C’est l’opinion assumée du gouvernement algérien qui par la voix de son ministre El Hachemi Djaaboub a martelé ces propos devant le Conseil de la Nation (Sénat). Cette déclaration stupéfiante a été faite au moment même où le Chef d’État major français était en visite à Alger. Le Général a repris l’avion pour Paris. Jean Castex, qui devait se rendre en Algérie trois jours plus tard a annulé son déplacement en invoquant le prétexte commode de la pandémie.
Contrairement aux hommes politiques algériens, ceux de Paris ne savent pas parler « cash ».
Dans toute autre relation bilatérale, les propos du ministre du Travail algérien eussent mérité une protestation bien sentie et pour le moins une convocation ou un rappel d’ambassadeur, mais avec Alger, Paris prend des gants et marche sur des oeufs.
L’Algérie est la mauvaise conscience de la France. Celle du géniteur qui se reproche d’avoir martyrisé son enfant, de ne pas avoir su l’émanciper. Alors il a pour lui des faiblesses et des indulgences particulières. Ce paternalisme non assumé est un néocolonialisme mal digéré. Périodiquement on tente de réconcilier le passé en ressassant la mémoire tragique et honteuse d’une guerre du siècle passé qui n’est même pas enseignée au lycée.
Les "algérologues" parisiens qui scrutent l’incroyable complexité du « système », expliquent que le pouvoir à Alger est en butte à des rivalités internes mystérieuses dont il faut tenir compte. Qu’il importe de sélectionner le bon cheval: celui qui sortira gagnant. À Alger, on joue au même jeu de dada. Les décideurs sont branchés sur BFMTV et CNEWS. Ils se passionnent pour la politique franco-française et sont plus préoccupés par l’éventuelle ré-élection de Macron que par celle de leurs propres députés.
Depuis trois générations, les deux pays se regardent en chiens de faïence. À chaque apaisement éphémère succède une crise. Au fil des ans, le fossé s’est creusé entre le pouvoir de Paris et celui d’Alger. Ils ne partagent plus certaines valeurs républicaines qui pouvaient jadis, y compris dans les heures sombres, les rassembler.
L’Algérie dérive et compose avec l’islamisme. Les exemples sont nombreux. Il y a deux semaines Saïd Djabelkheir, un journaliste, théologien de renom, a été déféré au tribunal d’Alger pour « offense à l’islam ». Il encourt des années de prison. Le plaignant est un universitaire obscurantiste qui reproche à son collègue sa controverse sur l’arche de Noé et les vertus de l’urine de chameau. C’est l’inquisition. « Il y a l’islam des lumière, il y a l’islam des ténèbres » résume le philosophe Faris Lounis qui dénonce « le procès de la honte »
L’économie est malade. Ses ressources ont été gaspillées et spoliées. L’Algérie est le plus pauvre des pays riches alors qu’elle aurait pu prospérer au niveau de la Corée du Sud dont elle était l’égale en PIB il y a cinquante ans. Les mauvais choix et une mauvaise gouvernance chronique en ont décidé autrement.
Depuis vingt six mois, chaque vendredi, la foule envahit les rues pour réclamer pacifiquement le changement « hirak ». Las le pouvoir ne lâche rien. Il tergiverse, réprime et gagne du temps.
Au quotidien, le citoyen manque toujours de logements et d’infrastructures décentes, il subit les coupures d’eau incessantes, les pénuries de pommes de terre, de médicaments… Le pays importe du lait, du blé, du maïs, du sucre, de l’huile, de la tomate, de l’ail… Les autoroutes sont construites par des ouvriers chinois…pendant que les ouvriers algériens cassent des cailloux et poussent les brouettes en Europe. L’irrationalité des choix budgétaires est une constante, l’absurde n’étonne plus personne. La corruption partout gangrène. Alors pour calmer son opinion, le pouvoir impuissant a besoin de boucs émissaires. « quand ça va mal (en Afrique) c’est la France » dit Macron.
Le ministre algérien du Travail qui a qualifié la France d’ennemie de l’Algérie a poussé le bouchon trop loin. Le temps aura du mal à effacer les traces de cette formule. Mais au fait, l’ennemi la France, c’est qui ? Une République, une démocratie, un peuple… certes; mais aussi inclusivement une douzaine de millions de citoyens attachés par leur histoire personnelle à l’Algérie. Ils sont 6 millions de résidents permanents. Ils sont plusieurs millions de binationaux à possèder la nationalité algérienne par le sang du père transmis automatiquement à ses descendants. La majorité d’entre eux n’ont pour seuls liens avec l’Algérie que la tombe du grand-père et les vacances « au bled ». Des centaines de milliers se dévouent dans les services publics, de l’aide soignante au docteur, de l’agent de sécurité au préfet; des milliers servent dans l’armée et saluent chaque matin le drapeau tricolore… Cette population magnifique de labeur et de résilience, est une part de la France. Est-elle aussi une « ennemie éternelle de l’Algérie »? Les citoyens français « binationaux » seront-ils demain doublement stigmatisés dans leur pays et dans celui de leurs ancêtres ? L’an dernier, un triste député tunisien Safi Saïd les a qualifié en séance de « bâtards étrangers ».
Les Français issus de l’immigration choisie ou résignée, dont les parents ou les grands parents ont pour la plupart fuient les conditions de vie du pays de leurs aïeux se sentent pareillement insultés par ces « frères » aigris par leurs échecs qui se comportent en bellicistes. De guerre lasse, ils pourraient bien un jour leur tourner le dos.
https://www.algerie-eco.com/2021/04/08/djaaboub-la-france-est-notre-ennemi-traditionnel-et-permanent-video/
https://www.lematindalgerie.com/said-djabelkheir-le-proces-de-la-honte
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