jeudi 10 avril 2025

"Qui perd gagne" Comprendre le sentiment de revanche de Trump


Pas un jour sans que le vieux monsieur détraqué ne s’adresse aux citoyens du monde. Ses mots sont insensés. Alors aussitôt, angoisse et anxiété se répandent. 

L’avenir est indéchiffrable. Même pour les sachants ayant réponse à tout qui se succèdent à la queue leu-leu sur les plateaux de télévisions. On cherche désespérément à comprendre le pourquoi et le comment de cette guerre mondiale qui refuse de dire son nom.


Le désarroi face à l’épidémie d’injustice et à la montée du fascisme  nous submerge. Il n’y a pas d’autres hypothèses plausibles que celle d’une pathologie cérébrale. En écoutant Trump on ne peut se retenir de s’exclamer « mais il est malade ! » ? C’est un mauvais remake de Charlie Chaplin bouffonnant Hitler en train de jouer avec un ballon de baudruche en forme de globe terrestre (Le dictateur 1940)


À l’exception du courageux Zelensky, le De Gaulle ukrainien, tous ceux qui défilent dans le bureau ovale évitent soigneusement de contredire l’écervelé. Pire, comme menacés par un canon invisible posé sur leur tempe, les chefs d’états étrangers accourus à sa convocation le flagornent outrageusement. 

César, Caligula, Bokassa…les exemples de troubles cognitifs sévères des puissants à travers les âges ne manquent pas. La nouveauté c’est que ce délirium est retransmis à des milliards d’apeurés qui s’attendent à voir le ciel leur tomber sur la tête.  On est en train de Gazaifier les consciences. La psychose collective se répand. Nulle manifestation ni protestation de foule. L’inertie et la paralysie gagnent. Les têtes s’enfoncent dans les épaules de crainte d’être tranchées. Chacun goûte son moment de sursis en s’auto-persuadant qu’il échappera à la foudre.


Pour tenter de comprendre le moteur de ce suicide programmé de l’Amérique qui précède celui de l’Europe, il faut être sociologue, anthropologue, et surtout psychopathologue clinicienne.

Évelyne Larguèche est tout cela. Cette ingénieure de recherche au CNRS a publié nombre d’études académiques très savantes, mais depuis qu’elle est à la retraite, elle écrit des petits livres  accessibles et éclairants. Après L’injure. La blessure du Moi (In Press 2021); La provocation. Au risque de l’image de soi  (In Press 2023), elle vient de publier: Qui perd gagne. Le sentiment de revanche (L’Harmattan 2025).


Comment se fait-il qu’à chaque page de cette trilogie injure-provocation-revanche on pense à Trump alors que son nom n’est jamais mentionné ? Tout à coup ce personnage déjanté qui remplit nos inquiétudes nous apparait transparent. Et si son comportement provocateur et injurieux n’était que l’expression de son sentiment de revanche ?

La revanche est un terme associé au jeu. Le perdant peut se refaire si le gagnant magnanime consent à ses conditions. « Vous n’avez pas les cartes en main ! » lance Trump à Zelensky. Injure, provocation, revanche ? La trilogie est réunie.


Au fil des siècles, le terme revanche s’est répandu par la déformation du mot vengeance. « La revanche est  une disposition qui accorde à celui qui a perdu une nouvelle possibilité de gagner. Action elle est vengeance, résultat elle est annulation » écrit Évelyne Larguèche qui ajoute  « le sentiment de revanche n’annule ni ne se venge, il compense un soi passé ressenti comme perdant par une illusion de toute-puissance et de maîtrise à laquelle il croit et fait croire ».

 

« Qui perd gagne » est un essai d’une centaine de pages qui nous entraine vers la redécouverte de locutions, d’expressions, de postures, et surtout vers  l’usage d’outils conceptuels évidents qui avaient échappé à notre réflexion. On navigue entre le « je » et le jeu dans lequel le gagnant n’est pas celui que l’on croit. La pensée du lecteur qui ignore les cheminements savants de la psychanalyse est guidée pas des exemples nombreux puisés dans le sport ou la littérature. On côtoie le tennisman Djokovic avec Zweig, Kafka et Dostoïevski, le Mondial de foot et la boxe avec une ribambelle d’écrivains: Diderot, Corneille, Khadra, Ernaux , Gary…mais aussi le compositeur-chanteur Jean Ferrat et même le général De Gaulle ! Ce fourmillement d’exemples conduit le lecteur à marquer une pose de réflexion à la fin de chaque paragraphe: bon sang mais c’est bien sur !… avant de reprendre sa lecture.

Évelyne Larguèche n’a pas cédé à la tentation du best seller. Il n’y a pas dans « Qui perd gagne » la moindre référence à l’actualité, pour autant, sa lecture offre l’apaisement du savoir à ceux qui cherchent à comprendre le sentiment de revanche de Trump et des autres agités du bocal.


 

 



 




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