Hélas,
diplomatiquement et militairement la France s'est laissé piéger.
On
imagine le tollé international qu'aurait soulevé une coalition
uniquement composée des Etats Unis et de l'Arabie Saoudite. Il
fallait à la conjuration un compère de moralité, un indigné
patenté, un tampon socialiste pacifiste droit-de-l'hommiste.
Ballot,
le Président
français,
sans doute instrumentalisé par le jeu de malice des
Saoudiens et des Israéliens,
s'est empressé de remplir la fonction. Les bleus du Quai d'Orsay
n'ont rien vu venir; ils se sont abstenu de poser des conditions.
Maintenant, il est trop tard pour faire machine arrière et le
dégagement diplomatique vers l'Iran qui s'amorce permettra tout
juste de temporiser. Reste que la facture risque d'être salée.
Car
la table de la diplomatie française a proprement été renversée!
Dans
le monde arabe, la fracture est consommée. Désormais, la chose est
entendue et répétée: Paris est inféodé. Oubliée la posture de
De
Gaulle dénonçant l'arrogance israélienne, balayée la main tendue
de Giscard aux
Palestiniens,
révolue la politique équilibriste de Mitterrand, effacée l'audace
de Chirac, amnésiées les bizarreries de Sarkozy. Désormais France
USA c'est kif kif. La posture du médiateur ami de tous est révolu.
Les accrédités du corps d'Orient sont discrédités.
A
Pékin, nos plénipotentiaires rament, à Moscou, ils plongent,
partout ailleurs, ils tentent d'expliquer en apnée que Paris reste
la capitale d'une nation libre et indépendante dont l'influence
dépasse largement les faubourgs de Bamako. A l'Assemblée Générale
des Nations Unis, les pays en espoir de développement et les pays
émergents ricanent. A Bruxelles, les piliers fissurés de l'Union
Européenne menacent de s'effondrer; celui de la Politique Etrangère
et de Sécurité Commune (PESC) est ébranlé, l'Europe de la défense
est une histoire ancienne oubliée, la force européenne d'action
rapide est une galéjade du siècle passé.
Qu'importe,
sous les ors des Palais hypothéqués de la République Française
l'illusion de la grandeur demeure. Le conseil de sécurité, le véto,
l'arme nucléaire, autant de dissuasions inopérantes qui servent
encore de prétextes pour parader et confondre offensive militaire et
défilé du 14 juillet.
L'Elysée
fébrile tonne et gronde mais le porte-avion reste à quai.
L'aéronavale qui n'est pas en capacité de «punir» sans
l'assistance d'Israël et de l'US Army attend le feu vert pour
appareiller. Sur zone, quelques centaines de matelots patientent en
faisant des ronds dans l'eau. Des chasseurs bombardiers sont
pré-positionnés en méditerranée.
Le scénario est au point:
quelques Rafales
iront larguer des missiles Scalp «fire and go» à bonne distance
des côtes syriennes.
L'armée
française est surtout crédible au sol. Elle excelle dans le sale
boulot, celui de risque-sa-peau. Comme en Bosnie et en Afghanistan. En Syrie, à l'inverse de la Libye et du Mali, les opérations
ne se limiteront pas à quelques canonnades à distance. Il faut
s'attendre à encaisser les coups qui viendront en retour. Les
combats au sol seront inévitables et contrairement aux Américains
qui sous traitent aux armées privées (Blackwater/Academi) et aux
Saoudiens qui disposent d'un réservoir de Pakistanais,
l'armée française
n'a ni mercenaires ni supplétifs à sacrifier. A moins que le Tchad
et le Mali...
La
guerre zéro mort étant illusoire, Paris et Tel Aviv évaluent le
nombre de victimes que son opinion est prête à supporter. Le
pouvoir syrien fait exactement le même calcul. Il prépare sa
riposte en conséquence sachant que quelques centaines de victimes
suffiront à faire lever les pouces des attaquants. Car en dehors des
révoltés syriens, des moujahdines fanatisés et des
révolutionnaires hachichés, qui est prêt à mourir pour la Syrie?
Même à très bon prix car l'argent n'est pas un problème depuis
que l'Arabie s'est engagée à couvrir l'intégralité des
dépenses de guerre: «without any limit» a précisé le ministre
salafiste.
Mais, la population française en majorité hostile à
l'engagement de Hollande ne supportera pas la vue d'une goutte
de sang et il est
à craindre
que dans l'hexagone, la guerre consolidera une alliance de
circonstance entre la droite parlementaire, une partie de la gauche
et même le Front National!
La
perspective de sortie de crise s'annonce donc avec un retour sur
investissement négatif. Car après
le cessez le feu, la mise en accusation de Bachar, la construction
des murs d'une Syrie fractionnée en ruine...
In fine, au terme de la
pantomime
diplomatique et sanglante, qui sera le dindon de la farce?
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