L’Institut
du Monde Arabe à Paris est un bel édifice de métal et de verre dont l’ombre
oblique se prolonge parfois sur les bords de Seine jusqu’au pied de Notre Dame.
Le cœur du
bâtiment est un musée. Décevant. On y trouve surtout des reliques des arts
islamiques. Il y a aussi une bibliothèque avec un déambulatoire
sympathique ; une librairie mieux fournie que les rayons exotiques de la
FNAC et puis un restaurant qui est une insulte à la gastronomie orientale. L’Institut sert aussi d’école de langues et de lieu de
spectacles ou de conférences.
On y croise
peu de jeunes des banlieues, sans doute intimidés par le chic du quartier, la
carrure des appariteurs et le prix d’accès. L’endroit est plutôt bon chic bon
genre. S’il avait été implanté à La Courneuve ou à
Nanterre l’IMA eut été grand. Mais là où il est, il est singulier, il est
imparfait, il est subjectif. Il sent l’argent du pétrole mais n’a pas l’éclat
du grand Gulbekian, le richissime intermédiaire de l’or noir dont les musées
éponymes immortalisent le nom. L’Institut du Monde Arabe ne
restera pas arabe, il deviendra – le grand Jean
Nouvel le mérite- son musée. En attendant, cet établissement demeure
une bizarrerie diplomatique sans équivalent. Imaginerait-on un
institut du monde Européen, du monde Chinois, du monde
Américain ?
La culture
arabe est foisonnante, mais elle est étouffée par l’indigence ou la dictature.
Des pays tout entiers sont des trésors de l’humanité : l’Egypte, la
Jordanie, le Soudan qui sont pauvres ; l’Irak, le Yémen, la Libye, la
Palestine qui sont en guerre ; et l’Arabie Saoudite qui hors de
la Mecque est interdite de beauté et d’amour : ni radio musicale, ni théâtre,
ni cinéma, ni galerie, ni librairie, ni concerts, ni photo, ni joie, ni
rire…Dans les autres pays, la culture lorsqu’elle n’est pas officielle, est
suspecte. Abu Dhabi et le Qatar, pays sans passé ni culture, se distinguent par
la construction de nombreux musées et l’importation à grands frais d’œuvres
d’art du monde entier pour les remplir.
Mais pour le
reste des pays arabe, la culture est en jachère. L’édition est rare, le cinéma
en déclin la musique étouffe sous la variété libanaise, la sculpture et la
peinture figurative sont voilés. Le printemps arabe n’a pas encore fait sa
révolution culturelle. Dernièrement, en Tunisie, des salafistes
ont provoqué des émeutes pour obtenir avec la bénédiction
du ministre de la culture la fermeture d’une galerie. Pour les islamistes,
l’art (comme le lard) n’est pas hallal. Point.
C’est dans ce contexte que l’Institut du Monde
Arabe a organisé une exposition d’œuvres d’artistes arabes
« kafir », mécréants. On y voit dévoilés les corps nus, de
femmes, d’hommes, d’androgynes, d’homosexuels…Des
beautés et des laideurs dans le plus simple appareil. Le ventre cru, le sexe
bas, le cul triomphant. Toiles, sculptures, images, gravures ; un
foisonnement de non dits inédits.
Bouche bée !... Dans un musée
« arabe », c’est du jamais vu, c’est tout simplement
révolutionnaire ! Aucun des artistes ne pourrait présenter ses
œuvres dans son pays d’origine sans risquer le lynchage ou la prison.
Saluons d’un coup de chéchia
l’initiative de l’IMA qui est notamment administrée par le collège
fondateur des ambassadeurs arabes accrédités à Paris et applaudissons l’audace
de Madame Hoda Makram-Ebeid, organisatrice de l’événement.
Il faut se précipiter pour admirer l’exposition
avant qu’elle ne fasse scandale, avant qu’une bande de salafistes de La Courneuve téléguidée par quelques obscurantistes de
l’Orient argenté ne viennent manifester leur
indignation, avant que le nouveau ministre de l’intérieur ne prenne un arrêté
« dans l’intérêt de l’ordre public », et surtout…avant la clôture de
l’exposition prévue le 15 juillet. Vite !
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