C’est une nomination passée inaperçue : Madame Mona Khazindar devient la première femme en charge de l’Institut du Monde Arabe à Paris, établissement pourtant réputé jusqu’ici pour sa misogynie. L’évènement est doublement emblématique car la nouvelle Directrice Générale est de nationalité saoudienne, du nom de la dynastie qui règne sur le pays d’Arabie où les femmes sont des Cosette.Elles ont deux droits : celui de se taire et celui de se voiler la face. Pas question pour elles de voyager seules, de conduire, de travailler aux cotés des messieurs, de faire du sport et quantité d’autres choses encore. C’est pourquoi, l’élection par un collège d’ambassadeurs arabes d’une saoudienne - certes parisienne de longue date, trilingue et parfaitement compétente - symbolise une avancée de la cause féministe arabe à Paris.
L’Institut du Monde Arabe est un merveilleux bâtiment de verre et d’acier conçu par Jean Nouvel. Vitrine de la culture arabe et parfois aussi islamique, l’Institut est une bibliothèque, un musée, un forum, un théâtre, un cinéma, un restaurant, une salle de concert…bref un lieu polyvalent de mixité et d’échanges unique en son genre. Mona Khazindar à l’IMA, c’est une luciole d’espoir lorsque l’on sait que l’Arabie Saoudite est privée d’expression culturelle : ni cinémas, ni théâtres, ni opéras…Certes on y trouve des musées. Celui de Riyad est fort beau, mais attention il y a des jours réservés aux hommes seuls, et d’autres aux « familles ».
La lutte des femmes arabes pour leur émancipation est ignorée des français. Rares sont les journalistes qui lisent les blogs des saoudiennes décrivant leur vie quotidienne. Dans une double page consacrée au royaume wahhabite, Le Monde a dernièrement réussi le tour de force de ne parler ni de la cause des femmes ni de la terreur que leur inspire la Commanderie pour la vertu et contre le vice. Le quai d’Orsay en mal d’audace serait bien inspiré d’oser demander l’accréditation d’une ambassadrice de France à Riyad !
Une autre nomination discrète mais tout autant emblématique est celle de Kémaïs Chammari, premier ambassadeur nommé par le pouvoir intérimaire tunisien postrévolutionnaire. On aurait pu s’attendre à ce que Tunis ait pour priorité de désigner des plénipotentiaires à Paris, Washington, Bruxelles ou Moscou. Pas du tout. Le premier ambassadeur est celui près l’UNESCO. Primauté de la culture que Tunis entend mettre au fronton de sa politique de transition vers la démocratie. Certes le patrimoine tunisien de l’humanité est inestimable, certes il a été honteusement mercantilisé par des satrapes, mais la culture est essentielle à la démocratie comme rempart absolu contre les fascismes et l'obscutantisme.
Les couleurs, les mélodies, les rondeurs, le rire, la joie, les gourmandises, la fête, la nouba, la chirha, le kif, bref le paradis sur terre est le vaccin contre l’intégrisme. A l’aube de la démocratie le choix principal se résume entre le bonnet de coton et le bouquet de jasmin, entre la Tunisie libertine, festivalière et joyeuse et celle d’une médersa austère de Landru et Belphégor.
On pouvait penser qu’à la veille des élections, les islamistes mettraient de l’eau dans leur orgeat ! Du tout, ils ont attaqué en bandes organisées les principaux bordels de Tunisie, lesquels se sont bien défendus. Les dames sont sorties dans leur plus simple appareil en fouettant les intrus à coup de serviettes, semant la panique chez les pudibonds, sous les regards d’une foule de polissons goguenards, ravis de se rincer l’œil à bon compte.
Quelques jours plus tard, la parité homme femme dans les listes électorales était décrétée. Les deux évènements sont sans rapport.
Désormais, en Tunisie ce n’est plus un homme/une voix mais un homme plus une femme égale deux voix. C’est la première et la plus belle victoire des femmes démocrates tunisiennes.
L’Ambassadeur Chammari près l’UNESCO est une figure internationale de la défense des droits de l’homme. Sa silhouette qui porte la trace de tant de mauvais coups est bien connue des services de police tunisiens qui ont traqué ses moindres faits et gestes pendant quarante ans sans d’ailleurs jamais bien comprendre pourquoi. Durant ses années d’exil en France, le militant Ambassadeur avait l’habitude d’entendre chez ses interlocuteurs bienveillants : « commencez par vous libérer par vous-même, on viendra ensuite vous aider !»
Aujourd’hui il fait la tournée de son épais carnet d’adresses parisiennes. Oh ! Les démocrates de France sont des gens de parole mais pour tenir leurs promesses ils doivent attendre les élections... Non pas celles en Tunisie, mais celles du printemps 2012 en France.
Car il est possible que le nouveau locataire du faubourg Saint Honoré décide alors de sortir de l’espace Schengen pour pouvoir accueillir librement et sans restriction dans l’hexagone tous les tunisiens qui le souhaitent !
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