Le monde arabe est celui de 22 pays éparpillés de Nouakchott à Moroni. C’est un patchwork ouvert sur le grand large de l’Atlantique à l’Océan Indien que l’on est tenté de caricaturer en faisant pivoter la planisphère à la façon d’Adénoïd Hynkel le barbier juif joué par Charlie Chaplin dans Le Dictateur.
Les rivages
Atlantique
La République islamique de Mauritanie, 5 millions d’habitants
Quatre habitants, un esclave et deux dromadaires au km2. Un désert magnifique aux frontières sahéliennes turbulentes.
Le Royaume du Maroc, 37 millions d’habitants
À l’angle des deux mers. Féodalité moderne. Ni gaz ni pétrole mais de stupéfiantes récoltes. Le roi est le chouchou des américano-israéliens. L’amitié Franco-marocaine traverse toutes les épreuves mais les bisbilles avec l’Algérie perdurent depuis plus de 60 ans.
Méditerranée
La République algérienne démocratique et populaire d’Algérie, 46 millions d’habitants
Enchantement des paysages, l'air y est léger et doux. Echec de la décolonisation au constat de la fuite de ses habitants. En France, ils sont 3 millions selon l'INED, 6 millions selon le président algérien Tebboune. Parmi eux, 19 000 médecins sans lesquels les hôpitaux français seraient malades.
La République tunisienne, 12 millions d’habitants
Ancien laboratoire éphémère de la démocratie arabe. « On y a peur, on y a faim, on y désespère » écrit Kamel Daoud qui exagère un peu car les touristes et les estivants eux, sont contents. Paradoxalement les tunisiens qui fuient, par leurs transferts, 5,6% du PIB, finissent par faire vivre le pays qu’ils ont quitté.
L’État de Libye, 7 millions d’habitants
Ruinée par les ponctions de deux pouvoirs à la solde d’intérêts étrangers qui s’affrontent par mercenaires interposés. Rapt, torture, viol, esclavage…le cauchemar absolu des immigrés de la faim qui tentent de rejoindre l’Europe.
La République arabe d’Égypte, 105 millions d’habitants
Deux millions de soldats, soixante mille prisonniers politiques. Pauvreté partout sauf au sommet de la pyramide où trônent un maréchal dont l’unique victoire aura été de terrasser la démocratie.
L’État de Palestine, 5,4 millions d’habitants
Un concentré d’injustices depuis trois générations. Le génocide de Gaza est le crime des crimes dont Israéliens et Arabes retiendront à jamais le nom.
La République libanaise, 5,3 millions d’habitants
Consensuelle, plurielle, tolérante, généreuse, valeureuse, ouverte… Pour toutes ces raisons les envieux de la région lui nient le droit de vivre en paix.
La République arabe syrienne, 23 millions d’habitants
Un massacreur repenti vient de succéder à une lignée d’assassins. Nul ne sait quel sera le destin de sa population éduquée et instruite, jadis fierté du Moyen-Orient. Nul ne sait qui s'est approprié l’usine de psychotropes qui approvisionne 80% du marché mondial de Captagon.
Mer Rouge
Le Royaume hachémite de Jordanie 11 millions d’habitants
Enclavé par 6 voisins, il dispose d’une petite lucarne maritime à Aqaba au fond de la mer Rouge. Égypte, Israël, Arabie Saoudite sont à portée de jet-ski. Un habitant sur six est palestinien. Tout va bien.
La République du Soudan et du Sud Soudan, 50 millions d’habitants
Meurtrie par deux clans armés par une dizaine de pays étrangers notamment l’Égypte et les Émirats arabes unis. Mille morts par jour, 14 millions d’enfants en souffrance. Qui le sait ? Qui s’en soucie ?
La République du Yémen 32 millions d’habitants
Peuple intransigeant, fier, jamais soumis. Depuis Rimbaud, Nizan, Monfreid, le plus authentique des pays arabes reste un mystère pour les occidentaux. Le port d’Aden, le rivage sud du pays, les îles de Socotra et celles de la mer Rouge sont occupés par l’armée des Émirats arabes unis…sans motif apparent.
Golfe
La République d’Irak 45 millions d’habitants
Berceau du savoir et de l'écriture. Grande mutilée de guerre aux immenses richesses accaparées par des prédateurs de tous pays.
L’État (émirat) du Kuwait, 5 millions d’habitants
Pétro-monarchie autoritaire discrète et prospère.
Royaume de Bahrein, 1,5 millions d’habitants
Presqu’île reliée à l’Arabie par un pont très emprunté le week end par les Saoudiens sevrés qui viennent s’y griser car l’alcool y est autorisé aux bars des hôtels.
Royaume d’Arabie saoudite, 36 millions d’habitants
MBS est fils de roi. Le pays porte son nom. L’État c’est lui. Il est l’homme le plus riche de la terre. Il possède un yacht et un tableau payés chacun un demi milliard de dollars. L’ordre règne par l’exemple d’une tête coupée par journée ouvrable.
