Le
Président de la République François Hollande terminera l'année par une visite de
deux jours en Arabie Saoudite. Il y percevra les dividendes de la
diplomatie du plus offrant. Les étrennes seront généreuses. Elle
permettront à quelques industriels d'assurer un plan de charge de
plusieurs décennies et conforteront la place de la France au
troisième rang mondial de l'armement.
Ce
n'est pas rien.
Cette
rencontre au sommet marquera aussi une prodigieuse évolution de la
doctrine du parti socialiste.
Que
de chemin parcouru depuis l'élection du premier Président de gauche
de la cinquième république François Mitterrand, exigeant le
désarmement des avions exposés au salon du Bourget !
En
trente ans, la rue de Solférino a mangé son chapeau. Anti
militarisme primaire et pacifisme naïf ont fait long feu. L'ultime
étape est franchie.
Avant
Hollande, les relations militaires franco-saoudiennes étaient
exclusivement gérées par des hommes politiques de droite. Tous les
ministres de gauche qui faisaient
le voyage de Riyadh étaient reçus comme des diablotins dans un jeu
de quilles.
Récemment, Le Drian a cassé le plafond de verre en gagnant
l'exploit d'être invité par le roi en personne. Cette performance
est d'autant plus étonnante qu'elle s'appuie sur des fidèles de
Sarkozy. L'ambassadeur de France à Riyad est l'ancien conseiller
d'Alliot-Marie, le pilotage des ventes de matériels sensibles est
assuré par une équipe
de caciques de l'ancien régime, enfin, on cherchera avec difficulté
des encartés à
la rose dans le cénacle des industriels de l'armement.
En
un rien de temps, le gouvernement Ayrault aura converti les plus
conservateurs du très fermé cercle militaro-industriel.
La
doctrine de Hollande : « l'emploi par la relance à
n'importe quel prix » » marque avec ce voyage les limites
du supportable pour les pachydermes socialistes qui eussent préféré
que l'on se serra la ceinture pour marcher tête haute.
Car
le rapprochement avec l'Arabie n'est pas seulement une opération de
remplacement d'un client -le Qatar – par un autre, c'est le virage
idéologique d'une alliance stratégique surprenante qui marquera
l'histoire de la gauche.
L'Arabie
Saoudite est-elle fréquentable ?
Non.
Mais la question est incongrue car Paris n'a plus les moyens de
chipoter la vente de frégates, centrales nucléaires
et poulets
de Bretagne. Tout au plus, les bonnes consciences pourront-elles
espérer que le Président – ira-t-il avec sa compagne ? -
osera chuchoter à l'oreille du roi quelques paroles étrangères:
« liberté, égalité, fraternité, justice.... pour les
femmes... »
On
se consolera pareillement en songeant que François Hollande n'allait
tout de même pas refuser les généreux retours sur
investissement de sa posture levantine, ni bouder son plaisir
d'être l'artisan du spectaculaire dialogue israélo-saoudien
sur fond de crise persique.
Finalement,
tout cela n'est pas si navrant.
L'indécence
est ailleurs, elle est collatérale à ce voyage.
Car
pour marquer la lune de miel franco-saoudienne, le Centre Pompidou a
prêté au musée de Dahran des œuvres de Picasso.
Oui
Picasso.
Picasso
exhibé en Arabie.
En
Arabie Saoudite, le pays Guernica des Droits de l'Homme !
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