Au siècle dernier, sous la direction d’un seigneur du journal « Le Monde », j’ai commis une étude sur le contenu d’un quotidien qui a démarré petit puis s’est libéré avant de devenir parisien tout court. Il m’en est resté à la lecture quotidienne de la presse, le réflexe du violeur de drosophiles.
Par exemple : « Le Monde » d’aujourd’hui, journal du soir daté de demain qui comme chaque jour est tombé à midi. Je parcours les titres à la une, le dessin de Plantu me fait rire. Ensuite, comme tous les lecteurs, je retourne le journal pour lire la dernière page. Il y a une pub. C’est frustrant mais normal. Cette page étant la plus regardée, les annonceurs se la convoitent malgré son hors de prix.
Tiens c’est la Banque Postale ! Elle m’interpelle gentiment « Et si tout le monde vivait enfin la banque comme il aime, dans la confiance et le respect mutuel ? » on dirait une chanson de Bénabar.
Je reprends mon effeuillage. Page cinq, deux petites filles adorables, blanches, blondes, au sourire discret, robes à roses, sandales, bouquets de fleurs à la main, « dans 100 ans, Julie et Zoé auront encore des milliers de secrets à se confier ». Page sept, les mêmes gamines « DANONE 90 années au service de votre santé » A vous dégouter de continuer à bouffer du yaourt !
Page onze : « TOTAL en France, c’est…4 800 stations-service » sur fond de pompe peinte au pochoir. Page 12 : récidive « TOTAL c’est aussi… » Et une tartine de chiffres sur fond grisâtre.
Page seize, « ENTREPRENEURIAT » Quel vilain mot difficile à prononcer, c’est du français ? Une page de baratin pour EDHEC Business School à Lille et Nice. Vous en avez déjà entendu parler vous de cet établissement d’élite ?
Page dix neuf… Ah ! Enfin ! De l’info et du rédactionnel ! On découvre un petit bonhomme très connu qui semble traverser la page d’un pas pressé. Il a sous le bras un dossier que l’on devine celui du devenir de la France. Titre énorme « Deux ans sans répit » Suivent cinq pages « Dossier Deux ans à l’Elysée ».
Mais j’oubliais l’essentiel, l’éditeur Plon s’est payé un huitième de première page, placé juste à coté du dessin de Plantu. Emplacement de choix. Impossible de ne pas le remarquer. C’est une pub pour le bouquin de Roger-Gérard Shwartzenberg
« L’Etat spectacle 2 » avec ce slogan sur fond rouge « Miser sur l’Etat spectacle, c’est miner la démocratie ».
Messieurs les chefs de Danone, Total, Postale…Prenez en de la graine, n’allez pas recruter vos cadres dans des entrepreneuriats. Vous trouverez dans les universités - que l’étranger nous envie et que même les Emirats louent- les compétences en communication dont votre groupe a besoin.
Sachez que depuis 1968, le Professeur Schwartzenberg y enseigne les sciences politiques, et aussi les ficelles du métier !
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