dimanche 7 février 2021

Le monde est malade, la Chine se porte bien

C’est en prenant du recul que l’Histoire pose les jalons de la bascule du temps. Le Moyen-Âge, la Renaissance, la Révolution Française, les guerres mondiales sont des périodes traits d’union. Singulièrement, 2020 s’inscrira comme la date précise et facile à retenir du passage au monde nouveau.

L’année 20 a été déconcertante 

Au plan économique et financier le baril de pétrole s’est « vendu » un temps à moins 34 $ pour rebondir à 60 $; les emprunts d’états se sont négociés à des taux négatifs; l’action Tesla a bondi de 600; la valeur du bitcoin a quadruplé. 

Le désordre climatique s’est accentué: l’Australie et le Brésil se sont embrasés; il a neigé dans le désert d’Arabie pendant qu’une canicule gagnait l’Antarctique…

La cybercriminalité s’est généralisée au point de devenir le risque majeur des  organisations civiles et militaires. Après la guerre des étoiles, c’est la guerre de la toile.  

Ces désordres pourtant très alarmants ont été escamotés par la formidable implosion de la bombe Covid dont on ne connait ni l’origine, ni la cause, ni les effets, ni les conséquences sur l’avenir.


Safe China

Les statistiques journalières du centre John Hopkins égrènent les scores de cette « guerre biologique » qui a épargné la Chine - 4 600 victimes - et ravagé le reste du monde faisant provisoirement plus de 2,2 millions de morts.  La Corée du Sud, Taïwan, le Viet Nam sortent également quasi indemnes.  Ils ont employé la seule méthode efficace pour lutter contre les épidémies depuis la nuit des temps: détecter, tracer, isoler. Ce palmarès de la gouvernance bouleverse les équilibres et les rapports de forces géostratégiques. 

On se consolera en songeant que le désastre eut été bien plus grand encore si la pandémie avait terrassé ces pays et fermé leurs usines. Où aurions nous trouvé les masques, les tests, les respirateurs, les lits de réanimation… et la foultitude de produits usinés dont la production de masse au moindre coût est devenue un monopole asiatique au fil de la mondialisation. Le « système des objets » décrit par Baudrillard en 1968 est made in China.


Les forces armées désarmées par les virus

Au cybervirus qui détruit les systèmes d’information et obère l’usage des matériels, s’ajoute désormais la menace invisible  et létale du biovirus. Nous sommes passé de l’arme nucléaire de destruction massive à l'arme virale de neutralisation globale.


Après avoir brièvement communiqué sur l’immobilisation des porte-avions et des frégates, les États se sont bien gardé de publier les effets de la COVID 19 sur la disponibilité de leurs forces et la perte de leur capacité d’emploi. 

Ce n’est pas un hasard si les deux nations proportionnellement les plus militarisés du monde, les Émirats Arabes Unis et Israël, se sont précipitées pour vacciner massivement leur population. Dans les Émirats les officiers (nationaux) ont eu droit au Pfizer, les hommes de troupe (étrangers) au vaccin chinois. Cela n’a pas empêché l’État Major d’être contraint d’alléger ses opérations extérieures au Yémen, au Somaliland et en Libye. 

En Israël, 12 500 soldats ont été mis en quarantaine et toutes les permissions ont été annulées (Time of Israel 2 février)

Au Maroc, l’armée est prioritaire et nul n’a protesté. Mais en Espagne, le Chef d’État Major a été contraint de démissionner pour s’être fait piquer avant tout le monde.

Aux États-Unis, les armées  publient chaque jour un bilan détaillé: 228 000 cas positifs et 256 décès (5 février). La vaccination reste au choix du soldat mais le port du masque est devenu obligatoire.

En France, le ministère de la défense communique a minima.  La contamination affecte la troupe « dans les mêmes proportions que les civils » 


Vaccin diplomatique

L’Union Européenne qui a choisi de grouper ses commandes est à la remorque. La Hongrie dissidente a homologué les vaccins chinois et russes pour compléter ses besoins et il est probable que d’autres pays de l’UE suivront ce mauvais exemple devant l’évidence qu’il n’y aura pas avant longtemps suffisamment de doses pour tout le monde. 

Les Britanniques promptement et massivement vaccinés se félicitent de s’être affranchis de la bureaucratie bruxelloise. C’est le premier effet positif du Brexit !