L’État (émirat) du Qatar, 3 millions d’habitants
Un confetti puissant, inventeur de la diplomatie du carnet de chèques. Pour les happy few, Doha c’est Cannes et Davos toute l’année. En France tous les jeunes associent le Qatar au club de foot parisien.
L’État des Emirats arabes unis, 10 millions d’habitants
En abrégé UAE. Une autre marque de t-shirt sportif. Le bling bling de Dubaï masque une micro nation redoutable financièrement, militairement et diplomatiquement. C’est le pays arabe le plus malin et le plus puissant. Ses dirigeants murmurent aux oreilles de Trump.
Le sultanat d’Oman, 5 millions d’habitants
Monarchie technocratique paisible et discrète qui veille sur le détroit d’Ormuz où passent 100 pétroliers par jour.
Océan Indien
La République de Djibouti, 1 million d’habitants
La corne de l’Afrique est rentière de six bases militaires étrangères installées sur son sol brûlant où survit une population en extrême pauvreté.
La République fédérale de Somalie 18 millions d’habitants
Misère partout. L’espérance de vie à la naissance est de trente années inférieure à celle de France. Les États-Unis bombardent chaque semaine « des foyers terroristes » planqués au milieu d’un cheptel de 7 millions de dromadaires (première ressource du pays) dont les pâturages d’alpha dissimuleraient de l’or, de l’uranium et autres légendes…
Union (république) des Comores, 850 000 habitants
Pauvre et perdue dans l’océan, oubliée du monde. Voisine à quarante minutes de canot de Mayotte, département de la République française, cadet des soucis cycloniques de Matignon.
À cette liste, ajoutons pour mémoire la République Sahraoui non reconnue par l’ONU et La République du Somaliland pays fantôme totalement ignoré de la communauté internationale.
Au total 500 millions d’habitants dont le revenu moyen est cinq fois moins élevé qu’en Europe.
Les populations
Le cercle des arabes
Sur les arabes, chacun a des préjugés nés de rencontres diverses. Durant les 35 années passées à sillonner ce monde (à l'exception de la Syrie et du Soudan) en tous lieux, selon l'âge de mon interlocuteur, je n'ai jamais été interpelé autrement que par « mon fils, mon frère, mon père, mon oncle » puis ayant pris les cheveux blancs du pèlerin par « hadj » Cette forme n'est pas seulement une règle de politesse et de courtoisie, elle est une invitation à entrer dans l’intimité du cercle.
La famille est au cœur de tout. La hiérarchie sociale est ordonnée : la mère, le père, les grands parents, l’oncle paternel, le fils aîné, les cadets, les cousins, puis les voisins, le quartier, la tribu, le village, la région, le pays… L'ensemble formant une communauté d'identité, Umma Arabyia elle même contenue dans une matrice Islamiya de 1,8 milliards de croyants dont le rêve est d’aller se prosterner à La Mecque ne serait-ce qu’une fois dans leur vie. Cette filiation d'allégeance dans le respect des usages remonte à celle donnée en exemple par le prophète. El karama la dignité, est le maître mot pour exprimer l'observance de sa religion et des convenances sociales qu'elle impose.
Pour mesurer l’écart qui sépare la famille arabe de celle de l'occidental, j'ai en mémoire le récit d'un ami saoudien qui revenait de NewYork. Au cours d'un dîner informel avec son collègue ingénieur américain, il s'était enquis, comme la politesse élémentaire arabe l'y invite, de demander des nouvelles de la mère de son hôte : « Vit-elle près de chez vous ? - Oui à 20km d'ici » Le saoudien radieux « comme vous avez de la chance, vous devez aller l'embrasser souvent ! - Pas vraiment mais nous nous retrouvons à chaque Noël » Mon ami était bouleversé : « quels gens étranges, ils sont déshumanisés » me dit-il « moi, je vais voir ma mère chaque jour, et si je suis loin, je lui téléphone....comment ce type peut-il laisser passer un an sans aller voir sa maman !… »
Il faut ajouter que ce cercle des arabes inclut quelques « cousins » juifs; séfarades pour la plupart, solidaires et horrifiés à l’exemple de l’écrivaine et historienne de l’art Annie Cohen-Solal qui se s’interroge en titre d’un texte publié dans Le Monde « comment mettre fin à un nouveau " Guernica" ? »
Une société de petits hommes
Tous les maux arabes proviennent de l’exclusion de la femme. Au siècle dernier les régimes « socialistes » de passage en Irak, Syrie, Yémen, Egypte avaient concédé quelques timides avancées éphémères mais aucun d’entres eux n’avaient osé émanciper la femme comme le fit le président Habib Bourguiba. Hélas, aujourd’hui encore, même les tunisiennes luttent et risquent la prison pour conserver leurs acquis. Partout ailleurs, l’arbya (en français « arabe » est un nom ou adjectif masculin ) est marchandise. Souvent achetée et exploitée, parfois répudiée avec plus ou moins de violence. Certaines sociétés sont plus « modernes » comme celles des Émirats, mais la promise, quelque soit son statut social, y convole obligatoirement avec son cousin.
