Par
milliers, les Érythréens se noient. Tout le monde s'en fout.
L'actualité préfère les futilités : le foute balle, la
famille Le Pen, le temps qu'il fera en mai... La France se regarde le
nombril et ne veut pas lever les yeux sur l'horizon.
L'été
s'annonce serein. On a pris toutes les précautions pour éviter la
pollution. Sur la Côte d'Azur, on envisage la pose des filets pour
empêcher les immigrants de venir semer l'effroi. Imaginez la scène
en plein festival de Cannes
! Des cadavres gonflés, décomposés d'enfants, femmes et
hommes échoués sur la plage !
Suite
aux naufrages en série, le ministre de l'intérieur communicant a
sobrement stigmatisé les passeurs. Il a rappelé les bons scores de
la police et manifesté sa ferme résolution de rechercher une
« solution
européenne à ce drame humain ».
On est rassuré.
Il
y a quinze jours, le Président tunisien était à Paris. Durant les
nombreux échanges de discours, on s'est félicité de part et
d'autre de la parfaite coopération en matière de lutte contre
l'immigration clandestine. Il est vrai que depuis la révolution, les
boat-people comme les touristes, ont déserté la Tunisie. Désormais
ils embarquent depuis la Libye. C'est l'un des effets pervers de la
chute de Kadhafi. Jadis, quand les filières de passeurs étaient
dominées
par les Tunisiens,
c'était un moindre mal car elles agissaient dans le respect d'un
certain code de l'honneur. L'intermédiaire n'était payé qu'à
l'arrivée à bon port du migrant clandestin. Depuis que Sarkozy a
démoli la Libye (sous les applaudissements de Hollande) c'est dans
ce pays sans loi que sont stockés
les bipèdes avant leur exportation par les mafieux. Les pauvres
diables sont d'abord rançonnés ou contraints
de travailler deux années pour gagner leur passage ; ultime et
périlleuse étape de la migration des damnés de la mer, réduits à
la condition de gnous qui se jettent à l'eau.
220
000 traversants par an, à leurs
risques et périls. Rien qu'au mois d'avril on a repêché pas moins
de 1 500 noyés. Rendez-vous compte, cinquante par jour !
Étaient-ils
des hominidés semblables à ceux de l'Airbus du pilote fou ?
Ont-ils été identifiés ? Ont-ils été inhumés
? Leurs familles seront-elles seulement informées
?
Comparaison
n'est pas raison !
La
République n'est pas humaine. À Calais, les âmes charitables qui
offrent le gîte aux rescapés de la Méditerranée voulant tenter la
Manche sont verbalisées.
Qui osera afficher ce slogan sur les Champs Elysées : « j'aime
mon chien, j'adopte un Érythréen ».
Ils
partent de la Corne de l'Afrique, traversent en rampant les déserts
du Soudan, d'Egypte et de Libye pour ensuite tenter de pagayer vers
l'Europe. Ils sont 4 000 chaque mois !
Pourquoi ?
Le
peuple érythréen
magnifique est doublement victime d'un dictateur et de notre lâcheté
Chaque
continent traine sa honte : l'Asie a la Corée du Nord,
l'Amérique a Cuba, l'Afrique a l'Érythrée.
Une
délégation de l'ONU vient d'y passer quatre mois : « toute
la société est militarisée, le service national est universel et
de durée indéfinie...l'Érythrée est un pays où la
détention est un fait ordinaire...hommes, femmes, enfants, jeunes et
vieux dans des centres de détentions officiels et officieux, sur le
sol ou sous terre, dans des containers en métal ou dans des
grottes... »
Pour avoir une vision croisée de ce pays de cauchemar, on peut aussi
lire le blog de Léonard Vincent « les Érythréens » ou
les témoignages d'un ancien ambassadeur US révélés par WikiLeaks.
Ce
pays de la Corne de l'Afrique oublié de l'humanité humaine est un
peu plus vaste que le Portugal.
Population :
6 millions, 9 langues, deux religions, chrétienne et musulmane à
égalité.
Capitale :
Asmara 300 mille habitants.
Armée
et service de travail forcé (estimation) : entre 300 mille à 2
millions d'hommes et femmes.
Ecoles :
600.
Prisons :
800.
Président:
Issayas Aferwerki, dictateur depuis 22 ans.