Le choix de la nationalité du vaccin est une posture d’alignement diplomatique. D’un coté les euro-étasuniens, de l’autre les sino-russes. Mais la concurrence fait rage dans chaque camp et tous les coups sont permis.

Algérie et Maroc qui se regardent en chiens de faïence ne pouvaient envisager de fédérer leurs commandes. 

Le roi du Maroc vient de se faire injecter la première des 65 millions de doses de toutes provenance qui seront administrées à ses sujets. 

Le Président algérien qui est à toujours en décovidage dans un hôpital allemand a commandé aux Russes le Spoutnik V dont 500 000 échantillons sont attendus sous peu. Alger qui ne craint pas le désastre envisage un transfert de technologie pour produire localement le vaccin. 


Hallal et kasher

Il semblerait que l’option chinoise, un moment envisagée, ait été écartée après que les réseaux sociaux aient révélé la crainte que le produit comporte un adjuvant à base de gélatine de porc ! Les scientifiques ont apporté des certitudes qui n’ont pas rassuré les incrédules. Mais c’est finalement le principe de précaution qui a été retenu. 

À l’autre bout du monde, le Président indonésien a consulté le conseil des ulémas avant de donner de sa personne en se faisant vacciner en grande cérémonie. 

Dans l’État hébreux, un sage religieux a démontré que la question de l’adjuvant porcin ne se posait pas,  le produit n’étant pas consommé par voie orale. Le message n’a pas totalement convaincu. Tout comme les musulmans salafistes, les irréductibles intégristes juifs refusent catégoriquement la piqure et c’est par milliers que chaque jour, ils défilent dans les rues de Tel Aviv sans masque, agglutinés en grappes derrière le cercueil de leurs rabbins qui décèdent les uns après les autres…. de la Covid.


Course au désarmement et sauve qui peu

Le vaccin est une protection dont l’efficacité sera améliorée au fil du temps par des réponses adaptées au fur et à mesure des mutations du virus. 60 sont en attente d’essais cliniques et 170 au stade de recherche (dont un français). C’est un espoir réconfortant qui s’ajoute à celui des médicaments innovants. Mais il est à craindre que dans les années à venir une course à l’échalote s’engage entre le mal et le vaccin car pour le moment, aucun scientifique n’évoque l’éradication de la pandémie. Alors, il faudra continuer de vivre masqué dans une ambiance anxiogène, entourée de sauve-qui-peu.

Député français Monsieur Meyer Habib est fier d’avoir été le premier homme politique français à s’être fait piquer…. en Israel ! Plus digne est la posture de Bill et Mélinda Gate  qui appellent de leurs voeux un monde post-pandémique plus fort, plus égalitaire, plus résilient et souscrivent à la lutte contre la COVID pour 1,7 milliards de dollars au profit de COVAX la centrale d’achat et de distribution équitable des vaccins de l’OMS.



Vaccin bien public mondial ?

Le 12 janvier, une information importante est passée sous les radars de la presse française. Il s’agit de la démission surprise des dirigeants du géant chinois Sinopharm dont le vaccin venait d’être homologué par les autorités deux semaines plus tôt. Le nouveau PDG, ingénieur dans l’industrie médicale est aussi membre du Comité national de la Conférence consultative politique du peuple chinois. Le parti commande au fusil disait Mao. 

En Chine, la politique est toujours au centre de toute action. Chaque entreprise possède une cellule du parti communiste (90 millions d’encartés). Celle-ci n’intervient pas directement dans la gestion mais elle veille au respect de la doctrine dont la santé est l'un des piliers stratégiques. 

Le Président Xi Jinping a réitéré son souhait de proclamer le vaccin « bien public de l’humanité » au même titre que l’air ou l’eau. Le Président Biden n’y a pas encore fait écho, mais c’est sans doute un thème d’apaisement et de rapprochement dans la conjoncture de tension entre leur deux pays.

En attendant, Pékin aura t-il les moyens d’imposer sa volonté notamment aux géants de l’industrie pharmaceutique occidentale avec lesquels il a noué au fil des années des partenariats très étroits de co-traitance industrielles et de recherche et innovation ? 

De l’issue de cette partie de Mah-Jong avec la Maison-Blanche et les dix premiers laboratoires pharmaceutiques (Big Pharma) dépend l’approvisionnement global et équitable des humains en vaccins. Finalement, Pékin et Washington portent l’espoir d’une incertaine mais indispensable souveraineté sanitaire mondiale.

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