samedi 20 février 2010

Faim de fin

A Versailles rue de la Paroisse il y a en face de l’église un pâtisser qui fait des délices. Un peu plus loin un boulanger vend du pain qu’on dirait du gâteau. J’ai commencé l’après midi à arpenter le trottoir allant de l’un à l’autre car j’avais décidé de me suicider par ingestion de douceurs.

Après quatorze millefeuilles, je tombai à genoux devant une librairie. Des âmes charitables se précipitèrent. Un Monsieur-comme-il-faut me releva, une dame me glissa un petit billet dans la main et une fillette en socquettes m’offrit un pain au chocolat. Les braves gens attribuant sans doute ma faiblesse au carême avaient cru m’entendre gémir « c’est la faim ! »

Déjà un attroupement se formait, alors j’entrai me réfugier chez le marchand de bouquins. Au fond du magasin je me surpris à mordre dans une friandise de François Cheng sur l’art du trait. La dernière fournée de l’Académicien calligraphe « Et le souffle devient signe » est une délectable confidence qui tempère le cœur et le ramène dans son rythme apaisé. Alors, je m’enhardis vers les étalages.
Je retrouvai le sourire devant la dernière péroraison d’une ministre bradée au tiers de son prix et la prose de l’ex-Président soldée aussi. Je jurai in-petto que si la vie ne m’était pas parcimonieuse, je reviendrais les voler.

J’allais ensuite parcourir une étude savante chapitrée en sociologie de la burka, ethno-océanographie du burkini, gastronomie du burger halal. Je me sentis barbouillé à nouveau. Mais alors que je chavirais, d’un nuage de Lutens une beauté me ranima. Sa main secourable me guida vers le rayon des affamés où Monique Zetlaoui régalait les « Exquis promeneurs ». Je m’y arrêtai longuement pour tremper ma curiosité dans une savoureuse mloukhiya dont la savante historienne retrace l’épopée depuis l’antiquité. Ce plat unique au monde est le marqueur de l’identité Egyptienne et Tunisoise. Le reste du monde est bien à plaindre qui ignore cette volupté ! Au dessert je picorai l’étonnante saga des olives et me régalai d’une figue sèche de onze mille ans.

Enfin revigoré, je quittai le libraire en emportant aussi mon encre de Chine et par précaution je garnis mes poches de Murakami et de Kourkov. On n’est jamais à l’abri d’une petite fin !

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