Les oubliés de la Saint Valentin sont en cet après-midi dominical fiévreusement rassemblés à Pleyel pour assister à un opéra-concert à la gloire de César et Cléopâtre. Ils viennent pour s’emplir d’une émotion délicieusement douloureuse, promesse d’une distribution éblouissante. Je suis là ! Si !
D’entrée la cantatrice Nathalie Stutzmann suspend le temps, la salle soupire en communion. On se dit que cet instant rare ne se reproduira plus jamais.
A l’autre bout de la scène, la Bartoli applaudit du bout des doigts le regard noir. Assis à trois mètres, je la sens crispée et inquiète. Cléopâtre jalouse de Cornelia ?
Rachid Ben Abdeslam est Le contre-ténor arabe. Il n’y a pas deux chanteurs lyriques chez les maures. Il est là. Il est facétieux, il chante Haendel à la joie et au clin d’œil il arrache quelques rires d’admiration et un tonnerre d’applaudissements. Ya Si Rachid, tu mérites le râle d’extase que le public lâchait à la fin de chaque montée lyrique d’Oum Khalthoum…
Cécilia sourit et acclame aussi le Marocain. Dans son regard l’espièglerie brille à nouveau. Pas pour longtemps.
Anna Bonitatibus ramène Pleyel à l’essentiel. L’ascension vers des délices fulgurants. On ne s’y attendait pas. Ovation. Je regarde Bartoli qui se tasse, se concentre puis s’évade les yeux clos.
Le grand William Christie semble presser le mouvement de son orchestre. Le subtil contre ténor Andreas Scholl dodeline poliment, César a compris que la Saint Valentin était jour de femmes exclusivement.
Enfin, la diva se lève d’un bon. En trois notes tout est dit la salle est au diapason. Le timbre surpasse tous les autres. L’oreille est bouleversée par cette plainte jamais entendue. Lentement, longuement, désespérément et comme pour la première fois Cécilia Bartoli révèle l’amour à son public.
Au troisième rang, enfoncé dans son siège trop grand, un garçon sage de huit ans n’en a pas perdu une miette
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