Les
conscrits âgés de 18 à 40 ans peuvent échapper au service armé
imposé et acheter le droit de quitter le pays moyennant le versement
de pots de vin. La gestion de cet État pénitencier consiste
principalement à commercialiser ses ressources humaines sur le
marché international de l'esclavage pour en soutirer une rente
viagère. La première ressource de la dictature vient des transferts
des immigrés à l'étranger et de l'impôt forcé qu'ils doivent
verser à leur ambassade pour éviter les persécutions de leurs
familles demeurées au pays.
L'Érythrée
est l'un des dix pays les plus pauvres du monde en raison de
l'affectation de ses ressources à ses dépenses militaires.
Toute
la jeunesse est enrôlée pour garder la frontière de « l'ennemi
d'Éthiopie » et subsidiairement celle de « l'ami du
Soudan » et du « voisin de Djibouti ». La façade
maritime sur la Mer Rouge est renforcée par les méchants requins
qui pullulent ainsi que par quelques commandos de coopérants
étrangers en villégiature discrète.
L'état
de guerre permanent avec l'Ethiopie voisine au prétexte d'un
différend frontalier
sans enjeu permet au régime sans foi d'imposer sa loi martiale
permanente sur l'ensemble d'un territoire qui est totalement
militarisé.
Les
paradisiaques îles Dahlak sont des destinations à la mode chez les
jeunes milliardaires des monarchies voisines du Golfe auxquels se
joignaient jadis les rejetons de Kadhafi. Ils débarquent aux beaux
jours d'hiver en C-130 Hercules avec 25 tonnes de matériel de
camping, 4X4 et jet-ski pour des week end de fête.
Une
entreprise franco-qatari y a construit des infrastructures de luxe
ainsi qu'une dizaine de résidences touristiques à Massawa, ville
qui dispose d'un aéroport international jamais inauguré et d'un
port en eau profonde jamais fréquenté sauf par les navires de
l'armée israélienne qui a loué dans la région plusieurs bases
d'observation et d'intervention. Il faut dire que l'Érythrée attire
les curieux car son rivage sur la mer Rouge commande le détroit de
Bab el Mandeb où transite le pétrole vers le Canal de Suez.
L'état
voyou est suspecté de pactiser avec les Saoudiens,
les Iraniens, les Chinois
et surtout avec les shebab somaliens, mais c'est au gré du plus
offrant.
L'indéboulonnable
dictateur Afewerki est un malin retors qui
pratique avec talent l'art de la duplicité diplomatique. Peu
d'informations filtrent sur ce septuagénaire ancien maoïste formé
à l'université de Pékin sous la Révolution culturelle. Il serait
caractériel, alcoolique, malade régulièrement opéré à Tel Aviv
et Doha...
De
son coté, l'Union Européenne parle pour ne rien dire car elle ne
veut rien faire. Elle est « préoccupée »
par la situation , « maintient
un dialogue politique »
tout en dénonçant régulièrement les violations aux droits humains
fondamentaux, toutefois, « la
Commission poursuit sa coopération ».
Pourquoi
nul n'a pensé
à créer
une armée « libre » à l'exemple de celle partie
en croisade pour « punir Bachar » ?
Pourquoi
la coalition de l'Arabie Saoudite dont cent avions bombardent
quotidiennement les Yéménites
sous les applaudissements occidentaux n'a-t-elle pas songé à
détourner un F16 sur le Palais d'Asmara ? Où sont nos Rafale
tueurs de dictateurs
? Qu'est devenue la doctrine de l'ingérence humanitaire ?
L'Érythrée
est le second pourvoyeur de l'immigration clandestine en l'Europe. Ce
peuple errant qui ne demande qu'à vivre paisiblement sur sa terre
est contraint de fuir le régime abjecte d'un dictateur fou dont la
communauté internationale toute entière est complice.
Il
y a sûrement
quelque chose à faire !
Pour
en savoir plus :
2 commentaires:
Bonjour,
Dommage que votre excellent billet soit gâché par le relais de la désinformation des chiens de garde au sujet de Cuba qui n'a absolument rien à voir avec une dictature comme l'Erythrée ou la Corée du Nord.
Je me permets de vous conseiller les articles ou les livres du Pr Salim Lamrani, qui informe objectivement, sans parti pris idéologique, avec preuves d'organismes internationaux à l'appui de la situation cubaine.
Cordialement.
Bonjour,
Vous avez raison, Cuba Etat en état de siège international depuis 1962 a des circonstances ô combien atténuantes.
Merci de votre cordial passage et de votre conseil de lecture.
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