lundi 2 mars 2020

Coronavirus, le patient zéro n'est pas un inconnu

En mai 2018, le Centre de sécurité sanitaire Johns Hopkins organisait à Washington des ateliers de simulation avec des jeux de rôles partagés par de hauts responsables de la sécurité nationale. Le scénario décrivait les ravages de la propagation d'un virus « Clade X » qui faisait 150 millions de victimes dont 15 aux États Unis. La documentation des conséquences collatérales aux USA fait froid dans le dos : dégringolades boursières de 90%, faillite des banques et des fonds de pension, économie en récession , chômage à 20%, paupérisation, pénuries, émeutes, institutions décimées, vice-Président décédé, Président en réanimation...

Il a six mois, une équipe de prévisionnistes du Center for Strategic and International Studies conduite par Samuel Banner imaginait pareillement la fiction d'une pandémie de coronavirus en 2025 dont voici le récit. Échappé suicidaire ou involontaire d'un laboratoire ultra sécurisé en Allemagne, le patient zéro prend l'avion pour New York , traine dans les aéroports et propage l'infection. En trois mois la planète contamine 800 millions d'habitants et cause 25 millions de morts. Ce thème a été soumis à la réflexion d'une soixantaine de spécialistes de la prévention et de la gestion des crises.
Les deux « exercices » précités, réalisés par des institutions de notoriétés internationales concluaient à l'évidente nécessité de mettre en œuvre une série de mesures préventives. Gouverner c'est prévoir et prévoir c'est savoir écouter les prévisionnistes.

Pékin a vite compris que la bombe biologique était capable de tuer des millions d'êtres humains. L'état d'urgence a été décrété, l'armée nationale mobilisée. Masque pour tous, confinement, réquisitions, constructions d'hôpitaux en quinze jours. Exemplaires, les autorités ont collaboré avec l'étranger et l'Organisation Mondiale de la Santé, elle ont communiqué au jour le jour les statistiques, les symptômes, les essais thérapeutiques, etc... Mais du haut de leur suffisance, les capitales étrangères ont d'abord exigé le rapatriement de leurs ressortissants. Elles ont ensuite cherché à comprendre, et surtout à identifier le responsable, le patient zéro ; consommateur de viande exotique ou travailleur au laboratoire de recherche P4 ultra confiné (vendu par la France) ? Chacun était alors convaincu que le mal ne sortirait pas de Wuhan. Les télé-experts ont même cru deviner quelques manœuvres de circonstance au sein du parti communiste, ils ont spéculé sur une action de sabotage d'un opposant au régime, sur l'absence d'hygiène de la population, sur la défaillance des infrastructures sanitaires.... Bref, ce n'était pas dramatique car la maladie étant sino-chinoise, il suffisait d'un moment d'apnée pour l'éviter. À Paris, les restaurants des quartiers de la porte d'Ivry et de Belleville se sont vidés. Dans le métro, des regards hostiles croisaient ceux des yeux bridés. Pendant plusieurs semaines, au lieu de nous préparer, nous avons contemplé à la télévision l'agitation des fourmis masquées dans un monde qui ne nous concernait pas. Las, il est peu probable que ce temps ait été consacré à préparer la mobilisation des industries et des chaine d'approvisionnement vitales.

La France n'eut pas le temps de s'indigner de l'absence de frontières sanitaires avec l'Italie qu'elle était à son tour infectée. Affichant son sang-froid, Macron avec courage s'en fut serrer les mains suspectes à l'hôpital de la Pitié-Salpétrière. Le gouvernement attendit le dernier jour pour fermer le salon de l'agriculture (bouillon de culture) mais se garda bien d'annuler le foot. Les autorités françaises ont choisi de répondre à l'urgence au jour le jour, de façon « proportionnée » pour ne pas alerter « inutilement » la population. Mais les hôpitaux sont débordés, le 15 est saturé, les masques et les combinaisons sont introuvables. Pour rassurer, les professeurs de médecine défilent à la télé. La protection civile et le service de santé des armées n'ont pas encore été sollicités. L'état d'urgence n'est pas envisagé. Matignon est obsédé par la réforme des retraites et les élections municipales.

Contrairement aux asiatiques qui perçoivent le temps long, les occidentaux agissent et « profitent » de l'instant présent, le passé révolu et l'avenir lointain ne les concernent pas. C'est sans doute la raison pour laquelle tous les prévisionnistes ont imaginé dans leurs scénarios que la bombe biologique sera désamorcée par la découverte d'un vaccin miracle.... en Chine.
Reste maintenant aux chercheurs en boule de cristal à imaginer le monde qui émergera de la crise dévastatrice qu'ils avaient prédite.



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