dimanche 13 octobre 2024

Élucubrations trans inclusives


Et si la manifestation de la liberté suprême du moi profond était le transgenre  ? 

Le sexe est inné, inséré entre les jambes  : faille ou protubérance  ! accessoire naturel de la procréation. Sauf rares exceptions de malformation, le mammifère humain ne diffère pas de la girafe ou du cétacé.  

Changer de sexe est une opération irréversible douloureuse alors que changer de genre est une liberté éphémère ou durable offerte à tout un chacune. Ce comportement est d'ailleurs admis et encouragé depuis la nuit des temps en période de carnaval. Pourquoi alors ne pas faire la fête en changeant de genre quand il nous plaît  ? Changeons de coiffure, de vêture, d'attitude et de posture au gré de notre envie. 

Changeons aussi d'écriture  !


Au nom de la tyrannie grammaticale, on impose d'accorder l'adjectif avec son entre-jambe. L'amputation de cette terminaison me traumatise  ! L'excroissance de la finale en «  e  » est une dentelle ornementale qui me plat. Désormais je me trouve ravie et heureuse de cette métamorphose littéraire. Elle me rapproche de Gertrude Stein et d'Alice Toklas hélas jamais rencontrées -  car je suis trop jeune - mais dont je partage le goût du beau, du bon et de la légèreté de la vie. 

Notons par ailleurs que l'écrivain ose rarement tricher sur son prénom (sauf Yasmina Khadra). Le mien est bi-genre. Il passe partout. Il est porté par les filles en Allemagne et par les garçons en Tunisie  ; en France il s'orthographie sans H mais se termine en ie comme Eddie au masculin et th comme Edith... Mais passons.

Pour écrire sans faire de faute, il faut accorder l'adjectif avec le sujet et inversement: l'écrivaillon devient écrivaillonne. Laquelle se heurte à une difficulté de syntaxe car écrivaillonne n'est pas français, écriteuse non plus, il faut écrire écrivaine ou auteure à la rigueur. Qualités que je ne saurais m’approprier car elles insultent ma modestie, outragent la mémoire d'Amantine George Sand ou des Marguerite Duras, Yourcenar, et j'en passe  !.. Tournons la page.


Afin d'être en condition d'écrire dans mes nouvelles disposition et profitant de l’éloignement de ma maisonnée estivant loin de Paris, je me suis achetée des guêpières, du rouge à lèvre et des hauts talons. Puis, j'ai poussé ma hardiesse jusqu’à emprunter à mon épousée une ravissante robe rouge qui me moule comme un gant. Le haut rembourré dessine une silhouette flatteuse, cependant qu’en contrebas s'échappent des jambes soigneusement mais douloureusement épilées au caramel brulant. 

Ma première audace a été d'aller sonner à la porte d'en face au prétexte de réclamer du sel en cui-cuitant ma voix. Interloqué le voisin a mis un certain temps à réagir  en criant «  Josiane, tu peux venir voir  ?  » Non moins stupéfaite Josiane vint  : «  ...vous allez bien  ???  » La garce m'a reconnue  !

Cette expérience m'a encouragée à perfectionner mon look en me rasant la barbe. Ce que, par conséquent, «  du coup  » (locution fautive à la mode) et après coup, en me regardant dans la glace, mon moi me picotait. J’ai eu honte de mon insincérité. 


Évidemment, je me suis heurtée à quelques difficultés au guichet de la Poste «  ça c'est la carte d'identité de votre mari  !  ». J'ai tonné de la voix et menacé de relever ma jupe pour qu'il consente à me donner ma lettre recommandée.  Agitant les mains en invoquant l'époque décadente où nous vivons, son chef  lui a expliqué que j'étais un trans, un «  msieur-dam  ». Li ber té  ! J'ai rétorqué.

Au fil des jours, j'ai pris de l'assurance. Ma métamorphose ne prêtait plus à confusion. Je suis devenue d'apparence insoupçonnable. Les commerçants me disaient «  madame  ». Il faut dire que j'y mettais du soin et de la peine.  Mais au boulot, les collègues ont tourné les yeux dans tous les sens, puis le patron a entre-baillé la porte pour me dévisager l'air de rien. La DRH m'a tout de suite assurée que la boite n'avait rien à me reprocher mais que ... Bref, finalement par un effort de compréhension mutuelle, j'ai intégré un poste mieux payé de télé-travail à plein temps.


C'est au marché de Belleville où j'ai mes habitudes que les choses se sont compliquées. Un marchand égyptien gueulard m'a reconnu, il a vendu la mèche qui s'est répandue comme une trainée de poudre. En un rien de temps j'ai été la cible de quolibets lourdingues: helwa, helwa, malla jamal  ! (quelle beauté!) Ma féminité balbutiante en a été choquée au point que de retour à la maison, je me débarbouillais, me débarrassais de ma garde-robe et décidais de taire mon nouveau genre à mon épouse et aux enfants qui rentraient de vacances le soir même.

Après tout, il y a d'autres moyens d'affirmer sa féminité me consolais-je. Mais pour me venger, désormais quand je vais au marché, je me travestie en Belphégore  : voile noir, lunette noires, masque chirurgical blanc. Les vendeurs n'y voient que du feu  ! Ils m'interpellent « ya lella  » et me donnent du madame en français. 


Tout ceci est une fable, mais il me plaît d'imaginer que le dimanche, je pourrais, transformiste transgenre éphémère d’un matin, aller sous un voile exprimer en secret  ma solidarité avec mes soeurs opprimées et  mes frères frustrés. 


Revenons à l’écriture, au plus important. Ce n'est pas la première fois que par inadvertance j'accorde mon sujet avec le genre d'à coté.  Fille, garçon, trans, qu'importe la syntaxe pourvu que cesse l'usage de cette abominable écriture inclusive qui comme le voile empêche les « scriboullards-de-s  » d'écrire et les «  lecteurs-trices  » d'entendre la jolie musique que font les mots bien orchestrés.