mardi 20 février 2024

Le déterminant du vote musulman en France, c'est Gaza


Edgar Morin, 102 ans, est une conscience universelle bien vivante. Il est l’auteur de plus de cent ouvrages traduits en 28 langues qui éclairent la pensée des savants du Monde entier. 

Il se confie:

« Je suis à la fois ahuri et indigné par le fait que les descendants d’un peuple qui a été persécuté pendant des siècles…. puissent aujourd’hui non seulement coloniser un autre peuple, le chasser en partie de sa terre et vouloir l’en chasser pour de bon, 

mais qui, en plus, après le massacre du 7 octobre, se sont livrés à un véritable carnage massif sur les populations de Gaza…

et de voir le silence du Monde, (pudeur de pas dire de la France) le silence des Etats Unis protecteur d’Israel… »

À l’attention des mal-comprenants de Tel Aviv, voici par Google la traduction de son message: 

אני גם המום וגם זועם מכך שצאצאיו של עם שנרדפו במשך מאות שנים... יכול היום לא רק ליישב עם שלם, לגרש אותו בחלקו מאדמתו ולרצות לגרש אותו לתמיד, אלא שגם, לאחר הטבח ב-7 באוקטובר, ביצע קטל מסיבי של ממש באוכלוסיות עזה...ולראות את הדממה של העולם, השתיקה של ארצות הברית, מגן ישראל

Edgar Morin est « un juif gâteux, un chien qui mort ses frères, vieux débris antisémites… » commentent les Bibidolâtres qui se prosternent devant Netanyahu. 


Jacques Attali, fulgurant intellectuel, né au milieu du siècle dernier a publié lui aussi de son coté des rayons d’ouvrages de réflexions lumineuses.

Il écrit dans son blog: « l’histoire nous apprend qu’une société qui fonde sa survie sur la force et sur l’exploitation de ses voisins est condamnée à disparaître…..

Plus généralement, une société qui considère les autres comme étant d’une valeur inférieure à la sienne, court à sa propre perte… Le même sort menace aujourd’hui plusieurs nations, dont l’État d’Israël »

Tout comme Morin, Attali est pareillement vilipendé par les lobbies extrémistes israéliens. Mais sa prédiction redonne espoir aux arabes de libérer la Palestine et mérite d’être traduite par Google: 

أنا مندهش وغاضب في نفس الوقت من أن أحفاد شعب تعرض للاضطهاد لعدة قرون…. لا يستطيع اليوم فقط استعمار شعب بأكمله وطرده جزئيًا من أرضه ويريد طرده إلى الأبد فحسب، بل أيضًا، بعد مذبحة 7 أكتوبر، ارتكب مذبحة هائلة بحق سكان غزة... وأن يرى الصمت صمت العالم، صمت الولايات المتحدة، حامية إسرائيل


Pour mémoire, Edgar Morin « l’homme siècle qui a pensé sa vie et vécu sa pensée » a enseigné jadis au jeune Emmanuel Macron des leçons qu’il n’a pas écoutées. Et entre le Président et Jacques Attali, récemment caricaturé en marionnettiste par un antisémite , « à l’insu de son plein gré », les fils semblent coupés


Ségrégation citoyenne

Combien de franco-palestiniens ont pris les armes et rejoint les brigades du Hamas ? Sans doute beaucoup moins que les quelques 4 185 français recensés qui portent l’uniforme israélien. Seront-ils un jour tous traduit devant un jury ?

Combien de franco-palestiniens sont tombés à Gaza sous les bombes juives ? Sans doute autant sinon davantage que de juifs binationaux sous les balles des terroristes palestiniens. 

Rendre un hommage national aux victimes françaises juives du massacre du 7 octobre, c’est honorable; oublier ostensiblement les victimes françaises et palestiniennes des bombardiers et des snipers de l’état hébreu, c’est calamiteux. 

