Le
11 juillet 1789, le Marquis de La Fayette, député de la noblesse
d'Auvergne présentait à l'Assemblée Nationale Constituante un
projet de Déclaration des Droits de l'Homme. Le texte extravagant et
incongru pour l'époque, ne sera pas retenu.
Rien
que pour cette audace, l'aristocrate révolutionnaire aurait mérité
de la France d'autres hommages que son nom donné en catimini à une
vilaine rue de Paris et par extension postale à une méchante
Galerie de boutiques à la mode.
L'homme
illustre ne repose pas au Panthéon mais dans un petit cimetière
privé parisien du quartier de Picpus. Entre Bastille et Nation. Sur
ce minuscul carré de terre importée d'Amérique, l'ambassadeur des
Etats-Unis vient chaque année s'incliner respectueusement.
Car
dans le nouveau monde La Fayette est un héros de tous les temps. Là
bas, quinze villes portent son nom !
Lorsqu'au
soir de sa vie en 1824, il revint à New York, les deux tiers de la
population de la ville se rassemblèrent pour l'acclamer !
Les
Américains
se souviendront à jamais que le jeune Marquis d'à peine dix neuf
ans, bravant les interdits de son roi est venu en 1777 se battre pour
que
naissent les Etats-Unis.
Depuis
cette date, les citoyens du nouveau monde se considèrent, par
l'interposition du Marquis, redevable à la France d'une dette
éternelle. Cette culture de la reconnaissance et du souvenir est une
constante jamais prise en défaut.
En
1914, alors que la guerre éclate avec l'Allemagne, de jeunes
Américains
défiant l'interdiction de leur gouvernement, vinrent en France
s'enrôler dans la Légion Etrangère. Quelques uns étaient des
aviateurs, des précurseurs, des audacieux fortunés. Ils réussirent
à convaincre l'Etat Major français de former une escadrille. Elle
portera le nom de La Fayette.
Cette
formation financée par des mécènes d'outre Atlantique accueillera
quelque deux cents volontaires américains. Des as de la voltige qui
abattront deux cents avions allemands.
Lorsque
les Etats Unis entreront en guerre en 1917, les pilotes seront
intégrés
à l'Air Force, mais l'escadrille qui arbore sur le fuselage de ses
appareils l'emblème à tête de Sioux est encore aujourd'hui une
composante de l'armée de l'air
française.
Samedi
dernier, comme chaque année, une cérémonie avait lieu au mémorial
La Fayette de Marne-la-Coquette.
C'est
un monument blanc imposant en forme d'arc de triomphe juché au fond
d'un parc majestueux. De chaque coté, des galeries abritent les
cryptes où sont ensevelis soixante huit héros.
Détachements
des armées de l'air US et
françaises
au garde-à-vous. Fanfares. Hymnes et sonneries aux morts. Des avions
font un passage au-dessus
des nuages.
Hommages
des édiles locales, speechs
des généraux états-uniens et français. Propos barbants sous
un ciel qui menace.
D'ailleurs
une pluie battante vient s'abattre sur la cinquantaine de spectateurs
frigorifiés quand le Chargé d'Affaires, Ambassadeur par intérim
des Etats-Unis commence son discours. L'homme a l'allure et l'accent
d'Antony Perkins. Sous un air faussement nonchalant, il enchaine des
phrases magiques qui résonnent et qui captivent. On s'attendait à
un exercice convenu, on reçoit un petit joyau de littérature.
Emotion. On en oublie d'aller s'abriter. On est trempé mais heureux
d'avoir entendu Mister Taplin ciseler avec talent la langue de
Monsieur de La Fayette.
« La
Fayette, nous voilà ! »
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