Ce
qui se passe en Arabie mérite notre attention. C'est le plus
riche producteur de pétrole et le premier importateur d'armes au
monde, mais c'est surtout le foyer de la doctrine salafiste, génitrice
de l'internationale des égorgeurs.
Le
sacre d'un roi nouveau est un événement d'une portée considérable
car il est de nature à endiguer l'obscurantisme du royaume des
ténèbres et l'exportation de ses idées criminelles.
Imaginez
que vous soyez saoudien. Vous auriez adoré votre nouveau roi.
Pour
célébrer son intronisation en janvier, Salman a offert à ses
sujets une prime de deux mois de revenu ; à chaque
fonctionnaire, retraité, étudiant...mais aussi aux salariés du
secteur privé, car le patronat à l'unisson n'a pas voulu être en
reste.
Le
père Noël des sables a libéré avec parcimonie une poignée
d'encagés en attente d'être fouettés et aussi trois femmes qui
avaient osé prendre le volant.
Enfin,
le roi a décrété que les 37 médecins et infirmiers morts du
Syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) étaient des martyrs de
l'Islam ; chaque famille endeuillée a reçu un chèque de 125
mille euros.
Officiellement 436 personnes seraient décédés de
cette terrible grippe, mais en réalité plusieurs milliers.
Les
savants ont formellement identifié le vecteur de transmission de ce
virus foudroyant: c'est le chameau. Hélas, pour cause de
censure, la population est incapable d'entendre le
message d'alerte lancé par l'Organisation Mondiale de la Santé
« Ne pas
boire le lait de
chamelle ou l’urine de chameau !
».
Blasphème abominable que refusent
de relayer les autorités car il contredit la sainte parole du
prophète Mohamed qui a prescrit il y a quatorze siècles « ...
de suivre les chameaux,
de boire leur lait et leur urine
».
Le pipi de dromadaire en Arabie, c'est la potion magique, l'élixir
miracle en vente dans tous les supermarchés !
L'OMS
n'insiste pas car elle risque la fatwa et la visite d'un commando de
cinglés !
Pour
la première fois dans l'histoire du pays, le monarque saoudien est
un alphabétisé bilingue qui lit, écrit, comprend l'arabe et
l'anglais.
On le dit malade, mais il a les moyens de se faire bien
soigner. Certes, il est âgé de quatre vingts ans alors que les deux
tiers de ses sujets ont moins de trente, mais cela ne l'empêche pas
de préparer avec ardeur l'avenir de sa cinquantaine de rejetons.
À
peine intronisé, il a chassé tous les barbons de la cour. En moins
de quinze jours, la gérontocratie dorée a été politiquement
euthanasiée. Le nouveau conseil des ministres comprend désormais
des roturiers, mais c'est une réforme de façade. L'essentiel
demeure.
La
dynastie s'appuie sur trois princes gardiens des sabres du
Palais : Mohamed Ben Salman ministre de la défense, (34 ans)
Mohamed Ben Nayef (55ans), ministre de l'intérieur, et Mitab ben
Abdallah, ministre de la garde nationale (62 ans). Chacun d'entre eux
est à la tête d'une armée de plus de cent mille soldats, pour la
plupart loués à l'étranger : Pakistan, Egypte, Yémen... Ils
sont encadrés par des officiers saoudiens assistés de 20 mille
coopérants occidentaux très bien payés.
Pour
autant, la maison de Salman est fragile.
L'Arabie
est domaine des Saoud depuis 1932. L'État
c'est moi, et je
suis le Gardien des deux
saintes mosquées.
Monarque absolu, le roi dispose du monopole du dogme. Et il entend
aujourd'hui imposer à tous les musulmans de la planète des lois
entendues à Médine et La Mecque il y a mille quatre cents ans. De
gré ou de force. En laissant boire du pipi de chameau s'il le faut !
L'intégrisme
est le socle de la théocratie saoudienne. Sans lui, la dynastie
s'effondre. Alors, les rois successifs font de la surenchère. Salman
est dans la lignée.
Le
pays est devenu un pénitencier religieux qui produit des
psychopathes sous l'effet d'une peur omniprésente jamais observée
dans le monde depuis l'Inquisition. La population subit un lavage de
cerveau permanent. Ryadh veut faire croire que la normalité c'est
Arabie et que la folie c'est l'étranger. Sus aux mécréants, par
l'argent ou par le sang.
Mais
pour tenir la paix sociale, il ne suffit pas de distribuer des
libéralités. La société étouffe sous les contraintes et la
pauvreté. Un correspondant explique : « pour
subsister, un couple a besoin de 2000 euros par mois. Le SMIC est de
1400 euros pour les nationaux et 600 euros pour les travailleurs
immigrés. Entre un saoudien revendicatif et un Indien servile à
moitié prix, l'employeur a vite fait son choix... »
Selon le Washington Post, plus de deux millions de saoudiens auraient
moins de
500 euros par mois pour vivre. Les femmes n'ont pas le droit de
travailler sauf dans les rares entreprises qui leur sont réservées,
alors les diplômées restent à la maison.
