De
mémoire d'oreilles vivantes jamais pareille cacophonie médiatique
n'avait perturbé l'été. Cette affaire est celle de l'opacité et
des cachotteries. Elle pue les non dits, les contre-vérités les
aveux rétractées, les mensonges et les connivences. Ce scandale au
sommet aura immanquablement des rebondissements au gré des cascades
de révélations qu'elle promet.
La
communication présidentielle en charge d'habiller la réalité et de
travestir les enjeux politiques a disjoncté, elle a de surcroit
perdu l'initiative du message d'enfumage estival. On se souvient que
l'an dernier Nemo le chien faisait la une des médias, aujourd'hui,
c'est Alexandre le gorille dont la notoriété éclipse largement
celle du discret Édouard, Premier ministre de la France. Le
protégé de Macron n'a pas fini de saturer l'actualité. L'accalmie
du mois d'août est trompeuse car elle prépare les scoops de la
rentrée avec la publication d'une avalanche de livres promis au
succès.
Les écrivants-reporters, les plumitifs amateurs, et les
nègres professionnels flairant le bon filon sont déjà à
l'ouvrage. Ils investiguent et traquent les confidences avec
fébrilité. Une course de vitesse est engagée. Les premiers édités
seront les mieux payés. Déjà, sans perdre de temps, le héros
lamentable, assisté d'un ancien journaliste sulfureux et de sa
compère conseillère en publicité du couple présidentiel, a
commencé à mitonner une autobiographie à faire pleurer dans les
chaumières. * Le titre du best seller n'a pas été dévoilé, mais
gageons que les droits payés à son auteur compenseront
généreusement la perte de son job de nervi à cocarde. Le tirage
record est assuré car les français sont avides de
questions-réponses sur ce baratineur qui parle à l'oreille du
Président de la République.
Mais
d'où vient ce Benalla-là ?
Est-ce
un descendant des ben Allah « fils de Dieu » patronyme
souvent attribué aux enfants trouvés ? De ben Nahla « fils
de palmier » ? De Ben Hala « fils d'état
catastrophique ?...Les déclinaisons arabes sont nombreuses et
riches en élucubrations. Quant au prénom du sbire de Jupiter, il
porte bien l'annonce de son destin : Alexö protecteur, andros
hommes. Identité prédestinée de celui qui sous un costume sur
mesure et une barbe soigneusement taillé rayonne d'ambitions à la
hauteur du personnage grec. Autres suppositions : Alexandre
serait la latinisation turquo-arabe d'Iskander ; ou alors sa
maman était une fan de Claude François, comme lui immigrée
d'Alexandrie ?.. Sur ce premier chapitre, on peut broder des pages
exaltantes !
Pourtant,
la presse people française est restée pudiquement discrète sur
cette question. Cette posture responsable et vertueuse est peut-être
tout simplement la conséquence de l'émancipation provisoire de
l'opinion de la nation black-blanc-beur après la récente victoire
des bleus. Les mots qui fâchent sont venus de quelques médias
d’extrêmes droites et d'Algérie où un journal francophone a cru
déceler en Benalla un binational franco-marocain chargé d'espionner
l'Élysée pour le double compte d'Israël et du Maroc. Sur cette
lancée, un autre affirmait l'avoir photographié au milieu des
forces de police durant de la dernière manifestation d'étudiants en
médecine.... à Alger. Alexô-manu serait un transfuge au don
d'ubiquité ! Cet intérêt algérien contraste avec la passivité
des autres pays arabes où la presse s'est contentée de reprendre
succinctement les dépêches d'agences. Il faut dire que dans les
dictatures du Moyen Orient, un estafier qui tabasse un vulgaire
quidam...Y'a pas de quoi fouetter un chat !
Reste
que l'origine arabe de cet homme de l'ombre renforce le mystère de
l'affaire. Que le
sous-chef-de-cabinet-chargé-de-mission-lieutenant-colonel- avec
armes et pin-pon, se fut appelé Noël Flantier, Lucien Bramare ou
Hubert Bonisseur de la Bath, alors l'affaire eut été moins
piquante. L'ascension fulgurante d'un beur - fut-il assimilé
et franc-maçonné - dans le milieu fermé de la haute police
dérangeait probablement les convenances de l'entre soi. C'est sans
doute l'une des raisons pour lesquelles le plus proche des maillons
faibles du Président a été piégé. Pourtant, le fusible n'a pas
immédiatement sauté car Macron-patron l'a couvert et défendu bec
et ongles. Cette posture n'aura qu'un temps. Alors au lieu d'attendre
« qu'on vienne le chercher » pour être lapidé, le
gendarme amateur serait bien inspiré de racheter sa conduite en
démissionnant de la fonction publique avant de partir exercer ses
talents dans une multinationale aux antipodes. En Nouvelle Calédonie,
à Tahiti, en Tasmanie par exemple, là où sous les soleils
mouillés de ces ciels brouillés... tout n'est qu'ordre et beauté,
luxe, calme et volupté. Il pourra tranquillement lire les OSS 117 de
Jean Bruce, le voyage de Charles Baudelaire ou les chroniques
d'Alexandre Vialatte...Afin qu'enfin soulagés de sa média-présence,
nous puissions d'aise soupirer :
et c'est ainsi que Benalla
est grand !
*https://www.francetvinfo.fr/politique/emmanuel-macron/agression-d-un-manifestant-par-un-collaborateur-de-l-elysee/campagne-presidentielle-affaire-benalla-qui-est-mimi-marchand-la-papesse-de-la-presse-people-dans-l-ombre-des-macron_2875329.html
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