dimanche 31 mai 2009

Karaganda Sarajevo

Je reviens sur mon billet d’avril « le courage de se souvenir » car l’ambassadeur Bertrand Feyssard de Foucault évoque à son tour cet événement sur son blog.
http://bff-voirentendre.blogspot.com/

Je prends la liberté d’en reproduire un extrait :

« J’apprends incidemment que l’ambassade de France au Kazakhstan (je l’avais ouverte, mais à Almaty alors la capitale, en Juin 1992 pour la diriger jusqu’à mon rappel inopiné à compter de Février 1995) on s’inquiète d’une stèle – politiquement incorrecte – que j’ai financée en compagnie de l’attaché de Défense pour honorer la mémoire des « Malgré nous », morts en camp de concentration soviétique dans les goulags au sud de Karaganda. J’avais instruction d’honorer les lieux de mémoire français et il m’a semblé que nos compatriotes, certainement de bonne foi et/ou certainement forcés avec menaces sur leurs familles, devaient être quelques instants revêtus d’un drapeau, le nôtre, qui était aussi le leur. J’avais alors dit, dans le vent de la steppe, que la France n’oublie pas ceux qui sont morts si loin d’elle, jeu de mots attristés car ces destins ont été pathétiques. Les honorer quand même gênerait donc les bureaux quinze ans après… »

Cher Ambassadeur, je souhaite apporter un autre petit grain à moudre aux « Bureaux ».

A partir d’Avril 1994, j’ai effectué de nombreuses missions à Sarajevo.
Les mots me reviendront peut-être un jour pour raconter l’horreur de la ville assiégée.
Une centaine de casques bleus français y laissèrent leur vie.
La paix retrouvée on songeât à marquer leurs sacrifices par l’édification d’un monument. Mais en quel lieu ? La municipalité de Sarajevo offrit un coin du jardin public au centre de la ville qui est aussi un cimetière chargé d’histoire.
« Les Bureaux » décidèrent que la cour de l’ambassade de France serait plus convenable. Autre dilemme : quels noms inscrire sur la stèle ? Quelle mémoire réserver aux soldats mortellement blessés dans un accident de la route ? Et aux suicidés ? Fallait-il les honorer au même titre que les victimes des balles et des obus de Mladic ? Fallait-il graver sur le marbre l’identité des « Morts pour la France » au risque d’afficher la discrimination des snippers ? « Les Bureaux » cogitèrent longuement. A l’inauguration du monument sans noms, Chirac, Président a fait un beau discours. Puis d’un air grave, il nous a serré la main. Comme si, lui, nous, et les gars de la stèle étions tous copains. Puis, l’ambassadeur a fait servir le champagne et les petits-fours.
Ami bosnien, résistant de Sarajevo, sache que derrière le mur épais du jardinet de la chancellerie de France la mémoire des français morts pour que tu survives attendent ton hommage. Sonne à la porte, le gendarme (peut-être) te laissera entrer, « Les Bureaux » sont prévenus.

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