Le taux de chômage, 12%
selon des chiffres officiels, atteindrait en réalité des scores de
pays sous développés.
En
dehors de la noblesse et de la bourgeoisie d'affaires, le
Saoudien
est souvent très pauvre. Au surplus, il est condamné à se taire,
car en Arabie, on évite d'ouvrir la bouche, même chez le dentiste !
Les murs ont des oreilles. Les muttawas veillent.
La
Commanderie pour la Promotion de la Vertu et la Prévention est une
copie de l'inquisition médiévale. Cette milice de 5 000
fonctionnaires assistés de dizaines de milliers de volontaires
fanatiques traque l'hérésie et sème la terreur partout. Un exemple
récent : un adolescent organise une boum avec des copains, les
muttawa forcent la porte de la maison. Les mômes se retrouvent au
cachot. Ils risquent gros : un an minimum pour avoir chanté et
dansé, beaucoup plus si on trouve de l'alcool ou du cannabis, ou une
copine... voir la peine de mort si l'accusation retient le crime
d'homosexualité et de fornication.
À
cause des interdits, la vie quotidienne en Arabie est un enfer.
Pourtant,
des milliers de femmes et d'hommes luttent pour leur droits
élémentaires. Deux exemples :
Rahif
Badawi 31 ans, blogueur. Pour avoir clamé la vérité, il a été
condamné à dix ans de prison et 1000 coups de fouet.
Walid
Abu Al-Khair, son avocat a été condamné à quinze ans mais
dispensé de flagellation. Ces deux personnalités étaient déjà
des figures héroïques de la jeunesse saoudienne avant de
devenir celles des révoltés du monde entier.
Le
16 janvier, Rahif Badawi recevait le fouet en place public. Les
images font le tour de la terre. Dix jours plus tard, le nouveau roi
Salman était intronisé. On s'attendait à un geste de clémence, il
n'en fut rien. Sourd aux appels du couple Obama, de Merkel et même
du Prince Charles, Riyadh laissa entendre qu'un nouveau procès pour
apostasie aurait lieu afin de décapiter proprement les deux
empêcheurs de penser en rond.
A
Berlin, on a hoqueté. Le vice-chancellier dépêché à Riyad a
signifié le gel d'un contrat d'armement. A Stockholm, où l'un des
condamnés avait été distingué en 2012 du prestigieux Prix Olof Palme, on a manifesté.
La ministre des Affaires Etrangère
Madame Margo Wallström a décidé de faire part de la mauvaise
humeur de son pays lors d'un sommet de la Ligue Arabe où elle
était invitée. Mais au dernier moment, elle a été empêchée de
prononcer son discours par les manœuvres en coulisse des Saoudiens.
Alors elle s'est fâchée tout rouge : rupture de la coopération
militaire avec l'Arabie !
Le geste n'est pas symbolique car la
Suède, ce n'est pas seulement Nokia et Ikea, c'est aussi Ericsson,
Volvo et surtout Saab, un groupe de 13 mille ouvriers qui fabrique
des sous marins, de l'artillerie, des drones et des avions dont le
célèbre Gripen - concurrent du Rafale - vendu à 240 exemplaires à
l'export.
La
Suède c'est la 22ème puissance économique mondiale, et sa ministre
des Affaires étrangères
n'est pas une godiche de l'année!
Agée
de 60 ans, Margo Wallström a été Commissaire Européen,
Vice-Présidente de la Commission Européenne, Représentante
Spéciale du Secrétaire Générale de l'ONU... Sur la scène
diplomatique mondiale, c'est une actrice de premier plan.
Elle
vient de donner une magistrale leçon de morale, inédite dans
l'histoire des relations internationales.
Mais
aux yeux des Saoud, elle n'est qu'une femelle dévoilée. L'affront
était trop grand, le roi Salman et sa cour sont entrés en rage.
Rappel de l'ambassadeur, injonction aux pays satellites de faire de
même ; les Emirats ont immédiatement obtempéré. Campagne de
presse, appel au boycott, suspension et annulation des visas de
voyages... Parallèlement, les Saoudiens
ont demandé aux pays Européens « amis » de se
démarquer.
L'ambassadeur
de France zélé du Palais a réuni le club des hommes d'affaires
présidé par Me Mohamed Bin Laden. L'avocat, parfaitement francophone, a fort opportunément rappelé que 80 sociétés françaises ont
investi 15 milliards de dollars en Arabie où elles emploient plus de
27 000 personnes...
Bref,
la France jette une verre d'eau d'eau sur l'allumette suédoise. La
solidarité européenne attendra.
Business
is business.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire