dimanche 11 janvier 2015

La Tunisie est Charlie




La misère n'est pas moins pénible sous le soleil de Tunis. Tous les Tunisiens sont effondrés et navrés. Rares sont ceux qui ont lu l'Hebdo satirique « bête et méchant », mais tous sont affligés sincèrement. Devant la résidence de France à La Marsa, des jeunes sont venus déposer des fleurs et des bougies. La communion dans la tristesse a même gagné l'ambassadeur des Etats Unis en Tunisie ; devant un aréopage de galonnés de l'armée tunisienne réuni pour la livraison d'un avion « made in USA », il a commencé son speech par un inattendu « Je suis Charlie !...»
Echo tonitruant à la tragédie de France qui contraste avec la discrète douleur quotidienne de la Tunisie.

Pourtant, quelques heures plus tôt, un agent de police agressé à l'arme blanche était parvenu à fuir.
Une semaine auparavant, son collègue n'avait pas eu cette chance. L'un des assassins, 20 ans, raconte: "le soir des faits, nous avons décidé après la prière du ïcha, d'aller vers le rond point. Nous étions armés de couteaux. Après une longue attente, nous avons décidé de rentrer. C'est alors que nous avons croisé le policier Mohamed Ali qui passait à bicyclette, nous l'avons poursuivi et égorgé".
Faits divers, dont les Tunisiens ne tiennent plus la comptabilité. Ici, on assassine même les députés ! Alors la terreur salafiste, on commence à s'accoutumer.
Pourtant, la sidération est grande car les barbares à présent, s'attaquent à la France ; l'ultime refuge, le plan B de tous les Tunisiens. Les liens de familles entre les deux pays sont innombrables, alors forcément, dans le camp des victimes comme dans celui des salauds, il y a des parentés.

Wolinski était un peu de Tunis. Il avait fréquenté l'école Carnot, son grand père tenait la fameuse pâtisserie en face du lycée de l'avenue de Paris « Chez les nègres ». La compassion solidaire des Tunisiens avec les journalistes parisiens est d'autant plus sincère que deux des leurs ont disparu en Libye. On les croit égorgés. « Je suis Sofiane, je suis Nadir » proclament quelques calicots.
Heureusement, « Z » est bien vivant. Le plus talentueux des caricaturistes tunisiens avait pris la salutaire précaution de se cacher sous la dictature. Il a estimé fort opportunément de rester anonyme sous la révolution et pendant la restauration. « Z »  http://www.debatunisie.com c'est un concentré d'intelligence et de drôlerie. C'est de la dynamite pour les dictateurs et les salafistes, c'est le porte étendard survivant de la joyeuse bande des crayonneux mécréants.

Nul n'a encore osé lancer « je suis Hattab » du nom de cette famille tunisienne endeuillée par la mort de Yohav, fils du grand Rabin de Tunis, abattu dans l'épicerie de Vincennes. Les condoléances officielles se font attendre, les hommages ne sont pas spontanés à un exception remarquable : celle d'Ennahdha le parti islamiste.

La Tunisie est une banlieue de la France. Elle a été la première à être frappée par l'onde de choc des guerres d'Irak, de Syrie et de Libye. La semaine dernière, le tsunami salafiste a traversé la Méditerranée. C'est sans doute pourquoi, sur le registre de condoléance de l'ambassade de France à Tunis, le premier ministre tunisien Mehdi Jomâa a écrit : « Nous sommes du même coté... »
France et Tunisie bras dessus bras dessous à Paris pour la journée de la fraternité, de la République à la Nation. C'est heureux.

Cependant qu'à Jeddah en Arabie salafiste où s'est réfugié Ben Ali un blogger satirique, Rahif Badawi – il est Charlie - était flagellé devant la foule. 

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