vendredi 3 janvier 2025

Le couple de l'année selon l'IA


Je reçois sur mon téléphone la photographie d’un couple bras dessus, bras dessous. Tout sourire ils présentent leurs voeux pour une année politique heureuse, sereine et apaisée. Je ricane car cette image plus vraie que vraie est fausse bien sûr ! 

Qui pourrait croire à une année de miel entre Mélenchon et Le Pen ?


L’intelligence artificielle à l’origine de cette bêtise est l’outil d’influence superficielle de notre quotidien. 

Pourtant, l’image subliminale fait son effet, à bien y réfléchir, la fiction est tentante.

L’attelage aurait la majorité absolue au parlement avec un gouvernement de scènes de ménage mais sans 49.3. La République ce serait eux… On peut multiplier les « si » et les conditionnels, imaginer les perspectives ubuesques ou tragiques…L’IA ouvre un infini champ de délires.


Dans la vie courante, chacun connait l’exemple de couples dont les échanges hostiles et incendiaires de leur première rencontre ne laissaient pas prévoir un destin amoureux commun. La psychologie humaine est insondable. Les unions de raison pour convenance mercantile sont aussi des compromis politiques. Après tout, lorsque les intérêts supérieurs de la nation le commandent, lorsque la guerre menace, tout est possible. L’Histoire nous l’enseigne. 


En 1940, l’un des tout premiers résistants à rejoindre la France combattante est père de trois jeunes enfants. Il en abandonne la garde à sa jeune épouse enceinte pour aller se battre contre l’envahisseur. Arrivé à Londres, il toque à toutes les portes britanniques et françaises. D’abord, les militaires ne  prennent pas très au sérieux ce grand naïf exubérant qui ne cache ni ses convictions monarchistes très droitières ni sa ferveur catholique. Mais il est sympathique, il a du charisme et du culot, alors les services secrets le renvoient en France en mission d’espionnage à très haut risque. Sillonnant la France occupée de paroisse en paroisse, il parvient à tisser un formidable réseau d’information et d’action en un temps record: la Confrérie Notre-Dame. Gilbert Renault sera vite promu colonel, son pseudo sera Rémy. Après la guerre, il écrira une dizaine d’ouvrages sans fioritures qui se lisent les yeux écarquillés. À Londres, il est jalousé à cause de ses exploits, de sa désinvolture et surtout parce qu’il est devenu un familier du couple de Gaulle. On le mandate vers une mission impossible: aller convaincre les résistants communistes de s’unir aux combattants gaullistes de la France Libre. À Paris, les camarades du parti ne prennent pas Rémy au sérieux, mais sa proposition remonte au comité central clandestin. Le député Grenier le rencontre et immédiatement, le courant passe entre les deux hommes. Rémy propose de le conduire clandestinement à Londres. Et c’est ainsi que l’ancien jésuite, sympathisant de l’Action Française, employé de banque et producteur de cinéma va voyager de concert avec l’ouvrier boulanger Fernand Grenier élu communiste de la Seine Saint Denis. Ensemble ils déjouent les contrôles de la police allemande et parviennent miraculeusement à embarquer sur un rafiot de pêche en Bretagne. À fond de cale cachés dans les filets qui puent la marée, ils passent huit heures enlacés avant d’être transférés sur un chalutier britannique. Ça créé des liens. Grenier/Rémy, à la vie à la mort, deviendront des adversaires-amis inséparables.


À la même terrible époque, les anglo-américains qui préparaient le débarquement dans les colonies françaises d’Afrique du Nord voulaient s’assurer l’aide de résistants. Mais Alger était alors plus pétainiste que Vichy et plus fasciste que Rome ! Les arabes algériens rasaient les murs, les gaullistes étaient traqués, les mal pensants déportés. Les cent mille juifs avaient dès 1940 été dénaturalisés, « épurés » de la fonction publique, réduits au statut « d’indigènes dominés » comme les musulmans. Pour se donner une idée du racisme de l’époque: en Août 1942, le maire de Zeralda Denis Foucard, avait interdit par affichage l’accès de la plage publique « aux chiens, aux chevaux aux juifs et aux musulmans ». 25 récalcitrants arrêtés périront asphyxiés dans la cave de la mairie dont on avait intentionnellement fermé les vasistas. 

C’est dans ce contexte que dans  la nuit du 8 novembre 1942 un groupe clandestin de 400 jeunes résistants s’empara des sites stratégiques d’Alger et séquestrèrent les généraux vichyssois. En obtenant la reddition de la ville, ils ont permis aux alliés de débarquer sans opposition. À l’initiative de cet exploit deux hommes: José Aboulker et Henri d’Astier de la Vigerie que tout séparait. Ils s’étaient rencontrés huit mois auparavant et avaient décidé d’unir leurs forces. Ce fut, racontera le docteur Aboulker « l’entente parfaite. Il était royaliste et antisémite. Il avait 45 ans. Je suis juif et antifasciste. J’avais 22 ans. Notre motivation commune était le patriotisme ».


Entre les héros de 1940 et les leaders politiques de 2025, comparaison n’est pas raison. Ceux-ci étaient dans l’action, ceux-là sont des diseurs de rien. Formons le voeu que les guerres d’Ukraine et de Palestine n’embrasent pas la France et que, dans l’éventualité cauchemardesque inverse - et uniquement dans celle-ci - l’image IA du couple Mélenchon-Le Pen ait été prémonitoire.