Fort opportunément, une exposition au musée du Louvre à Paris invite à méditer devant la représentation du fou au Moyen Âge. Le cinglé étant indispensable à toute collectivité humaine, une foule innombrable de visiteurs se presse, car « infini est le nombre des fous » (Ecclésiaste 1, 15)
Évidemment on cherche la comparaison avec notre époque où les sages ne guident plus notre avenir. Combien de chefs d’État démocratiquement élus mériteraient d’arborer sur la tête un entonnoir orné de grelots ?
Kamala Harris veut soumettre Donald Trump à un test cognitif. Le monde étant sans dessus dessous, on peut se demander si finalement, un fou pourrait dans son délire insensé avoir l’ultime sagesse d’y mettre un peu de lucidité.
En Europe, deux anciennes républiques soviétiques jadis fraternelles et qui se sont embrassées sur la bouche pendant 70 ans s’entretuent. Le bilan est estimé à un million de morts !
Dans le même temps, au Moyen-Orient, on évalue pareillement à un million les civils massacrés en Palestine, Liban, Irak, Syrie, Yémen,…sans oublier le Soudan, la Somalie. Ceux qui en conscience ordonnent de priver la vie de milliers d’enfants ont-ils perdu la foi ou la raison. C’est l’humanité qu’on assassine !
Le « fou » de Washington imposera t-il aux fous d’Orient de lever les pouces ? À la veille du scrutin aux États-Unis, c’est la seule question qui importe.
Trump entre guerre et paix
Trump aime le pouvoir, la domination, le sexe, la provocation, la vulgarité…Il aime la voluptueuse sensation de se sentir l’unique à dicter le sort du monde. C’est un vieux sale gosse de 78 ans qui se rapproche de sa date de péremption. Il est capable du pire comme de rédemption.
Dans les pays d’Orient où tout est négociable l’éventualité de son retour est ouvertement souhaité. Il est perçu comme un business man pragmatique qui comprend la langue des affaires. Il aura vite fait d’évaluer le coût de l’extension de la guerre par rapport aux dividendes de la paix. Money & America first !
Les États-Unis alliés à Israël contre l’Iran sont entrés dans une séquence d’affrontement direct mesuré et dosé ayant pour but de tester les capacités de l’adversaire en attendant soit l’assaut cataclysmique soit l’échange d’arguments à la table de négociation. L’Iran et Israël ont chacun soigneusement veillé à ne pas bombarder des installations civiles vitales ou des lieux habités car cela aurait obéré toute perspective de conciliation.
Il suffit d’observer la carte du Moyen-Orient pour constater que la région est hautement inflammable. Un conflit sans retenue entrainerait le sabotage des corridors maritimes de sortie du Golfe et de la mer Rouge; la destruction des infrastructures pétrolières, de dessalement d’eau de mer, de transports aériens et maritimes … les pétro-monarchies d’Arabie, Bahrein, Kuwait, Émirats Arabes Unis, Qatar s’en retourneraient à l’âge de sable, et Israel ne serait plus vivable. Un tsunami économique et financier planétaire s’en suivrait.
Les amours orientaux de Trump
On se souvient qu’en 2017, à peine élu, Trump avait réservé son premier voyage à l’étranger à l’Arabie laquelle lui avait signé un chèque de 380 milliards d’armements. Depuis, entre les princes du Golfe et Trump, c’est un amour de fous ! Ne lui avaient-ils pas offert en gage de cadeau d’amitié, (selon des rumeurs invérifiables) le tableau Salvator Mundi, Sauveur du Monde attribué à Léonard de Vinci d’une valeur de 450 millions de dollars ? Entre les wahhabites saoudiens et les évangélistes américains l’entente est plus que cordiale.
