La
Légion d'Honneur est la décoration suprême que les orgueilleux et
les élégants rêvent d'arborer au revers de leur veston. Les
légionnaires jalousés sont moins d'une centaine de millier. Les
prétendants sont innombrables
et la sélection difficile car les rubans rouges sont contingentés.
Pas plus de cinq mille et des poussières chaque année dont deux
tiers de civils et un tiers de militaires.
Les
soldats gagnent leur décoration au grade et/ou au fait d'armes, les
hauts fonctionnaires à l'ancienneté et occasionnellement au mérite,
les sportifs à la performance, les vedettes à la notoriété. Pour
tous les autres dévoués à la France, la reconnaissance ne va pas
de soi. La légion est généreuse avec les grands, parcimonieuse
avec les petits. Beaucoup de professeurs de médecine, peu
d'infirmières, beaucoup de patrons de grandes entreprises peu de
gérants de PME. Le ruban se porte au revers du veston, jamais à la
bretelle d'une salopette !
La
Légion d'Honneur comporte trois grades. Ainsi, le Chevalier méritant
persévérant sera promu au gré d'une sélection drastique
Officier ; lequel au terme d'années de loyaux et exceptionnels
services se verra décerner la cravate de Commandeur. A ce niveau de
distinction, le Chef de l'Etat en personne est mis à contribution
pour sélectionner chaque année les 144 heureux récipiendaires.
Tous
les grands de France sont Commandeurs et arborent au veston le bouton
rouge sur canapé.
Il
y a des exceptions notables, des allergiques
à la récompense parmi lesquels quelques grands anciens ministres
comme Antoine Pinay, des philosophes comme Sartre, des savants comme
les Curie, des poètes comme Brassens car « ce petit hochet à
la boutonnière vous condamne aux bonnes manières ». Enfin,
certains considèrent que « le ruban de sang » doit
distinguer les seuls combattants ;
pour les civils, il y a
l'Ordre National du Mérite !
Au
delà des trois grades de la Légion d'Honneur, la reconnaissance
suprême de la patrie s'exprime par l'attribution de la dignité de
Grand Officier puis de Grand'Croix. Cette canonisation Républicaine
est accordée au compte goutte. Pas plus de trente nominés les
meilleurs années ! Au maximum sept Grand'Croix civils et
militaires ! Autant dire qu'il est plus facile d'obtenir un
portefeuille ministériel ou un siège au Conseil d'Etat que la
plaque de légionnaire dignitaire !
Le
Président de la République, Grand Maître de l'ordre est souverain.
En dix ans, de Gaulle n'a honoré qu'une dizaine de personnalités ;
des militaires pour la plupart. Pompidou et Giscard d'Estaing furent
pareillement parcimonieux. Mitterrand lui, a été prolixe,
distribuant une bonne cinquantaine de plaques de vermeil dont une au
Général dictateur tunisien Ben Ali ! Chirac a été généreux
mais incontestablement plus sourcilleux, tout comme Sarkozy.
François
Hollande a déjà décerné seize Grand'Croix.
Deux
d'entre elles méritent qu'on s'y attarde car elles dénotent la
force de caractère du Président qui a su transcender ses
convictions
profondes.
Ainsi,
l'an dernier, il a distingué l'ancien patron du patronat français ;
celui-là même qui fut la bête noire des syndicalistes et la cible
de toutes les gauches unies de la période Mitterrand. Sans doute, le
père de l'actuel Président du MEDEF, auteur de la doctrine
« emplois
nouveaux à contraintes allégées » avait-il discrètement et
à notre insu, contribué à sauver l'emploi de millions de
travailleurs !...
Hier,
le Président Hollande a récidivé. En présence du gouvernement et
des corps constitués réunis sous les ors de l'Elysée il a
distingué un homme de valeur, un grand serviteur des intérêts
supérieurs de la France, totalement méconnu du grand public :
Président du festival d'art lyrique d'Aix en Provence, Président
des Arts Décoratifs,
mécène, amateur et défenseur acharné des beaux arts. Cet
intermittent du spectacle et de la culture exerce aussi ses talents
dans le domaine de la finance en qualité de Président de la banque
Lazard France.
(La banque d'affaire franco-américaine qui siège aux
Bermudes
est le
leader mondial en matière de conseils financiers, elle gère deux
milliards de dollars par an avec discrétion « le secret de la
maison, c'est le secret » . Abusivement qualifiée en
France de « ministère bis de l'industrie» la banque a trop
souvent été injustement stigmatisée par d'irresponsables
impénitents toujours prêts
à dénigrer les opérations de fusions acquisitions
dont notre économie en pleine restructuration a tant besoin)
En
portant son choix sur « le Mozart de chez Lazard », le
Président tourne le dos au sectarisme des anti-fric
et témoigne par ailleurs de l'immense reconnaissance de la
République envers un authentique patriote de la finance.
Certes,
chacun se souvient du : « mon véritable adversaire,
c'est la finance ! »
Le
Président assume.
En
deux ans, il a su domestiquer les banquiers.
Tous
sont désormais au garde-à-vous, têtes baissées, en attente de
l'hommage de celui qui les a mis au pas.
Ah
mais !
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