C’est la ville où je suis né, celle où mes parents reposent pour l’éternité. L’assassinat de Stéphanie à Rambouillet est une abomination sans nom. Mon père aurait pleuré de honte si par la volonté d’Allah il avait vécu cent trois ans. Il était de Tunisie, pays de la douceur et de l’amour devenu le nid d’une bande de tueurs impies qui se réclament d’un islam falsifié pour saigner la France au hasard de ceux qui croisent leurs regards.
Étudiant à la Sorbonne, mon père Si Mahmoud fut le premier Tunisien à s’installer à Rambouillet. Témoin de la débâcle de 1940, il partagea les privations et le sort de ses habitants. Sa conduite durant l’occupation allemande fut sans doute irréprochable car à la libération Jean-Pierre Lévy, héros de la résistance, le prit à ses côtés au ministère de l’Industrie. Devenu haut fonctionnaire, il quitta en 1956 le service de l’État français pour celui du nouvel État tunisien indépendant. Compagnon de Bourguiba, il lui resta fidèle jusqu’au putsch du Général Ben Ali en 1987. Prisonnier politique puis banni, il revint à Rambouillet pour y finir sa vie.
Un jour de février 2013, son corps a été lavé avant d’être enroulé dans le drap blanc qu’il avait porté à La Mecque pour son pèlerinage. Puis, un imam et quelques membres de la famille ont récité la prière des défunts devant sa tombe au carré des musulmans du cimetière municipal de Rambouillet. Quelques semaines après, une délégation de la Légion d’honneur conduite par le Général Pons est venue lui rendre hommage en présence du Président du Sénat Gérard Larcher, ancien maire de Rambouillet.
Ma mère, Madeleine est décédée quatre ans plus tard. Elle repose non loin de Si Mahmoud, sous une dalle identique mais avec une croix. Pour marquer la limite des religions qui ne les avaient pourtant jamais séparés, un espace est resté libre où j’irai peut-être un jour me reposer.
Dans l’allée des musulmans il y a les tombes d’une douzaine de braves républicains qui ont tous laissé un souvenir souriant aux survivants. Ils étaient, artisan, pharmacien, soldat, infirmier, agent de service… ils venaient d’Iran, d’Algérie, du Maroc, de Turquie, du Sahel…la plupart étaient engagés dans des associations caritatives, culturelles, sportives, tous aimaient leur ville, tous étaient aimés d’elle. La pire insulte à leur mémoire et à leur religion serait que l’immonde égorgeur de Stéphanie la policière, soit enterré à leurs côtés.
1 commentaire:
Chronique très émouvante. Il est utile et indispensable de rappeler que tous les tunisiens ne sont pas des terroristes.
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