La cinquième république a été successivement
présidée par un militaire, un normalien, un polytechnicien, un
lettré florentin, un énarque, un avocat d’affaires.
Le dernier en date est un commerçant.
Car François Hollande –on a tendance à l’oublier –
est diplômé d’HEC, prestigieuse école de commerce française dont la devise est
« apprendre à oser ». Elle forme les stratèges du patronat en leur
inculquant le culte du résultat concret.
A l’issue de ses études de commerce, le futur
Président (ayant appris à oser) prépara l’école d’administration.
Hollande est un HEC énarque et non pas l’inverse.
C’est sans doute pourquoi, les premiers pas du
nouveau Président de la République signent son habileté managériale dans le
domaine le plus crucial de l’économie : celui du commerce extérieur.
La France, jadis sur le podium des champions de
l’export est aujourd’hui en capilotade. Ses recettes ne couvrent plus
ses dépenses. La cause de la crise est là. N’importe quel Limousin de
bon sens vous le dira !
Cette évidence a échappé depuis vingt ans aux
élites françaises qui persistent à se regarder le nombril et pratiquer
l’exportation lors d’escapades touristiques de fin de semaine ou dans un bon
restaurant parisien avec un visiteur étranger en recherche de « compétitivité ».
Les entrepreneurs sont démobilisés.
L’état a abdiqué pareillement.
Du temps de sa splendeur le commerce extérieur
avait un ministre plein, certains d’entre eux
: Raymond Barre, Edith Cresson devinrent Premier Ministre.
C’est dire l’importance que revêtait la politique de négoce du
« made in France » à l’étranger. Consciente de l’enjeu, Madame
Cresson - diplômée d’HEC - avait imaginé la création
d’une Ecole Nationale des Exportateurs. Cris d’orfraies et moqueries
des énarques misogynes et prétentieux. Résultat vingt ans plus tard : il
n’existe aucun établissement français dédié à la formation des cadres de
l’exportation ! Certes, il y a bien ici et là des enseignements de
« management » international et de langues étrangères mais c’est
insuffisant. Nos élites reçoivent un cursus qui ne les prépare nullement à
affronter un interlocuteur mexicain, danois ou yéménite. Tout un symbole, le stage post-ENA se déroule
en Préfecture, institution strictement administrative et parfaitement obsolète dont l’expertise
internationale se limite à tamponner les passeports et les cartes de séjours.
Etre «
marchand de France », c’est un métier ! La vente c’est de
la psychologie, c’est du théâtre, il faut savoir son texte, il faut être
costumé, pouvoir séduire, être attentif, courtois, poli à l’excès, patient,
loyal, tenace… La vente à l’exportation, c’est tout cela dans un décor parfois
insolite ou hostile, devant un public d’une autre culture, mais fort
heureusement souvent bien disposé. Car le produit France est facile à
placer tant ce pays fait rêver le monde entier. « J’arrive de
Paris et vous ai apporté un petit souvenir ! » le sourire de
l’interlocuteur s’épanouit à la vue de la petite
tour Eiffel. Il la rapportera chez lui, la montrera à ses enfants
« c’est un Français qui m’en a fait
cadeau !... » La fois suivante, le présent sera griffé d’un nom
magique : Dior, Hermès, Cognac, Champagne…En préambule, l’acheteur
parlera de Hugo ou de Zidane, c’est selon. Prestige, qualité, notoriété,
culture, histoire… aucun concurrent ne peut rivaliser avec la séduction d’un
exportateur français. Las ! C’est souvent l’arrogance qui prévaut ou le bakchich avec
rétro-commission, promesse assurée d’une mauvaise affaire.
Le symbole de l’échec tricolore c’est le Rafale
dont pourtant, tous les pilotes de chasse du monde disent qu’il est le
meilleur. Ses performances surclassent tous ses concurrents, son prix aussi.
Mais le prix n’a jamais été un critère de sélection en matière
d’armement !
Depuis deux décennies ce fer de lance de la
technologie française est l’objet d’une campagne de promotion sans
équivalent. Elus, ambassadeurs, ministres, Présidents le soutiennent bec
et ongles. La puissance publique toute entière est au petit soin. Les commandes
de l’Etat abondent, mêmes lorsque celles-ci sont en contradiction avec les
besoins opérationnels des armées.
Mais à l’exportation, c’est
le bide total.
Le problème de Dassault, c’est peut-être
Dassault !
Le fondateur de
l’entreprise Marcel Dassault était
un avionneur de génie, un homme malicieux, affable, généreux,
souriant, dont chacun recherchait la compagnie. Son fils Serge est tout le
contraire, il suffit de l’avoir approché une fois pour le fuir à jamais. Mais
au lieu de s’occuper de ses arrières petits enfants, il dirige son groupe, se
mêle de tout et surtout de vendre l’avion à son nom avec l’insuccès que l’on
sait.
Il y a deux hypothèses à ce fiasco :
Cet homme intelligent est tellement cynique qu’il a
conçu le projet de ne jamais vendre le Rafale à l’étranger car la vache à lait
française est largement suffisante pour financer sa recherche et développement
et les juteux brevets qui en découlent.
Ou bien cet homme est tellement antipathique que
nul ne veut commercer avec lui.
Personne ne dira jamais à Serge Dassault tout
le mal que le monde pense de lui car la bonne presse française lui appartient.
Sa dernière stratégie
fut d’enrôler un Président de la République qui se démena
tellement mal avec des « amis » marrons censés l’aider au Brésil, aux
EAU, en Inde, au Maroc, et même en Suisse… que les concurrents britanniques
américains et suédois, en rigolent encore.
L’ère du Président bling-bling et des
auxiliaires exotiques semble révolue. Le dernier voyage de François Hollande en
Algérie a pris des allures de mission commerciale avec l’invitation d’un
plein Airbus d’hommes d’affaires. Pour le bonheur des échanges
économiques, tous les sujets qui fâchent ont été escamotés (Mali, droits de l’homme…) ou emberlificotés (repentance, visas…).
Avec succès François Hollande a inauguré la
doctrine de l’exportateur : flatter le client avec excès et éviter les
sujets qui fâchent.
La recette étant rodée, les prochaines destinations
sont en cours de sélection. La Tunisie fauchée est disqualifiée, la Mauritanie
aussi.
Outre les Etats du Golfe, les nominés sont
les BICKS, acronyme pour Brésil/Inde/Chine/Kazakhstan/ Afrique
du Sud (à noter que le Kazakhstan remplace la Russie-De-par-dieu).
Le gouvernement de rigueur va chasser
les tocards et mettre en selle l’intelligence économique nationale.
Le chef de l’Etat a promis qu’il ne transigerait
pas sur l’enjeu de millions d’emplois.
Dans les prochaines semaines, le Président se
rendra en Arabie Saoudite, le royaume des poètes emprisonnés où les Français sont en attente de contrats fabuleux. En 2012, le pays
d’Abdallah a engrangé un excédent budgétaire de cent milliards de dollars qu’il
convient d’éponger en 2013 !
Depuis le voyage en Algérie, les patrons
du MEDEF sont optimistes, ils pensent que Hollande pourrait bien
réussir là où Chirac et Sarkozy ont lamentablement échoué.
Car le Président-VRP est un acheucé !
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