Président, Premier ministre, ministres, Présidente de l’assemblée, Président du Sénat…tous ont choisi leur camp comme les moutons de Panurge. Inconditionnels soutiens du pouvoir israélien, ils sont dans le déni de l’évidence et de l’ignorance de l’Histoire qui bégaye: Pétain complice de la Shoah, Mitterand complice au Rwanda… De quel coté est la France à Gaza ? Ici comme là-bas un pouvoir fasciste serait-il demain capable du pire ? De raser des banlieues pour punir quelques odieux terroristes ? 


Emmanuel Macron, au centième jour de déluge, au dix millième enfant, à la dix millième femme, à la trente millième victime civile… s’est réveillé pour tancer Netanyahu. Le 14 février il a appelé l’Israélien, et dans un flot de mots apaisants il lui a signifié que : "le bilan humain et la situation humanitaire étaient intolérables et les opérations israéliennes devaient cesser" Au bout du fil, l’autre a probablement ricané avant de raccrocher. 

Pour autant, cette timide évolution de la posture de l’Élysée n’est pas la conséquence des leçons de morale de Morin et Attali. 


Dans la perspective des échéances électorales le pouvoir est à l’écoute des instituts de sondages et des universitaires qui murmurent le poids grandissant de l’électorat franco-arabo-musulman. 

La professeure Blandine Chélini-Pont docteure en droit, docteure en histoire contemporaine est la référence première dans le champ de recherche de l’interaction entre politique et religion. Sa dernière publication Le vote des musulmans en France (2002-2022) : de l’électorat captif à l’électorat capté mériterait d’être affiché à la table de nuit de chaque décideur politique pour une lecture attentive à la pointe du crayon:  https://journals.openedition.org/rdr/2209


Le swing vote musulman

Avec 4,2 millions d’électeurs, le vote musulman représente 10% de l’électorat français. Il pourrait bientôt constituer un swing vote à l’américaine, c’est à dire un vote décisif de bascule. La communauté musulmane qui a plébiscité Mélenchon à 69 % au premier tour des élections présidentielles de 2022,  s’est abstenue à hauteur de 38% au second tour mais a voté massivement à 92% pour Macron et seulement 8% pour Le Pen. 

Différentes causes et hypothèses expliquent le choix de cet électorat de tradition républicaine qui penche à gauche et fait barrage à l’extrême droite. Prudente, Blandine Chélini-Pont conclut que la jeune histoire du vote des musulmans prouve par ses rebondissements que le contexte politique est volatile. 

On retiendra la confirmation documentée de l’existence de ce vote communautaire plus ou moins influencé par les événements, les législations, la mosquée, les mots d’ordres venus de l’étranger… ce dont on se doutait.  Mais tous ces travaux de recherches sont antérieurs à octobre 2023. Le génocide des Palestiniens a meurtri le fonds des âmes. L’ampleur de son impact sur les projections d’intentions de votes n’est pas encore mesuré. 

Mais assurément le déterminant politique premier des franco-arabo-musulman-es est désormais Gaza. 


vendredi 5 janvier 2024

Chammari militant tunisien

À cette époque post soixante-huitarde il habitait à Paris rue de la Glacière, une adresse impropre à calmer ses ardeurs rayonnantes et ses emportements d’indignations. Sa révolte contagieuse se nourrissait des injustices alors nombreuses au pays de Bourguiba. Pour des écrits d’étudiant exalté il avait été emprisonné puis en-caserné en Tunisie avant d’être libéré et placé sous  la surveillance permanente de quatre policiers qui se relayaient pour le suivre partout où il allait. Il avait fini par s’exiler à Paris avec son épouse Alya - qui deviendra avocate - pour faire grandir paisiblement leur premier enfant Ali qui partageait avec mon fils Selim la poussette et la compagnie d'une nounou normande prévenante. Nous étions amis. 

