On se souvient que pour son premier voyage officiel à l’étranger, Trump s’était précipité en famille en Arabie Saoudite où il avait donné carte blanche aux Salmane en échange d’un chèque de 100 milliards de dollars.
Le Président Biden lui, s’est contenté d’un appel tardif par téléphone au sénile roi d’Arabie, père du prince MBS l’assassin de Khashoggi. Politesse diplomatique oblige, le sujet sanglant n’a pas été abordé. L’échange s’est réduit à deux monologues par le truchement des interprètes.
Le communiqué laconique de douze lignes de la Maison Blanche reprend les traditionnelles formules protocolaires sur les relations séculaires entre les deux pays, la paix au Yémen et la sécurité de la région face à l’Iran. Pourtant, les trois quarts du texte évoquent un sujet totalement inédit dans les usages diplomatiques.
Le Président a noté avec satisfaction la libération récente de plusieurs militants saoudo-américains et de Mme Loujain al-Hathloul, et a affirmé l’importance que les États-Unis accordent aux droits de l’homme universels et à l’état de droit.
Il faudrait souligner trois fois ces mots car ils renversent la tables des connivences habituelles. Dans les chancelleries arabes, le message a fait sursauter. Désormais, on ne touchera plus à la liberté d’un citoyen binational sans craindre la foudre de Washington. C’est bien.
Mieux, Loujain al-Hathloul sujette saoudienne, qui a grandi en France (Paris ne s’en souvient plus), persécutée, emprisonnée, torturée et enfin libérée est désormais sous la protection des États-Unis. Le jour où elle pourra s’y rendre, il est probable qu’elle sera célébrée en héroïne sous une pluie de confettis sur la 5ème avenue de New York. Les mots de Biden portent un message d’espoir pour toutes les Loujain arabes martyrisées. Biden inaugure une nouvelle doctrine d’intervention dans les affaires judiciaires d’un pays. À l’avenir, l’injustice et la menace sur les droits d’une personne justifieront l’ingérence des États-Unis dans les affaires intérieures d’un pays. C’est la jurisprudence al-Hathloul. S’appliquera t-elle aussi à la Russie, la Chine, la Birmanie ?…
Alors que sous Trump et ses prédécesseurs les États-Unis taisaient les atteintes aux libertés fondamentales en Arabie, Biden soufflette les Saouds en leur rappelant la primauté des droits de l’homme et de l’état de droit. Cela signifie t-il que toute autre considération et marchandage mercantile (pétrole, armement…) seront sans effets ? L’avenir le dira, mais en attendant c’est une déclaration d’intention singulière à marquer d’une pierre blanche.
Lorsqu’on connait l’état des libertés publiques en Arabie, on imagine l’espérance que le message de Biden a provoquée dans le petit peuple du royaume des ténèbres. On se souvient que les printemps arabes avaient été encouragés/déclenchés par le discours de Barak Obama à l’Université du Caire en juin 2009. Pareillement, on peut supposer que les premier mots adressés par le nouveau Président Biden au monarque saoudien le 25 février 2021 vont résonner haut et que les droits de l’homme constitueront désormais le coeur de la feuille de route du Département d’État, nouvel adepte de la « Diplomacy of Conscience». Tout en se gardant d’être naïf ou angélique, ces intentions sont de bonnes augures et portent l’espoir que la réaction du nouveau « gendarme du monde» modérera le sentiment d’impunité des dictateurs arabes.
Sous la protection de Trump, la dynastie Ben Salman avait pu sans crainte multiplier les exécutions sommaires, séquestrer contre rançon des centaines de princes et d’hommes d’affaires, retenir contre son gré un premier ministre étranger (Saad Hariri), massacrer impunément pendant six ans les populations du Yémen… De ces opérations préméditées, la plus « aboutie » aura été l’équarrissage de la dépouille de Khashoggi au consulat d’Arabie d’Istanbul. Celle-ci, comme toutes les précédentes, avait pour but de susciter l’effroi et la terreur. Elle a révulsé au-delà de toute expectation le monde entier. Elle a révélé le mode de gouvernance de MBS par l’intimidation. Où qu’il se trouve, nul ne doit se sentir à l’abri de ses foudres. Un mot de trop, une respiration de travers et la tête tombe. Encouragé par ses amis républicains et évangélistes, protégé par les Trump, il était dieu, il est désormais le diable. La publication ordonnée par la Maison Blanche du rapport au Congrès américain sur sa responsabilité dans l’assassinat du journaliste résident américain Khashoggi ne lui permet plus d’envisager de succéder un jour à son père ni de siéger dans des sommets internationaux. Il est toxique.
Pour se consoler de ce camouflet qui le discrédite, le prince a reçu quelques timides messages de soutien de ses obligés voisins arabes Les capitales européennes sont demeurées muettes. Officiellement, car elles convoitent sans l'afficher quelques marchés délaissés !
Le ministère saoudien des Affaires étrangères a rappelé l’harmonie des relations avec les États-Unis depuis huit décennies; sous-entendant par là qu’elles pourraient se dégrader. Mais en matière de sécurité et de survie de la monarchie, la protection US est irremplaçable. Il faudrait des années pour qu’une autre puissance étrangère prenne le relais.
Le roi est par conséquent contraint de faire le ménage dans sa maison en désignant un nouveau prince héritier parmi l’un de ses dix fils. Il devra le faire rapidement s’il ne veut pas être renversé par une branche « plus fréquentable » de la dynastie des Saoud. Ils sont plusieurs milliers de princes à pouvoir prétendre au trône, parmi lesquels une bonne quinzaine de candidats sérieux enhardis par les encouragements de Washington. Ils aiguisent leurs sabres et attendent l’occasion de se glisser sous les griffes du lion pour aller lui trancher la crinière.
https://www.whitehouse.gov/briefing-room/statements-releases/2021/02/25/readout-of-president-joseph-r-biden-jr-call-with-king-salman-bin-abdulaziz-al-saud-of-saudi-arabia/
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire