vendredi 30 mai 2014

Les ailes de La Fayette

Cet activiste suprême a été de toutes les révolutions depuis l'ancien régime jusqu'à la restauration. Cent quatre vingts ans après sa mort, les valeurs qui étaient les siennes se propagent encore, étrangement portées par des ailes glorieuses.

Le 11 juillet 1789, le Marquis de La Fayette, député de la noblesse d'Auvergne présentait à l'Assemblée Nationale Constituante un projet de Déclaration des Droits de l'Homme. Le texte extravagant et incongru pour l'époque, ne sera pas retenu.
Rien que pour cette audace, l'aristocrate révolutionnaire aurait mérité de la France d'autres hommages que son nom donné en catimini à une vilaine rue de Paris et par extension postale à une méchante Galerie de boutiques à la mode.
L'homme illustre ne repose pas au Panthéon mais dans un petit cimetière privé parisien du quartier de Picpus. Entre Bastille et Nation. Sur ce minuscul carré de terre importée d'Amérique, l'ambassadeur des Etats-Unis vient chaque année s'incliner respectueusement.
Car dans le nouveau monde La Fayette est un héros de tous les temps. Là bas, quinze villes portent son nom !

Lorsqu'au soir de sa vie en 1824, il revint à New York, les deux tiers de la population de la ville se rassemblèrent pour l'acclamer !
Les Américains se souviendront à jamais que le jeune Marquis d'à peine dix neuf ans, bravant les interdits de son roi est venu en 1777 se battre pour que naissent les Etats-Unis.
Depuis cette date, les citoyens du nouveau monde se considèrent, par l'interposition du Marquis, redevable à la France d'une dette éternelle. Cette culture de la reconnaissance et du souvenir est une constante jamais prise en défaut.


En 1914, alors que la guerre éclate avec l'Allemagne, de jeunes Américains défiant l'interdiction de leur gouvernement, vinrent en France s'enrôler dans la Légion Etrangère. Quelques uns étaient des aviateurs, des précurseurs, des audacieux fortunés. Ils réussirent à convaincre l'Etat Major français de former une escadrille. Elle portera le nom de La Fayette.
Cette formation financée par des mécènes d'outre Atlantique accueillera quelque deux cents volontaires américains. Des as de la voltige qui abattront deux cents avions allemands.
Lorsque les Etats Unis entreront en guerre en 1917, les pilotes seront intégrés à l'Air Force, mais l'escadrille qui arbore sur le fuselage de ses appareils l'emblème à tête de Sioux est encore aujourd'hui une composante de l'armée de l'air française.

Samedi dernier, comme chaque année, une cérémonie avait lieu au mémorial La Fayette de Marne-la-Coquette.
C'est un monument blanc imposant en forme d'arc de triomphe juché au fond d'un parc majestueux. De chaque coté, des galeries abritent les cryptes où sont ensevelis soixante huit héros.

Détachements des armées de l'air US et françaises au garde-à-vous. Fanfares. Hymnes et sonneries aux morts. Des avions font un passage au-dessus des nuages.
Hommages des édiles locales, speechs des généraux états-uniens et français. Propos barbants sous un ciel qui menace.
D'ailleurs une pluie battante vient s'abattre sur la cinquantaine de spectateurs frigorifiés quand le Chargé d'Affaires, Ambassadeur par intérim des Etats-Unis commence son discours. L'homme a l'allure et l'accent d'Antony Perkins. Sous un air faussement nonchalant, il enchaine des phrases magiques qui résonnent et qui captivent. On s'attendait à un exercice convenu, on reçoit un petit joyau de littérature. Emotion. On en oublie d'aller s'abriter. On est trempé mais heureux d'avoir entendu Mister Taplin ciseler avec talent la langue de Monsieur de La Fayette.
« La Fayette, nous voilà ! » 

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