Ce dixième été du siècle restera dans les mémoires comme celui de l’ivresse.
L’Etat de la France en ébriété permanente nous a saoulé au Rom. Les musulmans n’ont pas bronché – ramadan oblige – les juifs non plus car ils étaient en vacances. Sur un signe de Rome, les catholiques se sont montré chrétiens ils ont protesté les premiers. A ma manière, je me suis solidarisé des malheurs des rempailleurs de chaises en adressant un SMS de soutien à mon pote Hassan le gitan, fils d’un Albano-Espagnol et d’une Tchétchéno-Moldave. Il a été exfiltré du Kosovo par les gendarmes français il y a seize ans. Depuis, il a bâti un empire dans l’agro-alimentaire. Le roi du poulet « made in France » est un ancien voleur de poule ! Il m’a invité à le rejoindre aux Saintes Maries de la Mer où il se rendait avec sa tribu pour une sorte d’omra. J’ai lâchement battu en retraite, c’était de circonstance. Et puis les arbres croulaient tellement sous les prunes et les mirabelles que la bassine à confiture n’avait pas le temps de refroidir.
Quel été !
D’Amérique l’alizé nous révéla le projet de construction d’une mosquée à Manhattan à deux blocs de ground zero ? Pourquoi pas une cathédrale à Kairouan ? C’est incongru et provocateur. Pourtant au risque de perdre des électeurs le Maire juif Bloomberg et le Président musulman-chrétien Obama ont brandi la Liberté. Intolérance zéro. La mosquée sera édifiée. Voltaire et Beaumarchais ont émigré. C’est le Nouveau Monde à l’envers. Du même pays un illuminé nous a donné le frisson en menaçant de brûler le Coran. Pendant une minute, on a craint le retour à la guerre de cent ans. Je confesse avoir par mégarde supprimé de la mémoire de mon IPad le fichier des trois saintes écritures. Cet autodafé involontaire me tourmente.
Quel été !
C’était Ramadan. Carrefour m’a adressé une publicité ciblée présentant des produits « orientaux ». De la semoule, des zlabias, chorba, harrira, charcuterie de dindons, du petit lait. Le marché hallal est en pleine expansion. Mais attention à la surenchère ! Les plaines de Beauce sont fertilisées au purin de porc breton alors le blé est impur et partant, la baguette de Paul. A pour bientôt chez Laduré le macaron hallal/casher? Puisque que juifs et musulmans partageant les mêmes interdits, pourquoi ne pas adopter un pictogramme commun ? Déjà les enseignes de hamburgers (ham veut dire jambon en anglais) prétendent que les bœufs dont ils font du haché sont proprement égorgés. Citoyen de la minorité invisible, le français musulman est reconnu comme consommateur, c’est encourageant. Mais on peut craindre que les fils de pub prennent le relais des prêcheurs intégristes.
Quelle rentrée !
Chabrol et Arkoun ont émigré sans prendre le temps de lire Jean Daniel pressentant que kippour et l’aid el-fitr seront bientôt fériés sur le calendrier républicain. Encore une insolence de ce genre et il se pourrait qu’on lui retire sa nationalité française avant moi.
Je crois rêver !
A l’école primaire ma gamine réclame le même menu que sa copine « hébreuse ». Je prends sa défense. Cette discrimination est en effet intolérable car contraire aux droits de l’enfant de l’Homme. Mon argumentaire fait mouche chez les associations de parents d’élèves, le rectorat s’en émeut, le ministre est saisi, le puissant lobbying de la fédération française des producteurs labellisés HC (Hallal Cacher) réussit à provoquer un débat national, la loi est finalement adoptée à une large majorité malgré la campagne d’opposition véhémente de la filière porcine. Dans la foulée la vente de charcuterie est interdite aux mineurs et la consommation de cochonnaille est prohibée dans les lieux publics.
J’ai bien rêvé.
Quelle rentrée !
Une rentrée littéraire agressive et autoritaire comme une pub de Coca Cola « Lisez Machin ! » Télé-radio-journaux matraquent une sélection arbitraire d’une vingtaine d’ouvrages parmi les 700 nouvelles parutions. Agacé je ne lirai ni notons ni well-bec. Deux parisianistes bêtes en cours dont on nous rebat les oreilles. L’un pire (worse en anglais) que l’autre. L’extravagante affaire des Picsou de l’été joue les prolongations.
La vraie rentrée est ailleurs.
Elle est dans l’amour et la bouilloire. Jean-Philippe Derenne est un médecin passionné de gastronomie. Il a écrit à la fin du siècle dernier deux pavés qui trônent en bonne place dans la bibliothèque de tous les cuisiniers de France et de Navarre. « L’amateur de cuisine » c’est du lourd, du sérieux, de l’intelligence plein la casserole. En deux tomes d’un récit de quarante ans de recherches passionnées, le Docteur Derenne pensait avoir fait le tour de la question. Le destin en a décidé autrement. Sa belle épouse aimée tombe gravement malade. A l’hôpital il s’installe à son chevet et lui concocte des petits plats avec pour seuls ustensiles une bouilloire électrique et une boite en plastique. Pendant quatre ans Derenne cuisine et rédige un singulier ouvrage d’amour et de recettes. J’ai lu ces sept cents pages qui m’ont bien consolé d’avoir boudé les sept cents nouveautés de la rentrée.
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