un observateur politologue fidèle des rencontres du PSG.
Les chinois ont boudé
l’événement, ils ont dépêché deux personnes. Le Canada une seule. L’Algérie et
le Maroc ont fait le service minimum. Bref, au plan de la participation
internationale : bide total.
Les sénégalais ont profité de
l’aubaine commerciale, ils ont envoyé cinquante délégués, les USA seulement une
quarantaine, pour la plupart des universitaires restés silencieux.
La délégation tunisienne
comptait 18 participants dont trois membres du gouvernement et le Chef d’Etat
Major des Trois Armées. Le ministre des affaires
étrangères, un diplomate de la carrière, eut le bon goût de battre du pouls et
de se faire porter pâle avant de prendre l’avion. Il a ainsi évité la volée de
bois vert de son collègue Qatari qui a accueilli les tunisiens avec
cette perle: « j’appelle l’opposition tunisienne à cesser de prétendre que
le Qatar s’ingère dans les affaires internes de la Tunisie ! »
Il
parait qu’en des termes moins sportifs, les Qataris ont servi un accueil semblable
à Monsieur Fillon qui conduisait une délégation de 83 personnes ! Car
voyez-vous, quand on les invite gratos, les français ne savent pas refuser.
La
liste des heureux estivants de la pentecôte est une énumération à la Prévert,
c’est le Who’s Who des pique-assiettes. Par décence, il faut en taire les
noms : quatre anciens ministres, quatorze parlementaires avec épouse et
compagnon, un chanteur et sa bande (ah qu’elles sont jolies les filles de mon
pays…), tout un staff de la Sncf et cerises précoces sur le gâteau des médias:
pas moins de quatorze journalistes de la presse nationale et régionale !
Rassurons-nous,
Au « Davos de Doha »
aucun d’entre eux n’a posé de questions qui fâchent.
Pas plus que les cent vingt
correspondants de la presse arabe qui ont fait le déplacement spécialement.
Non les émeutes de la citée Ettadhamen
et du Trocadéro n’ont rien à voir avec la banque mondiale du Qatar.
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