29
ans selon la rumeur, 35 selon la biographie officielle. Fils de roi.
Vice-prince héritier, Chef de la cour royale, ministre de la défense
et de l'aviation, second vice Premier-ministre Président du Conseil
économique et de Développement... Bref, Mohamed ben Salman Al Saoud
est le Général en chef de la troisième puissance militaire du
Moyen-Orient et PDG du premier fournisseur de pétrole du monde.
Jamais
dans l'histoire de la dynastie des Saoud, un prince n'avait accumulé
autant de pouvoirs. On le dit benêt, on le suppose inexpérimenté
et capricieux, on le moque, on le craint. Contrairement à ses
prédécesseurs gérontocrates, son espérance de vie dépasse le
quinquennat. Il a devant lui des décades pour réaliser son
ambition de dominer tous les musulmans de la terre par le sabre ou
l'argent.
Mais
cela, si Allah le veut !
Le Prince s'en va-t-en guerre
D'allure
douce et placide, le Prince a grandi à l'ombre d'une mère de
fer et d'un père de velours.
Contrairement à ses frères brillament diplômés, il n'a pas suivi
d'école à l'étranger. Nul ne connait ses précepteurs, ses idées,
ses penchants vertueux ou pervers. Délaissé par les courtisans,
nul n'aurait l'an passé misé sur sa destinée.
Pourtant, en trois mois, il est passé de l'ombre des chambellans à
la lumière des grands de ce monde.
De
lui dépend la paix ou le cataclysme.
Depuis
l'intronisation de son papa roi, au début de l'année, Mohamed
bouscule tous les usages.
Sans
crier gare, il a déclenché
une guerre contre son voisin le Yémen pour intimider les chiites
persophiles et les démocrates musulmans. C'est un désastre !
Les nationalistes tous unis dans la défense de leur terre ont opposé
une résistance farouche ; sauf dans l'Hadramaout, province
contrôlée par d'Al Qaïda, ennemi juré des houtistes qui est
sigulièrement épargné, car pour Salman, les ennemis de mes ennemis
sont mes amis.
Depuis
deux mois, l'aviation saoudienne pilonne
quotidiennement les villes de Sanaa, Aden, Taez et Saada. Sans
résultats. Etonnamment, elle a perdu plusieurs bombardiers. Pire,
son chef d'Etat Major a été victime d'un tir de missile alors qu'il
inspectait une base proche de la frontière (officiellement, le
généralissime a
succombé à une crise cardiaque à l'étranger ).
Les
boucs émissaires de cette déconfiture ont facilement été trouvés
; c'est la faute au cartel des fournisseurs étrangers !
Des
armes inopérantes
Les
premiers
dénigrés sont les Américains dont le coûteux bouclier
anti-missiles est une passoire, ensuite les Européens dont le
« mur électronique » édifié à grands frais
n'empèche pas les Yéménites
de venir semer la panique dans les villes et les villages saoudiens
proches de
la frontière, enfin la France, - pourtant chouchou du moment -, dont
les échos de l'insatisfaction princière ont bruissé à cause des
performances et de la disponibilité perfectibles des frégates
Sawari. Paris a promis de redoubler d'ardeur et de se racheter.
De
son
côté,
profitant des circonstances, et de l'absence de critiques
désobligeantes, Londres la perfide liquide discrètement ses stocks
d'invendus au prix fort.
À
l'inverse, Berlin s'est aligné sur Stockholm: sa coopération
militaire avec Riyad est en hibernation.
La
monarchie wahhabite se sent d'autant plus mal aimée que
ses alliés traditionnels l'Egypte et le Pakistan ont trouvé des
prétextes divers pour éviter d'aller affronter les guerriers
yéménites dont l'ardeur au combat est légendaire et qui de
surcroît
sont des coreligionnaires musulmans comme eux. Après tout, cette
guerre n'est pas un jihad.
Mohamed
chez Vladimir
Le
18 juin, entre deux javas strictement privées en France et aux
Maldives, le royal jumbo-jet particulier du prince Mohamed ben Salman
s'est posé à Saint-Petersbourg pour assister à un forum que les
économistes de l'Ouest surnomment
avec condescendance
« le Davos de l'Est ».
Accueilli
comme un Chef d'Etat, il a longuement rencontré Vladimir Poutine
pour parler de la pluie et du beau temps qu'il fera en Syrie, Yémen,
Iran, Irak, Libye... Après les bavardages d'usage, on les a vus
trinquer, flutes à la main : champagne de Crimé contre
limonade. Le symbole est fort, il prouve que chacun y a mis du sien.
Selon
les indiscrétions de la toile le deal secret serait énorme et irait
bien au delà des six accords rendus publics.
Dans
le secteur de l'énergie : Vladimir et Mohamed pèsent le
quart de la production mondiale mais avec leurs obligés d'Asie
Centrale et de l'OPEP c'est largement plus de la moitié du marché
international qu'ils contrôlent. Probable que d'ici quelques
semaines, le prix à la pompe pourrait s'en ressentir.