Khemaïs Chammari était de gauche. Pas seulement en paroles, en manifestation, en pétition comme la majorité des étudiants en ces temps là, mais, en force de rassemblement et de proposition d’actions. Du matin au soir, toute son énergie était tournée vers le sort des autres. Il était de tous les meetings, prenait la parole avec brio, courrait les salles de rédaction, écrivait des centaines de lettres et articles. Il parvenait par sa ténacité à convaincre même les gaullistes pompidoliens et les giscardiens qui étaient alors au pouvoir. Les communistes le respectaient, les socialistes mitterrandiens l’admiraient, les rocardiens l’adoraient. Chammari incarnait alors la jeune opposition tunisienne en exil qui demain prendrait la relève. Son combat ne se limitait pas à la Tunisie mais également à la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud et contre l’occupation de la Palestine. Avec son comparse M’Hamed Chabbi et quelques autres ils formaient une fraternité dont la pression  contribua à faire aboutir quelques décisions spectaculaires parmi lesquelles celle  du  gouvernement  français d’autoriser en octobre 1975 l’ouverture d’un bureau de représentation de l’Organisation de Libération de la Palestine à Paris. 

Et puis, notre petit groupe diplômes en poche s’est dispersé. Untel qui était maoïste est devenu banquier, untel trotskiste  a viré patron, un autre ancien vendeur de journaux à la criée s’est enrichi à millions; à l’approche de la trentaine, la plupart se sont appliqués à améliorer d’abord leur confort de vie. Chammari lui, a continué de labourer son sillon à grand coup de mots qui cinglaient les mauvaises consciences au prix de fins de mois difficiles. 

En 1981, la gauche arrive au pouvoir. Il est dans le cortège qui suit l’homme à la rose vers le Panthéon. Il a désormais ses entrées à Matignon. La plupart des ministres le tutoient. Pourtant, à peine de retour à Tunis, l’équipe de surveillance policière reprend ses habitudes devant son domicile avenue des États Unis d’Amérique. Toutes les victimes d’injustices connaissent son adresse personnelle depuis qu’il a été élu à la présidence de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme. On craint pour sa sécurité, au mieux on lui prédit un retour en prison, ce que ses nombreux amis parisiens désormais influents n’apprécieraient pas. Il ne lâche rien. Par sa capacité d’écoute et d’analyse, il reste l’homme le mieux à même de prédire l’évolution politique du pays. 

Début novembre 1987, alors que je séjourne à Tunis, il m’appelle pour me demander de passer le voir à son bureau de la Ligue. Nous sommes trop intimes pour ne pas comprendre l’ambiguïté d’un rendez-vous dans ce lieu que nous savons être truffé micros reliés au ministère de l’intérieur. Il récite sa leçon, je lui donne la réplique. J’ai compris son message d’alerte. Le lendemain, mon père qui était à l’époque le plus proche collaborateur de Bourguiba, me laisse entendre juste avant que je prenne l’avion pour Paris qu’un complot se trame. Il a refusé de se joindre aux conjurés, il est menacé. Le 7 novembre le général Ben Ali annonce son coup d’État. Bourguiba est placé en résidence surveillée.  Mon père est emprisonné. Me Alya Cherif Chammari, avocate au barreau de Tunis, épouse de Khemaïs accepte immédiatement de se constituer en défense.

Le coup d’état de Ben Ali est accompagné de promesses de démocratie, liberté, justice… auxquelles la plupart ont cru. Khemaïs Chammari s’y est un temps laissé prendre. Il est élu député mais va vite déchanter. Il retrouve alors sa condition d’antan avec le retour d’une garde rapprochée de policiers et de mouchards, l’ouverture de son courrier, les écoutes téléphoniques, les restrictions de voyager, les convocations et les interrogatoires inopinés. Comme il était friand de calembours, un jour au téléphone depuis Paris, je cite une tirade de Pierre Desproges entendue à la radio «  on reconnait une rouquine aux cheveux du père et un requin aux dents de la mer ». Une heure plus tard, il est conduit devant un inspecteur de police inculte et sans humour qui exige des explications sur la teneur de ce message suspect dont il peine à traduire en arabe la transcription de l’écoute. 