Pour tous les dirigeants arabes, la femme est subversive. Ils craignent sa révolte et répriment méthodiquement toute velléité de son émancipation. Le cas de Nourah Al-Qahtani est emblématique. Mère de cinq filles dont l’une est handicapée, écrivaine, professeure de littérature à l’université, elle purge une peine de quarante cinq (45) ans de prison en Arabie Saoudite. Elle espère être libérée pour bonne conduite avant d’atteindre ses 90 ans. Ses crimes: échanges de tweet à caractère politique et possession d’un livre interdit. Nourah est une « marchandise confisquée » par les Saoud à la tribu des Qahtani, la plus ancienne d’Arabie, pour l’exemple et la frayeur
Une société plurielle ouverte aux autres
Beauté des paysages, diversité des climats, unicité culturelle, inégalités, injustices, oppression….et pourtant, en tous lieux l’air est saturé d’une allégresse de vitalité.
Quel est le pays le plus agréable à vivre ?
Pour juger de son attrait, il ne suffit pas d’y avoir séjourné mon appréciation est subjective. Mais les 55 000 citoyens français résidents permanents inscrits dans les consulats de France au Maroc, les 30 000 autres à Dubaï, les 17 000 en Tunisie, attestent de l’attrait de l’expatriation vers ces destinations. Il s’agit pour la plupart de retraités en mal de pouvoir d’achat et de soleil, mais aussi de chercheurs de fortunes. En 2024, le taux de croissance économique a été de 4% aux Émirats arabes unis et au Maroc contre 0,8% en France. Ceci explique peut-être cela.
L’accueil des immigrés de la faim est fort différent de celui réservé aux estivants. Ainsi la Tunisie encouragée par l’Union européenne repousse t-elle sans douceur ni honneur les sahéliens venus de Libye. Ainsi pareillement l’Égypte qui monnaye à prix d'or l’exfiltration des Palestiniens de Gaza.
Ces deux exemples détestables contrastent avec le pourcentage très élevé d’étrangers au Qatar 77%, aux Émirats arabes unis 74%, au Kuwait 67%, à Bahrein 52%, en Arabie 40% mais aussi en Jordanie 46%, Oman 43%, Liban 25%. (source openIA)
Ces populations sont d’origines asiatiques: Indiens, Bangladais, Pakistanais, Philippins, mais aussi arabes et africains. Le ruissellement de la prospérité vers cette immigration plurielle est infime en raison de la pratique de la kafala (tutelle de l'employeur) au Qatar, Bahrein, Kuwait, Arabie Saoudite, EAU qui soumet l'étranger à une forme d'esclavage moderne.
Mais la Jordanie, le Liban, la Syrie, le Koweit ont depuis 1948 accueilli, intégré et parfois naturalisé plus de quatre millions de Palestiniens. Pour autant, ces réfugiés dont le statut relève exclusivement d’une organisation onusienne spécifique créée en 1947 l’URNWA, reçoivent un accueil inégal dans les pays arabes qui tout en leur garantissant un permis de séjour et de travail très encadré, leur accordent parcimonieusement la nationalité et l’intégration au prétexte de « préserver leur droit au retour ».
Une paysage culturel étouffé
La plupart des livres publiés en langue arabe sont religieux. Comme tous les autres, ils passent à la censure. Les éditions clandestines et étrangères « licencieuses » finissent au pilon ou à l’autodafé. Naguib Mahfouz, prix Nobel, Alaa el Aswany, Elias Khoury…sont absents des librairies.
Boualem Sansal n’est pas un cas singulier, il est la règle transposable partout. Dans les prisons égyptiennes, il est plus facile de faire entrer de la drogue que de faire sortir un poème !
Brimé, l’écrivain arabe se cantonne au vain et à l’anodin. C’est ce qui explique en partie l’indigence du marché de l’édition. En 2022 le monde arabe a publié seulement 8 600 titres. Bien moins que la Grèce !
Frustrés, les lecteurs se ruent au salon annuel du livre du Caire qui reçoit 2,5 millions de visiteurs, ou de Tunis 80 mille. C’est énorme ! (Paris cent dix mille). Ils s’y retrouvent pour le plaisir de tourner des pages en échangeant des soupirs et des sourires de connivence.
Cette appétence de lecture n’est pas compensée par celle de la presse, pareillement insignifiante et muselée.
Le cinéma, le théâtre, la danse, la musique, la peinture, la musique…toutes les autres formes d’expressions culturelles sont enfermées dans un espace politique contraint.
La généralisation de l’IA et la gratuité d’accès aux logiciels de traductions instantanées défient la censure. La médiathèque universelle en langue arabe est accessible à condition d’éviter les thèmes politiques et en prenant quelques précautions !
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