Au cœur des services spéciaux d’Alain Chouet. Le titre est mauvais. Le sous titre est du même tonneau : « La menace islamiste : fausses pistes et vrais dangers ».
Les éditeurs sont des racoleurs pour caddies d’Auchan en quête de barbouze 007.
L’ouvrage mérite pourtant une tête de gondole, mais à La Hune. C’est une lecture conseillée à tous les sciences po de 16 à 77ans désireux de s’ouvrir à l’intelligence. C’est un guide deux en un : le Petit Futé de l’Islam plus le Routard des pays arabes. L’excellent bouquin mal titré mais digne d’être primé, est la transcription littéraire d’un entretien avec Jean Guisnel, ce qui lui donne un incomparable attrait de lecture. Mais ce n’est pas du bavardage de comptoir, c’est de la géopolitique solide, argumentée, ponctuée de formules savoureuses.
Alain Chouet est sans conteste l’un des dix meilleurs experts français d’un monde inconnu qui compte un milliard et demi de mahométans. Mais la science de ce grand serviteur de l’Etat n’a jamais dépassé le cercle restreint de la communauté du Renseignement. L’homme sorti discrètement de l’ombre demeure raillé dans les hautes sphères, son savoir déconcerte les « télé-experts », ses analyses mâtinées de bon sens bédouin et limousin déconcertent les énarques. Et puis, c’est un espion arabophone, un attentif et un curieux qui connaît le décor, les acteurs, les coutumes et les scenarii. Alors forcément sa langue à souvent déplu, davantage encore depuis sa mise à la retraite, car il l’a sortie de sa poche.
Demain, le pouvoir ne pourra plus prétendre à l’innocence de l’ignorance. Alain Chouet est maintenant accessible au grand public. En 1998, il avait écrit que la Tunisie était un chaudron prêt à exploser sous la pression des turpitudes avérées de la maffiocratie du « mari de la coiffeuse et de ses deux cents cousins ». Les membres du gouvernement ont pris le parti d’ignorer les avertissements des hommes à leur service, poursuivant leurs copinages assidus avec des personnages douteux. C’est pourquoi en décembre 2010, la ministre de la défense fut sans doute la seule de son ministère à être surprise par la Révolution qui gâcha ses vacances et compromit les projets immobiliers de ses vieux parents.
Les propos d’Alain Chouet sur l’Iran, l’Arabie, le Yémen, la Syrie, la Libye, le Pakistan...sont diplomatiquement incorrects mais implacablement eprémonitoires.
A lire très vite pour comprendre le monde musulman et les enjeux de la guerre des ombres.
M’accordant une pause casse-croute avant d’entamer le dernier Pierre Péan, je me mis à penser que si Alain Chouet avait enseigné à l’ENE, l’Ecole Nationale d’Exportation - projet d’Edith Cresson torpillé par les énarques- le commerce extérieur de la France ne serait pas moribond et l’économie sur le point de perdre sa notation triple A la fameuse AAA+ des authentiques amateurs d’andouilles.
La République des Malettes est un bon titre de l’enquête de Pierre Péan sur « La principauté française de non-droit », excellent sous titre. N’achetez que la couverture ! Le reste est un peu ennuyeux et surtout très triste.
Le sujet n’était pas facile à traiter car le commerce de l’armement est un domaine crypté, réservé à une petite communauté d’initiés qui se tiennent tous par la barbichette. L’unité de compte étant la centaine de millions, les moyens consacrés par les officines aux traquenards en tous genres dépassent ceux des services officiels.
Le commerce des canons est complexe ; il implique la conversion d’hommes politiques intègres ou cupides car sans leur feu vert, il n’y a pas d’autorisation d’exportation.
Dans ce milieu, les hommes d’affaires ne sont pas des enfants de cœur. On s’en doutait. Pierre Péan les présente comme des voyous de banlieue sans foi ni loi. C’est excessif. Après tout ils ne font que leur métier de prédateur. La plupart ne sont pas de premier choix et leur envergure internationale ne fait pas d’envieux chez nos concurrents. Mais on a les intermédiaires que l’on mérite, il n’y a pas de quoi en faire un fromage sauf lorsqu’il y a mort d’hommes avant la livraison de la marchandise. Le vrai scandale que dénonce Pierre Péan, c’est que ces entremetteurs de paille et de foin entrent à l’Elysée comme dans un moulin. Ils sont à tu et à toi avec les ministres, femmes et maîtresses comprises. Ensemble ils éclusent des vins de champagne et de bordeaux à trois smic le flacon et roulent sous la table en partageant des secrets d’Etat, d’alcôves et de corbeille. On pourrait passer l’éponge si la vocation tardive de nos élus VRP menait au succès. Hélas, à chacun son métier, celui de l’armement ne s’improvise pas et la French Cancan Connexion n’est guère prisée chez les acheteurs de bibelots de guerre. Les insuccès s’accumulent du Brésil à l’Arabie. Les gros clients du Moyen-Orient qui ne sont pas nés du dernier vent de sable, lèvent les yeux au ciel et hochent la tête lorsque par indulgence ils consentent à recevoir la bande des Pieds Nickelés parisiens.
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