En décembre 2011, la Tunisie entière se révolte pacifiquement. Le satrape s’enfuit en Arabie, la démocratie nait. Dire que Chammari y est pour beaucoup serait trop; dire qu’il n’y est pour rien serait une ingratitude pour l’homme qui depuis l’hiver 1967 a lutté jour après jour pour l’avènement du printemps arabe. Pour la première fois de sa vie il est totalement  libre dans son pays. Les policiers hier encore chargés de le malmener lui donnent à présent l’accolade. Pour autant, il ne profite pas des circonstances pour se pousser du col et exiger revanches et prébendes. Il est ministrable mais ne sollicite aucun portefeuille. D’autres accaparent le devant de la scène. Chammari cicatrise lentement car on ne sort pas physiquement et mentalement indemne de 50 ans de bagarres et de tensions quotidiennes. Il grimace parfois de douleur, se déplace lentement avec une canne. Le colosse n’a plus toutes ses forces.  Le beau gosse d’hier a conservé le charme de son regard, sa capacité fascinante de s’exprimer avec les yeux, mais les médicaments l’on rendu boulimique, statique, comme pétrifié dans le nouveau volume de sa haute carcasse. 

Au Palais de Carthage on l’accueille sur tapis rouge, on le décore. Il est fatigué mais lucide. Il refuse les seconds rôles et les faire-valoir qu’on cherche à lui imposer. Il accepte la mission d’ambassadeur de Tunisie auprès de l’UNESCO dont le siège est à Paris où il pourra mieux se faire soigner. Un matin, à l’Académie Diplomatique Internationale de Paris, alors qu’on annonce son intervention, il se penche pour me dire dans un souffle: « j’ai trop mal, je ne vais jamais y arriver » Pourtant, il rassemble ses forces, se hisse à la tribune et alors que je m’apprêtais à appeler les secours, il improvise d’une voix claire l’un des plus brillants exposés jamais prononcés en ce lieu. 

À Tunis, les ambitieux se succèdent aux manettes au gré des changements politiques. Son ambassade est convoitée, il est rappelé. Épuisé, handicapé, il sort désormais rarement de la jolie maison qu’a dessinée sa fille Fatma, talentueuse architecte. Autour de son fauteuil, devant la télé des chaines d’infos, les derniers livres et les journaux en arabe et en français sont éparpillés. Les visiteurs se succèdent toute la journée: des journalistes de toutes nationalités, des hommes politiques de tous bords, des universitaires, et même des hommes d’affaires que l’avenir inquiète. Ses téléphones n’arrêtent pas de sonner. Puis au fil des saisons l’agitation se calme, la vieillesse et la maladie gagnent. Par un dernier sursaut de courage et d’élégance le militant a surmonté l’année, Khemaïs Chammari s’est éteint au matin de ce premier janvier.


mercredi 13 décembre 2023

"Ferme ta gueule !" Conesa

L’injonction « ferme ta gueule ! » lancée par Gérard Larcher à Jean-Luc Mélenchon est un avertissement qui s’adresse pareillement à tous ceux qui osent dénoncer l’épuration ethnique à Gaza.


Pierre Conesa est un personnage singulier dans le paysage médiatique des experts français en géostratégie. Spécialiste reconnu pour ses analyses et ses thèses sur les radicalismes de tous bords, la vingtaine d’ouvrages qu’il a publiés sont pour la plupart traduits et diffusés dans les universités du monde entier.