Ils
ont aussi signé des traités en matière scientifique, spatiale mais
également nucléaire : la Russie s'invite dans la compétition
pour la construction de 16 centrales.
Au
plan « sécuritaire » et au nom de la lutte contre le
terrorisme, Salman et Poutine auraient topé sur des OPA amicales et
des cessions de parts des multinationales Al-Qaïda, Daech et autres
moyennes entreprises de Mésopotamie et du Yémen...
Enfin,
pour sceller cette nouvelle amitié, Mohamed aurait souhaité passer
une première commande de 17 milliards de dollars d'armement.
Bon Prince, Poutine aurait promis quelques brigades de blindés, une
palanquée de missiles et quatre escadrilles de bombardiers à livrer
à l'Egypte.
Mohamed
chez François
Moins
d'une semaine après son accolade avec Poutine, Mohamed Ben Salman
était à Paris. Tapis rouge et Marseillaise. L'ordre du jour du
vice-monarque était le même qu'en Russie : « diplomatie
du carnet de chèque »
La
France a été récompensée de son alignement diplomatique par une
pluie de contrats : 12 milliards (avions civils, hélicoptères,
études de centrales nucléaires...)
Selon le Twetter arabe Mujtahidd généralement bien informé, Paris
aurait également vendu de l'imagerie satellitaire et du
renseignement stratégique. La conclusion de marchés d'armements
pour quelques dizaines de milliards de plus (patrouilleurs, sous
marins et même Rafale) aurait été ajournée au dernier moment en raison de la
pression des concurrents américains mais aussi et surtout à cause
de chikaya gauloises qu'un roman ne
suffirait pas à relater. Le Drian ministre vaillant devra y mettre bon ordre
durant les vacances pour permettre la signature du contrat de tous
les records dès
le mois d'octobre.
La
NSA écoute, Obama ne dit rien
L'entente Riyad-Moscou-Paris et l'activisme des Salman pour inluencer les
négociation du 5+1 et saboter la levée du boycott de l'Iran est
pris très au sérieux à Washington qui écoute mais ne dit et ne
fait rien. Le pacte du Quincy de 1945 sur la garantie de la sécurité
du Royaume wahhabite par les USA a du plomb dans l'aile. Pourtant,
Washington tourne le dos et feint d'ignorer les gesticulations
saoudiennes dont les permanentes insultes aux droits de l'homme et à
la condition de la femme indignent l'opinion publique américaine. Le
chien aboie, la caravane passe... Il sera bien temps
d'intervenir à la fin des négociations avec l'Iran. En outre, dans la perspective des élections
présidentielles
US en 2016, l'Arabie est un sujet clivant entre démocrates et
républicains. L'opinion américaine est régulièrement réveillée
par les indices de suspicion de l'implication des services saoudiens
dans l'attentat du 9/11 et l'évocation
des complicités d'affaires entre les dynasties Bush et Saoud est
embarrassante. Dernière cerise sur ce gâteau amer, Wikileaks vient
de mettre en ligne un demi million de cables diplomatiques qui relatent les
turpitudes saoudiennes. Bref, à Washington, les Saoud sont devenus
infréquentables alors il est probable que la Maison
Blanche restera dans la prudente attente de la prochaine révolution
de
palais
sachant que les wahhabites malgré leurs coups de menton ne peuvent
pas s'affranchir de la tutelle militaire et sécuritaire des USA.
Napoléon
d'Arabie
L'armée
saoudienne en guerre a piteusement constaté qu'elle n'était qu'un
tigre de papier inopérant dès lors que le support technique de son
principal fournisseur lui faisait défaut. Comme il est trop
tard pour diversifier ses sources d'approvisionnement, Riyad tentent
les cartes illusoires du bluff.
En marge de la tournée du jeune
Prince à Moscou et Paris, Riyad a fait savoir que pour équilibrer
la menace avec l'Iran, le royaume avait les moyens d'acquérir l'arme
nucléaire sur étagère. Au Pakistan ? En Corée du Nord ?
À
prolonger cette tension impopulaire les Saoud
pourraient bien être contraints à la détente sous la pression de
leurs sujets et de la communauté internationale. La société
saoudienne est malade ; elle est figée dans un carcan religieux
aberrant sans perspective d'intégration aux lois du siècle. Chez
les moins de trente ans (75% de la population) le chômage,
l'assistanat, l'isolement, la drogue, l'obésité et la paranoïa
sont des maux endémiques. La guerre du Yémen et la croisade
anti-chiite ne parviennent
plus à distraire la population de ses conditions pitoyables de vie
au pays de Mohamed et de Crésus.
La
trésorerie de plus de 700 milliards de l'Arabie permet toutes
les audaces. Mohamed ben Salman après avoir tenté sans succès la
stratégie de la guerre, pourrait être inspiré par celle de la
réforme. Il n'est pas interdit de rêver !
Sur
les réseaux sociaux, le jeune prince est affublé du surnom de
« petit Général » ; comparaison sans raison avec
le Général Bonaparte qui au soir de sa première victoire reçu de
ses soldats le titre de « petit Caporal ». La route sera longue et n'est pas Napoléon qui veut !
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