Netanyahu
Il en va de même entre Netanyahu et Trump. La connivence est apparemment sans nuage, mais l’obstination à vouloir au prix d’un génocide « éliminer » le Hamas et le Hezbollah atteint des coûts faramineux qui mettent à genoux l’économie d’Israël et écornent le budget américain. Le bilan de 13 mois de massacre à Gaza a terni l’image de l’état hébreu qui est passée de victime à bourreau par la disproportion de la réplique vengeresse à l’attaque du Hamas. Pire, ce génocide condamné par les instances internationales est un échec stratégique total qui n’a pas entamé la combativité des Palestiniens et des Libanais. À tout moment, un missile peut s’abattre sur n’importe quelle portion du territoire des hébreux. Enfin, les Yéménites et les Iraniens ont fait la démonstration que les boucliers et dômes de systèmes sophistiqués d’interceptions n’était pas étanches. Israel n’est plus un sanctuaire. Dans ces conditions, Trump pourrait rompre l’idylle avec son partenaire Netanyahu, un perdant, un loser devenu internationalement toxique.
MBS
Le prince héritier saoudien Mohamed ben Salman, MBS, 39 ans, n’a pas encore été intronisé car son roi de père, qui a seulement dix ans de plus que Trump, vit toujours.
MBS a pour son royaume l’ambition démesurée d’une modernisation superlative à marche forcée souvent utopique, mais son pétrole lui en donne les moyens. Sauf accident il sera encore tout puissant dans 40 ans pour constater la mutation de son pays en eldorado californien. Il rêve aussi d’un fauteuil au conseil de sécurité de l’ONU. N’a t-il pas proposé sa médiation pour réconcilier Poutine et Zelensky ?
Il y a quinze mois à peine il était sur le point de signer les accords d’Abraham. Son intention persiste, à la condition toutefois qu’Israël « admette le projet » d’un état palestinien. Cela devrait pouvoir s’arranger. Les échanges diplomatiques secrets entre Tel Aviv et Riyad n’ont jamais été rompus.
La posture saoudienne est tout aussi conciliante avec Téhéran. Elle s’est manifestée par le spectaculaire « armistice » conclu avec le nord Yémen gouverné par la tribu des Houthis et considéré comme une satrapie de l’Iran.
Et si enfin, le Liban doit renaître de ses cendres, ce sera avec l’argent saoudien.
Certes des querelles de familles devront être apaisées et les méfiances réciproques entre bédouins de la péninsule monnayées. Mais MBS s’est habilement positionné en grand conciliateur. Il est le plus riche, il a les moyens de s’imposer.
Le Qatar qui avait adopté cette politiques avec succès s’est laissé dépasser par ses frères ennemis wahhabites saoudiens. Doha reste toutefois le médiateur incontournable pour le Hamas. Le Qatar demeure un havre de sécurité régional précaire. Il est tenu en laisse par les Américains qui entretiennent dans ce pays lilliputien la plus grande des bases aériennes américaines de la région où stationnent dix mille hommes… à moins de 200km des côtes de l’Iran.
MBZ
Mohamed ben Zayed MBZ, Président des Émirats arabes unis est un sage parmi les sages. Sa dynastie est la seule de tous les pays arabes a avoir transformé le pétrole en prospérité pour ses neuf cent mille sujets et les neuf millions d’immigrés de toutes nationalités. Abu Dhabi capitale administrative, Dubaï capitale commerciale distante de 130 km forment une mégapole au carrefour de l’Orient et de l’Occident. Pour employer une métaphore, la puissance des Émirats arabes unis est au plan géostratégique comparable à celles de la République de Venise, de Carthage, ou de Sparte au temps de leur gloire. Depuis 40 ans, en toute discrétion, les EAU se sont doté d’outils de persuasion très performants: une armée puissante, un complexe militaro-industriel moderne, une diplomatie tentaculaire. Si on ne leur marche pas sur les pieds et surtout si on s’abstient de toute propagande ou prosélytisme les émirats sont ouverts à tous. Ils échangent avec Israël sans aucun complexe et font un important business avec l’Iran distante de quelques encablures.
À Washington, ni l’administration républicaine, ni la démocrate ne sauraient se priver de l’avis des diplomates émiratis qui entrent sans frapper à la Maison Blanche.
À la cour de France au Moyen Âge, le bouffon était un personnage extravagant libre de parole et de posture qui participait à l’équilibre mental des souverains. Si Trump est fou, il faut espérer que l’histoire contemporaine contredira celle du passé en inversant les rôles.