Jeune agrégé d’histoire, ce travailleur boulimique et curieux de tout passe un diplôme de mathématique, un autre de chinois et pour meubler ses insomnies…il prépare l’ENA. Reçu. Parmi les fils-à-papa empesés sortis de Sciences-Po, le jeune pied noir surdoué détonne par son calme, sa nonchalance et son apparente absence de passion. Est-il de droite ? De gauche ? Seule certitude, c’est un farouche républicain. À sa sortie de l’école, il part ronronner quelques années dans un tribunal administratif avant d’être chargé de la stratégie au ministère de la Défense. Dans ce poste qu’il conservera jusqu’à la retraite, ses analyses sont des perles rares que s’échangent un petit cercle d’habilités « confidentiel défense ». Conesa ne prend jamais de gants, il est factuel, dépouillé de tout préjugé. Chaque ministre pense à lui pour de très hautes fonctions dans l’armement ou le renseignement avant de renoncer car l’homme trop indépendant refuse toute allégeance politique. En quittant le ministère de la Défense, il pantoufle dans une société d’intelligence économique, puis délivré de son devoir de réserve il publie un livre fracassantdans lequel il accuse la dynastie des Saoud d’Arabie d’être le « géniteur de radicalisme » et de nourrir le terrorisme islamiste dans le monde. Dire que cet ouvrage a contribué à changer la perception qu’avaient les décideurs occidentaux sur le royaume de la duplicité et de la terreur n’est pas exagéré. Se demander si la thèse de Conesa est à l’origine des changements observés en Arabie Saoudite, c’est poser la question d’Edward Lorenz: « le battement d'ailes d'un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ? »

Nous avons oublié notre l’histoire  « Les cadavres jonchaient encore les rues. Des terroristes arrêtés, hébétés, demeuraient accroupis sous la garde des soldats…. Alignés sur les lits, dans des appartements dévastés, les morts, égorgés et mutilés (dont une fillette de quatre jours) offraient le spectacle de leurs plaies affreuses. Le sang avait giclé partout… À l’hôpital, des femmes, des garçonnets, des fillettes de quelques années gémissaient dans leur fièvre et leurs cauchemars, des doigts sectionnés, la gorge à moitié tranchée. » Le gouvernement soutenu par son opinion indignée déclare qu’il ne négociera jamais avec « ces terroristes ». Gaza ? Non. C’était en août 1955 en Algérie. C’est ainsi que Jacques Soustelle décrivait l’horreur. Le FLN venait d’appliquer à son tour, dix ans après le gouvernement français, le principe de « responsabilité collective » pour punir sans discernement les femmes et les enfants. Sept ans plus tard, en mars 1962, après d’innombrables massacres de civils de part et d’autre, la France signait la paix d’Evian avec une délégation de « terroristes ». Comparer les « terroristes » du Hamas avec ceux du FLN - que l’armée française désignait alors comme « hors la loi » -   n’est pas politiquement correct car chacun sait qu’aucun gouvernement israélien ne négociera jamais avec les « terroristes », ben voyons ! Il ne faut pas confondre les juifs de Palestine avec les pieds-noirs, aucun ne fera jamais sa yérida,  ben voyons !

Nous ignorons la géographie   La bande de Gaza c’est la superficie du Territoire de Belfort où vivent 200 000 habitants contre plus de 2 millions à Gaza. Il faut imaginer Belford sous des bombardements que la presse sans objectivité désigne comme des « frappes ciblées » qui sont en fait des tirs de missiles air/sol de trois cents kilos à dévastation spécifique largués depuis des drones ou des avions. 400 à 800 raids par jour. Plus de 100 000 victimes. La proportion 1/3 d’enfants, 1/3 de femmes est inégalée dans les guerres de l’histoire du monde. Comment qualifier cette boucherie sinon de génocide.

La Cisjordanie c’est la superficie de la Creuse ou des Yvelines. Trois millions de Palestiniens environ et un million d’Israéliens cohabitent vaille que vaille. Les Palestiniens administrent seulement 18% du territoire qui est un labyrinthe entrecoupé de routes murées et de barrages de sécurité qui rendent les déplacements kafkaïens. Encouragé par la droite radicale au pouvoir, des centaines de milliers d’Israéliens se sont appropriés par la force les meilleures terres palestiniennes. Chaque jour des fermiers sont expulsés sous l’oeil passif des autorités. Chaque jour des jeunes insurgés sont tués.

Ghetto ou pas ghetto   Il n’est pas politiquement correct d’assimiler le ghetto de Gaza à celui de Varsovie où vivaient « seulement » 380 000 juifs, ni de rappeler que ceux-ci finirent par se révolter. On ne peut pas laisser dire que des descendants de cette population martyre, chassée au lance flamme, déportée et en partie exterminée sont aujourd’hui la honte des démocraties occidentales.  Pourquoi pas ? Aux Etats Unis des rabbins organisent des rassemblements pour exiger « l’arrêt du massacre ». En France, des intellectuels juifs qui savent l’histoire, s’élèvent courageusement contre la réplique actualisée des ghettos du siècle dernier et donnent l’exemple à des dizaines de milliers de pétitionnaires indignés. À Paris, les manifestations de rue sont interdites par le gouvernement. Plus sioniste tu meurs ! De son coté, le président transgresse sa fonction, viole la constitution et tous les usages de la Vème république. Il encourage la tolérance à l’illégalité au point que même le CRIF, qui n’est pas un mouvement insoumis s’est indigné qu’il ait pu organiser une cérémonie religieuse juive à l’Élysée. Pour marquer définitivement la caducité de la loi de 1905 et apaiser la colère des musulmans des « ghettos du 93 » qui menacent de chahuter les JO, un mouton sera-t-il rituellement égorgé à la grille du Coq en juin prochain pour célébrer l’Aïd el-kébir en présence de Brigitte Macron ?

« Ferme ta gueule ! »   Cette sortie préméditée très médiatisée du Président du Sénat Gérard Larcher n’a pas pour objet de discréditer un opposant politique; elle est la réponse à toute tentative de débattre sur Gaza. C’est une injonction familière de comptoir employée par ceux qui sont à court d’argument. Elle vaut avertissement et précède souvent le geste de violence… toutes les épouses de machos vous diront qu’un « ferme ta gueule ! » précède la gifle. Cette insulte  calquée sur le célèbre « casse toi pauv con » de Sarkozy est indigne d’un personnage se réclamant de l’héritage moral de Charles de Gaulle. 

Cette instrumentalisation de l’antisémitisme qui est mis à toutes les sauces vise à paralyser la classe politique tout entière. Ainsi, voici l’ancien ministre des Affaires étrangères de Jacques Chirac, Dominique de Villepin, vilipendé pour avoir oser dire « la domination financière sur les médias et sur le monde de l’art et de la musique pèse lourd ». Lourd de sous-entendus pour certains médias qui ont traduit dans leur langage « domination juive ». Bientôt on ne pourra plus monter sur un plateau de télévision sans avoir présenté un mot d’accréditation de Meyer Habib, le député ami de Netanyahu !

Censure   Pierre Conesa est un habitué de BFMTV. Après avoir été invité deux jours de suite, il apprend qu’il est désormais interdit d’antenne. Le présentateur Yves Calvi aurait reçu des consignes de son rédacteur en Chef lequel aurait suivi des instructions venues d’en haut… De là à imaginer que Patrick Drahi le propriétaire israélien de la chaine ait mis son grain de sel, tous les antisémites sautent le pas. 

En Israel,  la chaine est regardée par quelques uns des  530 000 francophones qui n’apprécient pas tous le parler « cash » de Pierre Conesa. À propos de Gaza, celui-ci a osé aborder « l’épuration ethnique » rappelant l’expulsion des Arméniens par l’Azerbaidjan. Il a comparé le ghetto de Gaza à celui de Varsovie. Il a dit que deux extrémismes se faisaient face…Enfin, il a évoqué l’Algérie, rappelant qu’en son temps,  le FLN tout comme le Hamas avait été qualifié de « terroristes ». Que n’avait-il pas dit ! Il y a 15 000 000 francophones algériens dont quelques milliers de chatouilleux qui traquent les propos pour et anti de BFMTV.

Qu’on se le dise, la Palestine et l’Algérie sont des sujets tabous parmi beaucoup d’autres, et tous ceux qui s’écartent des éléments de langage de la « domination financière » sont  censurés. 

Alors,   « ferme ta gueule ! » Conesa.